Rumeur | La biche de Niria

la biche de niria

Madène – Le 6 Samùn 1250

Le 3 Samùn 1250

Tout semble identique. Elle a longtemps erré autour des Chutes avant son périple vers le sud, et elle a quitté la région depuis plusieurs mois. En y revenant, elle a cru qu’elle allait découvrir ces paysages avec de nouveaux yeux. Quelque chose a changé en elle après le rituel, quelque chose, profondément enfoui en elle a bougé, muté. Elle se reconnaît à peine, ses pensées sont moins embrouillées, même les voix ont changé. Pourtant, tout le reste paraît exactement pareil. Quelque part, sans qu’elle sache d’où vient ce sentiment, elle est déçue. Ennuyée. Elle qui voudrait recommencer une nouvelle vie, son environnement n’est apparemment pas de cet avis.

Elle n’est cependant pas encore aux Chutes, mais quelque part à proximité de la frontière, entre les deux tours. Elle a besoin de nourriture, cela non plus n’a pas changé. Grappiller ce dont elle a besoin de gauche et de droite, comme avant. Elle a trouvé une route creusée d’ornières et l’a suivie. Heureusement, le village qu’elle dessert n’est pas loin, et elle s’en approche prudemment. Par chance, c’est jour de marché, et les quelques rues sont remplies de commerçants et d’artisans. Elle s’approche d’un étal et se sert des quelques pièces trouvées pour acheter quelques morceaux de viande séchées. Profitant de l’inattention du vendeur qui emballe ses produits, elle subtilise plusieurs petits pains alors qu’il a le dos tourné, les dissimulant dans les amples plis de ses vêtements du désert.

Ses habits ont mal supporté l’hiver rude du sud du continent, la toile usée par endroit jusqu’à la corde, mais elle n’a pas les moyens de les remplacer. Et puis elle hésite à s’en débarrasser. Ils sont tout ce qui lui reste de son ancienne vie, et elle rechigne à couper ainsi tout lien avec ses origines. Après tout, le printemps arrive, elle n’aura plus autant besoin de chaleur … Seules ses bottines ne sont plus celles avec lesquelles elle a quitté Karnès. À la Tour des Ombres elle a laissé les anciennes, déchirées et la semelle trouée, et s’en est procuré de nouvelles alors que personne ne regardait, avant de se dérober.

À présent, errant à travers le marché, elle se demande bien comment elle va pouvoir gagner sa croûte. Elle ne peut pas subsister éternellement sur de menus larcins, bien consciente de ce qu’on fait subir aux voleurs. Elle en a déjà été témoin, sur le parvis du temple de Séliope, et elle a trop besoin de ses mains pour les risquer ainsi plus longtemps. Alors qu’elle passe près d’une boutique vendant des fourrures, elle entend deux personnes, habillés en chasseurs. Leur conversation arrive à ses oreilles et, intriguée, elle s’approche sans se faire voir.

– Je te dis que je l’ai vue !
– Tu as vu une biche, ça c’est sûr, il y en a plein les bois ici. Tu inventes cette histoire juste parce que tu l’a ratée et tu préfères te trouver une bonne excuse.
– Mais non ! Je te dis que c’était elle ! Dans la forêt vers la tour ouest, plus blanche que neige, magnifique. Elle a disparu sans laisser la moindre trace, et tu sais que je suis bon traqueur, j’aurais vu ses empreintes. C’était la biche de Niria, je te dis !

Son compère semble peu convaincu, mais elle est intéressée. Cela ne la nourrira pas, c’est certain, mais cela pourra peut-être lui apporter autre chose. Une certitude, une réponse. S’il s’agit vraiment de la biche de la déesse, elle pourra peut-être lui fournir un signe que tous les dieux ne les ont pas abandonnés. Après la trahison de la Mère, elle a besoin de cette réassurance. Même si Sydillia veille sur elle à présent, ce n’est pas tout à fait pareil. Elle décide de quitter les lieux et de se diriger vers l’ouest.

Avant de partir, une dernière bride de conversation arrive jusqu'à Madène.

– Elle était comme une étoile traversant la nuit. J'ai couru vers la Tour, mais je ne l'ai pas trouvé. Le soleil s'était levé quand je suis arrivé à la garnison de la Tour Ouest et là-bas plusieurs personnes m'ont dit que la biche rodait depuis plusieurs semaines dans les environs après le couché du soleil. Mais ils ont reçu pour ordre de ne pas la pourchasser.

En arrivant à la Tour Ouest, Madène peut découvrir l'état des lieux. Elle n'a plus rien avoir avec ce qu'elle était avant le retour des Récleyès. Les premières confréries ont réinvesti les lieux. S'il n'y a que très peu d'Anciens et de Namès, les Arvèles s'y sont installés très rapidement et certains guerriers ne suivant que leurs lois ont même su y trouver leur place. Tout le périmètre de la tour a été sécurisé par plusieurs lignes de défenses, une digue creusée, la porte renforcée. L'endroit est devenu un véritable fort aux mains de Martin Hölksten, un soldat haut gradé de l'armée Arvèles. Personne ne peut rentrer sans laisser passer, les étrangers sont sommés de révéler leur Vérité pour prouver qu'ils n'appartiennent pas aux Récleyès. L'endroit est tenu sous haute sécurité et les intrus sont exécuté sans sommation s'ils opposent la moindre résistance. Quelques soldats à l'extérieur assure la surveillance, mais le plus gros des effectifs est à l'intérieur de la tour qui grouille de monde.

Indications
La rumeur est vraie.
Tu peux éviter la Tour Ouest et partir tout de suite à la recherche de la biche. Ou tu peux décider de te rendre à la tour pour : soit discuter avec les soldats à l'extérieur, soit pour essayer de rentrer si tu as de quoi les convaincre que tu n'es pas Récleyès pour rencontrer le lieutenant Hölksten.

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Madène – Le 6 Samùn 1250

Elle retrouve Blanche à quelques kilomètres de la sortie ouest du village. L’animal piaffe de ses six pattes en la voyant, visiblement contente de la revoir. Elle ne sait pas comment elle fait pour la retrouver à chaque fois qu’elles se séparent, mais elle est contente de la voir. D’après ce que disait le chasseur, la biche blanche rôde aux alentours de la Tour ouest, c’est donc dans cette direction qu’elle se dirige. La liescy galope à une vitesse effrénée qui ne cesse de la terroriser, mais montre une délicatesse qu’elle ne pensait pas possible pour un animal. Elle n’a jamais monté de chevaux mais en a vu plus d’un, et aucun ne lui a semblé avoir une foulée aussi souple.

La distance est parcourue en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Filant comme le vent à travers la campagne, elles évitent les routes, les villages et les fermes. Alors que la tour apparaît à l’horizon, elle arrête sa monture et la libère dans un bosquet, ne voulant pas approcher le campement sur le dos d’une telle créature et reconnaissant le danger qui les menace toutes les deux. Elle parcourt les derniers kilomètres à pied. Elle ne sait pas trop ce qu’elle cherche mais elle est curieuse de voir cette biche, et elle espère trouver plus d’informations en se rapprochant de la civilisation.

Elle arrive à proximité de la Tour en fin d’après-midi, pour découvrir un véritable fortin. Dans les histoires qu’on lui racontait, c’était un bâtiment à moitié décrépis, abandonné depuis des dizaines d’années, mais ce n’est plus le cas à présent. Des soldats patrouillent tout autour, des camps sont installés, des sentinelles montent la garde. Une file de voyageurs patiente devant la porte, et de loin elle peut apercevoir que des guerriers interrogent les membres de la caravane un à un, leur demandant d’utiliser leur Vérité devant eux. Visiblement, il faut montrer patte blanche pour entrer, et un sourire amer lui tord le visage. Ses facultés n’ont guère changé depuis le rituel, et elle est presque certaine qu’elle n’aurait jamais pu passer le barrage, même avant sa communion avec Sydilia. Elle ne s’approchera donc pas.

En revanche, rien ne l’empêche de fureter aux alentours, pour en savoir plus. Après tout, elle ne ressemble pas vraiment aux Récleyès qu’elle a pu voir à la Tour des Ombres, si elle se montre discrète elle ne devrait pas avoir de problèmes. Elle évite cependant de rester à découvert trop longtemps : les vagabonds et mendiants n’ont pas l’air d’être particulièrement acceptés ici. Elle slalome entre les vivants et les morts, qui pullulent. Les silhouettes floues et translucides sont plus nombreuses ici que partout ailleurs, mais toutes l’ignorent. Elle n’essaie pas d’engager la conversation avec elles, trop inquiète de ce qui pourrait se passer si elle est repérée.

Quelques mots l’arrêtent, elle se dissimule derrière un chariot pour écouter la conversation des deux sentinelles qui se réchauffent autour d’un feu.

– Tu l’as vue, toi aussi ?
– Oui, blanche comme neige et brillante comme la lune … Elle aurait fait un trophée magnifique, mais avec les ordres de ne pas y toucher … J’aurais volontiers rapporté son cuir à la maison pourtant, imagine la tête de mon père s’il me voyait débarquer avec une telle prise !
– Ah, peut-être que la prochaine fois ça sera mon tour, je suis encore jamais tombé dessus, mais Alfred et Ulrich m’ont dit la même chose que toi … Elle était où ?
– Dans les bois, là-bas. Il montre d’un geste vague la forêt. Un peu après le coucher du soleil, comme les autres. Mais j’avais à peine posé les yeux dessus qu’elle avait déjà disparu.

Il ne lui en fallait pas plus, et elle préfère s’éloigner de l’endroit aussi rapidement que possible. Elle se faufile en dehors de la zone occupée et se dirige vers la forêt indiquée par le soldat. Le chemin qui y pénètre est riche en empreintes de bottes et elle s’en écarte aussitôt, craignait une patrouille ou une équipe chargée de ravitaillement. Moins elle croise de personnes, et mieux cela vaudra pour elle. Le soleil touche l’horizon, et elle trouve un endroit abrité où attendre, espérant voir cette fameuse biche divine.

Au milieu de la nuit, il n'y a toujours rien. Tu es seule à l'orée de la forêt et personne ne t'a repéré. Prends garde à ne pas t'assoupir au moment où la biche entrera dans la forêt. Venant de la tour, elle jette quelques regards derrière elle pour s'assurer qu'elle n'a pas été suivie avant de s'enfoncer au milieu des arbres. Elle file comme le vent et ne laisse aucune trace derrière elle. Tu n'as pas le temps de la rattraper, la voilà qui disparaît sans même t'avoir remarqué.

Elle est quelque part dans cette forêt, se croyant seule et rejoignant le petit sanctuaire qu'elle s'est trouvée. Même si l'endroit n'est pas très grand, dans un endroit entouré par les ronces et les pierres se trouve un petit étang que peu de personnes ont réussi à trouver. C'est là-bas que la biche passe toutes ses nuits à attendre le retour du soleil, cachée aux yeux de tous. Mais quand tu arrives, la biche n'est pas là. Il n'y a rien à part l'étang recouvert de nénuphars violets et un saule aux feuilles d'un vert pâle presque blanc.

Indications
En deux messages minimum, tu peux rejoindre le sanctuaire de la biche. Si tu n'as rien pour te protéger des ronces, tu seras blessée. En arrivant, choisiras-tu de t'attarder en premier sur l'étang ou sur l'arbre ?

la biche de niria

Madène – Le 6 Samùn 1250

Les derniers rayons du soleil disparaissent entre les arbres, étendant des ombres longues et difformes tout autour d’elle. Les branches au-dessus de sa tête tendent des doigts crochus qui se prennent dans ses cheveux et ses vêtements alors qu’elle attend sans bouger que l’animal mystérieux daigne montrer le bout de son museau. Et pourtant, elle n’a pas peur. Elle se reconnaît à peine dans la sérénité qui l’habite. La cicatrice sur sa poitrine tiraille sur sa peau et la démange légèrement, mais elle n’interprète pas ces signaux comme un désagrément. Ces sensations lui rappellent, jour après jour, qu’elle est passée aux portes de la mort, et que la déesse l’en a renvoyée plus forte que jamais auparavant. Elle ne l’aurait jamais cru possible, mais cette douleur sourde qui pulse parfois dans son coeur la rassure.

Les heures passent, et la nuit tombe pour de bon. Tout un pan de la vie de la forêt qu’elle ne connaissait pas s’éveille. De petits animaux courent entre ses pieds alors qu’elle reste parfaitement immobile, des prédateurs nocturnes à leurs trousses. Un renard passe, dans un éclair de fourrure rousse, à la poursuite d’un mulot. Un hibou hulule un peu plus loin, lui aussi à la recherche d’une proie à rapporter à son nid. Elle ne sait pas si des chasseurs plus dangereux pour elle sont aussi en chasse, mais elle n’entend rien de plus gros passer. Si la biche vient là toutes les nuits, elle n’arrive pas à penser qu’elle court un grand risque.

Tout ce manège autour d’elle forme une mélodie étrange et rythmique qui l’apaise. Assise en tailleur, le dos bien calé dans le creux d’une souche, son manteau serré autour de ses épaules, elle se surprend plusieurs fois à fermer les yeux et dériver aux portes du sommeil. Chaque fois elle secoue la tête pour se maintenir éveillée. Il ne faut pas qu’elle perde sa vigilance. La biche sacrée peut arriver n’importe quand, elle n’aura pas deux fois l’occasion de la voir de ses propres yeux.

Soudain, alors qu’elle se sentait partir une nouvelle fois, des bruissements se font entendre dans les broussailles, qui ne correspondent pas à la musique qui s’étend autour d’elle. Ses yeux s’ouvrent et toute trace de somnolence disparaît de son esprit. Elle se redresse sans un bruit, se soulevant juste assez pour que ses yeux dépassent de la racine proéminente qui la dissimulait. Elle fouille ses environs du regard, fébrile.

Elle est là.

D’un blanc immaculé, si pur qu’elle semble presque luire à la lueur de la lune, la biche se trouve à quelques mètres d’elle. Son pelage est brillant, son cou souple et gracieux se courbe dans toutes les directions, comme si elle cherchait quelque chose, sur ses gardes. Ses yeux sont d’un noir profond dans la nuit, étirés aux coins, parfaite image de ce que les femmes aisées tentent de reproduire avec leur maquillage. Sa silhouette entière respire la pureté.

Figée, elle n’ose presque plus respirer de peur de la faire fuir.

Un bruit doit pourtant l’alerter, car ses oreilles se dressent, et l’apparition bondit hors de sa vue. Elle se lance à sa poursuite dans la nuit.

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Madène – Le 6 Samùn 1250

Elle court au travers des fourrés, aussi rapidement que ses jambes veulent bien la porter. Toute trace d’endormissement a disparu, remplacée par une excitation qu’elle n’a plus connue depuis bien des années. L’exaltation de la course elle-même n’est rien, comparée à celle provoquée par la vision fabuleuse de cette biche. Elle n’y avait cru qu’à moitié en écoutant les chasseurs puis les soldats parler. Après tout les gens de leur sorte inventaient tous les jours des histoires abracadabrantes pour lesquelles seuls les plus naïfs tombaient. L’idée de pouvoir être témoin de l’apparition d’un animal sacré l’avait séduite et c’était la raison pour laquelle elle était venue attendre en embuscade, mais elle n’avait eu guère d’espoir de voir autre chose qu’une biche normale. Mais elle s’était trompée, et ils avaient eu raison. Elle l’avait vue, et il ne pouvait s’agir d’autre chose que d’une messagère divine.

Elle n’était pas chasseuse, et n’avait jamais été capable de se procurer elle-même de la nourriture sans l’acheter ou la voler, mais elle trouve quand même étrange de n’avoir vu aucune empreinte de sabots à l’endroit où elle a vu la biche. Elle n’aurait probablement pas pu suivre sa piste, mais elle en vient à se demander si elle en laisse réellement une derrière elle. Voilà pourquoi personne n’a jamais pu la rattraper.

Elle court droit devant elle dans la direction empruntée par l’apparition, mais s’essouffle rapidement, un point douloureux lui perçant les côtes. Elle doit se rendre à l’évidence : ce n’est pas comme cela qu’elle la retrouvera. Elle s’arrête quelques instants pour retrouver son souffle et calmer la douleur dans son thorax, et en profite pour réfléchir à une meilleure stratégie. Elle se rend rapidement compte qu’elle n’a pas d’idée miraculeuse. Comment retrouver un animal qui ne laisse pas de traces, dans le noir et sans autre éclairage que la lune à travers les branchages ?

Elle se met à errer dans la forêt, essayant d’opérer un quadrillage systématique, sans vraiment y arriver. Son sens de l’orientation est mis à mal dans ce milieu qui lui reste étranger, et la végétation la gêne dans sa progression, l’empêche d’avancer en droite ligne. Bientôt, elle a perdu tous repères. Ses pieds lui font mal et elle sent déjà la formation de courbatures dans ses jambes. Elle trébuche et tombe d’un petit escarpement, droit dans un buisson de ronces qu’elle essayait d’éviter. Les épines acérées déchirent son manteau et sa peau, lui griffant les bras, le visage, les jambes. Elle gémit misérablement à chaque mouvement qui l’enfonce un peu plus profondément dans les branches. Elle ne sait plus de quel côté elle vient, tout ce qui compte est d’arriver à sortir de cet enchevêtrement meurtrier.

Lorsqu’elle y parvient enfin, le spectacle qui s’offre à elle lui fait immédiatement oublier sa désorientation, sa douleur, et les traînées sanglantes sur ses membres. En un seul regard, elle est certaine d’avoir trouvé ce qu’elle cherchait sans le savoir. La petite clairière est isolée, ceinte de ronces et de rochers à première vue infranchissables, et respire le calme et la sérénité. Elle reste figée par la beauté et l’harmonie du lieu. La lune et les étoiles se reflètent dans un étang entre les nénuphars qui, de jour, doivent embaumer l’air et colorer la surface et, d’un côté, laissant traîner ses branches tombantes dans l’eau, un saule aux feuilles pâles presque blanches semble luire dans l’obscurité, contrastant avec la nuit. Elle s’approche de l’arbre et en écarte les lianes, pénétrant dans ce sanctuaire naturel.

La biche de Niria

Tu entres dans le sanctuaire végétal avant que l'apparition ne disparaisse vers les hauteurs de l'arbre. La biche a disparu, à la place se tient une jeune fille aux oreilles animales. Sa longue chevelure d'un blanc immaculé encadre un visage illuminé par deux yeux de biche. Figée par la surprise, elle te regarde fixement, un sursaut en arrière manque de la faire tomber. Elle lâche sans le vouloir sa flûte avant de grimper dans l'arbre. Prise au piège, elle réagit par instinct, mais elle sait qu'il est trop tard. L'intrus l'a vu.

Elle a à nouveau disparu, les feuilles ont à peine bougé à son passage. Collée contre le tronc, elle essaye de rester hors de portée de l'intrus pour l'observer. La biche est peut-être l'enfant de Niria, mais elle arpente le monde des hommes depuis aussi longtemps que celui des animaux. Les loques que portent la femme qui vient d'arriver lui laisse croire qu'il s'agit d'une vagabonde. Elle reste sur ses gardes, mais elle est soulagée qu'il ne s'agisse pas d'un soldat de la tour.

Esprit des petits bois et vastes prairies, la biche est le fruit de Niria et d'un mortel humain. Sa véritable forme est celle qui se trouve sous tes yeux. Mais pour lui permettre de voyager entre les deux mondes de ses parents, la déesse Mère lui accorda la possibilité de prendre la forme d'une biche invisible ou d'une humaine selon son désir. Mais deux malédictions s'abattirent sur elle. La première, il lui serait impossible de garder la même apparence humaine plus de 10 ans. La seconde, elle devrait reprendre sa véritable forme chaque nuit et ne jamais être révélée aux yeux du monde.

Fort heureusement, la biche put s’accommoder de cette malédiction même s'il est déjà arrivé que sa véritable apparence soit découverte, personne n'a jamais révélé son secret. Qu'il s'agisse d'un fanatique ou d'une personne à la recherche de gloire, la biche a toujours su trouver une solution, que cela soit en attaquant la personne ou en lui proposant un marché. Elle sait bien qu'elle n'a pas le choix. Sur la défensive, elle attend de voir la réaction de l’intrus avant de redescendre.

Indications
Est-ce que tu te montreras hésitante ? Lui feras-tu une offrande ? Essayeras-tu de l'attraper ? Tu es libre de monter à l'arbre si tu veux pour la forcer à descendre ou tu peux rester en bas. À la fin de ton post, la biche peut être redescendue de son plein grès ou non.

À noter : Personne n'est au courant des multiples formes de la biche et de ses malédictions. Tant que le monde continuera de croire qu'il s'agit d'une biche invisible, la nymphe pourra continuer de vivre dans les deux mondes.

la biche de niria

Madène – Le 6 Samùn 1250

Les feuilles du saule se prennent dans ses cheveux emmêlés, mais elle les ignore. Elle a vu une silhouette humaine dans les hautes branches de cet arbre gigantesque. Elle ne sait pas quelle taille est censé faire un saule, mais il est largement plus grand que tous ceux qu’elle a pu voir dans ses voyages. Et au milieu des branches fines qui pendent jusqu’au sol, elle voit une fille, bien trop jeune pour ses cheveux blancs qui brillent à la lueur de la lune. Ses traits sont fins, mais quelque chose chez elle est étrange. Ses yeux écarquillés sont grands, presque trop grands pour son visage, légèrement étirés aux coins, et leur iris à la pupille horizontale immense ne laisse aucune place au blanc. Plus étrange encore, les oreilles qui dépassent de sa chevelure sont identiques à celles de l’animal qu’elle a poursuivi. Elle ne doute pas un instant : il s’agit bien de la même créature qu’elle a vue plus tôt, miraculeuse dans la forêt. Elles restent immobile un long moment, à s’observer mutuellement.

La biche est la première à réagir. Un sursaut brusque la fait revenir à la réalité, et elle s’enfuit encore plus haut dans l’arbre, disparaissant de sa vue. Ses mouvements fluides font à peine bouger les feuilles pourtant si souples, mais elle échappe malgré tout un petit objet, qui dévale le long du tronc jusqu’à ses pieds, sa chute amortie par les feuilles mortes qui recouvrent le sol. Elle s’en approche précautionneusement, sans geste brusque. C’est une flûte. Une petite flûte de bois très simple, on ne peut plus ordinaire. Le temps de relever la tête vers les hauteurs du saule, elle ne voit plus aucune trace de la jeune fille. Tout est silencieux et immobile, mais elle est certaine de n’avoir pas rêvé cette apparition magique, l’objet qu’elle tient dans sa main lui sert de preuve de la réalité. Ses yeux ne l’ont pas trahie, elle en mettrait sa main à couper.

Lentement, délicatement, elle fait le tour de l’arbre, cherchant à apercevoir une silhouette à travers les branches. La créature est effrayée, et elle sait mieux que beaucoup qu’elle ne doit pas insister. Elle s’éclaircit la gorge et tente d’élever sa voix légèrement rauque pour que la fille puisse l’entendre, de là où elle est.

– Tu as fait tomber ta flûte. Elle fait tourner l’instrument entre ses doigts. Je crois qu’elle est pas abîmée. Elle va te manquer, non ?

Elle pose l’objet sur un rocher, bien en évidence, et s’assied au sol à côté, le dos tourné vers l’arbre.

– Tu peux venir la récupérer, tu sais, je veux pas te la voler. Je suis pas armée. C’est un petit mensonge, mais le message est sincère. Je veux pas non plus te faire de mal, je voulais juste … je sais pas exactement ce que je voulais. Je t’ai juste vue dans la forêt, et je voulais savoir qui tu es. Moi aussi je suis toute seule.

Elle entend le bruissement des branches qui bougent, et le bruit sourd d’un poids atterrissant dans l’humus. Elle se retourne sans se lever, et voit la jeune fille au pied de l’arbre.

La biche de Niria

L'enfant de Niria s'avance prudemment et reste aux aguets pour scruter les endroits, craignant que quelqu'un ne surgisse de l'ombre. Mais très vite son regard est attiré par sa flûte. Un objet banal qui compte à ses yeux et qu'elle compte bien récupérer. La biche hésite. Elle s'avance encore un peu plus de toi et se décide à s'asseoir face à toi. Si le sang peut éviter de couler, elle préfère tenter d'offrir son marché sans détour. Son ton manque peut-être un peu d'assurance :

- J'aimerais la récupérer oui, tu n'en tirerais de toute manière pas grand chose. Mais ce que je veux, c'est que tu oublies cette rencontre ! En échange de ton silence, ma mère t'offrira une bénédiction. Si tu acceptes, il te suffira de te rendre à l'un de ses autels.

Elle marque une petite pause, elle ne sait pas quoi penser, si cette rencontre est vraiment le fruit du hasard, elle se dit que tu n'as aucune raison de refuser. Elle voit bien que tu es une voyageuse. Ne pas voir d'arc la rassure sur le fait que tu n'étais pas en chasse. Elle préfère toutefois te mettre en garde :

- Si tu refuses, tu entraîneras la colère de Mère Nature sur nous deux, ce secret ne doit jamais franchir tes lèvres. Est-ce que tu comprends ?

Elle tend la main pour récupérer sa flûte.

Indications
Acceptes-tu le marché ? Si oui, tu peux contrôler la nymphe (tu peux lui demander pourquoi elle doit se cacher, elle te répondra, mais elle ne te donnera aucune information sur sa vie actuelle d'humaine.) À la fin de ton post, tu devras te trouver devant un autel de Niria, tu peux en construire un, la bénédiction sera indiquée dans le sujet administratif de la rumeur lors de la clôture. Si tu refuses, le MJ répondra en conséquences, si tu te montres agressive dans tes gestes ou tes propos, la biche t'attaquera à la fin de ton post.

la biche de niria

Madène – Le 6 Samùn 1250

Elle serait bien incapable de donner un âge à l’apparition devant elle. Son apparence étrange est indéterminable, et si certaines de ses attitudes donnent l’impression d’une toute jeune fille, d’autres le démentent. Son regard animal est ancien, comme celui des prêtresses qui semblaient avoir vu des choses hors du monde et hors du temps. Elle finit de se tourner pour pouvoir regarder l’entité sans se faire de torticolis, et est étonnée de la voir s’asseoir face à elle. Elle ne fait pas un geste dans sa direction. La flûte est toujours sur la pierre, plus proche de la créature que d’elle. Elle lui désigne l’instrument, son seul mouvement.

– Ta mère ?
– Niria.
– Oh.

Elle hoche la tête. Elle aurait des milliers de questions à lui poser, mais elle n’est pas sûre de pouvoir obtenir une réponse. Elle a passé des années et des années à prier les dieux, fidèlement, inlassablement, sans jamais obtenir le moindre signe. La seule à s’être fait connaître, à lui parler comme une mère a été Sydillia, après le rituel. Americ avait dit vrai, et jamais elle n’a été plus reconnaissante envers quelqu’un que lui, qui était mort depuis une éternité.

– Tu es toute seule ?
L’esprit acquiesce.
– Tu as un nom ?
– Ilaira.
– C’est toi la biche ?
Elle acquiesce à nouveau.

Elle réfléchit à ce qu’elle vient d’entendre. Dans cet endroit reclu sous le saule, elle n’entend plus la voix de sa déesse. Pourtant, elle ne se sent pas abandonnée. Serait-ce … du respect ? Elle n’a pas l’audace de penser qu’elle peut comprendre les voies divines, mais elle aimerait que cette impression soit juste. Le lieu est en paix.

– Pourquoi tu as deux apparences ? Pourquoi tu tiens autant à ce que ça reste secret ?
La nymphe réfléchit un instant.
– Mon père était humain. Pour que je puisse lui rendre visite et faire partie de son monde, Mère Nature m’a fait cadeau de cette possibilité. Mais si cela venait à se savoir, si j’étais découverte, je perdrais cette faculté à tout jamais.

Cela lui arrache une grimace. Encore une preuve de l’injustice de la déesse mère. Incapable de donner sans prendre, elle impose toujours des conditions intenables et le moindre de ses cadeaux ressemble toujours plus à une malédiction qu’à un bienfait. Pourquoi donner le libre-arbitre à ses enfants, si ce n’est que pour maudire chacune de leurs décisions par la suite ? Mais elle ne dit rien. Elle ne doit pas se trahir. Après tout, elle s’est déjà attiré cette colère, que devrait-elle craindre de plus ? Elle gratte l’une de ses griffures, nerveuse.

– Quelle bénédiction ?
Silence. La jeune fille secoue la tête, incapable de répondre.
– Un autel… où est-ce qu’il y en a un ?
– Un peu plus loin au sud-est, par là. La nymphe lui indique une direction.
– Je te remercie pour ton aide. J’espère qu’on se reverra, je ne dirai rien.

De toutes manières, elle n’aurait personne à qui révéler ce qu’elle vient d’apprendre.
Elle se lève, toujours sans chercher à s’approcher d’Ilaira et écarte les branches de saules pour retourner dans la forêt. Elle se dirige vers le sud-est, préférant escalader les rochers plutôt que traverser à nouveau le buisson de ronces qui lui a laissé des souvenirs cuisants sur la peau. La fille de Niria a dit vrai. Un peu plus loin, elle tombe sur une minuscule clairière, au sein de laquelle se trouve un petit autel, couvert de bougies éteintes, de fourrures et d’instruments de chasse. Elle s’agenouille devant, patiente.

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