Depuis quelque temps, la communauté alchimiste se pose une question. Des témoins affirment avoir vu une fleur pousser sur le dos de Kog'karth. Une fleur ou une pierre ? Histoire d'être sûr, un groupe de volontaires est recherché pour ramener l'un de ces spécimens et vérifier les rumeurs. Évidemment tout travail mérite salaire même si le fait d'aider la science devrait normalement suffire.

Vos premiers messages doivent indiquer comment vous avez entendu parler de cette mission et comment vous avez décidé de coopérer, jusqu'à votre arrivée dans la forêt. Arrêtez-vous une fois que vous avez décidé de faire équipe et que vous êtes arrivés à destination. Bien sûr, vous pouvez aussi d'abord vous rendre sur place, puis décider de faire équipe.

L'hiver faisait rage, bloquant une partie des routes, et transformant chaque champ en une étendue brillante, lisse et traîtresse. Cependant, à l'abri des arbres de la forêt des Mirli, la couche de neige était plus fine et irrégulière, rythmée par la chutes de blocs que les branches ne supportaient plus. C'était là qu'emmitouflé dans quelques couches de laine épaisse et de chaudes fourrures que Rhys attendait. Depuis près d'une heure il alternait entre faire les cent pas et se serrer contre son denmuys (un investissement récent qu'il ne regrettait pas le moins du monde) pour profiter de sa chaleur, en attendant ce foutu héléo, qui lui avait déjà fait défaut une fois, et à propos duquel il commençait sérieusement à se demander s'il existait vraiment. Il aurait probablement lâché l'affaire bien plus tôt s'il n'avait pas eu une totale confiance en l'informateur qui lui avait transmit ce tuyau.


C'était penché sur sa table de travail que Jonas l'avait trouvé, quelques semaines plus tôt, en train fignoler son dernier ouvrage. C'était un objet simple, comme il en était demandé des dizaines dans les beaux quartiers de la capitale, et dont les courtisans étaient particulièrement friands depuis quelques temps. Une mode de plus, qui passerait aussi vite qu'elle s'était installée, mais à laquelle il fallait répondre, aussi ennuyeux soit-il de fabriquer la même chose en boucle. Rhys avait passé la journée à rêver d'une distraction, et voilà qu'il en paraissait une à sa porte, les cheveux en bataille, les manches retroussées et un peu d'encre sur le front.

« J'ai une excellente nouvelle pour toi ! » s'exclama la distraction en s'asseyant sur une coin de la table. « Tu vas pouvoir laisser ta production à la chaîne de côté, j'ai mieux pour toi, regarde ça ! »
Rhys parcourut rapidement les quelques mots griffonnés sur un morceau de papier en mauvais état que lui tendait Jonas.
« Ce n'est pas toi qui t'en charges cette fois ? Je croyais que l'exploration sauvage était ton domaine de prédilection. » demanda-t-il en le lui rendant.

Ses mots boudeurs étaient en désaccord avec l'éclat d'excitation qui faisait briller ses yeux. Jonas secoua la tête, visiblement déçu.

« Tu sais bien que Zayne m'a déjà confié une mission, et qu'il n'aime pas qu'on le fasse attendre inutilement. J'étais en train de la préparer quand j'ai reçu le message, d'ailleurs. » Il appuya ses propos en lui montrant ses doigts tachés d'encre, expliquant au passage la trace sur son visage.

Le-dit message faisait succinctement état d'une rumeur concernant une créature, d'une fleur, et de la forêt des Mirli. Il était aussi fait mention d'une date et d'un lieu de rendez-vous, et d'un futur partenaire.

Si le nom lui avait immédiatement parlé sans qu'il puisse tout de suite le replacer, un long voyage à s'interroger lui apporta la réponse : Nava était le nouveau fournisseur qu'il avait déjà essayé de contacter plus tôt dans l'année, et qu'il avait raté à l'époque. Autant il était rassuré de voir qu'on ne lui avait pas proposé un pied-tendre, autant il aurait peut-être préféré que son partenaire ne lui ait pas laissé un souvenir aussi amer.


Ah ! Des pas dans la neige, enfin ! Relevant la tête, Rhys mit un moment à apercevoir le propriétaire des pieds qu'il entendait a travers les arbres. Et quand celui-ci arriva enfin en vue, l'humain eut un instant de surprise. Il n'aurait su dire à quoi il s'attendait, mais probablement pas à l'individu qu'il avait devant lui. Sans connaître beaucoup d'héléos, les quelques qu'il avait eu l'occasion de rencontrer l'avaient plutôt habitué à une carnation claire, voire carrément pâle. En un contraste presque surnaturel, l'homme qui arrivait avait la peau d'un marron soutenu, peut-être la plus sombre qu'il ait vue. Cependant, sa manière de ne pas sembler sentir le froid qui régnait le désignait bien comme celui que Rhys attendait. Sans quitter la proximité tiède de son cheval, il le salua :

« Nava j'imagine ? Je suis Rhys. Il me semble qu'on doit partir ensemble à la recherche d'une légende, non ? »

La forêt resplendissait à ses yeux, montrant une facette complètement différente sous toute cette neige. La froideur qui y régnait le laissait de marbre, les mers de glaces n’avaient définitivement rien à envier à cet endroit. Pour l’occasion, Nava s’était vêtu d’une tenue malgré tout plus chaude et adapté à la chasse aux mythes et légendes qu’à l’accoutumé. De son côté la route était parfaitement obstruée et impraticable, il mit pied à terre et attacha les rênes de sa monture (un Pur Sang à la robe crème, ponctuée de taches sombres) à la première branche qui lui passa sous la main. Profitant de ce court temps de répit pour jeter un nouveau coup d’œil à sa carte et tracer un itinéraire pour le moins brouillon à travers les bois. Il s’assit quelques instants sur la souche d’un tronc mort, sans vraiment prendre le temps de savourer le calme qui régnait, car il désirait vraiment commencer la recherche de cette étrange pierre plante, ou l’inverse. Et au passage peut-être faudrait-il éviter de faire perdre trop de temps à mon collaborateur, se demanda l’héléo après quelques secondes.

La pause était finit. Il dégaina sa dague et entraina l’animal avec lui à travers la forêt sombre ; la neige au sommet des arbres bloquant la lumière. Les deux compagnons s’engouffrèrent entre d’étranges buissons et disparurent dans le silence. De l’autre côté, la végétation dense gênait presque autant que cette maudite route bloquée. Les immenses troncs se situaient à de très faibles distances les uns des autres, leurs imposantes racines sortaient du sol, rajoutant à la difficulté de progresser à  travers. À leurs pieds siégeaient bon nombre de champignons, certains ternes et d’autres bien plus resplendissant évoquant un arc-en-ciel par la multitude de couleurs. D’innombrables fleurs et arbustes en tout genre remplissaient avidement les espaces vacants, grattant toujours un peu plus la liberté de se mouvoir. En ce qui concerne les animaux, hormis celui de Nava, tout paraissait calme. Même les insectes semblaient absents, probablement lotit à l’abri du froid dans une souche ou dans le sol. Le marchand progressa lentement mais sûrement, à un rythme lent pour permettre à sa monture de le suivre dans les endroits exigus, nécessitant parfois de trancher la verdure à l’aide de sa dague.

Au bout de quelques heures, ils arrivèrent enfin à leur destination. À peine Nava pénétra dans le point de rendez-vous que l’autre homme se présenta. « Rhys », tout de suite il fit le lien avec un ancien contact, un client qu’il n’avait pu rencontrer quelques mois auparavant. Mais peu importe cette histoire anecdotique, l’héléo ne se souciait que de cette rumeur en cet instant, ce spécimen serait de toute beauté dans sa collection. D’un simple geste de la main, il retourna la salutation à l’alchimiste et se lança rapidement dans les explications sans perdre de temps :

-Effectivement Rhys, nous partons à la recherche d’une légende. Et comme toutes les légendes, elle possède forcément un fond de vérité, reste à savoir à quel point.

Il s’arrêta un instant de parler pour scruter un peu mieux la zone - rien de bien intéressant à son gout – il reprit de plus belle, en pointant une direction à travers la forêt de Mirlis.

-Avez-vous déjà eu affaire à un Kog’karth, partenaire ? Personnellement non. En tout cas, il vaut mieux se mettre au travail, que diriez-vous de commencer nos recherches par là-bas ?

Il n’attendait pas réellement de réponse, et prit la direction qu’il avait indiquée, déterminé à trouver au plus vite un de ces fameux monstres. Certes très rares, ces golems ont l’avantage d’être facilement remarquable. Ralentissant sa marche pour attendre ce fameux partenaire.

Quand vous vous enfoncez dans la forêt, vous vous rendez rapidement compte que trouver un Kog'Karth en cette saison ne va pas être une mince affaire. La nature semble endormie et ses gardiens aussi : impossible de trouver la moindre piste qui vous ménerait à votre proie. Peut-être hibernent-ils...

Vous n'avez pas le choix si vous ne voulez pas mourir gelés à force de tourner en rond : vous allez devoir demander l'aide d'un groupe d'Anciens pour vous mettre sur la voie. Attention, il va falloir les convaincre que vos intentions sont en accord avec leurs principes, sinon ils refuseront de vous aider... (Et le braconnage de créatures ancestrale n'est PAS une activité respectable à leurs yeux).



Vous êtes libres de décider des circonstances de la rencontre et de jouer les PNJ Anciens. Minimum 3 messages chacun. Arrêtez-vous une fois sur le bon chemin.

« A un kog-karth ? Non, jamais. »

Il n'ajouta pas de réponse à l'autre question de Nava, qui d'ailleurs ne semblait pas en attendre une. Il se contenta de le suivre en menant sa monture par la bride, la piste à travers la forêt n'étant pas vraiment praticable monté. Ses pieds glacés commençaient à se réchauffer en se remettant en mouvement. Il observait avec envie l'héléo qui ne semblait pas perturbé outre mesure par la température ambiante. En le voyant arriver avec une carte à la main, Rhys avait pensé qu'il avait plus d'informations que lui sur l'endroit où ils pourraient trouver une de ces créatures, mais finalement il n'avait pas l'air de vraiment mieux savoir où il allait.

Étrangement, une fois qu'il eut compris ça, le jeune homme se sentit en quelques sortes soulagé : il n'aimait pas l'idée d'entamer une mission comme celle-ci en étant aussi largement moins bien préparé que son partenaire. Il marcha dans ses pas un moment, profitant de la piste qu'il traçait, mais il finit par s'en écarter pour élargir un peu leur champ de recherches. Instinctivement il imaginait trouver ce qu'ils cherchaient dans une sorte de clairière, ou peut-être une grotte, mais il n'aurait absolument pas pu donner de raison qui lui donnait à penser cela.

Après plusieurs dizaines de minutes à progresser ainsi, Rhys fit signe à Nava de s'arrêter. Ils étaient arrivés au pied d'une dénivellation du terrain formant un U grossier de quelques mètres de large. Un endroit abrité idéal pour monter un campement, à l'abri des intempéries et qui semblait aisément défendable contre les bêtes sauvages qui rôdaient certainement durant la nuit. Après avoir bu quelques gorgées d'eau, il expliqua le but réel de cette interruption, qui malgré les apparences n'était pas la fatigue. Il avait bien réfléchi à la suite des opérations. S'ils ne changeaient pas de méthode, ils n'étaient pas sortis du sable.

« On n'arrivera à rien en s'y prenant comme ça. Je propose que l'on se sépare. La nuit devrait tomber dans quelques heures, autant se retrouver ici à ce moment-là pour monter le camp. On aura couvert plus de terrain de cette manière. »

Malgré ce point de rendez-vous donné, Rhys n'osa pas laisser son denmuys à l'attache sur place. Pour l'instant la forêt ne lui avait pas donné l'impression de grouiller de prédateurs  mais il était bien conscient que cette apparente sécurité n'était que cela : apparente. Il n'était pas près de laisser ce pauvre animal sans défense et à la merci du premier carcajou venu qui aurait décidé d'en faire son casse-croûte. Il partit donc vers l'ouest, sa boussole dans une main et les rênes de sa monture dans l'autre, à la recherche de cette mystérieuse « fleur ».

Ces heures qui suivirent leur séparation furent éreintantes, froides, et mouillées. Lorsqu'il finit par rejoindre, bredouille, l'emplacement prévu pour leur campement du soir, Rhys devait bien admettre une chose : il n'avait aucune foutre idée d'où trouver un kog'karth.

Traversant tant bien que mal la forêt, se sentant l’âme d’un aventurier, Nava se traçait un chemin à coups de dagues. Devant malgré tout s’avouer vaincu contre certains arbres, plantes ou racines particulièrement résistants qu’il valait mieux simplement enjamber ou contourner. Jetant des coups d’œil de temps en temps derrière-lui pour s’assurer que ce Rhys ne l’avait pas perdu de vue. Et parfois l’héléo se devait d’insister en tirant vigoureusement sur sa bride pour faire avancer son cheval, devenant de plus en plus réticent au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans ce labyrinthe de verdure.

À de trop nombreuses reprises, le marchand avait eu de fausse joie en croyant apercevoir un des golems alors qu’il ne s’agissait en réalité que de vulgaire tas de rocs empilés de façon anarchique. Puis soudain, au bout d’un certain temps de marche, son partenaire lui indiqua de s’arrêter un instant. Le regardant d’un air serein boire, Nava était loin d’être idiot et en voyant la zone où ils se situaient, il devinait aisément les intentions de l’alchimiste. Sans doute aurait-il dû prévoir cela dès le début, mais l’excitation de la chasse l’avait quelque peu distrait. Et en effet, son partenaire lui proposait bien de se séparer et de se retrouver ici-même à la tombée de la nuit. Bonne initiative, il se félicitait presque d’avoir dégoté un partenaire utile.

-Très bien, faisons ainsi camarade. Bonne chance dans vos recherches.

Sans perdre une seconde de plus, Nava retourna à la conquête de cette maudite forêt. Les heures défilèrent rapidement, tandis que ses espoirs diminuaient progressivement. Il croisa bien quelques bêtes, mais rien de dangereux et d’intéressant. Traçant toujours un long chemin parsemé de branches coupées, directement relié au campement, qu’il emprunta pour rentrer dès l’instant où il ne parvint plus à voir ses propres pieds.

Dépité, son retour tardif au campement n’avait rien de joyeux. Il attacha sa monture à une branche et posa ses fesses par terre sans dire un mot. Au bout de quelques instants, il se tourna vers Rhys et lui demanda avec une amertume partiellement dissimulée :

-Rien de votre côté non-plus je suppose ?    

En entendant des pas dans la neige qui se rapprochaient et qui s'avérèrent être Nava et son cheval qui revenaient, l'étincelle d'espoir qui naquit en Rhys n'eut même pas le temps de se transformer en lueur. À l'affaissement de ses épaules et sa manière de se laisser tomber en tailleur à côté de lui, il n'avait pas besoin d'un long discours pour lui peindre le tableau de ses recherches infructueuses : ils avaient apparemment passé exactement la même journée l'un et l'autre. Il laissa s'échapper un profond soupir, croisa les jambes devant lui mais ne dit rien, laissant le temps à l'héléo d'arriver.

“Non, rien du tout.” Il secoua la tête. “Il va falloir réfléchir à changer de tactique. Nous avons toute la nuit pour trouver une idée.”

Poussant un soupir, il se leva et commença à installer leur campement de fortune tant que quelques rayons du soleil couchant perçaient encore à travers les feuillages. Une fois les tentes montées, le feu allumé et le repas avalé, il prit le premier tour de garde, ses fontes avec lui. Il avait emporté pour le voyage toute la littérature qu’il avait pu trouver sur les golems protecteurs de la Forêt, se doutant qu’en trouver un n’allait pas être évident. Il parcourut une nouvelle fois les textes à la lumière d’une lanterne, jusqu’à une heure avancée de la nuit. Quand il abandonna, réveilla Nava pour le replacer, et alla dormir il dut se rendre à l’évidence : il n’était pas plus avancé qu’au début de leurs recherches.

Le petit jour se leva, maussade et humide. Après un rapide petit-déjeuner froid, ils replièrent leurs affaires et repartirent pour une journée qui se promettait globalement identique à celle de la veille. Aucun d’eux n’avait eu d’épiphanie. Ils avaient prévu de faire comme la veille : avancer de concert jusqu’à trouver un endroit pour monter un camp, puis se séparer et explorer en solitaire pour couvrir plus de surface.

Il n’arrivèrent pas jusqu’à cette étape.

À peine avaient-ils parcouru quelques lieues (la pâle lumière qui transpirait sous les frondaisons leur indiquait qu’il était à peine midi) que sa monture commença à se montrer nerveuse et à tirer sur ses rênes. Cependant, même en scrutant les sous-bois de toute son attention, Rhys ne parvenait pas à voir ce qui l’inquiétait. Lui-même n’était pas vraiment tranquille dans cette forêt, et ce sentiment ne l’avait pas quitté depuis qu’il y avait mis le pied la veille. Difficile donc de faire la part des choses entre l’impression globale du lieu et un danger nouveau et imminent.

En bon citadin, il avait donc ignoré l’avertissement et continué à avancer. Il n’avait fallu que peu de distance de plus à parcourir pour qu’il découvre à la fois la cause du trouble de son denmuys, et le fait qu’à l’avenir il lui porterait une plus grande attention. Un grondement sourd fit s’arrêter l’animal, et Rhys reporta son attention sur le chemin plutôt que sur les sous-bois.

Droit devant eux, la gueule encore dégoulinante de sang, un Llam Tauraë qu’ils avaient dérangé pendant son repas.

La nuit s'est passée sans embûche et pendant qu'il surveillait le campement, Nava s'était mis à espérer qu'un Kog'Karth apparaîtrait devant lui. Mais c'était un espoir vain et l'arrivée du soleil lui a rappelé sa journée d'hier, à savoir : ne rien trouver. Et aujourd'hui a de grande chance de ressembler à hier. Rien que d'y penser, il ressent un sentiment d'amertume alors que les recherches n'ont même pas commencé.

L'héléo accepte de refaire comme la veille. De toute façon, il ne voit pas de meilleure solution pour couvrir un maximum de terrain en prenant le moins de risque possible. Il ne s'y connait pas tellement en golem, mais il se demande si en cette saison ils sont de sortie. Ce serait bien dommage de ne pas les trouver à cause de ça !

Alors qu'ils continuaient sur le chemin à dos de leurs montures, son cheval commença à devenir nerveux, tout comme le Denmuys de l'humain. Contrairement à l'alchimiste, Nava préféra s'arrêter pour regarder ce qui cause tant de stress à son cheval. Ne voyant rien, il suivi son compagnon, mais avec une grande prudence. Ils sont dans une forêt, ça ne l'étonnerai pas de tomber sur des prédateurs affamés, surtout en plein hiver où le gibier est plus rare.

Ses inquiétudes se confirmèrent quand il voit ce qui leur fait face.

Un félin d'une taille assez imposante était en train de dévorer avec un grand appétit, la proie qu'il avait chassé. Sauf qu'il s'était arrêté et regardait dans leur direction. Nava déglutit. Ils montaient deux jolies proies pour ce Llam Tauraë et si elles ne lui suffisaient pas, il avait une belle brochette de bipède à portée de griffes.

Néanmoins, il avait entendu que ce genre de créature étaient plutôt passives envers les humains. Avec un peu de chance, s'ils rebroussent chemin en ignorant la bête, peut-être que son attention se reporterait sur son repas ? Il espère en tout cas qu'elle ne les attaque pas. Il préférerait éviter toute confrontation, n'étant pas très expérimenté dans les combats contre des félins géants. Et il ne savait pas si Rhys était davantage un expert en la matière...

- Faisons demi-tour, il nous laissera peut-être tranquille... chuchote-t'il à son partenaire de chasse.

Il avait essayé de paraître le plus confiant possible, mais il sait bien qu'en disant peut-être, c'était un peu raté. Mais c'est leur seule chance.

Il changea de direction et son cheval pris immédiatement le grand trot, n'étant pas rassuré de savoir le prédateur derrière lui. Nava ne peut pas vraiment gérer son allure davantage. Il a évité de lui faire prendre le galop, pour ne pas affoler le tigre... En espérant que cela suffise.

Durant le quart de seconde durant lequel le grand félin les regarda sans bouger, Rhys eu largement le temps de regretter que Jonas ne soit pas là. Il avait plus l’habitude des missions d’exploration sauvage et aurait été un atout majeur dans cette situation. Jonas savait toujours quoi faire face aux dangers qui les trouvaient en pleine nature. Alors que lui… citadin jusqu’au bout des ongles, il restait coincé par le regard du Llam Tauraë, dont la queue oscillait avec contrariété. Heureusement, Nava semblait avoir un peu plus la tête sur les épaules et brisa le silence, le ramenant illico presto à la réalité. Il se remit en mouvement, et Ivoire ne se fit pas prier pour faire demi-tour et s’éloigner du prédateur.

Rhys recommençait à respirer presque librement, après s’être éloigné de quelques mètres. Il sentait le regard de la créature sur son dos mais n’entendait rien bouger … Pour s’assurer que ce n’était rien, il se retourna pour jeter un dernier coup d’oeil derrière lui et s’assurer qu’il ne bougeait pas… Est-ce que ce geste décida le Llam Tauraë ? Il ne pourrait jamais en être sûr. Toujours est-il que l’animal n’avait pas bougé, gardant ses yeux dorés fixés sur les intrus. À ce moment, en un bond impressionnant il se mit en mouvement, ayant apparemment décidé que ces nouvelles proies valaient la peine d’être poursuivies.

Avec un cri d’avertissement pour l’héléo, Rhys lança son Denmuys au grand galop, slalomant entre les arbres pour échapper à son poursuivant. Il espérait que Nava et sa monture suivraient : il n’avait envie ni de les retrouver tous deux éventrés, ni de se retrouver seul dans cette maudite forêt s’il arrivait à se sortir vivant de cette course-poursuite. Il n’osait plus regarder derrière lui, la dernière fois ne lui avait pas tellement porter chance. Il entendait par moment le cheval de son compagnon par dessus le bruit d’enfer du galop de sa propre monture. Au moins ils ne s’étaient pas encore perdus de vue.

Il faillit être jeté à terre par un écart brusque d’Ivoire, lorsqu’une flèche siffla près de son oreille. Quelle nouvelle tuile allait encore leur tomber dessus ?! Relevant vivement la tête à la recherche de ladite tuile. Devant eux, coincées entre les énormes branches qui composaient la forêt, il pouvait apercevoir quelques … cabanes ? Et sur la plateforme en reliant deux d’entre elle, deux personnes, l’arc à la main, étaient en train d’encocher de nouvelles flèches. Priant pour que celles-ci soient destinées à leur prédateur et non à eux, Rhys encouragea son Denmuys pour qu’il accélère sur la dernière ligne droite. À peine Nava et lui avaient-ils dépassé les deux arbres monumentaux qui soutenaient les édifices qu’un filet se dressaient entre eux et le Llam Tauraë, l’empêchant d’aller plus loin. Apparemment, ses proies ne valaient pas l’effort qu’elles demandaient, si bien qu’il abandonna la poursuite avec un dernier feulement de frustration.

La peur laissant rapidement place à la fatigue, Rhys croisa les bras sur l’encolure de sa monture et posa sa tête dessus, les yeux fermés, le temps que leurs sauveurs descendent de ce qui semblait être leurs pavillons de chasse.

“Ca va ? Vous n’avez rien ?” La chasseresse avait une expression à mi-chemin entre l’agacement et l’inquiétude réelle.
“Moi rien. Merci pour votre aide.” Il avait toujours le souffle court et n’avait pas encore retrouvé ses formules, mais il n’avait pas perdu sa politesse.

“Qu’est-ce que vous faites ici, tous les deux ?”

L’héléo et sa monture semblaient également tous les deux à bout de souffle. Rhys leur jeta un coup d’oeil mais apparemment Nava n’était pas pressé de répondre. D’après ce qu’il en avait vu au cours des deux jours qu’ils venaient de passer ensemble, cet homme n’était peut-être pas le roi de la diplomatie … Peut-être valait-il donc mieux que ce ne soit pas lui qui réponde à cette question en effet… Les Anciens ne devaient pas particulièrement approuver qu’on vienne braconner des gardiens ancestraux au coeur même de leur forêt… Il allait falloir improviser une raison valable, et vite. Feignant de retrouver ses esprits – il n’était pas encore sûr de tous les avoir – il se tourna vers la chasseresse qui attendait une réponse.

“A part essayer de rester en un seul morceau ? Nous étions à la recherche d’un Kog’karth.” L’expression fermée de leur sauveuses l’incita à la prudence. “Nous ne somme pas là pour du braconnage. Au contraire. Nous cherchons à étudier ces créatures pour tenter de comprendre comment elles sont nées. Notre but est purement académique.”

Voilà, c’était dit. À vrai dire, il n’était pas dans les meilleures conditions pour broder un tel mensonge. Il venait de se payer une belle frousse, il était à bout de souffle : sa voix n’était pas aussi stable qu’il l’aurait souhaité. Heureusement, vue la situation, ils n’avaient pas vraiment l’air de chasseurs de monstres. En les voyant ainsi il était facile de penser qu’ils n’avaient aucune idée de ce qu’ils faisaient, et pour être honnête ce n’était pas très loin d’être le cas …

D’abord dubitative, la femme les observa longuement d’un air méfiant. Ni Rhys ni Nava n’osaient bouger une oreille, attendant son verdict. Finalement, leur déconvenue face au Llam Tauraë et le paquet de parchemins qui dépassait des fontes de l’alchimiste jouèrent en leur faveur. L’Ancienne se détendit soudainement, et leur fit signe de descendre de leurs montures et de la suivre, ce qu’il firent sans se faire prier. L’héléo n’avait pas l’air gêné outre mesure par la température, mais Rhys avait hâte de pouvoir se réchauffer à l’intérieur d’une des cabines de chasses qu’il avait aperçues plus tôt. Ce fut effectivement là qu’elle les emmena, et l’un comme l’autre tentèrent de se montrer plus assurés qu’ils ne l’étaient en marchant sur le plancher qui flottait à plusieurs dizaines de mètres du sol. Le barde se rapprocha en douceur du feu vif qui flamboyait à une extrémité de la pièce le plus loin possible du tronc de l’arbre pour s’y réchauffer les mains. S’il attrapait des crevasses à cause du froid et qu’il ne pouvait plus jouer…

La chasseresse n’avait apparemment pas de temps à perdre en palabres : elle attaqua immédiatement dans le vif du sujet :

“Je m’appelle Aglaée. Vous avez parlé d’études sur les Kog’karth tout à l’heure. Quoi exactement ?”

Elle les regardait alternativement tous les deux. Rhys avait profité de la montée pour réfléchir à quel mensonge il allait pouvoir lui servir. Nava était sans doute très débrouillard dans beaucoup de situations, mais il n’avait pas l’air particulièrement doué pour l’affabulation, il allait donc devoir faire en sorte qu’il n’ait pas à broder. Il souffla dans ses doigts une fois de plus pour se donner une contenance et se lança, avec juste assez d’hésitation pour un érudit hors de sa bibliothèque.

“Et bien… Je m’appelle Rhys. Je travaille pour un directeur de recherche à la Bibliothèque d’Arnlo. Il s’est lancé dans l’étude des mécanismes de protection de la nature, qu’ils soient magiques ou non. Bien évidemment les golems de cette forêt sont du plus grand intérêt pour lui, malheureusement sa santé est fragile et il ne peut faire le voyage lui-même ; je suis donc chargé de lui rapporter le plus de détails possible sur ces créatures. Et qui sait, peut-être re-découvrir comment ils ont été créés. Je ne pouvais pas me lancer dans ces recherches seul et ai donc embauché mon compagnon.”

Visiblement, les difficultés et les sujets de thèse des intellectuels étrangers n’étaient pas d’un intérêt passionnant pour Aglaée, qui haussa les épaules. Ils devaient avoir l’air suffisamment inoffensifs pour qu’elle ne pousse pas son interrogatoire plus loin. Leur manque d’organisation et leur comportement de citadins la fit soupirer.

“Il vaudrait mieux pour vous que vous fassiez demi-tour, la forêt est dangereuse en hiver. Mais si vraiment vous voulez continuer, je peux vous indiquer l’endroit où j’ai entendu parler pour la dernière fois d’une rencontre avec un Kog’karth.”

Elle prit leur carte pour leur montrer l’endroit où ils se trouvaient – la course-poursuite avec le llam tauraë les avait un peu décalés de leur route prévue – et tracer un cercle autour de l’endroit où elle pensait qu’ils trouveraient ce qu’ils cherchaient.
Avec un certain regret pour la chaleur bienvenue de la cabine, et après de nombreux remerciements, ils remontèrent en selle, carte en main, et repartirent dans la direction indiquée. Ils attendirent d’avoir parcouru plusieurs kilomètres avant d’être sûrs d’être hors de portée d’oreille.

“Et bien !” Rhys avait l’impression de réapprendre à respirer. “On s’en sort mieux que je ne le pensais !”