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| Une matinée comme une autre ? | |
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Auteur | Message |
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| (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Mer 10 Juin 2015 - 22:48 | |
| Quoi qu'en pense Clara, elle a beau avoir en effet grandi, chaque fois qu'elle se retrouve devant son père, l'enfant qu'elle est rajeunit. Nourrice, elle, lorsqu'elle la gronde est capable de créer un miracle différent : lui donner l'impression d'avoir à nouveau six ans - cet âge si oublié- tout en étant piégée dans un corps d'adulte. Mais Hektor, lui, n'a besoin d'aucun artifice, d'aucune humeur particulière, juste d'être là et elle retourne à cet âge ingrat sans le vouloir ; sans le percevoir. C'est comme si, au bout de quelques minutes, sa présence à lui liquéfiait toujours son cerveau à elle, la transformait en un brimborion de peu de printemps, tout juste bon à jouer aux poupées et demander des sucreries. Et alors tout exposé un temps soit peu travaillé s'échappe de sa caboche, tous ses raisonnements parfaitement logiques foutent le camps de ses pensées. Il n'y a plus que papa et son irascible caractère. Papa, le héro dont il est impossible d'attirer l'attention. Et cet homme merveilleux devient un obstacle autant qu'une joie. L'envie de rester à coté de lui, de l'entendre lui parler de lui sans gueuler se mêlent à la frustration de ne jamais retrouver les bons mots en sa présence, au désir qu'il la comprenne. Chamboulé par tous ces sentiments presque contraires, son esprit crée alors des trucs qu'elle regrette toujours quelques temps après.
Ce n'est pas le cas pour l'argument qu'il vient de contredire cependant. Elle sait bien que la vie d'un soldat n'est pas faite que d'un point. N'a-t-elle pas été élevée près d'eux ? Mais de son point de vue externe sur cette assemblée trop étrange à son goût, si un petit maillon de cette grande fratrie qu'est l'armée ne sait pas tenir son épée par le bon bout, toute la défense d'autrui ne suffira jamais à le maintenir en vie. Et ce malgré toutes ses nobles envies de défendre leur confrérie. Peut-être une fois encore a-t-elle tort, sans doute aucun même, vu la tête d'Hektor. A moins qu'elle ne se soit mal exprimée, une fois n'est pas coutume - ce ne serait pas franchement nouveau en la présence de son général de Père. Il y a dans tous les cas beaucoup de termes au sein de ce groupe qui n'ont pas la même définition que dans son gynécée et troublent son jugement. Des interrogations à la recherche d'éclaircissements fourmillent d'ailleurs sur sa bouche, mais elle les retient. Son ignorance est en partie ce qui l'a décidée à ne pas rentrer à l’académie antan. Ainsi que le souhait que son père la voit non comme un quelconque soldat, mais comme sa descendante. De même que son manque d'envie de dépendre d'autrui pour quoi que ce soit davantage et tant d'autres choses encore. Hors n'a-t-elle pas promis à son papa qu'elle ne chercherait pas à apprendre la guerre ? Combler ses lacunes sur l'armée ne risque-t-il pas de la mener sur cette voie ? Non. Elle serait incapable d'obéir à des ordres vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Mais d'un autre coté, ne rendrait-elle pas, pour une fois, son géniteur fier si cela arrivait ? N'est-ce pas ce qu'il avait sous-entendu lorsqu'il lui avait proposé qu' Aksel la transforme en un vrai petit soldat ? Non. Cela ne doit pas être cela. Il ne veut pas qu'elle voit un champs de bataille, n'est-ce pas ? Hors n'est-ce le rôle d'un membre de l'armée que de se battre en ces lieux si cela devient nécessaire ?
Le silence s'installe tandis qu'elle contemple ce Père qu'elle ne connait que peu par leur faute à tous deux. Mais surtout à lui. Puis, finalement, Clara hoche la tête et se dirige brusquement vers la forêt en titubant. Ses mains viennent se fourrer dans ses poches, comme pour cacher le tremblement frustré qui les parcourt et servir de poids lors de ses tentatives de déplacement. Papa veut rentrer. Déjà. Il faut, soit, qu'elle soit soignée, mais tout de même.
Un pas. Deux pas. Trois ou quatre sont faits. La douleur liée à ses muscles tout à l'heure trop demandés et à ses blessures la fait s'arrêter si il ne l'a pas rattrapée. Ayant peu l'habitude de se faire autant amocher en une fois, elle grimace, se force à rester bien droite et jure intérieurement avant de reprendre la parole à l'intention de son paternel. Le frottement du pantalon sur ses cuisses la brule. Sa gorge joue à " je me ferme, je suis ouverte. " comme un gosse à " 1, 2, 3, soleil ! ". Un mensonge s'enfuit de ses lèvres maintenant qu'elle ne le regarde plus : incapable de lui repêter en face que tout va bien dans sa petite tête blonde, la tête de mule a attendu de devoir se replier pour répondre réellement à sa proposition - ou plutôt son ordre - et à sa question de base. Et, si son ton est rapide et ronchon au commencement, il devient plus lent dès qu'elle enchaine sur sa seconde phrase.
" J'ai besoin d'un bâton et je n'ai rien qui me tracasse papa. A part que je ne peux rien défendre de ce qui m'est important si je ne n'arrive pas à bien me battre donc me défendre moi. Mais comme n'importe qui parfois."
Il lui a proposé de discuter plus tard... Mais il n'y aura nul plus tard, elle en est sûre. Dès qu'ils seront à la maison, leur moment prendra fin, des sbires apostropheront son père et il sera à nouveau englouti sous la paperasse, les discussions et les armes. Son cycle habituel de travail lui sautera à la gorge, l'attirera loin d'elle, lui faisant sans doute oublier le reste, tout le reste, pour un temps trop long. Que le général ait pu se libérer ce matin est déjà un vrai miracle à son regard naïf. Un moment qui deviendra un souvenir doux-amer à chérir car il ne sera sans doute jamais répété ou alors, Nourrice fera encore des promesses pour lui, sans en avoir le droit, pour rendre sa pupille éphémèrement heureuse et il ne les tiendra pas par non-connaissance de celles-ci. Si ils n'ont pas parlé depuis douze ans, elle n'arrive plus à dénombrer les espoirs déçus de son coté, que ce soit par l'un de ses deux ainés adorés ou par elle-même. Elle soupire à son tour, rajoute avec une note d’agressivité inutile :
" ... Qui ne fait pas partie de l'armée alors sans doute. "
Bordel, le retour à Ferèsis, tout à l'heure, s'annonce déjà difficile. Même si elle trouve une canne, la route va lui paraitre interminable et la fille Arnstven peste d'avoir oublié de prendre des bandages et de l'eau claire pour effectuer de pseudos premiers soins ici et rallonger leur entrevue. Il est hors de question de demander à papa le droit de monter Ainren et Nourrice après l'avoir aidée à se faire ravauder va sans doute lui passer un sacré savon. Au moins pourra-t-elle se dire fièrement qu'elle s'est battue contre son père, même si il a clairement retenu tous ses coups durant tout le combat, vu son dernier.
Instinctivement, en reprenant sa marche, elle porte des doigts gantés à sa poitrine et la frotte doucement en se mordant la lèvre inférieure pour ne pas gémir. Ce n'est clairement pas le bon moment pour réfléchir à la perte de son pouvoir, elle n'en n'a pas le temps, ni la tête à cela, mais elle sait qu'elle devra s’y plonger tôt ou tard.
" P't'être que j'aurais dû te défier en duel bien avant. "
C'est en tournant la tête vers lui pour le mirer encore qu'elle expose ce fait venu de nulle part sans râler, de sa voix sifflante après quelques autres pas. Son ton est redevenu plus calme, presque doux, mais une note d'hésitation indique qu'elle n'est pas sûre que ce qu'elle exprime est réciproque.
" Tu m'as manqué, papa. " |
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Hektor M. Arnstven Messages : 220 Expérience : 83 PersonnagePrestige : (1/9) | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Mer 17 Juin 2015 - 5:44 | |
| Hektor n'était pas un guérisseur, loin de là. Il ne savait que trop peu comment réparer le corps humain... il ne pouvait que le briser, et l'enflammer, mais c'était là dont jamais il ne parlerait avec sa fille. Certes pas un guérisseur, l'homme de guerre avait mené ses camarades bien souvent au combat, et bien les garder en vie impliquait parfois de savoir reconnaître quand ils étaient blessés et tentaient désespérément de le cacher. Certes la blessure qu'il avait infligée à sa fille servirait probablement de représailles silencieuses pendant un moment, mais elle guérirait, ne laissant qu'une fine cicatrice pour peux qu'ils s'en occupent... mais surtout il savait que jamais ce simple coup n'aurait dû avoir sur elle un tel impact. Il y avait sous tout ce silence et cette mascarade autre chose, mais il n'aurait su dire quoi, et celle-ci semblait si réticente à lui parler, à s'ouvrir à lui. Comment aurait-il pu l'en blâmer ? Il n'était pas souvent prêt à lui tendre quelque oreille. Et cela, jamais il ne l'admettrait à voix haute. Comme bien des choses d'ailleurs.
Son regard sombre était probablement la seule partie de lui qui, pendant un court instant exprima quelque chose... de la tristesse ? De la nostalgie ? Toute supposition était probablement aussi valable qu'une autre, car jamais la vérité ne franchirait le seuil de ses lèvres. L'homme en armure avait gardé cette imposante posture, un peu comme s'il l'évaluait, les bras croisé, l'air fier, sûr de lui, sévère, mais pendant un instant, pour des raisons qui ne seraient jamais évoquée, son regard s'attendrit. Ce n'est que lorsqu'il croisa les yeux de sa fille qui revenait finalement vers lui qu'il laissa échapper un soupir lourd de sens.
« Peut-être me penses-tu insensible, mais c'est pas le cas. Si rien te tracasses, tu ne te serais pas donné la peine de me défier, au risque de t'humilier, ou de m'humilier... » Le simple fait qu'il ait ouvert cette possibilité ouvrait à cette interprétation quasi-insensée que cet homme n'était pas aussi confiant de gagner qu'il avait voulu le montrer. Mais sa fierté était inébranlable et jamais il ne lui aurait démontré quelque doute que ce soit, jamais il ne lui aurait fait part des propres démons qui hantaient ses nuits solitaires. Peut-être avait-elle cette même fierté, mais son regard était depuis des mois lourd d’accusations, et il ne savait quoi faire de tous ces étranges signaux qu’elle lui envoyait.
Il se détourna un court instant pour regarder l’énorme lion blanc qui les regardait, un peu plus loin, confortablement couché dans l’herbe verte. Il attendait un signal de son maître pour s’approcher et venir le rejoindre. D’ailleurs, Hektor fit ce signe, un simple mouvement de tête que l’animal su décoder plus que facilement. Il se leva donc sur ses grandes pattes avant de s’approcher du père et de la fille. Il avait observé le combat, et même s’il n’était qu’un énorme lion blanc, il avait observé leurs mouvements, et comprenait probablement assez bien ce qui se passait. Le Général glissa ses doigts dans l’épaisse fourrure blanche, lui faisant signe par le fait même de s’incliner un peu. Il se tourna vers sa fille pour la regarder, le visage aussi intransigeant que ses paroles : « Allez, monte. » Il ne partageait que très rarement Ainren, mais l’animal lui-même n’était pas insensible à la douleur de la petite fille qu’il avait vu grandir au cours des années. Une petite marche jusqu’à la ville ne ferait certainement pas de mal à l’homme vieillissant, surtout que ces quelques heures loin de toutes ses responsabilités sociales ne pouvaient qu’aider même si sa situation familiale était tout aussi tendue.
« Je comprends que tu veux savoir te défendre Clara, c’est pas un crime, mais je forme des soldats… je sais pas si je pourrais vraiment décomposer mon enseignement pour juste t’apprendre les armes. Penses-tu vraiment que j’ai la flamme de l’enseignant ? Ah ! Je mène mes hommes, je ne les forme pas… Si j’ai suggéré qu’Aksel t’enseigne c’est parce qu’il est bien meilleur pour ça. J’ai aucune formation technique, moi… » C’était un fait peu connu que jamais le Général n’avait fréquenté l’académie, et puisqu’il n’avait pas discuté de son enfance à sa fille, comment aurait-elle pu le savoir.
« Tu as voulu prouver ton point, mais offrir un duel à un barbare est une mauvaise façon de faire… » Son ton était pensif, comme s’il s’adressait plus à lui-même qu’à sa fille, mais elle avait certainement pu entendre les mots quitter ses lèvres. Il ne pouvait s’empêcher de penser à ce que les autres peuples pensaient des Arvèles, et de ce que son peuple pensait parfois de lui… |
| | | | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Jeu 18 Juin 2015 - 19:20 | |
| Le peu de marche qu'elle a fait lui a fait du bien malgré tout et a calmé notamment l'envie de bouder et celle de se faire mal à la main sur la première chose non vivante croisée qui lui montaient à la gorge. Elle se débarrasse du bâton nouvellement acquis, monte sur Ainren en silence, seule, après avoir hésité à faire la fière cinq minutes de plus et fixe son paternel sans comprendre le cheminement de ses pensées. Il lui faut quelques instants pour trouver une position qui ne la forcera pas à s'appuyer sur sa jambe la plus blessée. La brave bête se redresse pendant ce temps et attend les ordres du général ou de sa fille pour commencer à se balader. La jeune femme finit par hausser les épaules. Il n'y a pas de trace de culpabilité ou d’agressivité dans son ton quand elle contredit encore Hektor. C'est même un début de sourire éphémère qui apparait sur ses lèvres, vite remplacé par une petite grimace. Elle tente de ne pas songer plus que cela à la convalescence forcée qu'on va lui faire prendre après avoir réfléchi rapidement à un résumé de leur matinée. " Pourtant il me semble que cela a fonctionné en partie, papa. Au final, nous faisons cette chose vraiment trop étrange, tu sais... "Une petite hésitation. Même si ils ont des mots blessants, aucun des deux ne peut vraiment fuir, l'un dans son boulot, l'autre s'esquiver facilement pour rien : ils ne sont pas au sein de leur demeure. Alors ils font ce qu'ils n'ont pas fait depuis si longtemps - plus d'une décennie - et ce même si parfois leur voix fait plus penser à celle d'animaux que d'humains capables de raisonnements. " " Parler ". Et puis tu m'aurais pas écoutée vraiment si je te l'avais demandé simplement, ne nous voilons pas la face. Je ne dis pas tout ça parce que je te pense insensible, papa. " Il n'y a pas besoin d'expliquer pourquoi leur réunion actuelle n'aurait pu marcher autrement, une fois encore, ils ont chacun leur propre point de vue en partie semblables. Elle laisse un petit silence, ne sachant pas comment lui expliquer qu'elle sait que ce n'est pas totalement de sa faute ou de la sienne, plutôt de celles de trop non-dits et de faux semblants pour ce point là, puis reprend à nouveau : " Et je ne te mens pas vraiment non plus en te disant que seule mon envie d'apprendre à me battre me tracasse, parce que le reste, cela ne regarde que moi, pas mon père ou qui que ce soit. "Elle s'interrompt d'elle-même, caresse la monture avec douceur. Son regard se pose sur les poils devant elle, évitant les yeux trop vifs du général pour ne pas, peut-être, contredire ses propres propos par un coup d’œil qu'elle regretterait. Les mains gantées disparaissent dans l'épais pelage avant qu'elle ne rajoute quelques mots vivement ; un compliment bien maladroit. Ne se doutant pas que son père n'a pas fait l’académie, Clara s'essaye ensuite à le taquiner à sa manière : en mettant les pieds carrément dans le plat. " Mais je suis sûre que tu serais un bon professeur. Tu ne donnes pas que des foutus regrets quand on combat contre toi. Et puis j'dois avoir moins encore de formation technique que toi hein. Même si mes souvenirs à moi d'apprentissage sont pas encore rouillés, eux. "Elle relève le menton finalement vers lui, le mire à nouveau un peu mutine. Ne pas avoir tué certains de ses adversaires plus tôt est l'une de ces choses qu'elle déplore, même si il n'a pas à le savoir. Elle tait le fait qu'il lui a aussi appris déjà bien des choses, sans même le vouloir certainement : que sa force brute est trop faible face à un bon combattant notamment. Ou que certains de ses pas sont trop prévisibles, visiblement. Les mannequins montés à partir de rien ne peuvent pas expliquer ce genre de choses, pas plus que les petits voleurs de fin de semaine croisés au hasard d'une rue. Lorsqu'elle aura le temps de revoir leur combat dans sa petite tête trop blonde, sans doute trouvera-t-elle aussi d'autres enseignements à en tirer... - Spoiler:
HJ : Bordel que c'est rude de faire court !!
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Hektor M. Arnstven Messages : 220 Expérience : 83 PersonnagePrestige : (1/9) | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Ven 19 Juin 2015 - 3:16 | |
| Pendant de longues minutes, le Général ne souffla mot. Comme s’il se perdait dans de lointaines pensées, il tourna le regard, secouant lentement de la tête. Seul son grognement lourd montrait qu’il entendait bien les paroles de sa fille, mais son esprit n’y était plus. Cherchait-elle encore la bagarre ? C’était ce qu’il lui semblait. Les mots qu’il entendait… cherchait-elle encore à le provoquer ? Elle ne comprenait peut-être pas sa vraie nature. Ne l’avait-elle jamais vu se fâcher ? Non, probablement jamais véritablement, alors que ses rugissements étaient tels ceux des bêtes sauvages. Son surnom ne lui venait de nulle part. Il lui avait été conféré par des hommes et des femmes qui avaient survécu à cette terrible tempête qui savait s’abattre sur ses hommes comme ses ennemis. Elle ne l’avait jamais vu ainsi, mais alors qu’elle continuait de marteler les reproches, il sentait son sang bouillir. Peut-être que les quelques coups violents n’avaient pas été assez, pourtant il sentait encore l’impact du bouclier dans son avant-bras. Cherchant un peu de calme, il glissa ses doigts dans la crinière de son ami. Le lion avait toujours su lui apporter un peu de calme, même lors des plus vilaines tempêtes. Quelques longues respirations plus tard, et un long grognement étouffé, il était à même de commencer à avancer vers le château.
Hektor tourna simplement la tête pour s’assurer que sa fille était suffisamment confortable sur le dos du grand animal, puis il fit signe à son compagnon de commencer à avancer. Ainsi, les trois se mirent en marche vers la ville. La seule qui parlait était encore et toujours Clara, car Hektor s’enfermait dans son mutisme alors qu’il jetait de longs coups d’œil vers les murs de la ville qu’il pouvait encore discerner au loin. Il leur faudrait une bonne heure à s’y rendre. Si Clara pouvait arrêter de lui adresser des reproches, peut-être cette balade serait agréable. C’était comme si elle s’était armée d’un bâton figuré, bien pointu, et qu’elle se plaisait à pousser entre ses côtes comme pour garder la douleur à vif. Bref, il avait cette impression qu’elle se plaisait à continuer d’enfoncer les reproches et il ne les accueillit qu’avec de légers grognements qui lui signifieraient certainement qu’il entendait ce qu’elle disait mais qu’il n’avait aucune réponse pour elle. Il se sentait toujours aussi agacé par ses dires. Il lui fallut de longues minutes avant de finalement parler, avant de trouver le calme d’esprit pour pouvoir s’adresser à elle sans gueuler. S’il avait eu à choisir un terme pour décrire les résultats de la matinée, il n’aurait certainement pas choisi le terme « positif ». En fait, ce qu’il retirait de cette matinée était de l’amertume.
Si vraiment elle considérait que ses problèmes ne concernaient qu’elle et pas son père, elle ne comprenait pas comment fonctionnait la psyché d’un parent : elle était en train de faire monter en lui une inquiétude qu’il n’avait que très peu l’habitude de ressentir. Qu’est-ce qui pouvait être si horrible qu’elle ne pouvait lui en parler ? Probablement des problèmes de… nature féminine. Pourquoi n’avait-il plus de femme pour l’aider avec toutes ces choses ? Elle ne s’entendait avec aucune des femmes auxquelles il faisait confiance : Chlana, Alycia… il n’aurait su dire si elle les percevait comme des menaces ou quoi que ce soit, mais elle ne savait les apprécier. Alors comment pouvait-il lui offrir son support sur ces choses qu’il ne comprenait pas… ? Quel casse-tête…
Finalement, il se décida d’abdiquer. Sans s’en rendre compte, il avait marché plus vite qu’Ainren qui retenait le poids de la jeune femme. Il avait bien quelques mètres d’avance sur eux, ainsi il se tourna pour les regarder ensemble et il secoua la tête. Ses mâchoires étaient serrées, mais il semblait avoir retrouvé un peu de calme.
« Non, Clara. Je sais des choses mais je ne sais pas transmettre mes connaissances. Il y a des enseignants à l’Académie pour ça. Crois-tu vraiment que c’est moi qui se claque ce travail ? J’y ai même pas mis les pieds comme étudiant ! » Il était exaspéré, mais ce n’était pas pour lui une grande révélation : il avait l’impression que tout le monde pouvait être au courant, de toute façon l’Académie gardait des registres assez serrés. Il était arrivé en ville à l’âge de seize ans, c’était bien trop tard pour joindre les rangs étudiants… il avait simplement sauté quelques classes. « J’ai fait mes classes sur le terrain. J’ai appris le combat à la dure, dans le sang. » Il était un fils de la guerre, né dans un pays déchiré comme elle n’avait jamais vu, car il avait combattu pour cette paix, justement. |
| | | | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Sam 20 Juin 2015 - 12:11 | |
| Silence. Flanquée sur Ainren, Clara se tient plus ou moins droite, accrochée au pelage de la bête. Sa bouche s'entrouvre pour rajouter quelque chose suite aux dires de son père, mais se referme sans avoir laissé passer un mot. La surprise rend la fille Arnstven muette à son tour.
Papa n'a jamais fait l'académie ? Sérieusement ? Lui, le soldat fabuleux, lui le général trop connu et reconnu n'a pas appris par la voie régulière à devenir un membre de l'armée ? Elle en rirait presque si elle avait été mise au courant autrement et si ses explications ne la laissaient pas imaginer des souvenirs peu agréables. L'apprentie guerrière penche la tête sur le coté, considère son parent d'un œil neuf - presque choqué - et se demande si c'est là une des raisons qui le font tant se dévouer à sa tache quotidienne. Son parcours atypique serait-il un poids pour lui ?
Talonnant doucement le lion, la jeune fille l'incite à finir de rattraper le géant au plus vite. La colère du Tolv, précédemment, lui est aussi incongrue que sa révélation. L'inconnu ronchon qui est son père a refait son apparition sans raison, brisant l'espoir qu'elle avait une énième fois formulé en son sein : qu'ils réussissent à s'entendre plus de cinq minutes. Pourtant, malgré tout, c'est à son coté qu'elle veut être et la monture trottine pour rejoindre son maître, obéissant à son souhait. Il a parlé de son passé. Comme quoi même l'ours agressif peut dialoguer, quand il veut.
Elle ferme ses paupières une fois à deux pas de lui, laisse la lumière orangée des rayons du soleil matinal réchauffer ses traits le temps de faire le tri parmi ses sentiments et les questions qui lui viennent. Si elle le questionne cette fois, se montrera-t-il aussi désagréable que lorsqu'elle l'avait interrogé sur Laura ? Sans doute. Pourtant, elle n'empêche finalement pas sa curiosité de s'exprimer en partie. Se limiter à une seule phrase lui coûte, mais vu l'humeur de son père...
" La hache était déjà ton arme préférée ? "
Sa voix s'élève, curieuse, brisant le silence qui s'était à nouveau établi. L'interrogation lui parait anodine et déplacée à peine posée, mais elle ne la regrette pas pour autant : tant qu'il répond, même à coté, elle aura des informations sur un fait qui l’intéresse. Nourrice si elle avait été là aurait soupiré quant au travers de sa protégée. Le général lui a donné un doigt de souvenirs, mais voilà qu'elle quémande tout un bras.
Sans doute une fille normale aurait-elle compris qu'il avait mal entendu ses propos, simplement. Sans doute cette même enfant aurait-elle sauté sur son père pour l'embrasser, se serait-elle excusée ensuite avec tendresse avant de tenter de rendre le sourire à son paternel par quelques stupidités et des cajoleries à n'en plus finir. Elle ne l'aurait pas questionné. Elle ne serait pas restée bêtement là, sur le dos de son porteur. Mais il n'y a rien de normal dans leur relation, à part peut-être l’appellation qu'elle donne à Hektor. Papa.
Son père, son merveilleux, son terrible, son adorable, son râleur, son si sage père lui est une donnée dont elle ne sait pas trop que faire. Elle ne peut, ni ne veut, ranger dans un coin son parent comme on oublie une feuille de papier. Changeant et pourtant tellement constant, il l'attire comme le feu envoûte le papillon de nuit : terriblement. Alors, elle se brule chaque fois un peu plus les ailes en tentant d'obtenir son attention, de comprendre qui il est vraiment en des valses où seule l'apparence compte vraiment vu qu'ils ne peuvent se baser que sur cela. En réaction aux murs qu'il met entre eux, elle en crée d'autres, involontairement, comme si c'était là un jeu sans conséquences et l'absence de connaissances qu'ils ont l'un de l'autre la mine un peu plus chaque jour. Elle ne sait comment dépatouiller la situation ou sur quoi s'appuyer pour que cela change : de ce qu'elle en a vu chez les autres, de loin, les pères et les filles ne sont pas comme eux. Comment alors ne pas jalouser ces femmes trop chanceuses ?
Ses mains viennent flatter l'encolure d'Ainren en silence. A part la révélation de son père, il y avait autre chose dans ses propos n'est-ce pas ? Papa perd déjà l'envie de lui apprendre ce qu'elle demande si il l'avait jamais eu. Qu'a-t-elle fait encore de mal cette fois ? Elle a beau chercher, elle ne trouve pas, mais ne doute pas que son parent se chargera d'éclairer sa lanterne sous peu avec quelques mots blessants. Cela fait trop longtemps - quelques minutes - qu'ils n'ont pas fait usage de leur spécialité, c'est presque effrayant. |
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Hektor M. Arnstven Messages : 220 Expérience : 83 PersonnagePrestige : (1/9) | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Mer 1 Juil 2015 - 17:02 | |
| Comment ceux qui l’entouraient pouvaient en savoir si peu sur lui ? Certes, cet homme s’enfermait dans un mutisme inébranlable sur les évènements troubles de son passés, ils lui semblaient pourtant des faits connus… n’était-ce pas le cas ? La surprise de sa fille, et son ignorance quant à possible l’entièreté de sa vie le frappa bien plus fort que les coups d’Aksel, lui coupant virtuellement le souffle. Ainsi, il resta silencieux pendant ce qui parut être de longues minutes, mais il ne comptait pas vraiment le temps qui passait… il le laissait filer entre ses doigts alors que ses pieds couvraient sans contrôle, avec une habitude coordonnée, la distance qui le séparait de sa forteresse de solitude. Est-ce que cette rencontre le changerait vraiment ? Probablement pas… même s’il savait se montrer moins sombre, plus ouvert et agréable, avec son penchant pour l’alcool et la chaleur humaine… Cäcilia ne lui avait-elle pas reproché maintes fois sa distance ? Comme il se cachait derrière de véritables murailles qu’il ne laissait personne traverser. Ces reproches lui avaient été adressés des années plus tôt pourtant il n’avait toujours pas changé. Non, il ne changerait jamais. C’était à Laura qu’il s’était ouvert le plus, mais elle s’était depuis longtemps éteinte, et la douleur était encore aussi brûlante que la lave qui l’avait emporté, le souvenir encore était encore vif, toujours ravivé par le visage de sa propre fille.
Même si souvent il n’en montrait rien, il aimait Clara, et il aurait simplement aimé qu’elle soit plus… ambitieuse. Il ne se leurrait pas, jamais elle ne prendrait sa place, là n’était pas la question. Il aurait simplement aimé pouvoir partager plus de choses avec elle, mais elle devait d’abord comprendre ce qu’impliquaient ses responsabilités, voire les responsabilités en général… elle devait juste… mûrir. Mais il commençait bien à croire que cela n’arriverait pas. Que cherchait-elle vraiment à savoir en ce moment ? Bah, pourquoi pas jouer le jeu ? Ce n’était pas très engageant au final.
Fort de ces réflexions, il tourna la tête vers Ainren et sa fille, voyant bien qu’elle lui avait demandé s’accélérer le pas, ce qu’il réprimanda silencieusement, d’un simple froncement de sourcils. Il eut semblé un moment que le lion comprit ce langage non-dit, mais les rumeurs du lien entre l’homme et la bête n’étaient peut-être pas surfaites.
« On a d’abord essayé de me mettre une lance dans les mains, comme aux autres gamins, mais j’étais déjà… disons que ma stature faisait qu’on aurait dit un cure-dent. » Étonnamment, il eut un sourire. Il se souvenait encore de ces moments. Le village était pauvre, surtout pauvre en homme, plusieurs d’entre eux étaient morts à la guerre, ou travaillaient dans les mines… plusieurs auraient eu des souvenirs bien plus amers, mais c’était après tout, le début de son épopée. « La hache est venue plus tard, peut-être vers quatorze ans…? Un des derniers bûcherons du village, un vieil homme… espérait que je prenne la relève… bref, l’histoire a pas été de son côté. »
Cette fois, il rit. Un son que la petite Clara n’avait pas entendu depuis belle lurette. Il était, après tout, bien trop sérieux. Parfois s’adonnait-il à de petits rires qu’elle pouvait à peine entendre alors qu’il jouait avec Aldrick, ou encore à de bons vieux rires gras de guerrier lorsqu’il parlait à Aksel ou à d’autres membres de son entourage proche, bien loin des oreilles indiscrètes de sa fille. Bref, il ne démontrait ouvertement que très rarement de tels élans de joie, ou peut-être plus exactement de nostalgie dans ce cas précis, mais son visage semblait, au moins pendant un instant, ranimé. Avait-il jamais été si ouvert ? Non… jamais. C’en était inquiétant, mais surtout il faudrait à Clara profiter du reste du chemin qui les séparait de la capitale, où l’homme redeviendrait le Général et où les responsabilités l’enseveliraient dès qu’il aurait franchi le pas de la ville fortifiée. |
| | | | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Mer 1 Juil 2015 - 20:59 | |
| Il est toujours fou de constater combien l'humeur d'un être aimé a d'incidences éphémères sur la sienne. Lorsque autrui - que nous adorons - sourit avec son regard, nous ne pouvons fréquemment nous empêcher de répondre à son bonheur par un quelconque geste et ce qu'importe notre humeur à nous actuelle. On offre alors par exemple un même sourire, un simple coup d’œil éclairé, quelques mots délicieux prononcés avec une intonation particulière, une tendre caresse... Tandis que le rire de son père s’élève, c'est la surprise qui est la première réaction de Clara. Son front se plisse de curiosité, ses yeux s'ouvrent bien davantage. Il lui semble que son cœur bat plus rapidement, quelques instants. Quiconque la mire à ce moment précis peut percevoir la vague de tendresse qui remonte finalement le bout de ses lèvres et redonne un peu plus de vie à son regard trop bleu. Son père est là, parle et rit. Elle n'a besoin de rien de plus pour à son tour devenir joyeuse : pas de cours, pas de bêtises, pas de voyage. Hektor communique sans hurler avec elle et s'amuse même de ses souvenirs à lui, alors le reste est relégué à un plan secondaire, même ses blessures visibles ou non.
Ses yeux s'accrochent à l'une des rides de son front âgé, en retranscrivent les contours avant de caresser un sourcil. Elle ne s'arrête pas davantage sur le regard rieur, sur la joue sans doute rugueuse. Elle effleure par la vue le sourire, imprime dans sa mémoire son menton tremblant de rire. La joie lui va si bien, à ce général. Peut-être que si elle passait moins de temps à faire des inepties, il serait davantage heureux lorsqu'ils se croiseraient ? Non. Ils se verraient sans doute bien moins alors et en l’occurrence, pour ce sujet précis, la quantité compte autant à ses yeux que la qualité. Qu'il continue donc à croire qu'elle n'est qu'une moujingue qui a besoin d'encadrement.
Gênée d'avoir pu être prise en flagrant délit de contemplation de son papa, incapable de fourrer ses paluches dans ses poches à cause de sa position, l'enfant se contente de baisser la tête vers Ainren sans se départir de son sourire. Elle flatte après une hésitation la monture du bout de ses doigts gantés distraits, comme pour lui remonter le moral des fois que le précédent froncement de sourcil de son parent l'ait attristée. Le rire paternel s’éteint presque totalement sans qu'elle n'ait prononcé un mot ; la demoiselle retenant sa curiosité qui la pousse à demander un bras quand son père lui a déjà offert un doigt. Juste entendre ce son trop étrange, ce bruit trop peu habituel lui plait bien. Et puis, finalement, n'y tenant plus lorsque ses dernières notes s’égrènent, elle s'exprime avec espoir :
" Et après, as-tu utilisé d'autres armes ? "
Ce n'est là encore pas l'interrogation qu'elle aurait aimé poser, mais Hektor cause quand il est question d'acier, alors, peut-être bêtement, elle poursuit sur la même voie. Son menton se relève vers son ainé qu'elle mire encore. Si seulement il le lui permettait, il existait tant de choses qu'elle aimerait apprendre de sa bouche. Mère n'est qu'un souci, une ignorance à combler, une goutte d'eau parmi une marée. Son père était-il déjà totalement un Tolv, jeune ? A-t-il toujours de la famille, même éloignée, ailleurs ? Est-il heureux ? Aime-t-il ? De quoi sont faites ses journées, loin d'elle ? Peut-il vraiment l'aider ? Quelles couleurs sont parmi ses préférées ? Quels lieux retiennent son attention ? En ces temps troublés, le géant a beau être l'homme qui aide le peuple Arvélès à combattre les ténèbres et ses troupes, il reste au regard de sa descendante aussi incongru que leur ennemi. Aussi inconnu. Tout ce dont elle est sûre est qu'il est son papa - leur caractère de cochon commun le prouve aisément - . Et qu'elle l'aime, même si il est davantage général que parent.
Songer à la guerre la fait dévier de son sujet, malgré elle. Rien qu'imaginer son père au milieu d'un champs de bataille, même maniant sa hache qu'il usite depuis tant de temps, la rend toujours nerveuse. Et si il n'en revenait pas, un jour ? Et si les réminiscences liées à son arme le pétrifiaient une fois au milieu du danger ? Pourquoi n'est-il pas devenu coupeur de bois comme le vieux lui demandait ? Sa volonté se fait la malle, incapable de lutter contre sa curiosité et ses craintes. Son ton se fait vulnérable lorsqu'elle demande :
" N'as-tu jamais eu peur, papa ? "
La question est floue, elle en a conscience. Peur de quoi ? Quand ? Elle n'ose pas préciser ce qu'elle veut signifier. Elle force ses épaules à ne pas s’abaisser, mais son sourire laisse la place à un air davantage indécis. Elle va déjà fâcher encore son général de père, n'est-ce pas ? Il ne rira plus à nouveau... Mais il parait toujours si fier, si majestueux. Comme si la crainte, celle qui tétanise, lui était un sentiment inconnu. Si seulement il pouvait lui apprendre à oublier, ou au moins à ne plus se faire happer par ses pensées... |
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Hektor M. Arnstven Messages : 220 Expérience : 83 PersonnagePrestige : (1/9) | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Ven 3 Juil 2015 - 1:04 | |
| Lentement il tourna la tête pour reprendre la route marchant quelques pas seulement devant l’énorme créature qui le suivait presqu’au doigt et à l’œil. La question que lui balança sa fille lui sembla beaucoup plus superflue et étrange qu’intrusive. Il certainement plus facile de le faire parler en ramenant les choses à ce qu’il connaissait bien : la guerre, les armes, l’alcool, la bouffe, les femmes… bon ce dernier point n’était certainement pas approprié pour sa fille, mais l’essentiel du principe restait le même : il était préférable d’éviter d’aborder directement des sujets sensibles et de broder un moment en territoire neutre avant de faire le grand plongeon. Il semblait que la jeune femme commençait à comprendre son père, et il se demanda un court instant si ce n’était pas Aksel qui lui avait glissé quelques mots des meilleures stratégies à adopter… non, probablement pas. Il n’était pas traître, et elle était assez intelligente pour saisir elle-même des bribes de ce qu’était cet homme assez distant.
Il n’eut pas trop à réfléchir à cette première question, à laquelle il put répondre avant même qu’elle enchaîne avec cette seconde qui était en soi plus perturbante. Il se contenta d’un haussement d’épaules un peu las, alors que son regard sombre se posait sur sa fille : le soleil éclairait légèrement ses yeux et ainsi, elle pouvait remarquer que leur éclat était de la même couleur que cette breloque qui se logeait si souvent dans sa longue chevelure brune. « Tu as passé assez de temps dans ma salle d’entraînement que tu devrais le savoir, ça… » Son ton n’était pas acerbe, il se demandait tout simplement si elle avait seulement conscience qu’il l’eut remarquée toute ces fois où elle s’était glissée aussi subtilement que possible pour le voir s’entraîner avec ses amis les plus proches, toutes ces fois qu’elle avait fait le décompte des impressionnantes armes appartenant au Général Arnstven, le regard vif.
« Mais bon, je veux bien jouer le jeu… j’ai appris à lancer des hachettes peu de temps après la hache. Je la maniais à deux mains à cette époque mais après que j’ai euh… gagné le physique d’un ogre, j’ai commencé à l’utiliser à une main et j’ai joint le pavois à mon arsenal, comme tu l’as remarqué plus tôt, tant comme arme que comme bouclier. Entre temps, dans l’armée, on m’a enseignée le maniement de l’arc long, mais comme tu le sais sûrement, je m’en sers surtout avec ma Vérité… » Cela faisait le tour de la question. Elle ne connaissait pas tous les détails, même s’il avait été très bref, mais cela donna l’aperçu général. « Et celle-ci… » Il fit un signe vague vers l’imposante hache double qui traversait son dos, avec cette impressionnante lame en cristal. « … je l’ai reçu lorsque j’ai huh… monté en grade. »
Il n’y avait aucune vantardise dans sa voix, il énonçait les faits tels qu’ils étaient, même qu’il y avait certaines hésitations dans sa voix. Aucune de ces choses ne pouvait être une surprise pour la jeune fille qui cherchait très certainement à entretenir la conversation avec son père. Et la marche reprend, à un rythme qui semble s’éterniser comme ni l’un ni l’autre n’a maintenant l’habitude de se parler, de vraiment profiter de la présence de l’autre. Tous ces silences, toutes ces hésitations, ne sont là que la preuve accablante du fossé qui les sépare, alors qu’ils devraient être à même de se parler le plus naturellement du monde.
Cette étrange question arrive tel un poignard, car elle est lourde de sens, et le Général se fige. Lentement, celui-ci se retourne et fixe longuement sa fille. Impossible de déterminer ce qui se trouve dans son regard, est-ce de la colère, de la crainte, de la vaillance… impossible de savoir, mais c’est sombre, tapi là, bien au fond de ces lazulites. « Si j’ai peur…? » La question lui semble trop imprécise : il sait reconnaître là une question qui en cache une autre. « Que veux-tu vraiment savoir ? » Plus tranchant cette fois, non pas parce qu’il craint de ne pas garder la bonne façade, il veut simplement répondre à sa vraie question, comprendre les véritables inquiétudes qui se rangent au fond du petit cœur de la seule femme (si telle elle peut être ainsi qualifiée) qui compte à ce jour pour lui. |
| | | | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Ven 3 Juil 2015 - 13:35 | |
| La voix tranchante lui prouve qu'elle a raison et elle détourne la tête, légèrement, de dépit. Elle n'a pas le temps de s'apitoyer sur son sort cependant ; son père demande une réponse et ne se contentera pas d'un simple " Je ne sais pas. " qui ne répondra pas plus à ses inquiétudes qu'à ce qu'il veut comprendre lui. Clara se mord l'intérieur de la joue en représailles, maudissant son habitude de causer sans assez réfléchir et relève le menton vers son général tout en cherchant ses mots.
" Je ne suis pas sûre.. "
L'hésitation se transforme en court silence. Il ne faut pas qu'il voit son affolement, aussi tente-t-elle de prendre un ton badin, comme si ce n'était pas important. Comme si elle essayait encore de faire simplement la discussion, de l'inciter à parler de choses qu'elle sait déjà sur le bout des doigts. Mais l'enfant n'a jamais été habituée aux jeux d'apparences et le mensonge direct n'est pas une épée qu'elle manie merveilleusement bien. Oh, elle sait le faire, mais n'a rien d'une experte vis-à-vis de son père.
Il est en effet aisé de mentir en disant "je vais bien", quand on est un peu triste, de sortir des demi-vérités pour provoquer la colère d'autrui, ou pour éviter de trop énerver. Mais pour parler des choses sensibles, face à Hektor, Clara est déjà peu à sa place de base, alors le mensonge devient plus délicat.
" Tu n'as jamais peur quand euh... Tu... Lèves une de tes armes ? "
Elle a tenté de coller au plus près de la vérité, mais n'a pas réussi assez à bien s'exprimer. Ce n'est pas franchement ce qu'elle veut dire, une fois encore. Ce n'est pas ce qu'elle veut lui mander, ou ainsi qu'elle veut s'adresser à lui, mais les palabres et la bonne tonalité en la présence de son tolv de papa ne lui viennent toujours pas aisément, pour ne pas dire jamais. Et puis elle a un peu peur, aussi, qu'il lise entre ses propos.
Elle n'avait pas conscience que Hektor savait depuis longtemps qu'elle était entrée par plus d'une fois dans sa salle d'entrainement, mais apprendre qu'il sait qu'elle y a trouvé refuge longuement lui fait ressentir de la culpabilité. Est-ce lui qui l'a vue ? Un servant ? Combien de fois ? L'ont-ils aperçue rêvasser devant les armes, espérer un jour devenir aussi forte que lui ? Quelle importance ? La révélation l'attendrit aussi, elle, d'un coté. Il ne l'a jamais empêchée de se réfugier dans cette salle qui n'appartient qu'à lui, alors qu'il aurait pu. En sachant cela, elle étouffe un juron en songeant que par les dieux elle déteste réellement lui dissimuler la vérité, même quand sa fierté s'impose à elle - ce qui arrive bien trop souvent. Mais le regard qu'il poserait sur elle, si il savait tout, ne serait-il pas davantage lourd à porter ? Et puis ne devrait-elle pas avoir l'habitude du silence qui les sépare ? Ce n'est pas comme si ils parlaient ouvertement tout le temps.
Elle se frotte le menton, fixe l'horizon, le temps de préciser un peu sa pensée autant pour se donner bonne conscience que pour lui. Instinctivement, une pointe d'agressivité vient souligner ses dires, en une faible réponse bien en retard à son ton tranchant.
" Tu n'as jamais détesté une de tes armes parce tu n'arrives à rien de bénéfique avec elle alors que tu te croyais bon avec ? "
Tourner autour du pot fait donc par contre visiblement bien partie de ses compétences quand elle le veut et elle repousse, loin, loin, dans sa gorge, la suite de ses dires qu'elle n'ose pas lancer à haute voix. Peut-être en partie parce qu'elle n'ose déjà pas se poser à elle-même ces interrogations et y répondre sincèrement.
N'es-tu jamais dégouté de te battre, papa ? Parfois, n'as-tu pas envie de tout laisser tomber ? |
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Hektor M. Arnstven Messages : 220 Expérience : 83 PersonnagePrestige : (1/9) | (#) Sujet: Re: Une matinée comme une autre ? Lun 6 Juil 2015 - 1:36 | |
| Quiconque lui eut déjà proposé de former sa fille pour qu’elle puisse un jour lui succéder n’avait jamais rencontré la jeune Clara, au tempérament impétueux, demandant… Cette façon qu’elle avait de pointiller sur le sujet sans véritablement l’aborder ; cette façon dont elle n’arrivait en rien à cerner son interlocuteur qui ne demandait que des réponses et des questions claires et dirigées ; les mots qui semblaient lui échapper alors qu’elle peinait à les rattraper en un souffle ; l’affolement dans son regard lorsque survenait l’inattendu ; l’inquiétude qui la rongeait peu à peu… non, elle ne saurait tenir cette position si ce n’était que pour l’incapacité qu’elle avait à entretenir une conversation qui savait se satisfaire aux exigences de différents interlocuteurs, qu’elle ne savait une partie d’elle lorsque c’était nécessaire, avant de se retrancher derrière ses solides barrières… ceux qui espérait voir la jeune Arnstven succéder au père ne pouvaient imaginer l’impossibilité de la tâche. Et pourtant, il lui avait laissé des ouvertures, ne se doutait-elle pas que même lorsqu’ils se parlaient ainsi tels un père et une fille, il l’évaluait et quelque part, il essayait de la comprendre, de l’analyser comme il l’aurait fait avec n’importe quelle autre recrue ? Elle devait bien s’en douteur, mais tant qu’il tenait la conversation…
Malheureusement pour celle-ci, alors qu’elle tentait tant bien que mal de reformuler ses questions, de les préciser, sans trop donner d’information, l’agacement commença à gagner le vieil homme. Pour une fois qu’il franchissait ce seuil invisible qui le retenait si loin de la jeune Clara, elle ne semblait capable de s’exprimer correctement… n’avait-elle certainement pas voulu ce moment depuis bien longtemps ? Combien de fois avait-elle tenté de se lancer dans cette conversation ? Il lui paraissait surprenant qu’elle n’ait pas songé un moment aux mots qu’elle emploierait, à la ligne directrice de ses questions… Mais son agacement était surtout face à l’inefficacité de la conversation : ne se doutait-elle pas qu’en un sens, le temps leur était compté ? Alors pourquoi ainsi perdre son temps en questionnements étranges et décousus ? Son soupir fut plus sonore qu’il ne l’eut espéré, mais il remarqua que sa fille l’entendit aussi. « Clara. Arrête les détours. Si je voulais pas entendre tes questions je serais en train de continuer la route, pas planté là à attendre que tu débloques. » Même si ce qu’il disait pouvait paraître sévère, il le dit d’un ton certes ennuyé, mais qui ne portait pas le genre de commandement qu’il aurait pu avoir à d’autres moments. Non, il se contentait de lui parler le plus clairement possible car il voulait qu’elle en fasse de même.
Ainsi, il choisit de franchir un peu plus cet énorme fossé qui les séparait, ajoutant quelques pierres à ce pont métaphorique qui s’était fracassé bien des années plus tôt. Hektor ne se considérait pas comme un homme compliqué, et eut-il été à la place de son héritière, il aurait probablement eu lui-même des questions… c’étaient de toute façon des questions que se posaient bien souvent les jeunes guerriers qu’il prenait sous sa charge… après tout, il y avait toute une légende autour de sa personne, qui s’était bâtie au cours des combats et des guerres, ainsi, souvent ils ressentaient le besoin de départir le mythe de la réalité. « Je n’ai pas peur de prendre une vie, de combattre ou de mourir… ça explique pas mal pourquoi je me bats comme je le fais… ou disons comme je le faisais… mais de là à dire que je n’ai pas peur… comme tout le monde j’ai peur de l’échec, de ses conséquences, pas tellement pour moi mais pour ceux que j’aime… » Elle sentit la voix du Général qui se fit plus serrée, un semblant d’émotion difficile à analyser, sauf si vraiment on connaissait son histoire… si on gardait souvenir de la mort de sa belle Laura… « … de voir tout ce que j’ai bâti s’écrouler… mais je sais que je ne peux pas m’arrêter, après tout, la peur n’est qu’un autre obstacle à franchir… ou disons hum… un territoire noir de notre âme à conquérir. Et pour moi, ça fait bien longtemps que le courage a mis cette part de moi à sa botte. »
Lestement il haussa les épaules, mais en profita pour venir poser sa main sur la crinière d’Ainren. Il n’était jamais vraiment seul, que ce soit l’esprit de sa femme qui le guidait toujours, ou son fidèle compagnon, il ne se sentait jamais laissé à lui-même, à portée de la peur qui se tapissait toujours quelque part. « Pour ce qui est de perdre… tant que je me battrai pour ce que je crois juste, je n’aurai jamais peur de perdre, Clara… un cœur fort pour une épée forte, n’est-ce pas ? Et je suis un guerrier hors pair. » |
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