Sheol, un des rares soigneur natif des glaces, et Shanyel, héléo d'eau, voleuse de charme, radoucie et calmée par ce mâle au fils des ans, dans un coin reculé de Qartas, donnèrent naissance en 2527 à une autre héléo des glaces. Autrement dit, moi.
Naître sur un lieu où quelques atrocités commises par luxure ou désir, de vols, de violence, donne un être ayant soif de justice. L’acte commis par la colère : certains des nôtres attirés par l’énergie brute, la force. Tel un déchaînement des éléments. Mais détrompez-vous, je ne fais nullement partie de ceux-là. Quant à la paresse, n’imaginez pas que nous soyons très actifs ; encore faut-il que nous ayons envie. Enfin ceux qui en sont pourvus de cette paresse, sont les plus efficaces dans tout ce qui touche l'oisiveté. L’orgueil ? Me croirez-vous si nos plus puissants « diplomates » en sont nés ? Non bien sûr. Quoique à la réflexion... Et enfin la gourmandise. Et oui ! Il y a toute sorte de gourmandise. Cela pourrait être la nourriture, la chaire, et bien d’autre encore. Mais alliez un soigneur héléo des glaces puis une voleuse de charme, héléo des eaux, cela peut donner une drôle de petite native des glaces, aimant la droiture et la justice.
Shanyel avait tant et tant de désir, qu'il lui arrivait de commettre bien pire qu'un simple vol lorsqu'elle charmait ses victimes. Au point qu'elle n'avait pas le temps de passer à autre chose, de voir autrement. Jusqu’au jour où elle apprit que Sheol l’avait mise enceinte. Depuis ma naissance, ma génitrice s’est mise à avoir faim de paix et de sérénité qu'elle changea du tout au tout. Tant et si bien qu'elle devint une des couturières les plus prisées parmi les nobles. Mon père lui, devint plus sage, plus méticuleux encore.


Mon enfance, pour le moins assez courte dirais-je presque, fut des plus banales pour les nobles, chanceuses pour les familles non aisées. Autant dire, pour ma part, que je me sentais honteuse de cette chance. Dans un sens je me demande encore comment peut être une éducation... normale. Oui, avoir des percepteurs à la maison pour donner des leçons sans arrêt sur "comment se tenir en société", "comment parler en société", parler d'étiquettes me fatiguaient très souvent. Au grand dam de mes parents, qui espéraient pouvoir me présenter au Palais. Soyons honnête ! Il y a des cours que j'affectionnais particulièrement. Ils sont au nombre de 4 pour être plus précise.
Mon favori d'entre tous fut un érudit du nom d'Elias, qui me faisait parcourir des lieux et des lieux entre les eaux et les glaces afin de connaître nos territoires jusqu'au bout des ongles. Le récif d'Emériata, qui reste un délice pour mes pupilles, car riche en couleur. A côté duquel je fais pâle figure. Il y a également la limite des Pics de Terca, là où je n'oserai pas y mettre un aileron tant que l'on en me donne pas l'ordre. Mais ce n'est pas pour autant que ça me fait peur. C'est juste que je ne pense pas avoir les muscles assez puissants pour y faire un tour. Il y a aussi un autre lieu, où par sécurité, la famille royale y a interdit l'accès. Un lieu qui peut faire froid dans le dos de n'importe qui. Même à moi. Et pour cause. Un jour, par légitime défense, j'y ai propulsé un héléo des eaux, je n'étais même pas majeure et encore moins chevalier. Un véritable cauchemar qui me hante encore la nuit, qui me fait frémir dès que j'en entends parler. C'est limite si ce n'est pas le sujet qui me fait perdre le contrôle. L'Abysse de Llaegha. Je me souviens encore des cris du malheureux qui tentait de nager à contre courant pour revenir vers moi, des menaces de mort qu'il proférait. Mais continuons. Vient enfin les eaux qui m'ont fait voir le jour. La Mer de Glace. Ce lieu n'a plus aucun secret pour moi. Je connais le moindre recoin. Qu'il soit baigné de soleil ou qu'il soit oublié par l'astre diurne. Que j'aimerai que notre reine et notre roi nous honorent de leur visite un jour. J'aimerai tellement pouvoir les y amener. Mais pour une raison qui m'est inconnue, je ne me souviens pas de leur passage. Pourtant, c'est bien lui qui m'a adoubé.
Le second et non pas des moindres se nommait Byggvir. Lui était à mes côtés pour m'apprendre à connaître et à respecter notre "mère" à tous, la déesse des eaux, Eliosa. Comme tout un chacun, je la vénère. Si je n'avais pas pris les armes pour défendre la veuve et l'orphelin et agir selon notre roi, je crois que je serai devenue une des ses prêtresses. Pourquoi ai-je eu une perceptrice pour cela ? Tout simplement parce que mes parents étaient trop occupés pour s'occuper de moi. Byggvir était un peu comme un second père pour moi. Droit et juste. Pas le genre de père qui surprotège sa fille unique. Au contraire.
Mon avant dernier percepteur, non pas des moindres, Akhoris, était celui qui m'appris à développer à contrôler ma Vérité de la Glace. Je me souviens d'une de ses manifestations. La voici. C'était un jour où, en surface, il pleuvait à verse, que les courants étaient plus forts que la normale. Un instant que je prenais pour lire l'histoire de notre nation. J'entendis Myria hurler. Myria âgée de 5 ans de plus, était une héléo, devenue alchimiste. C'était ma seule amie et confidente. Nous étions inséparables lorsque nous avions un peu de temps. J'ai tout lâché et je me suis précipitée vers son atelier. Mais je suis arrivée trop tard. Juste eu le temps de voir un héléo fuir. Je me suis demandée pourquoi. Néanmoins les détails ont fait en sorte que je ne contrôle rien. L'atelier était sans dessus dessous, des tr aces de sang par-ci par-là. La crainte pourtant fondée montait en moi. Tant et si bien que je me suis mise à hurler aussi fortement que mes cordes vocales me le permettaient, écartant les bras de rage, me précipitant dans tous les sens. Ma première manifestation puissante de la Vérité. Ma Vérité. Un sosie de glace transparente sorti de mon être pour détruire l'atelier complètement, m'emportant au passage à la poursuite de l’assassin. J'étais partagée entre la fureur et la tristesse de la perte d'un être cher. Je ne voyais plus rien. Tant et si bien que je renversais tout sur mon passage. Akhoris parvint à me rattraper juste à temps. Juste à temps pour m'empêcher de commettre l'irréparable. Tuer l'assassin de mes propres mains. Enfin... des mains de ma création. Les yeux verts émeraude de mon percepteur me pénétrèrent si profondément que ma création disparut, que l'assassin semblait comme... paralysé, tandis que moi, je m'effondrais en pleurant. La seule et unique fois où une personne me vit dans cet état.
Vint enfin Thelia. Ma dernière perceptrice appréciée. C'était limite si je ne la voyais pas à l'insu de mes parents. Eux qui voulaient me voir dans la Haute Société. J'en souris encore lorsqu'il m'arrive de leur rendre visite. Je ne remercierai jamais assez cette femme. Cette femme, avant l'adoubement, a fait de moi un être juste, plus réfléchi, plus sage, n'agissant plus autant sur un coup de tête. Mon premier maniement des armes. La lance. Oui c'est à elle que je le dois. Oh avec elle, je n'appris qu'à me défendre, et j'aimais cela. Je n'ai même pas eu besoin de lui demander ce que je pouvais faire d'utile de ma vie, qu'elle me "kidnappa" avec mon accord afin de m'amener vers une vie plus... saine aux vues de mon caractère. Les chevaliers.


Ah les chevaliers ! Comment y ai-je pu entrer ? Thelia était l'épouse d'un des instructeurs. Ce n'est que plus tard que je l'appris. Avant d'être à ce rang, j'ai appris à être un soldat. A me défendre encore mieux qu'avant, à attaquer au besoin. De ce côté là, il n'y a pas à dire, j'étais docile et apprenais aussi rapidement que certains. Ce qui était un peu moins facile, se faire respecter, se faire une place. Oh bien sûr, nous étions quelques femmes à apprendre le maniement des armes. Les instructeurs étaient forts habiles pour nous inculquer tout cela. Mais quelques unes d'entre-nous n'avaient pas assez de force, de caractère pour tenir le coup.
Je n'ai pas vu le temps passer. Je n'ai même pas fait attention lorsque le roi nous rendit visite. Un jour d'entrainement pas fait comme un autre en somme. Un jour où je parvins à désarmer l'instructeur et 2 autres soldats très bien placés. Notre seigneurie n'était pas loin derrière, et je n'ai rien vu venir. Au point où j'ai failli lui égratigner quelques écailles dans mes mouvements. Je me suis arrêtée juste à temps.


Très court passage de ma vie qu'en ce jour particulier. Sheol, Shanyel, Elias, Byggvir, Akhoris et Thelia étaient présents. J'étais vêtue d'une robe bleu ciel et ample, les cheveux domptés et libres, parée des bijoux de famille, en argent. A peine arriève au Palais qu'on me fit revêtir la tenue de chevalier, sans m'expliquer quoique ce soit. La salle du Trône était pleine. Ce n'est qu'à cet instant que je compris et reconnu le roi. Qu'on me pardonne, ce n'était que la troisième fois que je le voyais. Il y avait aussi mes frères et soeurs d'armes. Nous avancions chacun notre tour, à l'appel de notre nom. Un genou à terre, la tête basse, ayant crainte de regarder notre souverain droit dans les yeux, également par pur respect de son rang, à prêter allégeance. Oui, cela se passa bien trop vite à mon goût. Je n'ai pas apprécié la réception car après tout, mon devoir était le serment fait à la famille royale. Pourquoi tant de fastes ? Je n'aime pas faire montre de ma fierté aux yeux de tous. Je faillis m'en évanouir. J'avais si chaud, que je m'éloignais un peu. Les six êtres me connaissant parfaitement, eux, n'ont pas caché leur joie et leur fierté. Même si contrairement à la plupart, je ne suis pas montée en surface à ma majorité. Je ne connais même pas ma forme humaine. C'est pour dire.

Enfin bref. L'adoubement. Jamais je n'y avais tant pensé. Désormais, je suis retournée en mer de glace faire mon office. Rendant visite de temps à autre à mes parents.