«Ces mains, elles sont faites pour tuer» C'est tout ce qu'il y a à savoir à mon propos. Je suis né sur un champ de bataille, bercé par les râles d'agonie, baigné dans le sang et la sueur des guerriers, embaumé par la putréfaction de la mort. Mon essence même est le Chaos. Je suis l'incarnation du conflit, l'avatar de la violence, le héraut de la Mort. Dans la langue noire ils me nommèrent Aoneth – le maître des démons, un titre synonyme de puissance, d'un respect teinté de crainte et de haine. J'ai porté bien des noms, les Arvèles m'appellent le Loup Blanc, les Liares m'ont affublé du titre de Seigneur des Épées, dans le Nord je n'y suis jamais allé. Mais j'ai mérité chacun d'eux. Mon nom, dernier vestige de mes origines, est Arioch. Laissez moi vous conter mon histoire …

Je viens d'un autre monde. Un monde où la force est la seule vertu. Un monde hostile, qui recèlent maints dangers. J'ai grandi au cœur d'une guerre perpétuelle avec la solitude et la mort pour seules compagnes. Mes semblables ? Je n'en ai connu aucun assez longtemps pour vous en parler. La plupart des inimitiés aboutissent à une fin tragique là d'où je viens, il en va de même pour les amitiés. Pourquoi un tel goût pour la violence ? Vous m'écoutez réellement ou vous faites semblant ?

J'ai grandi dans les Terres Inexplorées, issu d'une union entre deux guerriers tout aussi puissants que brutaux. Je dois avoir ça dans le sang. Ma vérité s'est manifesté très tôt. Le jour de ma naissance pour être précis et cela .. coûta la vie à ma mère. Je suis né tel un démon, fait de feu et d'acier, j'ai déchiqueté le ventre de ma seule famille pour me faire une place dans ce monde. Si je ne m'en souviens pas, la culpabilité qui naquit en moi ne s'amenuisa pas sous le regard sinistre de mon père, partagé entre l'envie de meurtre et l'amour d'un parent pour son enfant. Mon père m'initia à l'art de tuer dès mon plus jeune âge si bien que je fus capable d'abattre une bête sauvage avant de savoir formuler une phrase. Les années suffirent à faire de moi un guerrier terrible. Pourtant, j'avais quelque chose de plus que les autres. Je me versais dans l'Art. Si comme bien des Recleyes ma vérité me dotait d'armes naturelles et mon essence de pouvoirs magiques, mon attention fut rapidement portée sur les armes. Rares étaient les sombres humains à faire confiance aux glaives. Pourtant, je me mis en quête de maîtriser les lames sans oublier de contrôler mon infâme vérité.

Les années passèrent jusqu'au jour de mon initiation. Si à 13 ans la plupart de mes semblables s'éveillaient à la vérité, je m'acharnais à ne pas la laisser me dominer. Il m'arrivait souvent de me réveiller en pleine nuit, le torse rougi par un véritable cratère qui déversait un liquide ardent, les bras bardés d'acier. J'ai alors passé des années tranquilles à la Tour Sombre, alternant entre mes multiples tentatives d'évasion, les châtiments corporels et les luttes sanglantes entre "étudiants". La seule chose que l'Académie m'ait apportée, c'est la découverte d'une sensation inédite. Une puissance impie coula dans mes veines, électrifia mes muscles, déferla dans la moindre parcelle de ma chair. Un chant s'éleva, une mélopée sinistre, des murmures de plaisirs obscènes. J'y avais affronté mon premier adversaire. Je l'avais tué. C'est alors qu'une féroce envie de me battre grandit en moi, ces pulsions de meurtres enfouis, contenues, ma vérité les amplifia. Soudainement, je pris conscience d'un fait : j'étais devenu une arme.

Si les meurtres ne sont pas punis par la société au sein des Recleyes, la vengeance reste l'apanage des Hommes et la famille du défunt s'en prit à ma seule famille. Mon désarroi fut sans borne lorsque je vis la dépouille de mon père étendue, gisant dans son propre sang, torturé et mutilé. J'entrepris alors de mettre la main sur mon unique héritage à savoir une épée splendide, ouvrage finement ciselé, parcourue de runes qui s'illuminèrent lorsque ma main se ferma sur le pommeau de l'arme. Si ma vérité devait faire de moi une bête sanguinaire, alors j'en serai une qui ne vivrait que par le carnage. Je venais d'emprunter la Voie du Démon.

Armé de celle qu'ils baptisèrent Chante-Guerre, je fis pleuvoir la mort sur les meurtriers de mon père, allant jusqu'à décimer le meilleur de leur fils, réputé invincible. Rien ne pouvait s'opposer à ma cruelle lame. J'avançais vers ma vengeance, laissant dans mon sillage une traînée de cadavres. Plus personne ne vint s'opposer à moi, l'ère de la Haine débuta. Je massacrais sans retenu pour étancher l'inextinguible soif de ma vérité, elle qui se repaissait du sang de mes adversaires que je lui versais en offrande. Pourtant, après des années de massacre, loin du tumultes causés par vos dieux, je me languis. J'étais à l'apogée de ma puissance, mon corps était saturé de pouvoir à tel point qu'il en irradiait. Mes yeux étincelants de folie insufflaient la crainte dans le cœur des autres Hommes, mon corps d'acier ardent ne tolérait aucune blessure. L'excitation qui m'habitait autrefois me quitta, l'ardeur du combat s'amenuisa, les morts ne comblaient plus le vide abyssale dans ma vie. C'est alors que j'entrepris de la quitter, cette vie

Tout d'abord sceptique, je ne comptais pas abandonner derrière moi tout ce que j'avais bâti. Finalement, la lassitude d'une vie de combat surpassa tout le reste. Bien que je fus avant tout un guerrier, mes connaissances dans les arts agricoles étaient suffisantes. J'ai alors acheté une ferme à bon prix, quelques bêtes, et une nouvelle vie. J'avais quitté mon univers de violence pour rejoindre le votre. Cela ne se fit pas sans accrocs, le Ténébreux n'aime pas les dissidents, même lorsqu'ils sont d'impitoyables meurtriers nuisibles à la confrérie. Encore plus lorsqu'ils sont d'excellents meurtriers.

En réalité, cette vie là n'était pas taillée pour moi. Ces mains là sont faites pour tuer, c'est ce que mon âme me répétait. Et avec l'âge vint le désir de fonder un foyer, des envies antagonistes se bousculaient dans mon cœur. Néanmoins, ma passion pour le combat resta inchangée et je traverse dorénavant votre monde comme un vagabond, fier de son sort, à la recherche des plus grands guerriers pour les défier. J'ai compris que dans ces conditions, je devais continuer à cheminer sur la Voie, afin de perfectionner mon Art. Je désir périr par l'épée ou trouver un moyen d'éradiquer cette vérité qui m'empêche d'engendrer sans ôter la vie. Car vous n'aurez pas à mettre au monde un nouveau monstre qui pourrait prendre votre épouse. Et pour cela, je vous envie. Et pour cela j'arpente les chemins de Madelle, en quête de savoir, fiévreux de découvrir les joies de ce monde.


Certains m'ont taxé de tueur sans scrupules, de monstre. Effectivement, pour vous je suis un monstre, une bête. Alors qu'êtes vous pour moi ? Je ne répondrais pas à cette question car je ne détiens pas la réponse. Les créatures de Madelle sont fascinantes, bien trop variées pour en brosser un unique portrait. Oui, je vis par l'épée et par l'épée je serai amené à mourir. Je ne retire aucune satisfaction à tuer ceux qui ne peuvent se défendre. Je poursuis mon propre code d'honneur, mes propres lois. A ceux qui me traitent de déviant, satisfait par la perversité uniquement je dirais que j'aime mon existence telle que je la vis : intensément, avec l'ardent désir de prendre la vie et de la donner. D'aucuns diront que je cherche à oublier mon ancienne vie à travers les délices que recèlent le monde tandis que d'autres soutiendront que ma soif de combat ne connaît aucune limite, pas même vos dieux. Je suis Arioch. Laissez moi vous conter une autre histoire ...