La statuette dans les mains du liare était étincelante. Avant même qu'il ne la saisisse, la marchande avait pu deviner son éclat qui jaillissait de sa cachette. Ils y étaient parvenus ! Le liare descendit prudemment tandis que Juliette ne put s'empêcher de le rejoindre. Elle était si emballée par cette découverte qu'elle en oublia presque qu'elle ne pouvait pas la toucher. C'était si frustrant et inhabituel. Elle sortit le sac qu'elle avait acheté plus tôt dans la journée et l'ouvrit en grand devant Caleth.

Il y glissa la statuette. Juliette tenait du coup des doigts les rebords du sac, sentant la chaleur brûlant de la figurine, elle jeta un oeil à l'intérieur du sac pour l'observer d'un peu plus près, mais de cet angle elle ne voyait pas grand chose. La finesse de la chevelure de la figurine lui suffit toutefois à apprécier la qualité de l'oeuvre et elle referma le sac en étant satisfaite. Elle souffla un bon coup et laissa échapper ses premières impressions :

- Elle est magnifique ! Et ce sac tient ses promesses pour le moment. On peut repartir, mieux vaut éviter de s’attarder dans le coin.

Juliette mit la statuette dans son sac à dos et sortit à la place la carte des égouts :

- On doit simplement faire le chemin à l'envers, il devrait toujours y avoir quelqu'un aux bassins. Restons le plus silencieux possible.

Un dernier coup d'oeil sur la montagnes de meubles et une dernière respiration nauséabonde la décidèrent à ne pas perdre plus de temps ici. Ils avaient trouvé ce pourquoi ils étaient venus, rien ne servait de fouiner plus longtemps. Juliette était impatiente de retourner à la surface et de pouvoir envoyer cette relique à son client. Cette histoire avait été si facile, même si elle n'avait pas prévu le système de sécurité pour le coffre, au final, tout se terminait comme elle l'avait espéré.

Enfin, mieux valait ne pas parler trop vite, ni marcher trop vite. De retour dans les canalisations, Juliette se précipita un peu trop et trébucha dans l'eau usagée. Instinctivement elle cria un "Hé merde !" qui résonna dans les couloirs, suivit d'un chuchotement "Pardon". Elle resta assise dans l'eau et tendit l'oreille, son coeur s'emballant contre sa poitrine.

Surprise par le geste de Caleth, elle ne dit rien, car elle avait bien trop peur qu'ils soient repérés. Mal à l'aise d'être ainsi collée à lui dans l'ombre, elle se concentra sur le petit sac qui était collé entre eux. Alors que l’artefact qu'il renfermait était aussi brûlant qu'un volcan, le sac était étrangement froid. L'instant ne dura pas longtemps et sans perdre de temps, dès qu'ils eurent la voie libre, ils filèrent vers la sortie. Le liare se souvenait parfaitement des embranchements qu'ils avaient pris et ils n'eurent pas besoin de s'encombrer de la carte.

Une fois dehors, la marchande remplit ses poumons de cet air plus ou moins frais tandis que le liare remettait la plaque d'égout à sa place. Finalement, tout c'était très bien passé, il avait eu un petit coup de stress, mais rien de très dramatique. Mise à part le pantalon trempé de Juliette, ils s'en étaient plutôt bien sortis. Elle était en train de penser au bon bain chaud qu'elle prendrait en rentrant à l'auberge quand Caleth lui proposa de rentrer ensemble pour retrouver Elea. En soit l'idée ne lui déplaisait pas, bien au contraire, mais elle avait vraiment besoin de se changer. Elle lui répondit :

- Bien sûr ce sera avec plaisir.

Sur le chemin, Juliette sentit l'odeur nauséabonde provenant de son pantalon et préféra rester à une certaine distance de Caleth pour qu'il ne le remarque pas trop. Quand ils arrivèrent à l'auberge, l'endroit était un peu plus animé que plus tôt dans la journée. Quelques hommes commençaient déjà à chanter à tue tête comme s'ils étaient seuls au monde. À peine furent-il en haut des escaliers qu'ils virent Elea sortir de la chambre qu'elle occupait avec le liare et vraisemblablement le félin qui les accompagnait.

Elea était toute excitée de leur retour et impatiente de connaître chaque détails de leur petit périple. Mais son pantalon encore humide, Juliette voulait à tout prix faire un détour dans sa chambre pour au moins se changer. Elle reste en haut des escaliers, montrant qu'elle était heureuse de l'accueil de la jeune femme, elle l'arrêta cependant :

- Je vous rejoins dans cinq minutes le temps d'enfiler autre chose.

Sa chambre était à l'autre bout du couloir. À peine entrée, elle retira son pantalon et le jeta au sol sous la petite fenêtre. Elle retira aussi son haut et alla vers la petite bassine qu'elle avait demandé pour sa chambre. L'éponge était au fond. Elle prit l'eau qu'elle avait sur elle et la versa dessus. Même si elle n'avait pas le temps de correctement se laver, elle avait besoin de sentir la sensation de l'eau fraîche le long de ses jambes. Sa petite toilette terminée, elle enfila un habit plus confortable, l'une de ses robes de voilages typique des héléos.

Elle avait cependant rajouter plusieurs tissus en dessous pour que le vêtement ne soit pas transparent. Il en était presque devenue chaud avec ses longues manches et son col haut bien qu'ouvert très légèrement vers sa poitrine. La statuette était posée sur sa table de chevet, elle faillit ne pas la prendre avec elle. Mais se souvenant de l'impatience d'Elea, elle se dit que la jeune femme aurait sûrement très envie de la voir. De toute manière, ils seraient dans une chambre loin des regards indiscrets.

Devant la porte de leur chambre, elle entra après avoir toquet deux fois n'étant pas à l'aise de rester dans le couloir avec sa relique, même enfermée dans un sac en apparence banal. Elle était curieuse de connaître la relation entre ces deux là et s'ils partageaient le même lit. Elle ne se serait jamais permise de leur poser cette question et finalement elle allait peut-être avoir sa réponse. La présence du félin de feu ne la rassurait pas. Crispée par sa présence, elle s'avança prudemment dans la chambre :

- Il vous accompagne depuis longtemps ?

Pas question qu'elle admette qu'elle était mal à l'aise en sa présence et qu'elle avait limite peur des créatures du pays du feu. Il lui était difficile d'être naturelle et de ne pas quitter des yeux le félin pour s'assurer qu'il reste éloigné d'elle.

La présence du mobilier en double donna sa répondre à la marchande. Quand le liare se leva pour lui laisser sa place, elle le remercia d'un signe de tête et accepta volontiers le verre d'eau qu'Elea lui servit en s'installant. Elle garda un œil sur le tanflamm, contente d'avoir un verre d'eau à portée de main en cas de problème.

Le sac posé sur la petite table, elle le fit glisser prudemment le long de la statuette. Cela aurait été dommage de se blesser aussi bêtement. Juliette fut un instant ébloui par l'éclat ardent de la statuette alors qu'elle était concentré sur le sac terne la seconde d'avant. Elle détourna son regard et lâcha le sac qui finit de retomber seul sur la table.

Sa main chercha sur la table le verre aux parois humidifiées par la fraîcheur de l'eau. Elle en but une petite gorgée, laissant le temps à Elea de regarder la finesse de la sculpture, les plis de la robe en pierre semblaient comme être soulevés par la chaleur qui émanait de la roche. L'éclat de feu donnait vie à cette statuette, bien que sa représentation soit assez banale, c'était l'exploit d'avoir taillé une telle roche qui se suffisait à lui-même.

Rafraîchie par l'eau, Juliette se lança malgré elle dans des explications sur la statuette. La curiosité d'Elea face à l'objet était une occasion en or pour la marchande de parler de ce qui l'a passionné sans trop endormir son interlocuteur. Elle avait à nouveau le regard absorbé par la statuette quand elle expliqua :

- C'est dur de distinguer les traits du personnage, mais vous voyez au sommet de son crâne, la manière dont se tordent les cornes, cela ne fait pas de doute ! C'est une représentation de la fiancée de l'alchimiste.

D'un regard volé vers le liare, elle se demanda si ces propos ne l'avaient pas dérangé étant donné son apparence. Elle n'y fit aucune allusion et replongea dans l'éclat de la statuette :

- C'est magnifique.

Lâchant des yeux la relique qu'elle pourrait admirer des heures durant, elle ajouta :

- Heureusement que votre ami était ici, sans sa Vérité du feu nous n'aurions pas pu ouvrir le coffre où se trouvait la statuette. L'endroit était en piteux état, je n'imagine même pas ce qu'on y a respiré, mais le mécanisme de la cachette lui a fonctionné sans problème. Nous avons eu beaucoup de chance !

Elle repensa à sa chute dans les eaux croupies qui les avait mis en danger, mais dit rien à ce sujet. Elle en avait honte et cela ne donnerait clairement pas une bonne image d'elle, en tout cas pas celle qu'elle voulait donner. Elle préférait éviter d'en parler tant qu'on ne lui posait pas de questions à ce sujet. Le dos droit sur la chaise, elle gardait du coin de l’œil Nikarê. Il avait beau avoir l'air d'être aussi docile qu'un chat, il restait un être du feu et plus il se tenait loin, mieux Juliette se portait.

La complicité entre les deux crevait les yeux. Face aux paroles rassurantes d'Elea, la marchande ne pouvait qu'être plus détendue, mais sa peur irrationnelle du feu n'avait pas pour autant disparu, elle était simplement bien contenue. Repoussée au fond d'elle et ignorée pour un petit temps. Elle n'avait pas envie que ses hôtes croient qu'elle était du genre à facilement prendre peur, alors elle se mêla aux rires de la jeune femme et répondit :

- Vous n'avez pas votre langue dans votre poche. Nikarê ne me fait pas peur ! Je ne suis simplement pas habituée à côtoyer des gens et des animaux des pays du feu.

Son regard vers Caleth, elle se demandait s'il était parmi les humains depuis longtemps. En tout cas suffisamment pour avoir lié une forte amitié avec cette jeune humaine. Juliette l'imagina un instant à la tête d'une taverne, elle était encore jeune, mais sa bonne humeur et son énergie lui seraient d'une grande aide pour venir à bout de cette entreprise. Curieuse de connaître les projets de ses nouveaux collaborateurs, la marchande se permit d'être curieuse et demanda à Elea :

- Vous pensez pouvoir récolter suffisamment d'argent pour votre taverne dans longtemps ? Ça ne me regarde pas, mais j'aimerais beaucoup rester en contact avec vous. C'est toujours appréciable de connaître les taverniers honnêtes d'une ville.

Elle termina par un compliment sincère :

- Vous feriez une excellente tenancière. Avez-vous déjà pensé aux types de services que vous aimeriez proposer ? Plutôt une auberge ? Ou une taverne avec une scène peut-être ? À moins que vous ne souhaitiez être au centre des rumeurs ?

Les possibilités pour un tel endroit étaient nombreuses. Bien que marchande dans l'âme, Juliette n'avait jamais envisagé de tenir un jour un tel endroit. Le contact avec le client était bien trop important et puis devoir travailler au milieu des effluves d'alcool et de tabac en tenant en équilibre des plateaux prêts à se renverser, ce n'était clairement pas pour elle ! Sa semaine d'essai en tant que serveuse avait été une expérience suffisamment humiliante lors de son arrivée sur le continent alors qu'elle était encore peu familiarisée avec son corps.

Elea elle en revanche devait être comme un poisson dans l'eau dans ce genre d'endroit. Prête à discuter avec tout le monde et à écouter les tracas du quotidien, elle devait être appréciée dans l'ancienne taverne où elle travaillait.  À Helpo avait-elle précisé si elle se souvenait bien, elle avait aussi mentionné un feu. Plutôt cocasse sachant qu'elle était accompagné d'un liare. Vue leur relation, il y avait peu de chance qu'il en soit à l'origine, mais les accidents arrivaient. Elle préféra ne rien demander de peur de les froisser, mais quelque part le doute subsistait.

Juliette ria un peu nerveusement à la requête d'Elea. Lui recommander du personnel, c'était bien la dernière chose que les gens lui demandaient quand il la connaissait. Tout le monde au port d'Acretis savait que la marchande rue de l'écume n'arrivait pas trouver des employés fiables, les rumeurs étaient nombreuses certaines évoquant simplement la malchance, d'autres prétendaient qu'elle était trop tyrannique et parfois la vérité se mêlait aux histoires en évoquant ses problèmes d'argent.

Elle ne chercha pas à dissimuler son rire et lui répondit simplement :

- Vous vous adressez à la mauvaise personne pour cela. Trouver des employés fiables c'est l'une des chasses aux trésors que je n'ai pas encore réussi !

Ce n'était un secret pour personne, alors cela ne l'a dérangé pas trop d'en parler bien qu'elle n'en était absolument pas fière :

- Le milieu de la navigation est particulier aussi. Pour ce qui est d'artistes, vous devriez aller faire un tour au théâtre de la ville lors des auditions. Je vous déconseille d'essayer de débaucher les artistes des autres tavernes dans un premier temps, vous risqueriez de vous faire des ennemis.  

Juliette connaissait bien quelques artistes, mais ceux de la région avait déjà tous une situation confortable et elle non plus ne voulait pas se mettre à dos les autres taverniers qu'elle connaissait. En revanche, si elle venait à rencontrer des jeunes talents elle n'hésiterait pas à leur parler de l'aubergiste Elea et de sa scène libre. Terna était une ville immense, Juliette se demandait dans quel quartier Elea avait l'intention de chercher.

Son regard glissa vers le Liare et elle se demanda s'ils allaient s'installer dans le quartier où elle avait trouvé le sac contenant la statuette d'Emilie. Quoi que si Elea recherchait du personnel, cela voulait sans doute dire que son ami n'allait pas rester avec elle. Qu'allait-il faire ? Assis un peu à l'écart, il n'avait pas dit un mot ou presque. On aurait presque dit une statue qui les surveillait. C'était impossible de deviner ce à quoi il pensait.

Allait-il repartir chez lui ou rester s'engager comme mercenaire dans une guilde ? Il en avait la carrure en tout cas, mais cela finalement importait peu Juliette qui reporta son attention sur Elea. C'était avec cette jeune marchande avant tout qu'elle souhaitait garder contact. Elle ne se souvenait plus si elle leur avait dit exactement d'où elle venait, mais de toute manière elle voulait s'en assurer :

- Cela me ferait très plaisir de continuer à avoir de vos nouvelles et si je venais à croiser un jeune artiste qui cherche une scène, je pourrais ainsi l'envoyer vers vous. Ma boutique se trouve rue de l'écume au port d'Acretis, vous pouvez m'y joindre à n'importe quel moment, je ne suis pas prête de partir et j'ai mis en place un système pour rester joignable même si je ne suis pas à la boutique. Enfin, ça fonctionne quand j'ai un employé présent à la boutique.

Elle ajouta cette petite phrase avec un sourire, préférant rire de sa situation plutôt que d'en avoir honte.

HRP : Je tire vers la fin vu que je n'ai plus grand chose à dire :3 Ha et n'oublie pas de payer Cal haha (c'était moitié de la somme avant et autre moitié apres c'est ça non?)