C'est l'esprit presque serein que Juliette se dirige vers la ruelle où se trouve les commerces liares. Le duo qu'elle a rencontré à l'auberge lui a clairement fait bonne impression et le précieux temps qu'elle a gagné en les trouvant tout de suite égaie sa matinée. Sur le chemin, elle fait la liste des aubergistes qu'elle connaît dans cette ville. Il y en a bien un ou deux qui n'ont plus des os solides, peut-être pourrait-elle aider Elea à trouver un endroit où s'installer. Elle pourrait peut-être même lui demander d'être ses yeux et ses oreilles dans la ville. Déjà, il faut qu'elle s'occupe de son client, ensuite elle pensera à ses relations, le travail avant tout !

Il lui fallut un peu plus de deux heures pour trouver quelque chose qui ferait l'affaire. Elle avait abandonné sa première trouvaille, car le marchand avait pressenti son empressement et avait voulu en tirer profit. En entendant son prix dérisoire, Juliette avait reposé délicatement son coffret en pierre de roche volcanique finement sculpté. Le prétendant aurait sûrement été prêt à payer plus cher en voyant l'ouvrage de cette boîte, mais la marchande ne pouvait se perdre de mettre plus d'argent en jeu.

Elle se retrouva donc face à un autre liare qui lui proposa un sac rouge très banal, mais enchanté par un alchimiste pour supporter le feu très pratique pour récolter des iradies. Juliette lui demanda une démonstration, le marchand se rendit compte que l'objet qu'elle avait l'intention de transporter était puissant. Il lui fit remarquer, mais il avait déjà donné son prix et n'eut pas l'intention de le changer. Son sac en main, Juliette partit vers l'auberge. Elle monta directement à sa chambre pour se rafraîchir avec le seau d'eau qui avait été déposé devant sa porte par l'aubergiste connaissant bien ses habitudes.

Quelques minutes plus tard, elle redescendit et vit Caleth seul. Elle fut un peu déçue de ne pas voir Elea avant de partir. Il fallait maintenant être sérieux, l'heure n'était plus à la discussion. Elle avait donné sa parole à ce liare qu'elle avait un chemin sûr pour lui, elle n'avait pas intérêt à s'être trompée. De son sac en bandoulière, elle sortit un plan des égouts et le posa sur une table près de Caleth en pointant l'entrée qu'elle avait repéré.

- Nous passerons par ici, c'est à quelques rues d'ici. Puis nous suivrons ce chemin.

Son doigt glissa sur la carte jusqu'à arriver à un conduit très large.

-C'est ici que devrait se trouver l'atelier de l'alchimiste. Cette carte date de son époque, je l'ai comparé à plusieurs autres versions plus récentes et cette canalisation a disparu peu de temps après sa probable arrivée dans la ville.

Elle rangea la carte avant d'ajouter.

- Pour la relique, j'ai trouvé de quoi la transporter. Si vous êtes prêts, on peut y aller !

HRP:

Caleth était en avance, et il ne su pas vraiment si la femme l’était aussi, ou bien si elle était àl’heure ou en retard et il n’y accordait pas vraiment d’importance. Il n’avait pas eu l’impression d’attendre très longtemps. Et puis il n’avait rien à faire. Lorsqu’il l’aperçut, Caleth se tourna simplement vers elle, sans rien dire. Il n’avait pas besoin de parler qu’elle lui dévoila le plan – au sens propre comme au sens figuré- et il se pencha un peu pour mieux l’apercevoir. Il tenta au mieux d’enregistrer la carte ainsi que les instructions, au cas où ils seraient séparés. Théoriquement, il ne devrait pas avoir d’ennemi, il s’agissait de simples égouts, mais si l’alchimiste avait voulu protéger quelque chose d’important, alors c’était une possibilité.

« Je suis prêt. »

Il y avait une probabilité pour que l’accès soit protégé ou emmuré, mais le liare pourrait détruire un mur à l’aide de sa vérité, il ferait juste un peu chaud temporairement.

Suivant la route et la demoiselle, ils arrivèrent au point où ils devaient aller sous terre. Notre baraqué s’occupa d’ouvrir l’accès aux égouts en soulevant la dalle. Il avait déjà senti pire comme odeur, même si cela n’avait jamais vraiment rien d’agréable. Usant de sa vérité pour éclairer le passage à l’aide de flammèches, il vérifia tout d’abord qu’il n’y avait pas d’eau. Une fois la vérification faite, il préféra passer le premier. Hissant son corps au bord il sauta simplement, vérifiant que tout passe, son arme dans son dos y comprit. Ses pieds rejoignirent un sol sec sans encombre.

S’écartant et levant la tête, il était prêt à donner un coup de main à Juliette si elle en avait besoin. Il ne connaissait pas encore le niveau de débrouillardise, d’agilité et d’autonomie de la marchande alors il préférait tester et attendre de voir. Il aurait pu demander, mais préférait juger de lui-même.

HRP:

Peu habituée à rester silencieuse, Juliette ne put s'empêcher pendant tout le trajet de jeter régulièrement des coups d'oeil vers son compagnon d'aventure. À chaque fois qu'elle posait les yeux sur ses épaules carrés, sa peau grise ou ses cornes sciées, elle se retenait finalement de dire le moindre mot. Il s'était montré peu bavard pendant leur rencontre à l'auberge, elle n'avait pas envie de le déranger. Même s'il était à ses côtés pour l'aider, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine anxiété d'être en compagnie d'un liare.

Cela n'avait rien avoir avec la mission qui elle-même l'inquiétait, en tant qu'héléo naviguant sans cesse, elle avait peu d'opportunités de se retrouver face au peuple du feu. En le voyant soulever la plaque d’égout sans difficulté, il démontra de sa force bien supérieure à celle de la frêle marchande. Sans un mot et après une brève inspection, il sauta dans les ténèbres. Juliette s'assit et remarqua des barreaux recouverts de mousse. Il en manquait la moitié, mais elle s'y risqua prudemment. À moitié descendue, elle tira de toutes ses forces la plaque d'égout et la remit plus ou moins en place. Elle n'y risqua pas ses doigts et arrêta quand elle faillit perdre l'équilibre en glissant sur le barreau.

Le liare utilisa sa Vérité du feu pour éclairer le tunnel, dispensant la marchande d'utiliser l'une de ses fioles incandescentes. Juste sous la bouche d'égout, ils pouvaient encore clairement voir, mais au fond des tunnels, ils risquaient de se retrouver dans le noir absolu. Il ne leur fallut faire que quelques pas pour être dépendant de la flammèche dans la main du liare. Juliette avait entre temps sorti le plan et se mit à suivre son itinéraire. Seuls dans cet endroit lugubre, on entendait parfois les petites pattes des rats et leurs cris résonner. Après plusieurs minutes, ils étaient toujours au sec. Pour le moment, tout allait bien, mais cela n'allait pas durer. Encore quelques virages et ils devraient se montrer plus prudent.

Juliette préféra le prévenir avant qu'ils n'y arrivent :

- Même si la plupart du chemin devrait être sans eau, nous allons devoir passer par un tunnel où il y aura une rigole centrale d'eaux usagées. Il nous mènera à l'un des bassins principaux de la ville, mais pas d'inquiétude, il y a une passerelle pour la traverser. On doit juste faire attention à ce qu'il n'y ait personne, il y a un contrôle une fois par jour et je n'ai réussi à savoir quand il avait lieu.

L'odeur autour d'eux s'intensifia alors qu'ils entendaient l'eau s'écouler. Plus que deux virages et ils y seraient.

Caleth avait remarqué qu’elle l’observait mais cela ne le dérangeait pas. Cela ne serait ni la première ni la dernière fois qu’on le regardait ainsi et elle ne devait sans doute pas avoir l’habitude de rencontrer des liares. Néanmoins, il se demandait toujours si c’était à cause de son absence de cornes – ou de l’éventuel flagrant bandeau qui recouvrait les deux tronçons- qu’on le regardait ou bien à cause de sa race ou de sa stature… Mais comme il n’était pas foutu de poser la question, il n’aurait pas de réponse. De toute façon, toutes les réponses ne seraient pas similaires.

Mais revenons à nous moutons, et, à nos égouts. Caleth faisait attention à ce qu’elle ne tombe pas. Ce n’était pas non plus bien dangereux, mais il n’était pas dénué de compassion -surtout depuis qu’il vivait parmi les humains- et ne voudrait pas qu’elle se blesse. Bien qu’elle failli glisser, et qu’il se crispa, elle ne tomba pas. Prudent, il préféra la remettre totalement en place, il n’aurait aucune difficulté à la pousser. Il était mieux que personne ne sache que quelqu’un était passé par là.

Après avoir marché un certain temps, éclairé par sa vérité, sa comparse, silencieuse jusqu’à présent, coupa les bruits de la nuit pour l’informer de la présence d’une rigole au centre du chemin. Cela devrait aller. Caleth hocha la tête. Un autre point pouvait sembler problématique : un contrôleur pourrait être présent. Ils devaient être prudent. Après les virages, Caleth fit bien attention à la rigole centrale histoire de ne pas se mouiller et de ne pas glisser. L’endroit était un peu humide. Jusqu’à finalement rejoindre l’entrée de l’un des bassins.

Bien qu’il possédât son arme, Caleth n’avait aucunement l’intention de l’utiliser contre quiconque. C’était juste une habitude de guerrier que de la porter toujours sur lui. Lorsqu’il vit le contrôleur sur la passerelle -surtout, la lumière qu’il tenait-, faisant son tour, le liare s’arrêta et éteignit d’office la lumière, saisissant -pas comme une brute- le bras de Juliette pour la tirer un peu en arrière. Son corps froid contrastait avec la chaleur du liare. Alors pour ne pas l’incommoder, il préféra la lâcher, sachant parfaitement qu’elle n’irait pas les mettre en danger.

Après plusieurs minutes d’attente, l’homme avait semble-t-il fini son tour de garde, et ils purent enfin entamer la traversée de la passerelle. Être au-dessus d’autant d’eau n’était pas rassurant pour le liare. Il faisait néanmoins avec.

« Allons-y. Est-ce que tout va bien ? »

Ils n’avaient pas vraiment discuté, il ne savait pas ce qui pourrait aller mal pour elle, mais, il préférait néanmoins poser la question.

Est-ce qu'il s'inquiétait pour elle ou était-il inquiet lui-même de traverser ces bassins géants ? Juliette était restée derrière lui, alors il ne put pas voir son léger sourire avant de répondre :

- Tout se passe à merveille ! L'atelier n'est plus très loin.

Quand ils arrivèrent de l'autre côté et s'enfoncèrent un peu dans les tunnels pour ne plus être vus, Juliette déplia sa carte et mémorisa le chemin. Il n'y avait plus que quelques virages, mieux valait qu'elle n'est pas à tenir la carte en même temps d'avancer. Passer l'agent de contrôle n'avait été qu'une formalité, mais mieux valait rester sur ses gardes. En plus, ils allaient rentrer dans une partie désaffecté des égouts.

Quand ils passèrent une grille qui n'était pas condamnée, le couloir se commença à se rétrécir. Ils continuèrent de suivre une voie où se trouvait une rigole centrale, mais plus ils avançaient et moins il y avait d'eau. En revanche les murs se recouvrir peu à peu de mousse remplis d'humidité. Juliette ralentit quand l'endroit commença à ressembler à une jungle perdue :

- On est tout proche. Cette partie des égouts est désaffectée, mais je ne pensais pas qu'elle serait dans un tel état.

La rigole centrale ne contenait plus qu'un filet d'eau, mais la mousse elle recouvrait l'endroit du sol au plafond, des plantes grimpantes avaient même proliféré. Juliette finit par se placer au centre du couloir après avoir manqué à plusieurs reprises de glisser sur le rebord du tunnel qui par endroit s'était fragilisé. La dernière fois, elle se rattrapa d'instinct à la veste de Caleth et s'excusa de son geste.

Elle au contraire n'avait rien à craindre de l'eau, elle pouvait bien marcher dans un peu d'eau sale. Au dernier virage, elle se mit à compter à voix haute. Quand elle arriva à 27, elle se stoppa.

- C'est ici. Il devrait y avoir y avoir une porte dissimulée. L'alchimiste était un amateur d'art, si vous voyez quelque chose qui sort de l'ordinaire, ça doit être le mécanisme d'ouverture. Peut-être une gravure ou un tuyau avec une forme particulière...

Juliette continua à réfléchir dans sa tête et se lança dans l'inspection des lieux. Elle tourna sur elle-mais ne vit rien de flagrant, alors elle grimpa sur l'un des rebords et elle enleva à mains nues la mousse du mur. Elle en retira sur trois bon mètres de large et du sol au plafond. Elle n'eut même pas à tendre les bras pour arracher les plantes au plafond, se prenant de la poussière et de la mousse dans les cheveux et les yeux.

Juliette n’avait pas eu l’air mécontente de sa réaction, et elle lui annonça d’une voix plutôt enjouée que tout allait bien. Caleth s’était donc fait des idées, soit, il préférait cela que l’inverse.   Ils continuèrent donc à marcher avec sa fine lumière et au fur et mesure l’endroit devenait de plus en plus petit. Ce n’était pas très confortable pour notre grand liare. Il n’était pas claustrophobe, mais, s’il avait eu à choisir, il aurait clairement préféré le grand air. C’était un peu compliqué de passer et d’éviter l’eau mais, heureusement, il y en avait de moins en moins.

Les plantes présentes ne le dérangeraient pas si elles n’étaient pas un peu trop humides à son goût à cause de l’eau ambiante, surtout la mousse. Il faisait attention, autant à lui et à Juliette, n’étant pas gêné lorsqu’elle dû se rattraper à sa veste, il fit un simplement mouvement de la tête pour dire que ce n’était rien avant de continuer à marcher. Il l’écouta compter, de pas en pas avant qu’elle ne s’arrête finalement. Les instructions avaient l’air d’être plutôt précises, ce qui était un grand avantage pour trouver ce qu’ils cherchaient.

Une porte donc ? Quelque chose qui sortait de l’ordinaire ? Cela ne devait pas être trop compliqué à trouver dans les égouts… Enfin, du moins Caleth le pensait… Si les murs n’étaient pas aussi mousseux cela serait plus facile. La demoiselle monta donc sur le rebord pour commencer à enlever, en arrachant une bonne partie. Elle reçut en échange de la poussière sur la tête. Ce qui n’était jamais très agréable. Histoire de lui donner un coup de main, il sortit son arme, et passa sous la mousse, en faisant attention à ne pas abimer le mur pour en arracher.

Apercevant un motif original sur l’un des tuyau un peu haut, le liare s’aida aussi du rebord et fronça les sourcils. Il y avait en effet une gravure sur le tuyau.

« Je l’ai possiblement trouvé. »

Rangeant son arme, Caleth prit la partie du tuyau en main. Il tenta de la bouger dans un sens puis dans l’autre. Une partie du tuyau bougea lorsqu’il le poussa vers lui, se scindant avec le reste. Puis, on entendit un bruit un peu sourd dans le mur, de la poussière semblait nettement s’enlever d’une partie du mur, laissant une ligne droite qui parcourait toute la hauteur du côté gauche. La porte avait été actionnée.

Juliette se secoua les cheveux avant de reprendre ses recherches. Bien que l'endroit soit sombre, la flamme du liare suffit à celui-ci pour repérer un symbole sur l'une des canalisations pendant que Juliette inspectait l'autre mur. Elle se frotta les mains pour retirer la terre qui s'y était collée tout en se retournant pour voir le liare forcer sur un tuyau. Un cliquetis perça le silence, il ne leur fallut que pousser la porte dérobée pour entrer dans l'atelier de l'alchimiste. Une odeur de renfermé s'en dégageait, bien plus impressionnante que celle des égouts, car plus épicée.

Juliette en eut la respiration coupée et fit un pas en arrière tellement elle en fut dégoûtée. Il y avait des ingrédients moisis et pourris dans chaque recoin. Tout était resté à sa place lors de la dernière visite de l'alchimiste qui remontait à plus de 200 ans. Même si l'endroit était condamné, l'humidité ne l'avait pas épargné et la plupart des travaux de l'alchimiste avait été rongés par le temps. Juliette ne toucha à rien, plus par dégoût que par précaution. Mettre les mains dans la terre et la mousse ne la dérangeait pas, mais dans les produits alchimiques elle n'était pas rassurée surtout s'ils puaient.

Il y avait peut-être même des produits dangereux à respirer, mieux valait ne pas traîner. Ell. Elle s'était un peu documenté sur l'alchimiste et ses inventions d'hier étaient devenues aujourd'hui de banals objets. Cela ne servait à rien de perdre son temps à chercher dans tous les recoins, ce qu'elle visait, c'était le coffre fort. Après avoir avoir essayé d'ouvrir un coffre qui avait relâché un fumet qui lui prit à la gorge, Juliette tomba au sol et remarqua au plafond une fresque à moitié effacée. Elle se releva en gardant le nez levé.

Il s'agissait de la représentation de la déesse Simius sous sa forme originelle entourée par les premiers volcans. Au sommet de l'un d'eux, là où se trouvait son cratère rougeoyant, Juliette eut l'impression de voir une poignée.

- Vous voyez ça aussi ? Demanda-t-elle en pointant l'endroit de son doigt.

Contre l'une des armoires, Juliette remarque une échelle en piteux état, mais qui s'élevait jusqu'au plafond pile à côté de l'étrange poignée au plafond.

- Elle risque de ne pas supporter votre poids, vous avez une autre idée pour monter là-haut ? Ou vous voulez tenter le coup ?

La relique devait forcément se trouver là-haut, les murs étaient complètement vides et il n'y avait aucun coffret fermé à double tour sur le bureau ou les étagères. Juliette balaya la salle d'une regard une dernière fois, mais elle était persuadée que c'était au plafond que l'alchimiste avait caché sa précieuse statue.

Une fois que la porte fut ouverte, Caleth retourna les pieds sur terre… C’est à ce moment qu’il sentit réellement l’odeur. Rien de très agréable et il n’hésita pas à couper un peu la respiration. Il avait déjà senti mieux, mais il pourrait s’y faire s’ils ne restaient pas longtemps. De toute façon, vu la réaction de Juliette, elle non plus ne souhaitait pas rester. Caleth avait connu l’odeur de la chair calcinée, l’odeur forte du soufre, mais, il fallait quand même avouer, que là c’était pire. L’ancien soldat tenta tout de même de faire bonne figure. Fierté liare ou quoi que cela puisse être.

Un coup d’œil à la pièce une fois rentré et il se rendit compte bien vite de la raison de cette puanteur. Il était préférable de ne pas approcher tout cela de trop près. Ne s’y connaissant absolument pas en alchimie, il laissait la dame fouiller dans le coffre. L’odeur qui s’en dégagea lorsqu’elle l’ouvrit la fit tomber à terre. Le liare haussa un sourcil, puis en s’approchant, il comprit. Alors qu’elle lui demandait s’il voyait, il leva la tête vers la fresque, et surtout, il aperçu cette lueur rouge et une sorte de petite poignée, ou ce qui y ressemblait.

« Hum. »

Ce qui voulait dire « oui » en langage Caleth. Il fixa ensuite l’échelle. C’est vrai qu’elle n’était pas vraiment de première jeunesse. Néanmoins, il ne pouvait pas la laisser monter, elle ne pouvait pas porter la statuette, alors il n’y avait aucun risque à essayer, excepter à tomber.

« Je vais essayer. »

Le liare n’avait pas peur d’une échelle, alors il la porta. Il enleva aussi ce qui était lourd sur lui. Sa grande cape qui servait à le protéger du froid et qui pesait son poids, ainsi que son cimeterre qu’il déposa contre un mur.

« Vous devriez vous reculer au cas où. » Lui fit-il en mimant le geste avec sa main.

Le liare n’avait pas non plus d’assurance qu’enlever la statuette n’activerait pas un piège. Mais bon ce genre d’élucubration était le dernier de ses soucis. Il se plaça donc devant l’échelle avant de grimper doucement. Le bois craquelait sous ses pieds à mesure qu’il montait et cela ne le trompa pas. Un plus grand crac se fit sentir et le liare se retrouva sur les genoux, lâchant au passage un juron, avec quelques égratignures. Mais rien de bien grave, il avait connu pire, cette fois. Râlant un instant, Caleth se releva rapidement.

« Je n’ai rien. »

Caleth ne tarda pas à chercher un autre moyen d’atteindre la poignée, et l’un fut bien sûr de bouger les meubles.

« Je vais pousser le bureau et mettre des meubles dessus… »

En évitant un maximum de toucher aux trucs louches bien sûr…

La marchande posa une chaise sur le bureau et un petit coffre, mais très solide dont elle s'était assurée qu'il ne contenait rien d'autre que de la poussière. Il n'y avait pas besoin de rajouter des bombes dans cette construction instable qu'ils étaient en train d'ériger. Elle laissa le liare prendre les objets les plus lourds et elle se contenta de combler les trous avec de plus petits. Quand ils eurent fini, elle se plaça un peu en retrait au cas où tout se renverse sous le poids du liare. Elle n'avait pas vraiment confiance en ce plan, mais c'était le seul qu'ils avaient et il était hors de question qu'ils fassent demi-tour sans essayer. Elle ne pouvait tout de même s'empêcher de s'inquiéter pour le liare :

- Faites attention, prenez votre temps.

Même si elle se couvrait le nez et la bouche dans son coude pour éviter de trop inhaler les odeurs de la pièce et qu'elle ne voulait pas s'attarder, elle préférait que le liare monte du premier coup. Elle n'avait pas encire de devoir repasser de longues minutes à entasser à nouveau des meubles sur le bureau plutôt bien conservé contrairement aux autres meubles. C'était une chance que ses pieds soient toujours aussi solides même s'il se bascula quand le liare monta dessus, il resta debout. Les meubles semblaient tenir plus ou moins entre eux et supporter son poids. Juliette fit un pas en avant quand elle vit un objet tomber du tas, mais cela ne dérangea pas l’ascension de Caleth.

Juliette le regarda gravir la montagne instable et son regard se leva à nouveau vers la fresque au plafond. Les couleurs sont passées, mais la représentation de la déesse n'en est pas moins imposante. Ses ailes sont déployées et recouvrent les volcans à ses pieds. Juliette se demande si l'alchimiste l'a peint lui-même. Très certainement, il ne devait pas inviter grande monde dans cet endroit. Avant de reporter son attention sur Caleth, elle remarque qu'une inscription entoure la fresque. Elle était si effacée par l'humidité et le temps qu'il n'était pas étonnant qu'elle ne la remarque que maintenant.

Elle lut à voix basse se qu'elle réussit à déchiffrer :

- Le ... ... Simius ... ... seul ... pouvoir ouvrir ... ... inatteignable.

Est-ce que cela avait un lien avec le coffre au plafond ? Probablement, même si elle n'avait trouvé aucune référence à des pièges lors de ses recherches sur l'alchimiste, elle savait très bien que les informations du passé n'étaient jamais entièrement complets ou parfois même inexacts. Avant que le liare ne touche à quoi que ce soit elle l'arrêta en l'interpellant :

- Attendez ! La fresque a l'air d'être une mise en garde ! Est-ce que vous pouvez mieux la lire d'où vous êtes ? Je n'arrive à en lire que la moitié.

Ce n'était peut-être rien, mais mieux valait être prudent !

Leur échelle de fortune prenait peu à peu forme, Caleth n’était pas dérangé à empiler les choses les plus lourdes, heureusement que le bureau était de bonne facture. Ainsi, lorsque tout fut en place, Caleth commençait à grimper sur le bureau, puis peu à peu, sur les meubles de plus en plus petits, faisant attention, plus pour éviter de casser quoi que ce soit. Tomber n’était pas un problème, par contre, il n’y avait pas grand-chose d’autre sur lesquels marcher.

Il fallait bien avouer que l’équilibre devenait bien précaire et que lorsqu’elle le héla, il sursauta presque, manquant de faire tomber l’un de ses appuis. Heureusement cela ne fut pas le cas. Une mise en garde ? Caleth observa Juliette quelques secondes puis leva la tête. Ha, oui, en effet, il y avait des inscriptions. Ce n’était pas trop dans son genre de faire attention à ça. Etant donné qu’elle avait l’air inquiète, il allait donc les lui dire. Heureusement qu’il savait lire, d’ailleurs.

« Le feu… de Simius est le seul… à pouvoir ouvrir le trésor…. Inatteignable. »

Caleth supposait que cela voulait dire que pour ouvrir la trappe, il ne fallait pas seulement tourner la manivelle mais bien y mettre du feu. En l’observant de plus près il y vit quelques trous. Heureusement qu’il maitrisait la vérité du feu ou bien ils auraient pu simplement repartir.

« Je vais essayer. »

Caleth utilisa donc sa vérité afin de la faire passer dans les trous de la manivelle, tournant en même temps. Cela avait l’air de marcher, en effet, un emplacement a coté semblait s’ouvrir. Etait-ce bien la statuette ? Il espérait. Passant sa main dans la fente, il toucha quelque chose de bien chaud qui ne manqua pas de lui rappeler les lacs de lave.

« Je l’ai. Je descends. »

Prenant garde à ne pas craquer ou tomber, Caleth refit le chemin inverse afin de retrouver la terre ferme. Il fallait maintenant espérer que le moyen de transporter l’objet allait fonctionner.