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 Farondor.  Un nom qui n'appartenait pas au pauvre forgeron qu'avait été son père.  En l'an liare 2057, Malgard s'était déshérité par orgueil.  Son père avait été convié au palais pour y présenter ses dernières créations, des armes de cristal de feu sertis de solarias.  Magnifiques, certes, mais Malgard lui avait joué un tour en volant le pouvoir des gemmes.  Contrairement aux grandes gerbes de flammes promises, ses épées ne parvinrent qu'à cracher quelques étincelles.  Cela n'avait bien évidemment pas été à la hauteur des attentes du Roi, qui avait alors ridiculisé le forgeron de grossières paroles.  Le fils, en retrait, avait admiré la scène : quel étonnement devant la puissance qu'octroyait le titre de roi !  Son père, un liare pourtant grand et fort, agenouillé misérablement, plié devant un être plus puissant, à balancer ses plates excuses...  Ce sentiment qui avait habité Malgard, il s'en souviendrait toute sa vie.  La pitié.

Son père n'était cependant pas resté dupe.  De retour à la forge, il avait prit son fils à la gorge pour le menacer de lui tordre le cou.  Après tout, le forgeron n'avait jamais apprécié cet enfant rachitique qu'était alors Malgard, seul gamin qu'il ne puisse jamais avoir.  Trop faible pour l'aider à la forge, il l'avait surpris un soir à prier Simius pour sa connaissance.  S'il l'avait menacé de lui couper les cornes, il fut pris d'un élan paternel et s'était ravisé.  Son père était un faible, un être sans ambition, qui préférait maudire les dieux pour la faiblesse de son fils plutôt que de le punir.  De cela, apprendrait Malgard ; jamais il n'oserait demander à Simius ou à tout autre dieu ce qu'il ne pouvait accomplir d'abord.

De la Vérité volée des gemmes, Malgard fit éclater sa colère.  Les flammes explosèrent dans la forge et son père fut soufflé contre le mur opposé.  Devant sa rage, le forgeron prit peur mais ne put réagir.  Tombé à ses pieds, le père leva les yeux et lui demanda pardon.  Malgard le toisa un instant et partit.  La sensation d'écraser l'espoir de son père fit naître en lui une appétit insatiable.  Il ne le reverrait qu'à sa mort, dix ans plus tard, afin de prendre possession de la forge et la transformer en son principal commerce, le Vierge Ragnak.  

Entre temps, Malgard tenta du mieux qu'il put d'établir certaines connections, afin de bâtir lentement son empire commercial.  Doué pour les chiffres, il avait également un intérêt grandissant pour la lecture.  Bien que difficile de trouver quoi lire, il travailla pour plusieurs commerçants locaux.  Il avait compris que la richesse pouvait lui apporter une certaine réputation.  À se promener entre des établissements pas toujours légaux, Malgard avait été témoin de scènes cruelles.  Bien que souvent spectateur, les rares fois où il se retrouva dans de pareilles situations, il en garderait l'amer goût afin de servir des années plus tard une revanche sanglante.  En une dizaine d'années seulement, Malgard s'était forgé un égo surdimensionnée, nourri par sa soif de pouvoir.  Son intelligence mauvaise lui avait permise de se créer des liens pas toujours nets, mais toutefois utiles.

En dix ans, Malgard était passé du maigrelet garçon des rues, le regard avide et vengeur, à l'orgueilleux marchand, au regard intelligent et hautain.  Mais bien qu'il contrôlait déjà plusieurs établissements, Malgard souhaitait plus, beaucoup plus.  Aussi, entreprit-il de concilier quelques arrangements avec les membres les plus hauts gradés et à étendre un réseau de connaissances des plus scrupuleux.  Car Malgard était un serpent, qui se faufilait sous la pierre et attendait son heure pour frapper.  Son étreinte était, dit-on, mortelle.

Cela lui pris sept ans de plus.  Pour un total de dix-sept années de durs mensonges et de hautes arnaques.  Dix-sept ans, depuis la première fois où il avait goûté au pouvoir.

Malgard Farondor n'était cependant qu'à l'entrée...