Vous connaissez l'histoire d'un incendie près de Saldek, un incendie qui fut produit mystérieusement dans un village de paysans où nul adultes survécurent ? Seulement une poignet d'enfants, devenus orphelins. Les histoires autour de cet incendie racontent que ce fut une organisation de bandits, vivant dans les montagnes au Nord-Est de ce village qui, réclamant des impôts mensuels de cinquante pièces d'or par habitants. Ils auraient trouvé un terrain d'entente pour que les villageois ne puissent avertir les autorités, mais pendant deux mois d'hiver, les récoltes ne furent pas très glorieuses, et les bandits de la montagne étaient venus une dernière fois pour poser un ultimatum. Ce jour-là, Eldenarël s'en souviendra toute sa vie. Les chevaux hennissant, le fracas de leurs sabots contre la terre retournée, le bruissement des champs de blé contre leur courte fourrure, le claquement des épées contre les boucliers et leurs effroyables cris de guerre. La foule qui criait, les nouveaux-nés pleurant de terreur, le bruit de lames scintillantes, tranchant l'air d'un fouettement sinistre, découpant la chair et les os sur leurs passages, arrachant d'horribles cris aux hommes et aux femmes. Le feu brûlait les maisons, les tissus, les champs de blé et les corps animés. Des cris, des cris de tout part, et au milieu de tout cet incendie, une jeune fille au teint pâle et aux yeux bleus, courant dans les ruelles, tirée par son père et sa mère, un bébé dans les bras. La jeune fille se prit le pied dans un débris de toiture et tomba, alors que derrière eux, un cavalier chevauchant son destrier, la lame dans sa main droite, et vint faucher le père et la mère a la volée, les faisant s'écrouler au sol. La mère serra le bébé dans ses bras, laissant expirer son dernier souffle, alors que le père, le corps suant et la plaie bavant un liquide rouge cramoisie. Son visage était perlée de sueur, toussant à cause de la fumée bien trop épaisse, le tueur se retourna et fonça à nouveau sur le père. Ce dernier prit sa machette de sa ceinture, fonça droit sur le cavalier et sauta lorsqu'il était à quelques mètres de lui. Un bruit cristallin résonna, et le corps inerte du cavalier pendant en arrière, la gorge ouverte, se noyant dans son propre sang, tomba du cheval qui fila dans les ruelles. Le père tomba au sol, l'épée dans son corps, et tenta de se relever, rampant à moitié sur ses bras faibles, laissant son corps traîner une marre de sang luisante sur les dalles en pierre de la rue. La jeune fille, quant à elle, avait le bébé dans ses bras, pleurant devant le cadavre de sa mère, alors que le père s'adossa contre le mur du bâtiment en ruine. Le mur trembla, des gargouillis ressortirent de la toiture et le reste du bâtiment vint s'écrouler, quand le père rassembla ses dernières forces pour bousculer sa fille, l'extirpant des éboulements qui enterrèrent ce dernier. La jeune fille était allongée, une douleur vive à la tête et au genoux la firent grimacer. Serrant sa petite-sœur dans ses bras, la poussière et les gravas gerbés par l'écroulement se jeta sur la jeune fille. Cette dernière, la main couvrant ses yeux, la poussière irritant ses pupilles, elle protégeait le bébé de l'autre, criant dans le grondement le nom de son père. Elle le savait, mais elle ne voulait pas l'accepter. Les larmes coulaient de ses joues à flots, elle voulait se réveiller de ce cauchemar. Elle devait pourtant faire face à la dure réalité.

 La poussière retomba, et elle vit dans le tas de pierres et de tuiles brisées crasseux, une main inerte et froide. La jeune fille toussota, le bébé pleurant dans ses bras et vit le membre pendant de son père. Elle s'écroula à genoux devant les deux cadavres et baissa la tête, le cris des dernières victimes au loin. L'on pouvait entendre dans l'écho des ruelles le fracas des sabots s'éloigner, ainsi que des pleurs. La jeune fille se redressa et partit rejoindre les quelques survivants, étrangement, tous étaient des enfants de quatre à quinze ans.

 Après ce drame, quelques soldats apprirent la nouvelle et prirent les enfants sous leurs ailes, les emmenant dans un orphelinat de Saldek, au Sud-Ouest du village incendié. Les quelques soldats ayant tentés de s'aventurer dans les montagnes ne retrouvèrent aucunes traces des bandits, comme disparus par magie. C'était il y a de cela dix-sept années, alors que la jeune fille n'avait que huit ans. Le temps passait, et la jeune fille devint une forte femme à ses dix ans, sa petite-sœur qui n'avait que deux ans à l'époque en avait quatre, elle était la grande sœur des survivants du village. Même si la vieille dame qui s'occupait des enfants étaient une femme au grand cœur, Eldenarël ne rêvait que de se venger, même si elle croyait cela impossible.

 Durant le mois d'Asmobor, une nuit plutôt glaciale, la jeune fille entendit le plancher craquer, et se leva alors, les pieds nus sur le plancher froid et poussiéreux. Avançant sur la pointe des pieds, elle se plaqua contre le mur et vit un homme filer entre les lits des orphelins à pas silencieux, comme une feuille d'arbre naviguant les ondulations de l'air, et remarqua la présence de la petite fille. Il se retourna et la regarda. Un borgne, dont la silhouette imposante se redressa et approcha son visage balafré devant la petite.

 « Est-ce toi, la petite fille du village incendié ? »

 Cette dernière acquiesça d'un mouvement de tête timide, apeurée par l'homme. Ce dernier esquissa un long sourire aux dents manquantes et à la barbe aux mèches blanches, et marmonna alors :

 « Veux-tu nous rejoindre ? Nous pourrons t'aider à retrouver ceux qui ont tué ta famille. Emporte tes amis, nous te donnerons la force de venger ceux qui t'ont offert une vie. Je reviendrais demain, même heure. Au revoir... Eldenarël. »

 Et la silhouette s'échappa par la fenêtre, sans aucuns bruits, comme une ombre dans la nuit. La jeune fille était perplexe, mais cet homme étrange l'avait convaincu de les rejoindre. Le lendemain, elle en parla à ses complices du village incendié et trouva les mots pour les convaincre. Ils conclurent le marché avec le vieux soldat et le suivirent jusqu'aux Terres Inexplorées. Rapidement, les enfants grandirent, entrèrent à l'école à leur treize ans respectifs et apprirent à manier leur Vérité. Ils étaient des Récleyès, et tous étaient animés par un désir de vengeance. Ils étaient six, six à vouloir retrouver ces tueurs et les égorger de leurs propres mains. Eldenarël changea son prénom par Asmody, le prénom de sa mère, et entra dans les rangs des mages, après que le père adoptif des enfants orphelins décela une grande capacité et une aisance dans l'utilisation de la Vérité chez celle-ci. Elle trouva un maître mage, et approfondit ses capacités.

 À ses vingt ans, la petite fille était devenue une jeune femme séduisante, tout comme sa petite sœur qui en avait alors seize. Elle sortait de l'école, et fut prise par le même mage que sa sœur aînée. Mais un drame survint alors...
 
 Pendant une exploration des Terres Inexplorées, contre les avertissements du maître Mage, le petit groupe se retrouvèrent face à un Torbak, qui agressa Asmody. Hedwige, voyant que sa grande-sœur était tétanisée de peur, fonça sur cette dernière et la bouscula hors de la trajectoire de la bête enragée et se fit renverser. Les vêtements accrochés aux cornes du Torbak, la jeune femme fut traîner sur le sol quelques dizaines de mètres avant que ses vêtements ne s'arrachent. La bête se retourna et fonça droit sur le corps amoché de la cadette quand la bête s'arrêta net, soumis à une force qui la contrôlait. Devenue fou, le Torbak se craqua la nuque et tomba raide mort, quand le maître Mage et un acolyte apparurent de la broussaille. Asmody accourut au corps de sa sœur et s'accroupit devant. La peau était arrachée, la petite Hedwige gisait dans une marre de sang, un œil arraché et la moitié du corps brûlé. Elle était morte, dans les bras d'Asmody qui pleurait toutes les larmes de son corps. Le maître Mage approcha alors et du bout de son bâton, toucha la poitrine du corps inerte et en extirpa une boule de lumière blanche. Elle l'attrapa délicatement de sa main libre et vint la rentrer dans son bâton qui brilla de milles feux. Le mage esquissa un léger sourire, sous les yeux d'Asmody et des autres, ne comprenant pas la tournure des événements. Le mage toussota et s'exprima d'une voix cassé et vieille :

 « Hedwige est encore en vie. C'est son âme qui habite ce bâton. Je t'en fais cadeau, Asmody. Mais pour cela, tu devras lier ton âme à cette dernière, et survivre avec elle. Si ton âme meurt, elle aussi. Si le bâton se casse, elle meurt et toi avec. Es-tu prête à prendre ce risque ?...
-Oui... Je... J'accepte le pacte. »

 Le mage lui donna le bâton et le pacte fut scellé.
Les guerres ravagées ce monde. Petit à petit, je voyais mes camarades disparaître, tomber sur les champs de bataille, jusqu'à ce que je finisse seule. Mais dans le cauchemar dans lequel je vivais, une femme m'a tendue la main. Eden Hogdard. Cette dernière m'a donné une arme, une conviction, une raison de vivre et de continuer, et m'a aidé à me relever. Elle avait formé une petite troupe qui m'a permis de me faire de nouveaux frères d'armes.
Voici mon histoire. Certains diront qu'elle est horrible, pour moi, elle n'est qu'un souvenir. Un souvenir qui m'a forgé, et m'a rendu forte. Le monde dans lequel on vit n'est que peur, sang et larmes. À vous de vivre avec, ou mourrez. Je suis Asmody Anarazel, et ceci est mon histoire.