-En 1232-
Le crépuscule était là, dansant dans le ciel avec une luminosité si parfaite pour un événement si heureux, si plein de joie, qui allait arriver d'un instant à l'autre.
Un cri résonnait au loin, un bébé venait de naître.
On la choyait, on l'aimait, on la câlinait la faisant passer de mains en mains pour mieux observer cette petite princesse comme venait de la surnommer la nurse dans la chambre des deux parents.

-Oh Horace ! s'écria une voix que le nourrisson ne pouvait encore comprendre, regarde comme elle est belle !
-Oui ma douce, elle te ressemblera en tout point et héritera de ta grande beauté, minauda un petit homme auprès de sa femme.
-Appelons-la Lylia, roucoula-t-elle en caressant la petite tête entre ses mains.

Oui, vous qui lisez ces lignes, vous l'aurez comprit, Lylia venait de naître dans une famille riche, bourgeoise et déjà, vous comprenez que rien de sera joyeux bien longtemps et aussi innocent que ce nouveau né dans cette ambiance où l'on ne vit que grâce à la manipulation et au paraître.

-1242-

L'horloge sonna la fin de ses deux heures de cours de discipline et de suite, Lylia se rendit à sa leçon favorite, le chant. L'enseignante qui l'attendait dans le salon fut ravie de voir la jeune fille si enthousiasme chaque jour. Ce fut à ce moment là qu'arrivèrent son père et sa mère, cette dernière semblait bien fatiguée. Inquiète, la jeune fille s'approcha d'eux pour s'enquérir de leur état.

-Oh très chère je suis navrée, s'interposa son père qui arrivait aux épaules de sa femme, nous avions oublié de te prévenir... Tu vas avoir droit à un petit frère ou petite sœur. Nous comptons sur toi pour l’accueillir avec amour, comme nous l'avions fait pour toi.

Ils se rendirent rapidement compte qu'ils étaient deux, dans le ventre de sa mère, quelques mois plus tard et Lylia eu beau faire tout ce qu'elle pouvait, jamais elle ne parvint réellement à se faire accepter par les jumeaux. La jeune fille qu'elle était à l'époque se sentait mise à l'écart par ceux avec qui elle espérait jouer plus tard. Ils étaient fusionnels mais pas avec elle. Ils aimaient l'écouter chanter, mais pas jouer avec elle non plus. En effet, un soir, lors d'un dîner de réception, elle avait entendu un ménestrel chanter et celui-ci, par sa voix, l'avait totalement chamboulé. Lylia s'était alors promise de faire ressentir cette même émotion autour d'elle.

A présent, des années plus tard, Lylia soufflait de désespoir face à son précepteur. Il y a un an, elle s'était découverte des pouvoirs, comme beaucoup sur Madelle, ses capacités étaient moindres mais ses parents, fières de ses pouvoirs, lui avait offert un précepteur lors de son dernier anniversaire et depuis, elle s'entraînait sans relâche, chaque jour, afin de satisfaire au mieux les envies de ses parents. Lors de son dernier examen qu'elle avait dû passer devant eux, elle avait obtenu la note maximum et ses parents lui avaient alors proposé de lui accorder n'importe quel souhait. Lylia n'avait pas réfléchit longtemps. Pour espérer resserrer ses maigres liens avec son frère et sa sœur, elle demanda des cours de chant à ses parents. D'abords réceptifs quant à cette nouvelle lubie de leur fille aîné ils s'étaient empressés de le lui offrir lorsque celle-ci s'était mise à pleurer.

Ce jour-là donc, Lylia, assise de l'autre côté de la table de son précepteur, s'ennuyait ferme devant le grimoire de ce dernier. La pratique, c'était cela qui l'intéressait avant tout, la théorie, elle s'en moquait. Mais la jeune fille n'avait guère le choix pour s'améliorer dans ce domaine car celle-ci, au plus grand désarroi de ses parents, s'était montrée très maladroite dès son plus jeune âge, renversant tout ce qui se trouvait à porté de main ou se prenant les pieds dans le moindre meuble ou objet sur le sol. Son professeur avait alors conseillé de lui enseigner aussi bien la théorie que la pratique afin de diminuer les risques qu'elle se blesse durant ses transfères, chose que ses deux parents avaient tout de suite accepté.

Un jour, Lylia, alors âgée de seize ans, entendit une discussion entre ses deux parents qui lui brisa définitivement le cœur.

-Nous avons trop donné à Lylia, disait sa mère sur le sofa, nous lui avons payé quatre professeurs, un pour sa magie, un pour le chant, un pour qu'elle puisse se défendre en cas d'attaque et un pour la discipline. Autant elle est très douée pour les deux premiers domaines, autant pour les deux autres, elle est toujours aussi maladroite et désordonnée.
-C'est vrai qu'elle est maladroite et désordonnée, approuvait son père, mais son maître de combat, n'a-t-il pas dit que c'était là sa plus grande force ? N'a-t-il pas dit que son incapacité à prévoir les choses serait un moyen sûr de déstabiliser un adversaire professionnel car ce dernier serait surprit par ses attaques irréfléchies ? Lylia a sa propre logique qui nous dépasse, elle ne réfléchit pas comme nous et cela pourrait la sauver à de nombreuses reprises...
-Quoiqu'il en soit, se redressait sa femme, je suggère d'arrêter les cours de chant pour qu'elle se concentre sur le reste...

Non ! Explosa intérieurement Lylia en serrant les poings, non elle refusait d'arrêter de chanter, elle voulait vivre de ce métier ! Elle ne voulait pas vivre comme eux avec autant de formules de politesse et si peu d'ami, une chose qu'elle n'avait guère dans ses relations qui comprenaient uniquement ses professeurs, son frère et sa sœur avec qui elle ne s'entendait même pas !

Pars, lui souffla une voix intérieur, pars si tel est ton désir, en restant ici, tu ne ferais que souffrir davantage et tu perdras tout ce à quoi tu tiens alors pars... Les larmes, coulants rageusement sur ses joues, elle monta les marches quatre à quatre des escaliers pour se rendre dans sa chambre. Elle s'écroula sur son lit pour pleurer de toutes les larmes de son corps.
Elle n'avait que seize ans, elle ne pouvait pas partir, où irait-elle ? Elle n'avait même pas d'argent à elle, tout lui venait de ses parents, comment pourrait-elle vivre sans eux ?
Tu sais comment, lui souffla encore cette voix intérieur...
Oui, se redressa d'un coup la jeune fille, elle savait comment ! Elle contrôlait désormais très bien sa magie, elle savait aussi se défendre et elle savait chanter, elle pourrait parfaitement vivre de son chant sur les marchés comme elle voyait parfois les artistes le faire. Vivre ainsi, parcourant les villages pour se donner en spectacle et fuir la pression familiale, cela lui plaisait bien. D'autant qu'elle savait qu'elle ne vivrait pas bien longtemps comparé à d'autres confréries à force d'utiliser son pouvoir. Si elle ne partait pas aujourd'hui, alors jamais elle ne connaîtrait ce goût de la liberté qui lui faisait tant rêver !  
Alors, prenant son courage à deux mains, Lylia prépara secrètement son projet de fuite. Elle n'en parla à personne, n’étant pas sûr de pouvoir faire entièrement confiance à ses professeurs de chant et de combat, elle savait son maître de magie entièrement relié à ses parents et il en étant de même pour son maître de discipline, qu'elle n'aimait guère de toute façon.
Le soir de ses dix-sept ans, elle adressa huit lettres, une à chaque membres de sa famille et à ses quatre professeurs, dans lesquelles elle leur disait au revoir et les raisons de son départ, son envie de liberté, tout...

-1249-
Lylia parcourait la Plaine Isolée, plus exactement, elle se trouvait en Arnlo. Depuis qu'elle était partie de chez elle, elle avait rejoint de nombreuses expéditions afin d’exercer son chant.
La jeune femme trouvait refuge dans plusieurs auberges où elle exprimait les chansons qu'elle avait écrite. Elle récupérait alors généralement de nombreuses pièces qui lui permettaient à présent de vivre de ce métier. Un jour pourtant, elle entendit une discussion entre deux mercenaires.

-Tu as entendu parlé de la dernière prophétie ? Demandait l'un d'eux à son partenaire.
-Celle sur l'élu de Récleyès ? s'intéressait l'autre.
-Elle-même ! J'ai entendu dire que notre lady tentait de le retrouver pour le tuer avant qu'ils ne parviennent à revenir parmi nous. Elle mettrait sur le coup toutes les riches familles qui posséderaient assez de soldats pour enquêter...

Lylia sursauta, sa propre famille faisait partie de ce profil ! Les membres de son corps se mirent à trembler, qui sait ce qui pourrait leur arriver si jamais les Récleyès venaient à revenir et qu'ils apprenaient le rôle de sa famille dans leurs arrestations ?
Depuis lors, Lylia s'était mise à chercher toutes les informations qu'elle pouvait trouver sur cette prophétie et la politique qui était entrain de se mettre en place autour. Pour sa famille mais aussi pour protéger son peuple, elle décida que chacune de ses chansons seraient faites pour les prévenir du danger. Tant qu'à faire, elle s'était mise également, depuis peu, à chanter sur d'autres éventuelles menaces et était devenue un véritable puis d'informations grâce à ses voyages et à ses rencontres. Son métier lui permettait d'approcher quiconque qui serait en lien avec la noblesse, la famille royale, la politique ou quelque soit l'actualité de Madelle. Malgré sa maladresse et sa joie de vivre, elle était toujours sérieuse lorsqu'elle contait ses découvertes en chanson.
Ainsi, commençait pour Lylia sa véritable aventure, à la découverte du succès par le chant, mais aussi d'aventures, de recrutements pour des missions biens mystérieuses sur des demandes de transmissions de rumeurs mais aussi et surtout, de son envie de protéger son peuple envers et contre tous les dangers, toujours dans l'ombre...