Le printemps. Belle saison que celle-ci pour les Liares, où le temps se fait plus doux, où les proies sortent enfin de leur hibernation sur les terres du Feu. Où les naissances se font plus nombreuses, comme un symbole de la vie reprenant son cours.
Et c’est un jour de printemps qu’est née Ivinea, dans la douce agitation d’un camp de nomade de la Vallée des Ames. Certainement le pire endroit pour mettre au monde un enfant en cette saison mais que voulez-vous, c’est comme ça qu’ils vivaient et cette partie de la Vallée était leur territoire.

Mais la naissance s’est mal passée, non pas qu’ils se soient fait attaquer au mauvais moment, mais sa mère mourut en couche. Laissant son père avec un bébé braillard sur les bras. Et, comment dire… Les morveux, c’était pas trop son truc. Pas les enfants en général, juste les espèces de petites larves incapables de marcher et d’aligner deux mots.

C’est dans cette même Vallée qu’elle a passé le plus clair de son enfance. La vie n’était pas rose tous les jours, c’est sûr. Mais l’ensemble du clan s’occupait des enfants à tour de rôle, c’était plus simple comme ça et ça permettait à la plupart des adultes de vaquer à leurs occupations quotidiennes. Comme entretenir ses armes, chasser, revendre une partie du gibier à des marchands de passage, se battre sur les prix, menacer les marchands de passage, se retrouver poursuivis par un bataillon de l’armée. Bref, un petit train-train quotidien parfaitement adapté à l’éducation de petits Liares pleins d’enthousiasme.

Et l’éducation dans le clan, c’était un sujet prioritaire. Ce n’est pas pour autant que les petits étaient tenus par la main, plutôt le contraire en fait. C’était plutôt du genre « on est à côté au cas où, mais si tu veux quelque chose, tu te débrouilles pour trouver comment faire ».
D’où des gamins très débrouillards et indépendants, qui apprennent la vie du clan dès leur plus jeune âge. Ça, Ivinea l’a compris très tôt, il faut dire quece n’était pas dans sa nature de rester dans les jupes de sa mère (qu’elle n’avait de toute façon jamais connu).

Très tôt, elle s’est avérée être le type de gamine pénible qui n’a que « Pourquoiiiiii ? » à la bouche. Elle voulait tout savoir, tout comprendre. Réalisant rapidement que les adultes ne savaient PAS tout, elle décida de découvrir les réponses par elle-même. Quitte à grimper une falaise et manquer de se faire attaquer par des rapaces parce qu’elle voulait juste regarder les oisillons dans le nid. Ce qui était assurément une mauvaise idée.

Vers ses sept ans, son père l’emmena pour la première fois à la chasse, pour lui apprendre les ficelles du métier. Et elle s’avéra douée, très douée même. Un œil et une oreille attentive, une bonne intuition… Il y avait de quoi en faire quelque chose !

C'est un jour comme celui-ci que se produit le déclic : au détour d’un chemin, ils tombèrent presque nez à nez avec la plus belle chose qu’Ivi ait jamais vu. Son poil noir luisant doucement sous les rayons du soleil, des griffes magnifiquement mortelles, une expression de sérénité que seul un grand chasseur (ou un fou) pouvait arborer en ces contrées et des yeux qui semblaient contenir toute la sagesse et l’orgueil du monde.
Un Tanflamm.
« Un vieux mâle » chuchota son père, prudent. Ce souffle suffit au glorieux animal pour les remarquer, il n’avait pas faim mais n’appréciait pas être dérangé en pleine bronzette. Il se redressa de toute sa hauteur et feula.  Ce son sonnait comme un danger imminent, mais l’attention de la jeune Liare était dirigée vers les crocs impressionnant du félin. Magnifiques !
A son plus grand dam, son père la fit battre en retraite lentement mais sûrement et le roi de la vallée, satisfait, se recoucha.

Cette rencontre marqua fortement l’esprit de l’enfant, qui voyait presque en l’animal une incarnation de la déesse Simius (ce qui n’était certainement pas le cas, mais on a une bonne imagination à cet âge-là). Aussi, à partir de cet instant, elle profita de chaque occasion pour étudier le chasseur des plaines. Elle apprit autant de lui que de ses pairs, à commencer par comment échapper à son attention pour l’approcher sans se faire croquer.

Et c’est ainsi, qu’au fil des années, la petite Liare grandit jusqu’à devenir une jeune fille imprévisible et insupportable, puis une femme tout aussi joueuse. Finalement elle n’a pas vraiment grandi dans sa tête et restera sans doute pour toujours la gamine de la campagne tombée amoureuse du Tanflamm.