Les parents ont pour habitude de toujours s’occuper d’avantage de leur second enfant que du premier. Constatation parfois amère, mais avec le temps l’ainé s’y fait et comprend finalement qu’on lui fait simplement confiance, qu’il est assez grand pour s’occuper de lui-même.
Eléanore aurait vraiment que ce soit le cas.
En effet, la petite fille qu’elle était à l’époque ne demandait que l’affection de ses parents, mais ceux-là étaient trop occupés avec son ainée, ils la délaissaient pour n’être qu’avec leur grande fille. Mais Eléa était forte. Souriante malgré la tristesse qui gonflait son petit cœur d’enfant. Elle continua d’aimer ses parents, et elle idolâtra Adélaïde, son ainée, avec qui elle passait beaucoup de temps à suivre. Tel une ombre.
Plus le temps passait et moins Eléanore se sentait aimer. Elle ne se sentait pas aussi spéciale que sa sœur, s’imaginant même qu’elle n’existait peut-être plus aux yeux de ses parents. Malgré sa capacité innée à masquer ses sentiments les plus négatifs, la demoiselle arrivait même à en faire des cauchemars. Et Adélaïde le savait. Les deux sœurs passaient donc beaucoup de temps ensemble et Eléa se demandait toujours si sa sœur ne faisait pas ça pour palier à l’affection que ses parents ne lui donnaient pas. Mais la gamine était toujours heureuse de passer du temps avec son ainée donc elle ne disait rien, laissant ses pensées de côté pour profiter de l’instant présent.

A l’école, tout se passait bien. Bavarde et enjouée, c’est elle qui donnait le rythme, qui donnait vie à sa classe. Même si certains n’appréciaient guère ses bonnes intentions, l’ambiance restait toujours chaleureuse et amusante. La fillette se fit quelques bons amis, et bien sûr quelques ennemis. Pour ces gens-là, elle feignait l’ignorance pure, ne s’occupant même pas de leur existence.
Au fil des années, certains changements commencèrent à prendre place.
Son corps changeait, elle devenait une jeune fille, avec quelques courbes assez belles à regarder. Certains garçons ne se cachaient pas pour la regarder. Mais étrangement, Eléa ne s’en préoccupait pas beaucoup. Pour la demoiselle, les garçons étaient bien trop compliqués pour qu’elle s’y intéresse vraiment.
A la maison, l’ambiance semblait toujours tendue. Adélaïde tenait tête aux parents, elle qui voulait partir à l’aventure, ils lui refusaient cette opportunité. A chaque fois. Eléa voyait bien que ça travaillait sa sœur, qu’elle désirait vraiment s’en aller de cette vie étouffante. Et la gamine comprenait. Elle connaissait la raison de tous ces refus, comme sa sœur. Mais un jour, il lui faudra s’en aller. Et Eléanore s’y préparait chaque jour. Parce qu’elle allait devoir supporter sa mère, ses jérémiades et son unique inquiétude pour sa fille chérie. Rare était les moments où Dame Firloe pensait à sa cadette. Et celle-ci le lui rappelait de temps à autres, sans grand succès.

Un autre changement va bouleverser le destin de la seconde fille Firloe.
Il y a quelques mois de ça, Eléanore est devenue une apprentie gardienne. Ce n’est pas ce qu’elle désirait, même elle n’a rien choisi, c’est l’Arbre de Vie qui l’a désigné. Normalement, cela aurait dû être son meilleur ami, qui avait réussi le test. Mais un Kog Karth arriva en furie sur le lieu de la cérémonie et ôta la vie de son ami. Comme cela, il n’y a rien d’extraordinaire. Mais lorsqu’Eléa se précipita vers son camarade, la poussière dorée près de lui se mit à briller, de plus en plus fort. La jeune fille était donc destinée à devenir une Gardienne, bien malgré elle.
C’est comme ça qu’elle se retrouva à étudier avec un mentor.
Aujourd’hui, Eléa sait que bientôt sa sœur ne sera plus là et qu’elle devra faire face à la solitude et à la tristesse de ses parents. Elle qui est déjà malheureuse du si peu d’attention qu’ils lui portent, alors un peu plus de malheur sur ses épaules…