“ Os, chair et sang.
Ô toi reine ténébreuse et patiente, toi qui donna pouvoir aux hommes et mort à tes ennemis.
Par l’héritage de nos êtres et l’esprit de nos aïeux, j’en appelle à ta cruauté et ta puissance.
Un coeur offert pour que dans cet être à venir soit placée ta Vérité. Un rubis offert pour que notre ferveur résonne à travers lui. Une iris gorgée de sang offerte pour qu’il attire le malheur et inspire la peur à nos ennemis.
Notre vie offerte à tous pour que naisse dans la douleur cette âme porteuse d’un message.
Le message que tu existes toujours Ô reine noire et que ta colère frappera de nouveau le monde. “

Parfois, il est de ces histoires qui n’ont pas de réel commencement, ou plutôt dont le début s’est perdu dans l’oubli et le mystère. C’est le cas de celle dont nous allons parler ici. Celle de Hioune.

En premier lieu, Hioune est orpheline.
On aurait pu l’en plaindre, se dire “pauvre enfant”, la prendre en pitié. Mais la vérité est que la fillette n’a jamais été réellement touchée par l’absence d’une mère ou d’un père puisqu’elle n’a jamais connu aucune de ces présences. Ce n’est pas qu’elle méprise les parents ou les enfants qui en ont, c’est juste que la notion de famille lui paraît étrange.
Non, ce qui a marqué davantage la petite Namès durant son enfance est ce mystère non révélé sur son passé : Qui est elle ? D’où venait elle à l’origine ? Des questions auxquelles elle n’arrive toujours pas à répondre mais qui créent un vide non comblé dans son esprit.
Car oui, comme je vous l’avais dit, la naissance de Hioune est entourée de mystère. Aussi loin que la fillette a pu remonter sa trace, elle fut trouvée près d’un puit entre le désert de la patience et la vallée d’accro par des nomades Namès alors qu’elle n’était qu’un bébé d’à peine quelques semaines tout au plus. De ce qu’elle sait à présent, lorsqu’ils la trouvèrent, Hioune était enveloppée dans des langes barbouillés de sang, accompagnée de la dague qu’elle garde toujours sur elle à présent comme un trophée qui la pousserait à continuer ses recherches de la vérité. Les nomades auraient pu la garder comme ils l’auraient sans doute fait pour n’importe quel nourrisson abandonné, mais c’était sans compter leur superstition. A cause du sang et de la dague qui l’accompagnaient ainsi que de l’étrange symbole gravé sur son front, il jugèrent que cet enfant pouvait être maudit. Cette crainte fut renforcée par le fait qu’elle arborait une étrange décoloration de cheveux et que le premier homme à l’avoir trouvée se fit dévorer le lendemain par un ver des sables. Ils préfèrèrent alors le confier au premier village qu’ils croisèrent durant leur route vers l’ouest. Du fait de son jeune âge, Hioune fut confiée à une nourrice. Mais ce premier contact ne dura malheureusement pas plus de quelques semaines. En effet, au bout d’à peine 19 jours, la nourrice rendit de force l’enfant au dirigeant du village, prétendant qu’il était maudit et que depuis qu’elle s’en occupait, elle était victime de cauchemars atroces. Cette accusation de la femme commença à répandre des rumeurs inquiètes dans le villages. Rumeurs qui se transformèrent en une vague de doute et de crainte lorsque le lendemain, la nourrice attrapa une violente pneumonie qui l’emporta quelques nuits suivantes après deux jours de lente agonie.
Devant la pression des villageois, le dirigeant du village se trouva contraint de confier l’enfant à des marchands de passage qui se rendaient à Déoli dans le sud et lui promirent d’élever cet enfant avec amour. Mais la cruauté et l’avidité des hommes est grandes et il se révéla que les marchands n’avaient pas du tout l’intention de garder cet étrange bambin qu’on leur confiait. Leur véritable destination était Krik, dans la vallée d’Accro, où ils espéraient vendre l’enfant à quelques personnes peu scrupuleuses. Bien qu’elle ne s’en souvienne pas, le voyage fut atroce pour Hioune. Souvent laissée seule dans l’une des charette, elle passa le plus clair de son temps à brailler et pleurer. Ce qui eut pour don d’agacer les marchands qui lui firent boire à plusieurs reprises des produits à base de plantes somnifères pour la faire taire. Si la petite survécu à ces mauvais traitement, elle en garda une constitution faible et maigrichonne. Il fallut une dizaine de jours pour que le convoi parvienne à Krik. Lorsque les marchands entrèrent dans la ville anciennement prospère, Hioune était plus silencieuse et maigre que lorsqu’ils étaient partis. Les marchands purent enfin se débarrasser d’elle en la troquant à un orphelinat contre nourriture et vêtements. Leurs différents échanges faits, ils repartirent pour l’est. Le soir même, alors qu’ils bivouaquaient dans la vallée, un groupe de coupe-jarrets leur tombèrent dessus et les massacrèrent pour piller leur cargaison. Il n’y eut aucun survivant.
Hioune de son côté débuta une nouvelle étape de sa vie à l’orphelinat, et la première dont elle se souvienne véritablement…

“ À l’attention du Tirésias, grand Élu des Namès.

Monseigneur,
Nous sommes allés au point de rendez vous présumé comme vous nous l’aviez ordonné. Nous avons bel et bien découvert des traces de culte impi, mais bien au delà de ça, nous y avons trouvé un véritable carnage. Presque toutes les personnes impliquées étaient mortes et éventrées, impossible de savoir si c’était de leur plein gré ou non. Nous avons d’abord cru à un conflit interne qui aurait mal tourné mais la disposition des corps et leur blessures très similaires nous a laissé supposer un rituel particulièrement sombre. Ils ne manquaient que deux individus sur ceux soupçonnés : Kasraan Lhasine, recherché pour différents perpétrés dans des messes noires, et Illiana Philis, soupçonnée d’espionnage pour le compte des Parlèms. Nous n’avons retrouvé ni leur trace ni un quelconque indice indiquant leur rôle dans tout ceci.
Sur l’autel central, grossier et primitif, se trouvait un bol de bois taché de sang dans lequel trônait une unique iris. Nous avons rapidement purifié l’endroit et brûlé toute trace du rituel.
Nous vous contacterons de nouveau dès que nous aurons plus d’indices sur les deux cultistes qui manquent parmi les morts. Quoiqu’il se soit passé ici, j’espère que ce n’a été qu’un débordement de folie de la part de ces impis, et qu’ils ne sont pas parvenus à faire ce qu’ils tentaient. “

[Suite à venir...]