Les cris des stands et des enfants ont remplacé les hurlements militaires. Une joie limaille crépite. Elle fait mal, un peu, quand on la force à s’exprimer. La joie de la fête de la Vérité a l’odeur du fer de guerre pas encore refroidi. Les rires sont blancs, les sourires sont inorganiques. Comment oublier les Récleyés ?
Sous son grand manteau noir d’indifférence, Toma cache ses raisonnements anxiogènes. Manaka a risqué son cuir, et sa vie. Il y a des dangers qu’on ne peut ignorer…
Ses pas sont lestes et prestes. Au milieu de la foule couleur aquarelle, il se faufile comme un fantôme échappé de la nuit. La liesse le blesse, quelque part. Il préfère la fuir, aussi éclatante soit-elle.
L’humanité se raréfie… Les ombres deviennent éparses, les voix se clairsement, les gamins ont moins de joie.
C’est bien ainsi. Ça devrait être bien ainsi… N’est-ce pas ce qu’il cherchait ? Le bancal est plus troublant que l’idéal. La salissure a de nombreux replis où peuvent se loger les non-dits et les mystères… Mais cette fois, les rues de bauge ne lui plaisent guère.
Son regard prend le temps d’englober le visible, son odorat re-découvre l’intangible. La terre devrait sentir la cannelle et le sucre des biscuits pour enfants. Mais, tapie dans le sombre des ombres, la terre ne sent que l’anis coagulé autour de quelques infamies.
Toma installe sa marche au rythme des stands abimés. Il a le temps. Il faut du temps, de toute façon, pour découvrir la fange.