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Sur le dos d'Osmund j'avançais vers la capitale de la Terre de Faras. Après avoir passé plus d'un mois sur les routes à découvrir la région et ses alentours il me fallait me reposer. Je ne me souvenais plus la dernière où j'avais dormi dans un véritable lit. Mon envie relevait presque du rêve, car je n'avais plus aucun argent en poche.

Lors de ma fuite j'avais emmené toutes mes économies, elle s'était considérablement réduite après la grande fête d'Arnlo. J'avais perdu la majorité de ma bourse en jeux et beuverie. Je le regrettais presque maintenant. J'avais pu mangé à ma faim, mais cela me fatiguer de passer des heures à suivre mon repas et de dormir à même le sol ayant pour seul confort le poitrail de mon animal protecteur.

Lorsque nous arrivâmes devant les portes de la ville, le Denmuys se stoppa net et n'avança plus. Il avait horreur d'être confiné, que ce soit dans une cage ou une ville, cela était la même chose pour lui. Je descendis et colla ma tête sur son cou avant de le laisser partir. En entrant des regards se braquèrent sur moi, la porte était gardée par toute une garnison de soldats.

La milice était semblait inspecter chaque voyageur entrant. L'un d'eux m'interpella. Après m'avoir posé quelques questions sur ma situation et ma venue ici, il me laissa entrer en ayant tout de même un regard suspicieux. Une technique d'intimidation que je trouvais pathétique. Une fois au coeur de la ville je commença à partir à la recherche d'un travail.

Il me fallait quelque chose de simple et de ponctuel. Je ne comptais pas rester plus d'une journée ici, à la limite deux, mais pas plus. Alors que je désespérais de trouver quelque chose et que je me dirigeais vers une taverne où dépenser mes dernières pièces une affiche attira mon oeil. La caligraphie était très belle, digne d'un artiste. Je m'approcha et vit en gros marqué «Travail Urgent».

Je déchira l'affiche du mur et chercha plus d'information. Il s'agissait d'un soucis à la bibliothèque. L'endroit était neutre et ne représentant aucun danger, je me dirigea vers les archives de la ville. La bâtisse n'était qu'à quelques minutes de là. Je ne m'arrêta pas sur la grandeur des lieux et entra naturellement comme dans n'importe quel lieu public.

À l'intérieur le calme qui régnait contrasté avec le brouhaha général qui envahissait la ville. J'arriva au comptoir et fis sonner la petite cloche. Un vieil homme arriva rapidement, une mine énervé sur son visage il me demanda  :

- Qu'est-ce que vous voulez ? La bibliothèque est en travaux, revenez plus tard !

Surprise de son ton, j'haussa les sourcils, lui montra l'affiche et lui répondis avant qu'il ne me tourne le dos :

- Je suis là pour vous aider, mais si vous ne voulez pas de moi je peux partir. Je ne voudrais pas vous priver de votre précieux temps !

Il secoua sa tête agacé et me tourna le dos, je croyais qu'il allait m'ingorer, mais après avoir pris un parchemin il sortit du comptoir par une trappe et se trouva devant moi. Il me dit simplement :

- Suivez moi !

Il semblait que j'étais engagée. Sans savoir dans quoi je m'embarquais, je le suivis et entrai au cœur de la bibliothèque. Un long couloir s'étendait devant nous, de chaque côté des dizaines de rangées se succédaient jusqu'au plafond. De temps en temps, on pouvait voir au début de la rangée une immense échelle permettant d'accéder aux plus hauts ouvrages.

Après quelles petites minutes, nous arrivâmes au centre de la pièce, le couloir s'élargissait et les premières étagères laissaient place à un grand espace vide ou plusieurs bureaux et chaises étaient disposés. Il n'y avait personne. Le conservateur prit alors sur sa droite et s'enfonça dans la bibliothèque. Je pus voir une silhouette. En m'approchant, je vis que des livres étaient à même le sol ainsi qu'une planche de bois brisée en deux.

Le vieil homme se stoppa et d'un geste, il m'invita à m'avancer vers le chantier. Il repartit aussi tôt et disparut dans les rayons. Désormais seule face à cet inconnu et sans savoir comment je serais rémunérée, j'hésitais à m'arrêter aussi. Mais quelle autre opportunité s'offrait à moi. Un tel endroit devait bien avoir quelques richesses. Le vieillard avait peut-être l'air d'avoir un sale caractère, je ne l'imaginais pas non plus mauvais.

Bon ! Tout travail est bon à prendre lorsqu'on n'a pas le choix. Un sourire sur mes lèvres, je m'avançai vers l'inconnu et m'introduis :

- Bonjour, je suis ici pour le travail, mais on ne m'a pas dit en quoi ça consistait. Le regard sur l'étagère brisée, il n'était cependant pas difficile de deviner. Je suppose qu'on doit remettre les livres à leur place. Pardon, je ne me suis pas présentée, je m’appelle Adéla.

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Je l'écoutais d'une oreille, j'appréciais peu qu'on essaye de me décrypter. Je n'étais pas là pour me faire des amis, mais simplement pour accomplir un travail et repartir aussi vite que possible. Je n'aimais pas cette ville, il y avait trop de monde et de cris. Les longs voyages solitaires m'avaient fait perdre mon envie de découvrir toutes les capitales de ce monde.

Non, mon rêve était de découvrir des souvenirs oubliés, pas d'arpenter des rues parmi nous fourmilière sans identité. En venant à la bibliothèque, j'avais espéré un travail calme et facile. Ce n'était que l'argent qui m'avait attiré ici, mais maintenant que je me retrouvais entre les murs de la bibliothèque, j'appréciais les lieux. Je n'avais aucune envie de passer un mauvais moment ici. Alors autant jouer le jeu et sympathiser un minimum. Je lui répondis avec un léger sourire :

- Tu as vu juste, je ne suis pas d'ici. J'espère qu'on pourra terminer rapidement.

Je l'imitai et m'abaissai pour prendre quatre livres qui semblaient appartenir à la même collection. Puis nous nous installâmes à l'une des tables de l'espace de travail à la sortie de la rangée. Shallowers semblait déjà complètement charmé par l'un des bouquins qu'il avait ramassé. Un sourire s'afficha une seconde sur le coin de mes lèvres lorsqu'il laissa échapper sa pensée. Moi, j'étais tombée sur un recueil de créatures en plusieurs volumes.

J'avais devant moi les quatre premiers tomes, le numéro un et trois étaient intacts au premier regard. Je les met sur un côté de la table, le numéro deux lui en revanche avait la couverture arrachée légèrement sur la tranche. Ce n'était pas grand chose, un peu d'adhésif et le tour serait joué. En revanche, pour le dernier volume, c'était une autre histoire. La première de couverture était complètement arrachée, deux coins de la couverture étaient complètement détruits et il n'y avait plus de tranche.

Il fallait tout refaire... J'étais dépitée, mais heureusement, lorsque j'ouvris l'ouvrage, je remarquai que tout était intact. La couverture avait pris tout le choc de la chute. Je voulus alors regarder l'intérieur des autres volumes, le numéro 3 n'était pas tout à fait impeccable, plusieurs pages s'étaient déchirées. Il n'y avait donc qu'un livre qui n'avait rien eu. Désespérant ! Moi qui avais cru que ce travail serait rapide.

Bon, peut-être que parler n'était pas une mauvaise chose, j'avais déjà l'impression d'être ici depuis des heures. Mais avant, il fallait ramener tous les livres, pas sûr que le gérant apprécie que nous les laissions traîner par terre. Je revins les bras chargés, avec une dizaine de livres et il en restait tout autant, si ce n'est plus. Je les lâchai tous sur une table à côté et dit au petit homme :

- Et toi qu'est-ce qui t'as amené ici ? Si tu voulais lire, tu n'avais pas besoin de te proposer pour ce travail qui je te l'assure va nous ennuyer au plus haut point !

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Il aimait parler. Je l'écoutais à moitié, parler de la forêt et des Anciens ne m'enchantait guère. Je me levai pour aller chercher d'autres livres afin de les inspecter. La table était déjà complètement encombrée, cet amas de travail me démotiver. Je cherchais quelque chose de simple, mais de là à passer mon temps entre les livres, alors que je les avais fuis avec mon ancienne vie, c'était assez ironique. Surtout en rencontrant quelqu'un voulant aller faire un tour dans la forêt. On aurait dit un coup du destin. Je chuchotai, tout en continuant d'examiner les couvertures :

- Je ne pense pas que lire des pages sans vie apporte une réelle connaissance. Lire des instructions sur des plantes ou des monstres, c'est irréel. Les trouver, voilà ce qui pour moi est excitant.

Je regardais à peine le contenu des livres que j'examinais. Me contenant de regarder dans quel état ils étaient, je me retrouvai rapidement avec trois tas. Les très abîmés, ceux moyennement abîmés et à part, ceux qui pouvaient être remis directement en rayon, il n'y en avait que trois. Je n'avais aucune envie de parcourir les lignes de ces manuscrits, j'avais déjà passé trop de temps à m'enfermer dans un monde où seules mes lectures m'apportaient un semblant de vie. Je lui répondis donc avec un très léger sourire à peine perceptible :

- Ca me va, je m'occupe donc des détériorations.

Je ne fis aucun commentaire sur ses propos en rapport aux Anciens. Je voulais qu'il arrête d'en parler, alors pas question de m'arrêter sur ces paroles. Il se leva et alla chercher les livres restant. Je l'imitai pour aller à la seconde table et je décidai d'y rester pour trier les livres, pas besoin d'encombrer plus notre plan de travail. Shallowers revient les bras chargés, la pile de livres le dépassait. Je ris doucement, me retournant vers la table.

Il était à côté de moi, toujours occupée par les livres empilés les uns sur les autres, je pris deux ouvrages que j'avais examinés. J'allai alors au bout de la table et les déposai sur un tout petit tas, celui des intacts. Le travail était important. Je reviens vers lui doucement et lui répliquai :

- J'aimerais aussi finir rapidement et si pour cela, je dois veiller toute la nuit, ça ne me dérange pas. De plus, le conservateur ne m'inspire pas confiance. Je ne sais toujours pas si et combien je serais payée !

À nouveau à sa hauteur, je pris un livre qu'il avait ramené. D'apparence, il avait l'air sans dommage, mais lorsque je l'ouvris, je pus voir que certains coins de pages avaient été rongés. Jamais le bibliothécaire n'avait parlé de nuisible, peut-être qu'au final, le temps n'était pas la raison de cet accident. Il faudrait que je vérifie l'étagère plus tard. En attendant, il fallait trier. Je posai le bouquin sur le deuxième tas tout en déclarant à Shallowers :

- Tu lâches ta lecture et tu m'aides à les trier ? On verra comme ça le travail à réaliser.

La phrase avait été un peu sèche, or, ce n'était pas mon intention. Shallowers m'avait peut-être un peu agacé à parler des Anciens, mais ce n'était pas une raison suffisante pour mal lui parler. Après tout, il n'avait aucune information sur mon passé et ne pouvait pas deviner que c'était un sujet sensible pour moi. Je voulais me rattraper. Prenant entre mes mains un livre bleu aux pages argentées, je lui demandai, un sourire esquissé dans le coin de mes lèvres :

- D'où te vient cette curiosité pour les plantes ? Serais-tu un Neustro ? Tu as l'air bien jeune pour être un guérisseur.  

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Je ne l'avais écouté que d'une oreille, jusqu'à maintenant, il ne m'avait montré aucun intérêt. Jusqu'à ce que le mot Ancien soit prononcé à nouveau, impossible de retenir un bref coup d’œil vers lui. Puis, lorsqu'il aborda son dragon, j'arrêtai ce que je faisais. Jusqu'à maintenant, je n'avais entendu parler de ces créatures que par l'intermédiaire des livres, je posai celui que j'avais en main. J'aurais voulu lui poser des questions, mais c'était une chose très privée. Tout comme mon lien avec Osmund, j'imaginais que ce n'était pas une chose que l'on abordait avec des inconnus.

Shallowers s'étant mis au travail, je l'imitai en silence. Je terminai de ranger les livres alors que le jeune garçon se piquait le doigt en essayant de relier les pages du premier ouvrage qu'il avait réparé. Plutôt rapide, pour avoir fait un tel travail, il avait sûrement été instruit par de sages anciens. Pour une fois depuis mon départ, j'éprouvais une petite fierté à être de la confrérie des premiers hommes. D'après les paroles de Shallowers, il avait été recueilli, il n'était donc pas originaire de la forêt. Ce petit homme, qui à première vue n'avait aucun intérêt, se révéler cependant entouré d'un voile mystérieux.

Je voulais en apprendre plus de lui, alors que je ramenais sur la table d'écriture cinq ouvrages peu abîmés, Shallowers se dirigea vers l'étagère qui avait cédée. Je pris la colle faite à partir d'une sève spécifique et en enduit la tranche d'un des livres pour la recoller. Simple et rapide. Je pris un second livre pour refaire la première page. Lorsque le garçon revient, il me posa une question. Cette fois-ci, je laissai mon travail de côté et lui répondis dans les yeux :

- Cette envie me vient d'années d'isolement avec pour seuls compagnons ces livres. Il est venu un moment où j'ai voulu vivre toutes ses histoires par moi-même. Les livres m'ont appris beaucoup de choses, mais avec eux je n'ai jamais rien expérimenté.

J'avais voulu être sincère, mais cela m'assombrit. J'essayais d'oublier ce moment de ma vie, ou au moins, le mettre derrière moi, mais en parler n'aidait pas. Prenant une plume et de l'encre, je redessinai l'enluminure. Elle était assez simple et d'un noir profond. Je m'appliquai pendant quelques minutes, une fois la décoration terminait, je terminai rapidement de recopier les quelques informations et posai le livre ouvert à côté de moi pour lui laisser le temps de sécher.

Prenant un troisième livre en me levant légèrement, je reportai mon attention sur Shallowers. Il n'était pas très vieux, il ne devait même pas être majeur. Sa chevelure immaculée était une chose plutôt rare, mais les chevelures argentées étaient répandues dans toutes les confréries. J'essayais de me rappeler les caractéristiques de chaque homme, mais n'arrivait pas à identifier le jeune garçon. Et puis ce dragon, il n'avait pas quitté mes pensées.

Je ne remarquai pas tout de suite que j'avais parlé tout haut, toujours hypnotisée par les coins de page à refaire, c'est quand Shallowers me répondit que je levai les yeux pour lui dédier toute mon attention, maintenant que ces paroles avaient été prononcées, autant écouter la réponse :

- Où as-tu rencontré ton dragon ? Il doit être magnifique.

J'avais toujours été curieuse, et même si ce trait de ma personnalité que j'aimais me causer des soucis, je n'avais jamais honte de mes questions. Je voulais savoir, en quoi cela était-il mal. Peut-être que je manquais de tact, mais comment une jeune fille élevée dans une maison dans les arbres et voyageant sans ressource depuis des mois sur la route, pouvait bien connaître les bonnes manières. Et puis, je m'en fichais surtout. S'il ne voulait pas répondre, il n'avait qu'à se taire et continuer son travail.