Comme bien je n’ai qu’un cheval merveilleux, ce qui fait de moi homme plus riche que le Roi ne possédant qu’un carrosse d’or sans attelage, récita à voix basse Clara dont le souffle formait un petit nuage de condensation dans l’air matinal. Elle enjamba une ronce, repoussa une branche, tout en continuant de marmonner tout doucement : Mon cheval ne peut être monté, ni par moi ni par personne, mais il engendre mille poulains merveilleux de mille juments triviales, me laissant à sa mort nantis mille fois plus. La jeune femme s’immobilisa au milieu des bois et leva les yeux vers le ciel gris. Le reste du poème lui échappait. Elle haussa les épaules et se remit en marche, la littérature ne l’avait jamais vraiment passionné de toute façon. Sa nourrisse avait réussi à lui inculquer quelques leçons sur les grands poètes et écrivains de l’époque, sans plus.

Clara escalada une petite crête rocailleuse pour se percher au sommet. Elle replia une jambe et laissa l’autre pendre mollement dans le vide avec un petit mouvement de balancier. Ayant arrêté sa progression dans la montagne et donc toute activité physique qui aurait pu réchauffer son corps, l’air froid s’immisça lentement sous ses vêtements. La jeune femme se surprit à frissonner. Les orages des derniers jours étaient certainement les responsables de cette brutale chute de température. Il faut dire que, même en plein été, les montagnes de Saphir n’étaient jamais très chaudes. Un filet de brume dansait sur le tapis de la forêt, donnant à l’endroit un aspect plutôt louche. Même si Clara passait le plus clair de son temps dans les sous-bois, elle s’y sentait parfois étrangère et dérangeante. Les conifères s’élançant très haut vers le ciel la faisait sentir toute petite. Petite et vulnérable. La seconde partie du poème lui revint alors : Et le Roi, riche d’or et d’argent, ne peut que se lamenter que la pierre n’a pas de ces quatre pattes pour le mener à la victoire.

Un cri. Clara tressaillit comme si on venait de lui verser un verre d’eau froide sur la nuque. Raide comme un piquet, elle resta ainsi sans bouger pendant de longues secondes pour voir si ce bruit allait se reproduire. Je dis ce bruit, car la jeune femme n’était pas totalement sûre qu’il s’agisse bien d’un cri. D’un cri humain en tout cas. Peut-être n’étais-ce qu’un oiseau, le vent, un vagissement d’animal, un… Un deuxième hurlement lui fendit le cœur et elle sauta sur ses pieds. C’était une voix humaine, une voix de petite fille, elle en aurait mis son bras complet au feu ! Sans trop réfléchir, elle s’engouffra sous le couvert des arbres en direction du bruit. Son pas était rapide mais ne sachant pas trop où elle allait, elle s’arrêtait parfois pour tendre l’oreille. Elle mit ses mains en porte-voix et cria :

- Il y a quelqu’un !?

La réponse ne se fit pas attendre. D’autres hurlements aigus et insistants retentirent. Clara s’y dirigea au pas de course cette fois, se demandant ce qu’on pouvait bien faire de si horrible à une personne pour qu’elle hurle de la sorte. Un pincement au ventre lui rappela, qu’au fond, elle ne voulait peut-être pas savoir… mais elle ne pouvait pas rebrousser chemin non plus ! Une peur étrange la prit aux tripes, une peur contradictoire, mais elle continua de courir vers la source de tout ce boucan, suivant son instinct plutôt que sa tête. Les paroles de son père lui revinrent comme un coup en pleine gueule : Jamais je ne remettrai en question tes capacités, ni ta fougue ou ton courage […] si j'avais su t'apprendre la discipline, peut-être n'aurions-nous pas cette conversation pour la centième fois.

- J’arrive, lança la jeune femme en grimpant un escarpement instable

La voix semblait venir d’en arrière. Les dents serrées, elle se demanda comment user de discipline dans ce genre de situation puisque c’était là la qualité que son père prônait le plus. Comment, merde !? Elle atteint le sommet de la pente et une vue désolante s’ouvrit devant elle. Un trou béant dans le sol avec, dans son fond, des amas de terre et de pierres. Un éboulement avait eu lieu ici, mais Clara n’aurait su dire si c’était récent ou non. Un immense arbre s’était échoué dans la galerie, une galerie minière il semblerait. Ce n’était que des supputations, mais la jeune femme s’étonna d’être capable d’autant d’analyse en si peu de temps. Alors que son cerveau tournait à plein régime, un énième cri horrifié attira son attention. Ses yeux se braquèrent sur la source de l’alarme. Une fillette, à en croire par sa chevelure et ses vêtements dépenaillés, était recroquevillée dans tout ce beau bordel. On ne pouvait pas voir son visage, caché derrière un rideau de cheveux.

- Attends, je viens te chercher !

Clara amorça prudemment sa descente vers la mine. La petite fille ne faisait plus aucun bruit. Clara avait beau lui parler de loin, lui poser des questions, pas de réponses. Un peu paniquée, la jeune femme se laissa glisser jusqu’au grand tronc d’arbre et chercha des yeux un endroit plus propice pour rejoindre l’enfant. La pauvre petite devait être blessée, terrorisée, tétanisée par la peur. Elle était peut-être tombée dans ce trou, Clara n’en savait rien, mais plus elle se demandait, plus elle sentait que quelque chose clochait. Mais quoi exactement ?

Un objet froid et pointu exerça soudain une pression sur sa nuque. La jeune femme, qui était déjà à-demi agenouillée, se baissa lentement jusqu’à ce que ses genoux touchent sol, le cœur battant. Son sang n’avait fait qu’un tour. Son esprit s’efforça de comprendre, d’analyser la situation, mais une forte vague d’émotion venait de la submerger. L’incompréhension, la panique, la colère… Elle ouvrit les mains, les mettant bien en évidence. On les lui saisit brusquement pour les ligoter sans ménagement. Devant elle, la petite fille releva la tête. Elle ne semblait pas terrifiée du tout. D’ailleurs, un sourire malin striait son visage de poupée, lui donnant des airs légèrement psychédéliques. Un piège, pensa bêtement Clara. Elle sentit son orgueil se faire douloureusement piétiné alors qu’on lui attachait les poignets et qu’on la jetait au sol, sans plus de cérémonie. Ses longs cheveux s’emmêlèrent devant ses yeux mais elle parvint à distinguer plusieurs silhouettes. Des hommes, quatre hommes, tous là à rire et à se féliciter, célébrant déjà la victoire. Une épée, toujours pointée vers elle, brillait avec arrogance.

- Alors ma chérie, on joue aux héroïnes ?

Une seconde vague de rires gras ébranla le groupe d’hommes. De nouveau, la jeune femme se surprit à frissonner. Mais cette fois, ce n’était pas à cause du froid.

Clara se souvint d’un passage qu’elle avait lu dans le journal de bord d’un soldat. Lorsqu’il sentait que les émotions étaient sur le point de le submerger, que ce soit la peur ou la colère, il se concentrait sur les odeurs. À défaut de pouvoir faire mieux, c’est ce que Clara fit en sentant poindre la panique. Les yeux clos, elle huma le parfum âcre et humide de la terre moite contre sa joue. Des relents de feuilles en décomposition, de bois et de roche s’y mélangeait avec une touche sucrée et amer de résine de pin. Un court instant, elle sentit s’amenuiser l’angoisse lui broyant les tripes tel un serpent cherchant à étouffer sa proie. Ce fut de courte durée. L’homme qui l’avait lancé contre le sol, quelques secondes plutôt, la saisit par les épaules pour la mettre à genoux. Une poigne solide lui agrippa les cheveux à la base de sa nuque et tira, lui forçant à relever la tête. Ce geste brusque de soumission fut comme une coulée de braise ardente dans son ventre. Si elle n’avait pas été en si mauvaise posture, elle aurait sauté au cou de ce malotru pour lui arracher les deux yeux.

Il y avait plus important. Devant elle, un étrange personnage l’observait avec un intérêt non feint. Drôlement vêtu, il était en plus de ça fournit d’un nez proéminant et de lèvres très minces qui donnaient l’impression d’être toujours en train de faire de curieuses mimiques. Il se passa, de façon exagérément lente, une main sur son menton mal rasé, tout en l’analysant du regard. Agacée, Clara ne pipa pourtant mot, s’obligeant à attendre le verdict. L’homme claqua de la langue contre son palais avant de se pencher vers elle, un large sourire ornant son visage émacié (et son gros nez).

- Drôlement bien habillée pour une paysane, s’exclama-t-il, semblant bien heureux de cette brillante constatation

Clara lui aurait enlevé ce sourire d’idiot par une réplique cinglante, mais des mains se baladant sur son corps la déconcentrèrent, et c’est peu dire. Elle remua, réprimant un grognement, et leva des yeux assassins vers l’inconnu qui la retenait. Après l’avoir fouillé, et ce en s’attardant un peu trop longtemps au niveau de son buste (quelle imbécile cacherait une arme au niveau des seins, on peut bien me le dire ?), il lui retira sa dague avec une moue déçu. Visiblement, l’arme ne faisait pas sensation. Il haussa légèrement les épaules et fourra la lame dans un ample étui à sa ceinture. Clara se sentit tout à coup très démunie et l’angoisse revint au galop. Le bouffon devant elle continuait son examen visuel, de plus en plus ravi. Il agitait ses doigts devant son visage comme un petit enfant hésitant à toucher un objet interdit qui fait très envie.

- Ce teint délicat, ce cou gracile, hoooo…, vous avez le sang bleu, j’en suis sur !
- On peut vérifier patron, plaisanta l’un des hommes en faisant mine de tirer son épée

Clara tira férocement sur ses liens, secoua frénétiquement la tête, tenta de se relever, mais un solide coup de pied derrière les genoux la fit retomber au sol. Elle se crispa jusqu’à la limite du possible, tous ses muscles devenant dur comme la pierre.

- Tout doux ma jolie…

Le ‘’patron’’ avait dit cela sur le même ton qu’on utilise avec un cheval revêche qu’on veut amadouer. Réprimant de nouveau l’envie d’arracher une paire de yeux, la jeune femme chercha une issu, espérant qu’une solution miracle lui sauterait au visage. Au lieu de ça, elle vit l’un des hommes verser deux pièces de monnaies à la fillette. L’enfant déguerpit sans demander son reste, serrant l’argent contre sa poitrine comme un véritable trésor. La gorge de Clara se serra douloureusement. Le chef du petit clan claqua des doigts devant son visage, l’obligeant à le regarder.

- C’est pas le temps de s’adonner à des rêveries chérie, regarde par ici. Moi, c’est Ulrack, enchanté. Alors, sois gentille, dis-moi ton nom.

La fille du général dévisagea ce Ulrack et ce n’était pas de la joie qu’on lisait dans ses yeux. Les deux autres hommes restés à l’écart échangeaient des messes basses, lui jetant des regards sporadiques. Qu’était tout ce cirque !?

- Tu es muette, ou alors, je t’intimide ? Hm ? Est-ce pourquoi tu ne veux pas parler ma chérie ?
- Va te faire foutre, lança Clara d’une voix rauque

Le patron sembla outré par son language puis désaprouva en agitant un index sous son nez.

- Ce ne sont pas des manières, jeune femme ! Votre père ne serait pas très content

- C’est mon père qui vous envoi ?

Les quatre hommes cessèrent de parler et la fixèrent intensément. Un d’eux, resté à l’écart, s’avança, l’air menaçant.

- Votre père, commença-t-il gravement, un rictus au coin des lèvres. Votre père est assez influant pour vous envoyer des hommes ?

Clara se mordit la langue, comprenant l’erreur qu’elle  venait de faire. L’homme l’observa longuement pendant que ses camarades attendaient, curieux et impatients. Il s’accroupit finalement devant elle, plongea son regard dans le sien. Clara baissa la tête, tentant vainement de cacher son visage sous une cascade de cheveux…

- La fille du Général, tu es la fille du Général.

Clara lui cracha au visage. Sitôt geste fait, sitôt geste regretté. Une large main, forte et rugueuse, s’abattit violemment sur sa joue. La claque résonna dans tous les os de sa mâchoire. La jeune femme réprima un hoquet et se mordit la lèvre, les yeux fermés. La douleur l’ayant pris par surprise, elle sentit les larmes montés derrière ses paupières. Elle remua la mâchoire, certaine qu’elle c’était décrocher pendant un instant. Sa nourrisse l’avait déjà giflé une fois, pour la ramener à l’ordre lorsque Clara s’était mise hors d’elle. La claque l’avait surprise plus qu’autre chose. Cette fois, c’est une colère sourde qui lui traversa le corps jusqu’au bout des doigts.

- On ne frappe pas les otages !
- Elle m’a craché dessus cette pétasse !
- Ce n’est pas une pétasse… c’est la fille du Général, et elle va nous rapporter beaucoup d’argent. Compris ?

Le silence s’étira, Clara laissa ses yeux clos. La moitié de son visage était engourdi.

- Compris !? cria plus fort Ulrack

Ses hommes marmonnèrent puis, plus un mot. L'heure suivante passa très rapidement alors que Clara se contentait d'observer les faits et gestes de ses ravisseurs et de tenir profil bas. Ulrack envoya l'un d'eux s'enquérir au château, puis les deux autres en corvée de bois. Ils montèrent un piètre petit campement, allumèrent un feu et firent des tours de garde. Attachée à un arbre, la jeune femme avait déjà commencé à émousser ses liens.

La forêt était sombre et le feu crépitant y formait une tâche lumineuse pas franchement rassurante pour Clara. Trois ombres s’y détachaient, parlant à voix basse depuis maintenant plusieurs heures sans trop lui porter attention. Le ciel étant couvert d’un épais tapis de nuage gris, il était impossible de déterminer l’heure à laquelle nous étions. Peu importe l’avancée de la course du soleil, chaque minute passée cloué à cet arbre était une minute de trop pour la fille du général. La joue appuyée contre son épaule et les yeux mi-clos, Clara frottait inlassablement la corde qui la retenait captive contre l’écorce. À un moment, elle avait cru sentir ses liens céder mais suite à une douleur vive, elle s’était rendu compte qu’il ne s’agissait que de la peau meurtri de ses poignets ayant fendu sous la friction. Et donc, lorsque la corde se rompu réellement, cela lui prit de longues secondes avant de réaliser qu’elle était libre.

Elle redressa la tête, sentit son cœur s’accélérer. Lentement, elle ramena ses bras endolori sur son ventre. Contraints d’être restés trop longtemps dans une position peu confortable, ses muscles étaient engourdis et fourmillaient désagréablement. Tout en gardant un œil sur le petit groupe, elle s’imposa un rapide bilan. Impossible de réfléchir. Le sang affluait dans ses jambes, l’incitant à se lever d’un bon et de courir. Impulsive comme à son habitude, Clara agit en fonction de ses émotions et non de sa tête. Avec un regard désolé vers sa dague restée entre les mains des mécréants, elle détala comme lièvre en soulevant un tourbillon de feuilles.

- Elle s’enfuit !

Elle ne porta plus attention aux hurlements de ses ravisseurs. Les seuls sons qui lui parvenaient étaient ceux de ses bottes martelant le sol et son souffle irrégulier. Un craquement de brindille, un crissement de feuille. Les branches lui fouettaient le visage mais elle avançait sans se retourner jusqu’à ce que, à bout de souffle et certaine d’avoir semé ses poursuivants, elle s’appuya contre un gros rocher. Tout c’était passé si vite, combien de mètres avait-elle fait ? Elle leva les yeux vers le ciel gris. Elle aurait peut-être dû attendre la nuit tombée pour tenter une évasion. Alors que toutes ces pensées se bousculaient dans sa tête, elle aperçut une ombre fonçant sur elle. La jeune femme eu à peine le temps de se baisser qu’une lame frôlait le dessus de sa tête.

- Morte ou vivante, ton père paiera cher pour ravoir ton corps !

Clara recula prestement, prise d’un soudain vertige autant dû à la surprise qu’à la peur. C’était cet homme qui l’avait frappé au visage plus tôt dans la journée. Son épée tendu devant lui, il la reluquait avec un regard un peu fou. Il était dérangé, ça, ce n’était pas négociable. Il hurla comme un demeuré et fonça vers elle, l’arme levée au-dessus de sa tête. Clara fit deux pas de reculons, butta contre une autre souche et s’étala sur le dos. Comme le malheur ne vint jamais seul, son assaillant s’y prit les pieds lui aussi et lui tomba dessus. Son épée fit un vol plané jusque dans les fourrées. Il ne sembla pas s’en soucier, trop heureux d’avoir sa petite proie à sa merci. Son rictus était démentiel. Clara attrapa une rocha à sa porter et l’abattit contre la tempe du voleur. L’homme était peut-être bourru et costaud, mais aussi plus rapide qu’elle ne se serait douté. La roche n’ayant eu apparemment que peu d’effet, il lui attrapa les deux poignets, si fort qu’il aurait pu les lui broyer, et les plaqua en croix contre le sol. Clara cria, cette poigne ravivant la douleur de ses poignets lacérés par la corde.

- Cri, personne ne va venir te sauver… Clara, fille de Hektor le Grand.

Cette appellation fut comme une seconde gifle pour la jeune femme. Mais une bénéfique cette fois-ci. En effet, qu’est-ce que la fille du Général Hektor, valeureux combattant reconnu de tous, faisait dans cette situation humiliante. Quelque chose se produisit, quelque chose d’inattendu. Le don de vérité de Clara se mit en branle de lui-même. Le fer se mit à chauffer, soudainement et très rapidement. L’homme, qui portait une chainette de métal au cou, écarquilla grand les yeux et se mit à hurler. Il roula sur le côté, tentant de se l’arracher. Un faible grésillement se fit entendre, celui de la peau qui cuit et de la chair qui calcine. Clara regarda ce macabre spectacle, tremblante, alors que le fer rouge vif collait à la peau de son agresseur qui criait en se débattant. La jeune femme se releva comme un automate, regarda une dernière fois, puis pris de nouveau ses jambes à son coup. Elle courait moins vite cette fois, absorbée par les cris de souffrance qu’elle entendait au loin. Elle utilisait rarement son don, n’y voyant pas d’utilité. Cette fois, elle venait d’y trouver la preuve d’une arme infaillible. Choquée et satisfaite à la fois, elle atteint finalement Férèsis. Sans cesser de courir, elle vint s’y heurter aux grandes portes et les martela de coups de poings.

- Je veux voir mon père, je veux voir le Général !

Les soldats, plus surpris qu’intrigués par tout ce raffut, ouvrir les portes pour la laisser passer. Aussitôt le pied à l’intérieur de la cité, Clara se fit intercepter par le Chef du corps de Garde.

- Votre père n’est pas ici présentement, il est en-...
- ...mission, termina abruptement la jeune femme qui ne connaissait que trop bien cette excuse habituelle
- Oui. Par contre, je suis au courant de ce qui c’est passé.

Clara, qui n’avait pas daigné un regard au Chef du corps de Garde jusqu’à présent, fit une mine hébétée en sa direction. L’homme lui expliqua rapidement qu’ils avaient intercepté le quatrième scélérat, trop confiant de pouvoir obtenir une prime. Lui ayant fait tout avouer (avec emploi de moyens certainement très peu éthiques…), quelques soldats étaient déjà partis en patrouille à l’endroit indiqué pour venir la secourir.

- ''Secourir’’, répéta très lentement Clara, blême
- Parfaitement mademoiselle.

La fille du Général sentit la moutarde lui monter au nez et son égo s’enfuir au loin, piétiner au passage sous les semelles du Chef du corps de Garde. Ses traits se crispèrent et elle écarta vivement les bras, se désignant.

- Me secourir ? reprit-elle plus fortement. Je n’ai pas besoin d’être secouru ! Si vous n’aviez pas remarqué, Monsieur, je suis ici en chair et en os devant vous, et ce sans l’aide de vos soldats.

Le Chef du corps de Garde étant habitué aux débordements d’orgueil de la jeune Arnstven, il esquissa une grimace et fit un pas sur le côté pour la laisser passer.

- Je ferai savoir votre… avis au Général. En attendant, il faudrait aller faire soigner ces poignets.

Il baissa les yeux vers les mains de la jeune femme. Cette dernière les cacha précipitamment sous ses manches et releva fièrement la tête. Elle le dévisagea et, sans rien ajouter d’autre, tourna les talons en s’en alla. Du coin de l’œil, elle crut apercevoir une petite fille, celle-là même qui l’avait mise dans ce beau pétrin. La blonde s’immobilisa au milieu du chemin, réfléchis un court instant… Les cris de son agresseur brûlant sous la morsure du fer lui résonnèrent derrière ses tympans. Elle fronça les sourcils et regarda autour. Elle savait désormais ce qu’elle voulait. D’un pas décidé, elle se dirigea vers la forge. Elle avait besoin d’une nouvelle arme, et pas n’importe laquelle.

FIN