À plusieurs kilomètres du Port d'Acretis, la cargaison de Juliette a été attaquée par un Serdanien enragé. Elle a pu rentrer saine et sauve au port, mais elle a perdu sur la route une caisse très importante. Sans attendre, elle se dirige à la milice et dans les tavernes de la ville pour informer qu'elle recherche un chasseur prêt à l'accompagner pour aller récupérer son bien.


Aucune intervention du MJ.

Le vent claque la porte derrière Juliette lorsqu'elle sort de la caserne du port de Thalis. Le vent n'est pas froid et emprunt des airs marins, mais il souffle fort cette nuit. Elle est arrivée peu après le coucher du soleil pour signaler à la milice qu'elle avait besoin d'aide pour récupérer une cargaison importante. Depuis qu'elle s'est installée au port, elle ne s'est pas souvent retrouvée dans cette situation, mais ce n'est pas la première fois. Quand elle a expliqué la situation au garde de nuit, il a retranscrit les faits et lui a assuré qu'il diffuserait sa demande d'aide dans toutes les auberges au petit matin.

Juliette espère bien qu'un chasseur répondra à l'appel, sinon elle peut faire une croix sur sa marchandise. Elle est seule en ville avec son employée, l'équipage est en mer et ne devrait pas rentrer avant au moins une semaine. Quant aux gardes, ils attendront au minimum une semaine avant de prendre en charge cet incident. La nuit vient à peine de tomber peut-être peut-elle s'arrêter sur les quelques établissements sur son chemin pour faire circuler la nouvelle plus rapidement. La marchandise qu'elle a perdu n'est pas si précieuse que cela, mais son client est un régulier qui ne supporte pas être contredit.

S'il vous dit qu'un coffret fabriqué en série dans un atelier des plaines volcaniques est une relique, alors vous acquiescez et lui trouvez en une. Cela embête Juliette de dépenser quelques pièces pour s'assurer de retrouver au plus vite la cargaison, mais elle n'a aucune envie de contrarier son fidèle client. Arrivée à la première auberge, elle ne prend même pas la peine de rentrer en voyant un garçon de cuisine sortir sur le côté de la bâtisse.

Il porte un lourd seau d'épluchures qu'il vide dans la mangeoire des montures attachées sous un petit préau. Juliette s'approche de lui et l'interpelle :

- Est-ce que ça t'intéresse de gagner de l'argent en parlant autour de toi d'une recherche de chasseur.

- Ça fera 5 pièces la soirée.

La surprise se lit sur le visage de Juliette qui esquisse un sourire. Clairement ce garçon a l'habitude de ce genres d'affaires. La marchande ne discute pas son prix et lui tend les pièces après lui avoir expliqué :

- Tu diras qu'un chasseur est recherché par la boutique du griffon, rue de l'écume. Un serpent à griffes a fait son nid au pied de la montagne et à cause de lui une cargaison a été abandonnée. Le chasseur devra aider à récupérer la marchandise.

Il hoche la tête et repart à l'intérieur de l'établissement. Juliette ne prend pas de détour, elle n'a pas non plus l'intention de faire le tour de la ville à cette heure là. Elle se contente de rentrer chez elle. À l'angle de sa rue, elle s'arrête dans une petite auberge où il vient parfois prendre un repas. Elle se dirige directement vers le comptoir dans l'espoir de trouver la gérance ou son neveu. Une femme d'une cinquante d'années au chignon complètement décoiffé se tourne vers Juliette et l'accueille :

- C'est assez calme ce soir, je vous sors des couverts ?

- Pas cette fois Léonore. Je rentre d'un voyage d'affaire et j'ai besoin d'une chasseur pour m'aider à récupérer ma cargaison. Vous pourriez faire passer le mot ?

- Je dirais à Théo de faire le tour des tables et demain matin je vais au marché couvert, j'en parlerais autour de moi. Et c'est quoi la bestiole qui vous a attaqué ?

- Un serpent à griffes.

- Ola ! Va vous falloir un gars expérimenté ! Ou alors embauché au moins d'eux personnes. Vous n'allez quand même pas accompagner le chasseur ?

Elle la détailla avec son pantalon et ses bottes de cuir recouvertes de boue sableuse. Sa veste bleu marine tombant jusqu'à ses mollets soulignait sa petite taille. Elle n'était vraiment pas épaisse même pour une femme de son espèce.

- Je ne compte pas laisser ma cargaison entre les mains d'un inconnu et le capitaine et en mer avec ses hommes, alors je n'ai pas trop le choix.

La femme derrière son comptoir acquiesce sans être réellement convaincue.

- On fera passer le mot. Bonne soirée.

- À vous aussi.

Il ne lui restait plus qu'à rentrer chez elle. La soirée était calme. Les rues du port étaient moins animées à cette heure, le centre de la ville accueillait la plupart des bars et auberges. Mis à part quelques pêcheurs rentrant tardivement au port, il n'y avait plus grand monde dans les rues. Juliette fit le tour de sa boutique et prit l'escalier de fer forgé menant directement à son appartement. L'endroit était froid et plongé dans le noir. Elle se dirigea sans encombre jusqu'à sa chambre où elle alluma une bougie.

Il ne lui fallut que quelques minutes pour se changer. Puis elle se glissa dans ses couvertures. Elle évita de penser au lendemain et sombra dans un sommeil profond en se demandant malgré tout si demain quelqu'un répondrait à son appel.

Voilà maintenant une semaine que Bringsir n'avait pas bougé du Port de Thalis. Le sauvetage qu'il avait réalisé sur ce kardent avait plutôt fait jasé et les gens qui le reconnaissaient dans les lieux publics ne manquaient pas de lui offrir un coup histoire qu'il puisse leur conter cette péripétie.

Qui d'un personnage comme lui pouvait refuser une pinte si gentiment offerte ? Pas lui en tous cas et il en profita sans vergogne, même s'il n'était pas très compliqué de deviner son état après tant de jours passé à boire.

Il était sept heures du matin quand le jeune homme revint à lui avec un mal de crâne terrible. Il s'était endormi dans un tas de foin qui se trouver dans la réserve de la taverne où il avait passé la nuit à une nouvelle fois se saouler aux frais du peuple qui, on peut le comprendre, commençait à se sentir de moins en moins redevable après autant de profit et à y réfléchir, même Bringsir trouvait qu'il avait déjà bien forcer sur cette générosité même s'il s'en moquait, cela pourrait lui porter préjudice à l'avenir. Il était peut-être temps de reprendre la route.

Tout juste en se relevant pour s'asseoir sur un ballot, il vit avec surprise qu'un môme se tenait devant lui. Enfin c'est ce qu'il pensait, car il faut l'avouer que sa vue était encore bien trouble, comme sur un bateau lors d'une mer agité.

-Petit...petit, on n'est pas sur un bateau rassure moi ?

-Non, ça ne se peut pas...

-Qu'est-ce que tu racontes là. Fini ta phrase bon sang.

-Vous ne pouvez pas être celui dont tout le monde vante le sauvetage en mer. Je n'ai en face de moi, qu'un pochtron, un déchet d'alcoolique comme on en voit à chaque coin de taverne.

-Tu vas surveiller ton langage, parce qu'encore un mot et je te tranche en deux de haut en bas.

-Quelle épée ?

Bringsir mit immédiatement sa main sur l'emplacement de son arme qui n'était effectivement pas là. Il tourna la tête de droite à gauche et de nouveau à droite et ne pus s’empêcher de laisser s'échapper un « merde » dans son souffle qui ne montrer qu'une chose, son désespoir sur sa capacité à perdre une nouvelle fois sa lame.

-Petit... petit, retrou... trouve moi... Dis-moi où tu as planqué mon arme !

-Pov' con.

-Petit ! Reviens !

Le jeune homme se jeta sans même essayer de se lever pour attraper le gosse qui partit voir ailleurs en n'oubliant pas de lever son majeur en direction de l'homme à terre et on pouvait même distinguer dans le bruit ambiant un nouveau « pov' con ».

-Espèce de petit t'en... marmonna Bringsir en se relevant difficilement avant d'à nouveau tomber sur quelqu'un face à lui.

-Quoi encore !

-C'est bien toi le...

-Oui, c'est moi ! Viens pas me les briser !

-Oh l'ami, du calme, déjà regarde, ton épée elle est juste là dans la paille, tu as dû dormir dessus.

-Comment tu peux savoir ça toi ?

-Tu as la trace de la poignet sur la tronche...

-Ah... Ouais d'accord.

-En tous cas à la base, je ne venais pas pour toi, mais pour aller à la réserve.

-Ben vas y, et fou moi le camp.

-Pourtant, je sais quelque chose qui pourrait intéresser. Une femme est venue à moi et elle cherchait un chasseur pour un serpent à griffes. J'allais lâcher l'affaire, mais te voilà et ça à l'air d'être dans tes cordes, alors tu devrais t'y proposer, sa redorerai ton image.

-Elle a quoi mon image ?

-Mec, ça fais une semaine que tu ne fais que boire sur le dos des gens et les gens, ça parlent entre eux.

-Ok, j'ai compris, j'irai voir cette femme demain. Je vais profiter pour dormir un peu en ce début de soirée.

-Ta encore tout faux. On est le matin, j'ai fini mon service, donc tu vas devoir te bouger maintenant. Elle a dit que le chasseur devrait se rendre à la boutique du griffon, c'est rue de l'écume, de ce côté.

-Et ben je te remercie pas.

Titubant sur chacun de ces pas, Bringsir parvint, malgré de multiples détours et par miracle, au commerce indiqué par le garçon de cuisine. Juste devant la porte, il manqua de s'écrouler au sol, après avoir trébuché sur une motte de terre, se rattrapant de justesse sur la porte, qui ne manqua pas de faire un barouf du tonnerre, puis il donna un nouveau coup dans la porte avec son poing pour camoufler sa chute comme équivalent du premier coup pour s'annoncer et s'exclama d'un ton éméché :

-On m'a dit qu'il vous fallait un chasseur, alors me voici !

Ce n'était sans doute pas la meilleure approche à faire et sous l'effet de l'alcool, ainsi que le manque de sommeil, cette chasse serait sans doute des plus palpitante. Cela ferait une nouvelle histoire à conter lors de son retour en ville, autour d'un verre offert par le public de cette dernière...

La boutique n'était pas encore ouverte. L'écriteau n'avait pas encore été retourné, mais la porte elle était déverrouillée. Juliette venait juste de rentrer dans la boutique pour aller chercher à l'arrière les babioles de la semaine mises en avant sur la table qu'elle venait d'installer à l'extérieur. Comme toujours il s'agissait d'objets lourds et ordinaires, mais avec un certain charme désuet.

La veille avait beau avoir été mouvementée, Juliette suivait son planning quotidien comme si de rien était. Poussant le diable où elle avait déposé le carton de babioles vers la porte d'entrée, elle regardait le sol plus que devant elle pour être sûre de ne pas accrocher un objet sur son passage. Elle ne remarqua pas l'ombre de l'autre côté de la porte vitrée à l'effigie du gryphon de son enseigne.

Elle fut surprise par le bruit sourd provenant de la porte d'entrée. Un autre coup la fit lâcher le diable. Elle le contourna et essuya ses mains sur son pantalon de toile marine. Juliette s'apprêtait à renvoyer le visiteur dehors, mais il fit irruption dans la boutique et se présenta comme un chasseur.

Elle vint à sa rencontre en prenant le temps de l'analyser, mais elle se stoppa en sentant les effluves d'alcool émaner de lui. Rien sur son visage ne laissa trahir son dégoût. Bien que son odorat lui criait de ne pas embaucher cet ivrogne, sa raison lui rappela qu'elle ne pouvait pas vraiment se permettre de faire la fine bouche. Son visage ne lui disait absolument rien peut-être que c'était l'étranger des dernières rumeurs.

Juliette avait entendu parlé du sauvetage en mer de la semaine passée, avec un peu de chance les rumeurs avaient un semblant de réalité et peut-être s'agissait-il de ce chasseur. Elle avait d'ailleurs aussi cru entendre des ragots à son sujet comme quoi il traînait depuis dans les auberges. S'il s'agissait de lui, cela valait la peine d'être tenté. Elle hésita tout de même à le renvoyer sur le champ, il était encore tôt, quelqu'un d'autre pouvait très bien arriver dans la journée.

Elle n'était pas prête à tenter Urrang et pensa aux dégâts qu'avait déjà dû subir sa cargaison en tombant de son chariot et après une nuit dans la nature. Parfois il ne fallait pas s'arrêter aux apparences, elle était bien placée pour le savoir. Elle devait cependant être certaine d'avoir affaire à un chasseur accompli, alors elle fut directe :

- Est-ce que vous êtes le chasseur qui a aidé en mer la semaine dernière ? J'ai besoin de quelqu'un d'expérimenté et de prêt à partir au plus tôt. C'est une affaire délicate, il ne s'agit pas d'une simple chasse, mais plus d'une protection le temps de ramener une cargaison de valeur.

Elle n'avait pas envie de s'attarder sur les détails et le temps tournait. D'une part il n'avait pas besoin de savoir que cette mission risquée concernait une cargaison finalement assez banale et surtout la boutique n'allait pas s'ouvrir toute seule. Elle retourna derrière son diable pour le pousser :

- Excusez-moi, je dois terminer l'installation de la boutique.

En passant à côté de lui, elle lui tendit la main droite.

- Juliette Célian. Mon employé va arriver vers huit heures. Si ça vous embête de discuter pendant que je continue, revenez dans un quart d'heure, je serais prête à partir.

Après le boucan qu'il venait de faire, Bringsir attendait sagement qu'on vienne lui ouvrir la porte et ça n'avait pas manqué. Quelques instants après, on venait la lui ouvrir et une fois devant la personne, il se présenta comme chasseur. Au début, pas de parole, elle ne faisait que de le regarder de haut en bas, sans doute pour admirer sa musculature imposante. Il est vrai qu'il n'avait personne à envier sur ce point-là et les paysannes appréciées grandement la vue.

Elle prit la parole et lui demanda s'il était le remarquable individu qui avait réalisé un périlleux sauvetage en mer la semaine dernière. Le jeune homme ne put qu’acquiescer. Sans doute une fan de la première heure qui l'avait reconnu, mais dans sa lumière, Bringsir resta humble, il n'était pas du genre à fanfaronner pour la moindre minette qui s’extasiait pour lui. Il n'en resta pas moins courtois et quand elle lui proposa de rester là à parler ou de revenir d'ici un petit quart d'heure, car elle était occupée, il comprit qu'elle lui lançait un message. Il est vrai que la soirée avait été rude et qu'il n'avait pas eu le temps de se refaire une petite beauté.

-Et bien soit, je reviens d'ici peu !

Le jeune homme s'empressa de trouver un établissement où il aurait pu prendre un bain. Il ne mit pas longtemps avant de tomber devant une petite auberge qui possédait une salle d'eau. Il sorti quelques piécettes qu'il n'avait pas dépensé cette semaine avant de vite enlever ses affaires et de plonger dans l'eau chaude. Il avait été tellement vite, que la bonne qui s'est occupée de son bain était encore là et plutôt gênée.

-Excusez-moi demoiselle ?

-Oui monsieur ?

-Auriez-vous la gentillesse de vous occuper de mon linge, ainsi qu'en attendant, quelques affaires pour que j'évite d'attendre nu ? Pas que ça ne me dérange pas, mais que je sois autant dévoré du regard me gêne quelque peu. J'aimerais garder ce spectacle dans plus d'intimités, dit-il en faisant un clin d’œil à cette dernière.

La jeune femme fit un rire niais tout en cachant son visage avant de s’exécuter. Bringsir n'en avait rien à faire, mais il était pressé et les quinze minutes étaient déjà terminées. Elle lui apporta des vêtements qui lui allait comme un gant. Elle avait sans doute bien pris le temps de prendre ces mesures quand il se préparait à aller au bain.

Une fois propre et habillée, le jeune homme remit les quelques bouts d'armure qu'il avait, prit son épée et se rendit à nouveau au griffon avec une bonne heure de retard. Sur le chemin, il prit le temps de s'acheter un bout de jambon et une pomme. Il était quand même déjà en retard, alors il n'était plus à ça près et il n'avait pas encore mangé. Une mission sans manger, surtout s'il faut se battre, c'est toujours compliqué, donc autant être en pleine forme et bien rassasié.

Avec ce bon bain et ce plat de fortune, Bringsir reprit petit à petit ces esprits et avait déjà complètement oublié comment il avait réagi avec sa potentielle employeuse de mission sans savoir si cela lui porterait préjudice ou non. Il ouvrit la porte, cette fois-ci en douceur et se présenta à nouveau en s'exclamant qu'il était prêt à en découdre.

Il s'assit sur un pouf qui se trouver près de lui et demanda en quoi consister la mission du jour. Il s'en moquait, mais ça faisait toujours plus sérieux de se renseigner sur les détails en prenant un regard noir, plissant légèrement les yeux et en lâchant un « humhum » toutes les deux phrases, avant d'élancer un « en-avant alors ! » quand le speech était fini. Puis il se mit en route en chantonnant gaîment, ravi d’œuvrer pour son salut concernant l'avis du peuple.

Une fois l'étrange personnage parti, Juliette se dépêcha d'installer la devanture. Les babioles disposées rapidement sur la petite table, elle rangea le diable et fila à l'étage pour se changer et prendre son sac. Elle vérifia deux fois qu'elle n'oubliait rien, son esprit était encore en train de peser le pour et le contre en ce qui concernait ce chasseur. Même si Juliette avait l'habitude de faire affaire avec des guides à moitié ermite et des chasseurs au caractère franc, ce qui la dérangeait dans ce chasseur, c'était son penchant pour la bouteille. Juliette préférait éviter d'avoir à faire à ce genre de personnes.

Elle claqua la porte de son appartement puis descendit pour revenir dans la boutique. À peine rentrée par la porte arrière, elle vit la silhouette de son employé à travers la porte d'entrée. Juliette lui ouvrit et lui expliqua rapidement la situation avant de lui confier les clés de la boutique quand le chasseur revient. Son entrée fut bien plus délicate, mais quand il s'installa sans aucune retenue sur un pouf avec des broderies en fil d'or, Juliette vit rouge. Son visage se crispa légèrement, mais elle ne dit rien et répondit à sa question.

Elle ne lui donna pas beaucoup de détails. Elle lui expliqua simplement qu'elle avait été attaquée par un serdanien au nord de la ville sur une route de montagne peu fréquentée. L'employé pendant ce temps était derrière le comptoir et s'occupait du courrier du jour. Juliette invita le chasseur à la suivre à l'extérieur :

- Nous allons y retourner pour récupérer ma cargaison. J'ai réussi à fuir, mais mon chariot à prix un coup avec l'attaque du serdanien, mais il roule encore très bien. Je l'ai laissé à l'entrée de la porte nord.

Sur le chemin, le chasseur se mit à chantonner. Il avait beau sentir moins mauvais que lorsqu'il avait déboulé dans la boutique, son attitude désinvolte ne donner pas confiance à Juliette. Et dire qu'il était parti tout à l'heure comme une furie sans même lui donner son nom. Véritablement, cela ne ressemblait pas à Juliette de partir en mission avec un parfait étranger. Il s'agissait d'un chasseur et non d'un espion, cela perturbait beaucoup la marchande de ne pas connaître son nom.

Il avait certes fait parler de lui ces derniers jours, mais Juliette ne s'était pas intéressée de plus près à cette histoire que cela. Elle ne put s'empêcher de se mettre à lui poser des questions sur qui il était :

- D'où venez-vous ? et au fait comment vous appelez-vous ? Cela fait longtemps que vous êtes sur les routes en tant que chasseur ?

Elle se contenta d'enregistrer les informations qu'il voulut bien lui donner. Elle n'avait pas vraiment envie de faire la discussion, ils n'avaient pas de temps à perdre. Tout ce qu'elle voulait c'était en connaître autant sur lui qu'il en savait sur elle. Et de toute manière le port n'était pas immense, ils arrivèrent rapidement à une petite écurie à quelques mètres de la porte nord :

- Excusez-moi, je vais régler le palefrenier et je reviens tout de suite avec le chariot. Attendez à l'extérieur.

Elle arriva trois minutes plus tard avec quatre sous en moins dans son porte monnaie glissé à l'intérieur de sa veste courte bleue marine. Assise à l'avant du chariot, elle tenait les rênes du cheval. Le chariot était abîmé à l'arrière, le rebord du bout était complètement brisé et l'angle droit lui aussi.

Tout juste assis, le visage de la femme, qui était plutôt impassible, changea drastiquement. Apparemment, Bringsir n'avait pas fait ce qu'il fallait en s’asseyant sur ce pouf. Alors à quoi servait donc ce pouf ? De toute façon, le jeune homme n'était pas connu pour sa délicatesse et sa gentillesse, alors il ne réagit donc tout simplement pas.

Une fois qu'elle avait donné diverses informations sur leur quête. Bringsir ne broncha pas et se mit à suivre le pas d'un air joyeux en quittant la boutique. Air qui à nouveau semblait déplaire à l'employeuse de mission et ne faisait toujours pas réagir notre compère, mais la situation délia toutefois la langue de la femme qui voulut en savoir plus sur lui.

La question étonna au premier abord le voyageur. Généralement, on ne lui demandait pas son nom et il n'avait pas pris l'habitude de le donner, mais il est vrai qu'elle s'était présentée à leurs rencontres. Pour faire tout de même bonne figure, Bringsir lui donna simplement ce qu'elle voulait.

-D'où je viens ? Et bien, je n'ai pas vraiment de chez moi, je vais au gré du vent sans savoir où il me conduira. Je fais cela depuis toujours.

Le jeune homme ne donna pas plus de détails, il n'était pas vraiment là pour faire dans le social. Ce n'était que perte de temps et pour lui, c'était le meilleur moyen d'affaiblir un homme. Il préféra alors reprendre son chantonnement ainsi, jusqu'à la porte Nord.

Une fois arriver, Juliette alla voir le palefrenier et revint avec la charrette. Bien qu'elle roulait encore, l'arrière avait subi de gros dégâts. Il est vrai qu'un Serdanien qui n'est autre qu'un très gros serpent, est un animal redoutable. Connaissant ces créatures, la bête aura sans doute pris une partie de la marchandise et qu'il sera plus que difficile de tout récupérer. Le fait que l'animal dort de jour pourrait jouer en leur faveur malgré la non-combattante du groupe.

Venir à bout du Serdanien semblait par contre inenvisageable et Bringsir préféra mettre à bien ce petit voyage avant leur destination pour préparer la mission. Il était plutôt silencieux depuis sa rencontre avec elle, mais là son travail commençait sérieusement.

-Bon, je ne sais pas où s'arrête vos connaissances sur la faune du coin, alors je préfère effectuer un petit topo. S'il vous a attaqué, c'est sans doute pour la valeur d'objets de votre chargement. Il en aura sans doute planqué dans son terrier. Ceux-là vous pouvez les oublier, il sera quasi-impossible de mettre la main dessus sans tuer la bête et vous vous doutez bien qu'à deux, dans un lieu confiner, on ne pourra rien y faire.

Le voyageur avait sans doute surpris l'employeuse de ce changement radical de comportement, mais pour lui, sa protection était importante. Pas qu'il tenait à elle, mais pour être payé à la fin, il fallait bien qu'elle soit en vie et ça lui donnerai mauvaise image dans les environs s'il n’agissait pas comme il le devait.

Il continua alors ces petites indications, préférant à nouveau souligner qu'il fallait éviter l'affrontement direct avec la créature et abandonner tout ce que le Serdanien aurait emporté dans sa tanière. Une fois dans la zone, il faudrait être des plus discrets, mais néanmoins rapide. Charger tout ce qu'ils pourraient récupérer et filer au plus vite. La bête s'était sans doute approprié les lieux, s'il venait à les attaquer, Bringsir ferai le nécessaire pour le tenir éloigné, laissant Juliette de finir le chargement et ensuite de filer le plus vite d'ici.

Tout pouvait très bien se passer comme très mal, il fallait rester vigilant une fois sur place, ce qui arriva plutôt rapidement. Les consignes du jeune homme avaient fait passer le temps du voyage et les choses sérieuses allaient pouvoir commencer.

Finalement, elle aurait peut-être dû lui donner plus de détails sur la cargaison. Elle le laissa terminer sur sa lancée, il donnait des indications très pertinentes pour approcher en sécurité l'endroit où devrait rôder le serdanien. Tenant les rênes, Juliette regardait droit devant elle en guidant l'animal, mais elle n'en était pas moins inattentive et jetait de temps à autre un regard vers Bringsir. Cela n'était très certainement pas sa première chasse au serdanien, même s'il n'avait pas tout à fait compris la mission et lui avait fait mauvaise impression, au moins il avait l'air de s'y connaître dans son domaine. Et au final c'est tout ce qu'elle attendait de lui.

Bientôt ils seraient arrivés là où avait eu lieu l'accident de la veille. Le chasseur avait pris son temps pour donner ses explications, le reste d'alcool ne l'aidant très certainement pas à avoir tout à fait les idées claires. Juliette essaya de retenir un maximum d'informations sans chercher à lui couper la parole et se contenta de garder un œil sur la route quelque peu chaotique. Si au début la monture avançait d'un pas soutenu, vers la fin du trajet elle la fit ralentir, à la fois pour être plus discrète, mais aussi pour gagner du temps et pouvoir mettre les choses aux claires avant qu'ils n'arrivent. Quand le chasseur eut terminé, elle se décida à lui donner plus de détails :  

- Nous nous sommes mal compris, je n'ai pas perdu tout un tas de breloques. Dans la caisse, il y avait un miroir très ancien et déjà abîmé. Je me fiche de l'état dans lequel il sera, je dois à tout prix le récupérer.

Bien que Juliette ne soit pas une chasseuse au même titre que Bringsir, elle en était une à sa façon en traquant des reliques dans des endroits reculés et insoupçonnés. Elle n'avait pas l'intention de rester les bras croisés en le laissant gérer seul la situation. Elle lui faisait confiance pour gérer l'animal même s'il n'était sûrement pas remis de sa beuverie, mais d'après ses explications, elle avait cru comprendre que cela ne serait pas une chasse des plus simples. Après tout, le serdanien n'était-il pas un lointain cousin des dragons ? C'était là l'une des rares choses qu'elle savait sur eux et elle préférait ne plus prendre de risques, alors elle lui précisa :

- Peu m'importe si l'animal meurt.

Avant de lui faire une suggestion :

- Que pensez-vous d'approcher de sa tanière dans un brouillard épais ? Je peux en matérialiser un autour de nous. S'il est à l'intérieur, vous pourriez faire diversion et j'en profiterais pour me faufiler ?

Juliette regarda autour d'elle et reconnut les lieux de l'accident. L'herbe sur le bas côté de la route était creusé par le passage du serdanien. Elle tendit les rênes pour stopper le cheval, ils étaient arrivés à destination. L'endroit était désert et la route mal dégagée, car peu fréquentée. Juliette avait trouvé le miroir à quelques jours de voyage dans les montagnes de l'ouest. C'était si proche de sa boutique qu'elle avait cru pouvoir faire simplement l'aller-retour, oubliant que rien n'était jamais simple même avec les reliques les plus insignifiantes.

Tout juste après ses indications pour les démarches à suivre, la commanditaire de cette expédition prit à son tour, la parole et certains points semblaient ne pas lui plaire. Pour une marchande, elle n'avait pas froid aux yeux, il fallait lui reconnaître, puis elle fit mention d'un miroir.

À cette nouvelle, le voyageur esquisse un sourire, mais la mission commençait à se préciser. Il y avait sans doute d'autre points encore caché, mais avec le tempérament de la jeune femme, l'envie de lutter dans un violent combat contre une puissante créature commençait à gagner tout le corps de Bringsir qui se mit à frémir de plaisir.

Juliette continua en précisant que la mort de la bête l'importer peu et qu'elle serait prête à y prendre part. Elle se mit à expliquer la nature de sa vérité, qu'elle pouvait créer une brume pour pouvoir se faufiler sans se faire repérer.

Sort intéressant, et même plus que cela. Le jeune homme pourrait occuper le Serdanien pendant qu'elle s'introduirait dans son repaire pour reprendre sa marchandise et le tour serait joué. Surtout que le plus gros problème était la protection de la non-combattante et dans ce cas de figure, elle ne le gênerait pas.

-Alors qu'il en soit ainsi. Je m'occuperai du ver de terre et vous de votre breloque.

La marchande arrêta le chariot. Ils étaient sans doute arrivés au lieu-dit et Bringsir commença à regarder autour de lui. La route n'était pas très praticable, les populations locales ne devaient pas souvent passer par ici. On pouvait clairement voir les empreintes du passage du monstre, ainsi que des restes du précédent voyage, traînant ici et là. Il fallait désormais trouver sa tanière et le reste des objets.

-Vous devriez voir aux alentours si ce que vous cherchez est là, en espérant qu'il ne soit pas cassé. Moi, je vais suivre les traces et voir où se cache la bestiole.

Le jeune homme commença sa traque. En avançant lentement et prudemment, il s'éloigna de la route en se tenant prêt, arme à la main. Il n'était pas encore midi et le jour donnait un avantage au voyageur, car les Serdanien vivent la nuit et n'aiment pas la lumière du jour, mais il n'hésiterait quand même pas à protéger son butin.

Après s’être engouffré dans la forêt sur plus de trois cent mètres, la tanière était en vue. Il n'y voyait pas la créature qui devait être caché au fond du gouffre et Bringsir, ne se faisant pas remarquer, s'arrêta une fois l'entrée atteint. Il tendit l'oreille et pouvait très distinctement entendre le souffle de la bête endormi.

Le jeune homme reparti à pas de velours et une fois à bonne distance, s'empressa de rejoindre Juliette sur la route.

-Vous avez trouvé ce que vous vouliez ? Dans tous les cas, on peut tenter de prendre le reste, il n'y a pas plus d'une demi-lieu jusqu'à son repère.

Bringsir continua en proposant un plan dans la lignée de la brume en restant simple mais efficacement redoutable. Il lui expliqua qu'en taillant des bouts de bois qu'elle cacherai à l'entrée dans son brouillard, le Serdanien s’empalerait forcément dans quelques-unes, malgré ces écailles tranchantes et se blesserai. Puis une fois à l'extérieur, le jeune homme finirait le combat pendant qu'elle s’attellera à s'enfoncer dans la grotte pour récupérer ces biblios.

Le chasseur est parti comme une flèche et laisse Juliette seule. Après avoir attelé le cheval, elle part dans la même direction que son collaborateur, mais elle perd rapidement sa trace. La marchande continue malgré tout d'avancer tout droit sans se précipiter, peu habituée à marcher en pleine forêt. La terre est gorgée d'eau. Ses chaussures bien qu'adaptées pour le terrain sont encore trop rigides et collent au sol par moment.

Alors qu'elle se demandait quel était l'intérêt d'avoir eu recours aux service d'un chasseur si celui-ci la laissait seule. Il revient comme une ombre vers elle pour lui exposer un plan qui l'emballa peu, car cela signifiait qu'elle devrait se tenir tout près de l'entrée de la tanière de l'animal :

- Si vous voulez être sûr que le piège fonctionne, mieux vaut que ce soit vous qui vous occupiez de planter les pieux. Il faudrait que je vois l'entrée pour savoir si ma brume peut s'étendre sur toute l'entrée. Il n'y a rien ici, allons y.

Juliette suivit le chasseur comme elle pût, enjambant les racines et branches cassées sur le chemin de la tanière. Alors qu'ils en étaient en tout proche, quelques bibelots brillèrent à moitié enseveli par la terre. La marchande ralentit mais ne vit pas de miroir à l'horizon, seulement quelques couverts et cailloux égarés. Bien qu'elle n'aurait pas craché sur quelques babioles, sa seule préoccupation à l'heure actuelle était le miroir.

Même si de l'or restait de l'or, Juliette préférait récupérer la commande de son client plutôt que quelques bricoles qui ne lui apporterait aucune réputation. En arrivant devant l'entrée, elle fut rassurée de voir qu'il s'agissait d'un gouffre peu large. Quelques pieux suffiraient et elle ne serait pas obligée d'être devant l'entrée lorsque le monstre serait réveillé. La marchande n'osa pas s'approcher trop prêt et se mit à chercher du bois pour le piège.

Armée de son couteau, Juliette tailla le bout de trois larges rondins. Sa lame d'Opaline trancha le bois comme de la mousse en quelques coups. Elle prit le temps d'aiguiser au mieux les rondins. En à peine quelques minutes, elle avait terminé. Sur ses gardes, elle ne cessait de regarder l'entrée de peur d'y voir surgir le serdanien. Son ouvrage terminé, elle prit deux rondins de bois dans les bras et s'adressa au chasseur :

- On va s'avancer près de l'entrée entourés par mon brouillard. Je reste à vos côtés pour éviter que vous ne soyez envahi par lui. J'irai me placer derrière ce rocher. Elle le pointa du doigt. Une fois le piège en place pour maintenir la brume à l'entrée.

Un frisson parcourut Juliette alors qu'elle ferma un instant les yeux. Quand elle les rouvrit, l'atmosphère se chargea en humidité. Un vent léger tourbillonna entoure d'elle et laissa derrière son sillage une nappe de brouillard qui gagna peu à peu les alentours. Plusieurs mètres autour d'eux, un épais brouillard se forma et resta comme accroché au dos de Juliette. Bringsir était lui en revanche épargné et il semblait enfermé dans un tube invisible se déplaçant avec lui.