Enfance, de Kraveles à Saona :
Uriel est orphelin. Depuis toujours, il nourrit en lui cette colère qui un jour, fera basculer sa vie... Il fut recueilli par un herboriste du nom de Khaal, qui habitait dans le marais de Kraveles. Il l'appela "Oncle" et le considéra comme sa seule famille. L'homme lui enseigna tout ce qu'il savait, notamment sa connaissance poussée des plantes et du marais.

Son oncle fut appelé par le conseil des Nascors, soucieux de mieux connaître les territoires marécageux de Kraveles. Il se rendit donc à la capitale pour y vivre accompagné de son neveu. Uriel s’acclimata rapidement aux mirlis et à la nature plus généreuse de la région. Cela fut plus compliqué avec les mœurs et ses semblables. A vrai dire, il vécu en vase clos avec son oncle dans les marais, pendant près de huit ans. Il se sentit tout de suite exclu, voire rejeté par ses semblables et trouva refuge dans la forêt. L’écorce des mirlis lui a épongé bien des peines et des chagrins. Il trouva une oreille réconfortante auprès de ces arbres si robustes et pourtant tellement tendres. Il rêvait secrètement de devenir gardien, pour enfin témoigner de sa valeur auprès de ses semblables. A cette époque, il manquait cruellement de reconnaissance.

Il continua son apprentissage herboristique sous la tutelle de l’oncle Khaal, toujours soucieux de son éducation. Ce dernier ouvra une petite pharmacopée en plus de son activité de guide auprès du conseil. Uriel du ainsi l’aider à alimenter le fond de commerce. Il était quotidiennement chargé de recueillir de la sève de mirlis, ou de cueillir certaines fleurs.


Réflexion :
L’adolescence venu, il comprit mieux les codes sociaux qui régissaient les relations entre pairs. Pour autant, il n’y adhéra pas vraiment, préférant se distinguer de la masse, lui le gamin des marais. Intrépide, aventureux et rebelle, on commença à s’intéresser à lui. Sa connaissance de la forêt intrigua voire fascina certains de ses camarades. Il cultivait toujours le rêve de devenir gardien.  Malgré son intégration déficiente, grâce à l’appui de son oncle et à ses qualités d’herboriste, il entra à l’académie en épousant cette voie. Son oncle fut fier de lui.

La maladie l’emporta peu de temps après. Se retrouvant seul et incapable de gérer la boutique, Uriel en revendit les fonds mais continua son activité d’herboriste. Il hérita également du bâton de promeneur de son oncle, qu’il garde désormais toujours près de lui. Pour surmonter sa solitude, Uriel commença à parler aux arbres. Il resta ainsi sans réponse pendant de longues années.  Un jour, aux environs de ses seize ans, alors qu’il apposa sa main sur le tronc d’un mirlis, une étrange sensation l’envahit. Il ressentit l’âme de cet être de bois résonner en lui-même. Sans communiquer de quelque façon que ce soit, il ressentit toute la douleur que renfermait l’écorce de l’arbre. Toutes les nuits, il se retrouva accroché aux branches du mirlis pour communier avec lui. Un jour, il comprit que celui-ci était bien plus en peine que lui-même. Sans le vouloir, il absorba le chagrin de l’arbre en son être. Telle était la vérité qu’il possédait, mais il ne s’en rendit compte que bien plus tard. Il décida de construire sa maison au creux des branches du mirlis en question, qu’il ne quittait désormais plus. Une jeune fille fréquentait cet arbre depuis peu. En réalité, elle le suivait… et elle comprit l’étrange vérité que renfermait ce sauvage des marais. Depuis peu le mirlis mourant avait retrouvé toute sa vigueur. Il trônait désormais fièrement au milieu de ses semblables, débordant de vie, comme purgée de tout mal. A l’inverse, Uriel fut malade pendant plusieurs mois… pris d’une tristesse s’apparentant à une forme de dépression. On mit ça sur le coup de la perte de son oncle. La jeune fille touchée par Uriel. Elle l’apprivoisa et prit soin de lui pendant plusieurs mois. Dans leur maison, au pied du mirlis, ils se marièrent et eurent un premier enfant, un garçon. Sa naissance sortit Uriel de son mal-être inexplicable.

Sa formation achevée, on lui proposa, en raison de ses qualités et de son nom : Khaal, de rejoindre une compagnie d’expédition. Celle-ci était chargée de rédiger La grande encyclopédie de la flore de Madelle, un grand projet de recensement, lancé à l'initiative des Nascors. Pendant plusieurs années, il partit sur les routes de Madelle, répertorier et classifier la flore du pays, en compagnie d'herboristes de renom, qui à leur tour lui transmirent tout leur savoir de médecin-herboriste. En retour, il fut un piètre mari pour sa femme et un père absent pour son fils.


Tragédie œdipienne retournée :
Au cours de cet odyssée, il du se rendre, en compagnie de ses pairs, dans le marais de Kraveles, son pays natal. De la même façon qu’il fut touché par ce drôle de mirlis à Saona, son attention se porta un jour sur un drôle de palétuvier, un arbuste de la mangrove  kravélienne aux racines aériennes. Ses feuilles dorées retinrent son intérêt. Il n’en avait jamais vu de si resplendissant, même dans ses souvenirs. Il y apposa la paume de sa main contre ce qu’il imaginait être le cœur de cet être végétal. Il y entra instantanément en communion et perdit connaissance. Ses collègues le ranimèrent au dispensaire. Entré dans une forme de coma cérébral, il rechercha l’arbre pendant plusieurs jours peu après avoir repris connaissance. Néanmoins celui-ci sembla s’être littéralement volatilisé. Dans ses souvenirs partagés avec l’être végétal, il voyait un étrange serpent.

Cinq longues années s’écoulèrent le temps de sa mission, sans nouvelle des siens. Il rentra enfin chez lui à Saona. Il découvrit alors un autre homme dans son lit, et un autre enfant dormant à côté du sien. Pris d'une colère noire, il étrangla tous ceux qui étaient présents ce soir là...

Un serpent du nom de Eve, plus tard rebaptisé Vivi, rejoignit la scène de crime, déroulant son corps le long du mirlis fondateur. Elle était le serpent de la mangrove, vu dans la communion avec l’arbre. Elle se présenta comme son gardien et avala les corps morts jonchant le plancher, afin de faire disparaître toute trace de meurtre. Il partit dans la nuit après avoir planté une lame dans le cœur du mirlis sur lequel il avait bâti sa demeure… lui aussi méritait de souffrir. Désormais il n'avait ni maison, ni famille. Il grava le mot " pardon " dans son bâton (hérité de son oncle), quelques mois après son départ.

Sur les conseils de Vivi, Uriel continua de parcourir le monde pour enrichir l'Encyclopédie. Au cours de ses voyages, il aida de nombreuses personnes à guérir de maux, maladies et blessures en tout genre grâce à son herboristerie. Il décida d'en faire sa vocation et devint un Neustro-herboriste de talent. Au cours de sa longue traversée sans fin, il développa certaines facettes de sa Vérité, comme pour le délivrer de ses propres blessures.

Un jour, il rencontre Simbel, un jeune garçon de l’âge de son fils défunt, grièvement brûlé, reposant sur la souche d’un mirlis abattu, près du lac Loida. L’arbre lui révéla le secret d’un cercle de soin pour guérir le chérubin. Pris de folie, Uriel se tailla la paume gauche de sa main comme pour dessiner ce que lui montrait l’arbre. Inconscient et possédé, il soigna l’enfant. Dans ses rêves, il vit son fils guérir de ses mains.

En se réveillant et en reprenant ses esprits, il pu contempler sa main sanguinolente, gravé. Plus tard, un tatoueur vint recouvrir la cicatrice par de l’encre indélébile. Il ne revit jamais l’enfant, ne sachant pas vraiment si ce dernier était réel ou fictif… Tout ça semblait si brumeux dans son esprit…