Kharis est la petite dernière d'une importante fratrie. Imaginez une famille liare avec cinq enfants, dont des jumeaux en bas-âge, et vous aurez une bonne idée du chaos dans lequel Kharis vint au monde. Son père, soldat, n'avait que peu de temps à consacrer à la marmaille. Sa mère faisait de son mieux, il faut le lui reconnaître, mais elle voyait plus ses enfants comme un problème à régler et des bouches à nourrir qu'autre chose. De toute façon, Kharis ne demandait que peu d'attention par rapport à ses turbulents aînés : dès l'enfance, elle se montra d'un calme étonnant pour une liare.

Quand elle eut dix ans, ses parents décidèrent qu'elle était assez mature pour quitter le nid et se rendre utile en gagnant sa croûte. C'était cependant plus facile à dire qu'à faire : l'armée ne recrutait pas les enfants aussi jeune et la plupart des marchants n'avaient guère envie de s'encombrer de la progéniture d'un autre. Ce fut finalement Liorenth, un vieil armurier, qui accepta de prendre la gamine en apprentissage. L'artisan n'avait pas d'héritier, et il s'était presque résolu à mourir sans transmettre son savoir-faire, mais quelque chose dans l'attitude de Kharis le convainquit de tenter l'expérience.

La relation entre l'artisan et sa jeune élève fut un peu froide au début, aucun des deux n'étant d'un naturel extraverti, mais ils finirent pas s'apprivoiser, et même par s'apprécier sincèrement. Kharis développa rapidement un intérêt pour ce que lui transmettait Liorenth : le contraste entre la précision des manipulations demandées pour dompter la poudre et la puissance destructrice qui en résultait la fascinait. Son calme et sa détermination l'aidèrent également à ne jamais se décourager quand les erreurs et les heures de travail s'accumulaient. Finalement, jamais Liorenth n'eut à regretter le choix qu'il avait fait en la choisissant comme élève.

Ce fut lui aussi qui dut éveiller la jeune fille à sa Vérité. Depuis qu'elle avait quitté le foyer familial, Kharis n'avait presque plus aucun lien avec ses parents, et par conséquent personne pour l'aider dans la maîtrise de cette magie. Or sa Vérité du Feu se révéla aussi précieuse que dangereuse dans la voie qu'elle avait choisi : elle est capable de créer des étincelles en exploitant sa propre chaleur corporelle ou celle de son environnement. Liorenth dû donc s'improviser éducateur dans ce domaine pour éviter tout risque d'explosion. Cela rallongea un peu leur journées, mais ce fut aussi une façon pour eux de sceller leur relation : Kharis en vint à considérer l'artisan comme un véritable père pour elle, et l'affection s'ajouta au respect et à l'admiration qu'elle avait pour lui.

Quelques jours avant son vingt-deuxième anniversaire, le jour de la fin de son apprentissage arriva. A cette occasion, elle s'enferma tout un mois pour travailler seule sur le projet qui devait prouver à tout le monde qu'elle était capable d'exercer sans son maître à présent. En résulta un pistolet à percussion à l'allure sobre : ce que désirait Kharis, c'est que seul un œil averti soit capable d'apprécier la crosse était faite d'un bois noble et rare, la qualité des métaux employé, la précision de l'assemblage et la légèreté de l'ensemble. Après tout, chez les liares, ce sont des qualités plus appréciées que de frivoles ornements.

Après ça, quitter l'atelier du vieil homme fut difficile pour elle, car elle en était venue à considérer cet endroit comme sa maison. Après tout, elle avait passé plus de temps chez lui que chez ses parents biologiques... Mais elle est aussi secrètement excitée à l'idée de découvrir ce que l'avenir lui réserve maintenant qu'elle est enfin indépendante.