Assise confortablement dans l'un des nombreux sofas du grand salon, Dawn soupire longuement. Entre les rencontres de bons partis et le potinage de demoiselle, elle n'avait pas encore eue le temps de souffler. Si elle pouvait avoir juste un tout petit moment en solitaire, pour s'assoupir les yeux, elle en serait incroyablement reconnaissante. Sa chère mère passant par là, captant au passage le soupir de sa fille, s'arrêta nette. Elle jaugea du regard la posture ridicule de Dawn, les coudes appuyés sur les genoux et la tête enfouie dans les mains n'était pas très... «aristocrate».

- Oh... tsk tsk tsk. Qu'y-a-t'il Dawn ?

Elle s'approcha doucement du fauteuil, comme s'il menaçait à tout instant d'exploser et posa une main gantée de blanc sur l'épaule de son enfant. Voyez-vous, elles n'avaient jamais été très proches toutes les deux. Dawn fut même surprise de l'attention que lui portait sa génitrice et releva donc la tête. Elle allait répondre quand celle-ci lui coupa la parole :

- Ce n'est pas une position convenable pour une jeune demoiselle, relève toi un peu. Allez ! Nous avons des invités, tu ne voudrais quand même pas qu'ils te voient ainsi.

Alors que Dawn se redressait, elle se demanda si ce n'était que par souci du paraître que sa chère maman lui avait adresser la parole. Normalement, elles ne se côtoyaient que lors des rencontres avec de potentiels maris. Là, elles agissaient toutes les deux comme si elles étaient les meilleures amies du monde alors qu'en temps normal, elles se contentaient de sourires gênés et distants. Non pas qu'elles se détestent ou quoi que ce soit, mais leur relation n'était que strictement professionnelle. Élevée en grande partie par des gouvernantes, Dawn n'avait que très peu de souvenirs de sa mère s'occupant d'elle pendant sa tendre jeunesse. Elle ne lui en tenait pas spécialement rigueur, mais elle aurait certainement désiré qu'elles se connaissent un peu mieux, toutes les deux.

- Allons, allons, pourquoi ce soupir ?

- Je ne sais pas mère, s'empressa de répondre la jeune fille. Peut-être n'ai-je pas assez de temps pour moi aujourd'hui.

Dawn se leva du fauteuil, tira une courte révérence et s'enfuit par la porte du jardin. Si sa mère ne pouvait pas supporter ses rengaines, alors elle irait se plaindre ailleurs.

Se fût au tour de d'Uriel de soupirer. En temps normal, c'était le moment où une gouvernante prenait le relais. Elle n'avait pas le cœur à écouter les lamentations de sa fille. Ou alors son père. Dawn s'entendait bien avec son père. Étant la première enfant qu'elle lui ai donné, cette enfant avait une place toute spéciale dans le cœur de son très cher mari. Elle ne comprenait pas comment il pouvait trouver l'éducation des enfants enrichissante et même amusante. Les enfants, ça crie, ça pleure et par dessus tout, ça pue. Dawn était sa joie et sa fierté, elle même jalousait parfois l'attention qu'il lui portait. Il faut même avouer que si elle mettait autant de zèle à trouver un mari à Dawn, c'était un petit peu pour la faire déguerpir du Manoir Oakwind.

À la naissance de Dawn, elle n'avait pas ressenti ce lien fort et indestructible qui relit les enfants à leur mère. Il en avait été ainsi pour ses deux autres enfants aussi. Uriel eût beau tenter de se rapprocher d'eux, il n'y eu rien à faire. Bien sûr, elle les aimait et en était fière, mais elle avait beaucoup de difficulté à exprimer ces sentiments. Si bien, qu'elle finit par tout simplement abandonner, préférant s'adonner à d'autres activités. C'est donc ainsi qu'ils vivaient. Galadriel, le maître de la maison, s'occupait de sa progéniture tandis qu'Uriel, sa femme et son joyau se prélassait dans les jardins du Manoir. Dawn, Aurora et Zachary, entouré d'une bonne demi-douzaine de gouvernante (qu'ils rendaient complètement folles) faisaient les cents coups, parcourant de leurs petites pattes les couloirs et les nombreuses chambres, volant de la nourriture en cuisine et hurlant du charabia incompréhensible.

À l'âge de quatorze ans, Aurora trouva un bon parti et quitta la demeure familiale, emplissant de fierté leur père et leur mère d'indifférence. Quelques années plus tard Zachary s'engagea dans l'armée et on ne le vit plus très souvent arpentant les couloirs, les bras chargés de nourriture volée. Plus très souvent, car il lui arrivait quand même de venir faire un petit tour à la maison, quand son régiment le lui permettait. Il ne restait plus que Dawn. La vingtaine venait tout juste d'arriver et elle tardait à partir du Manoir. Galadriel commençait à désespérer de lui trouver mari, même si au fond, il aimait bien l'avoir près de lui. Il lançait souvent à la blague qu'elle finirait vieille fille, ce qui déplaisait au plus haut point à sa femme, mais faisait sourire en coin la vieille fille en question.