Lylia avançait. Elle ne savait trop comment, mais elle avançait... Depuis quelques jours, la marche se faisait rude, le public lors de ses représentations se faisaient pauvres et surtout, ses économies s'amenuisaient, ne pouvant plus se permettre de se payer une chambre d'auberge chaque soir.
Dormir à la belle étoile ne la dérangeait pas spécialement malgré le froid de Virgonès. Elle pouvait toujours s'enrouler dans sa chaude couverture et s'arrêter dans une gargote prendre un petit déjeuner en proposant au patron de chanter pour ses clients. En général, le profil de la foule de ce genre d'endroit n'était pas compliqué, une jolie voix égale, une petite pièce.

Parfois, et seulement parfois, lorsqu'elle galérait à s'offrir une bonne chambre durant les temps froids, la ménestrel pouvait éventuellement regretter sa chambre confortable et la sécurité que lui apportait sa famille. Mais pour rien au monde, elle ne viendrait à regretter pourtant sa décision de fuir sa maison ce jour-là. Plus Lylia avançait durant ses voyages, plus elle enrichissait ses connaissances, son inspiration pour écrire ses textes mais surtout, elle découvrait tout un monde qui lui était fermé jusqu'alors.

Elle commençait tout juste à s'endormir après avoir mangé une boulette de riz aromatisée, lorsqu'elle entendit des bruits de pas s'approcher d'elle. La jeune femme ouvrit d'abord un œil, puis un autre en entendant des voix et une personne pleurer.

"-Je ne sens plus rien, plus d'énergie de la part de l'arbre, pleurnichait une voix féminine qui lui semblait adulte.
-Allons tu es juste fatiguée ! voulait la rassurer un homme qui paressait un peu plus âgé qu'elle, cela fait plusieurs jours que tu es tombée malade, c'est normal que tu ne sois pas au maximum de ta force.
-Mais j'ai toujours sentie quelque chose ! Releva l'autre pourtant, toujours ! Même quand je commençais tout juste à travailler mon don.
-Et moi, je te dis que tu as juste besoin de sommeille, nos pouvoirs ne vont pas disparaître du jour au lendemain depuis le temps que nous les avons !
-Mais tant de visiteurs sont tombés malades dernièrement..., observait la plus jeune.
-C'est parce que nous sommes en Virgonès Silène, rétorqua le monsieur, c'est normal que les gens tombent malade en cette période froide..."

Lylia, intriguée par la conversation, voulu se relever pour discuter avec eux mais déjà, les deux inconnus avaient disparus au loin, sans qu'elle ne put les rattraper. Ils parlaient de l'arbre de vie, comprenait-elle soudainement bien réveillée. Elle se déplaçait vers lui justement pour vérifier que tout aille bien auprès de lui suite à l'attaque qui avait tant détruit. Elle pouvait bien sûr faire confiance aux prêtres et aux gardiens pour s'en occuper, mais elle voulait en être sûr en échangeant les dernières nouvelles avec eux. Elle souhaitait pouvoir intégrer cet espoir dans ses nouvelles chansons auprès de son public et pour cela, elle même se devait d'être sûr de la vérité.

Finalement, bien trop réveillée par ses interrogations, la ménestrel rangea ses affaires, avala un fruit et continua sa route vers l'arbre où, plusieurs heures plus tard, un gardien l'accueillit...

Lylia écoutait, du moins le tentait-elle, le gardien qui se trouvait face à elle. Plus elle l'écoutait, plus elle avait l'impression de se trouver en face d'un charlatant, un parfait imbécile qui la prenait pour une idiote.

"-... Voyez-vous gente dame, lui racontait-il d'un ton supérieur, nous autre gardien avons la lourde tâche de maintenir la sécurité de Madelle. Vous imaginez si l'arbre venait à mourir ? Plus de magie, plus de vérité, plus rien !!!
-Oui, oui, je suis au courant merci, soupira-t-elle en cherchant vainement à comment s'en débarrasser."

Elle avisa alors deux hommes habillés de la façon traditionnelle en prêtre qui venaient du sens inverse, s'approchant d'eux. Enfin, se disait l'artiste, enfin je vais pouvoir m'en dépatouiller.

"-Excusez-moi messieurs, pourriez-vous me dire si vous connaissez cette homme ? Il se dit gardien de Madelle mais j'en doute...
-Encore toi ?! s'énerva l'un d'eux alors que leur victime rougissait de honte, pardonnez-nous dame, cet homme ne cesse de nous importuner. Il pense qu'en racontant ce que veulent nos visiteurs inquiets, ceux-ci le remercieraient d'une pièce...
-Quel horrible personnage ! s’horrifia Lylia que de telles personnes puissent ainsi jouer des croyances et des espoirs des autres."

Surtout après l'attaque, ne put-elle s'empêcher de penser en lui jetant un regard noir qui le fit rougir davantage en reculant d'un pas. Puis il s'avança juste après pour se justifier qu'il avait peur de quitter les lieux maintenant et de tomber sur des Récleyès. Il avoua que lui même s'était fait avoir par cette rumeur et qu'en arrivant dans la forêt, il était tombé sur la cinquième confrérie. Fort de ses capacités de camouflage, il avait pu s'échapper mais il avait perdu sa main à cause de l'un d'eux, leur montra-t-il avec effroi un pauvre bandage à la place de celle-ci. En les entendant lancer cette fausse rumeur sur l'arbre de vie, il s'était dit qu'il pouvait faire de même...

Lylia ne sut quoi répondre des actes de ses montres. Elle n'avait rien contre eux à l'origine, mais en voyant cet homme complètement perdu et effrayé, elle en vient à en avoir peur également. Non, se reprenait-elle, pas des Récleyès en eux même, mais de cette cinquième confrérie seulement...
La jeune femme, sous le regard avisé des deux prêtres, s’affaissa à refaire le bandage de la pauvre victime qui souffrait de sa situation. Alors qu'elle cherchait dans sa besace, qu'elle traînait de partout avec sa harpe, un peu d'alcool pour soigner la blessure, elle se fit la remarque qu'ils devaient tous très vite partir d'ici. Les deux prêtres en voyant sa harpe leur demanda si elle était musicienne et elle leur proposa de jouer un morceau pour se remettre en marche.

Mais avant d'avoir eu le temps de dire quoique ce soit, l'homme qu'elle venait de soigner, avisant l'argent qu'il pourrait se faire en vendant un tel instrument, s'en empara.
Décidément, songea-t-elle en soufflant de désespoir, ces vagabonds n'apprendront jamais à dire merci à ceux qui les aide en préférant les voler. Les deux hommes de religion en furent scandaliser avant de féliciter la jeune femme en la voyant soudainement se concentrer sur une branche d'arbre pour l'envoyer valser contre la tête de son voleur grâce à ses pouvoirs. Celui-ci déjà bien mal en point, s'écroula sur le coup et Lylia en profita pour faire voler jusqu'à elle son instrument fétiche. Elle se tourna alors vers les deux prêtres qui l'applaudissaient.

"-Maintenant messieurs, si vous voulez bien m'excuser, je préfère partir avant de rencontrer cette fameuse confrérie, les salua-t-elle vaguement de la tête."

Ce fut ainsi que repartie Lylia fière d'avoir au moins résolu un mystère en sachant désormais qu'elle pouvait inclure les Récleyès et leur rumeur dans sa prochaine chanson qui rassurerait certainement son public.