~ " Monde de merde. "

À croire que pour aujourd'hui, c'est le slogan du bon Liare. Et ce, depuis le départ de la journée qui fut pourtant sympathique aux premiers abords avec son joli ciel couvert rouge et ses températures chaudes. Mais que dalle. La vie aura décidé de pourrir le grand couillon à coup de mauvaise chasse et d'écharde dans les pieds. Et quand j'parle d'écharde, c'est plus du style zigoto tombé dans une petite broussaille d’orties. Et les orties de feu, ça déconne pas. Non seulement ca pique, mais en plus les épines de cette merdaille sécrète une sorte de colle un peu immonde rendant difficile de retirer les aiguilles. Bref, faut de l'eau, et en trouver ici, c'est pas vraiment la peine de se creuser le sillon des fesses pour se dire qu'effectivement. Y en a pas. À moins que ton kif soit de te verser du souffre sur les plaies, mais lui, dans tous les cas, il passe.

C'est donc couvert de petits boutons, l'air blasé voir presque dépité et avec un baluchon seulement remplis de deux genre de lapins que Noth arriva a la cité de Galea, plus précisément chez son maître chasseur Björn, pour rendre son butin. Rien de bien probant donc, sachant qu'il était payé au kilo de bestiole et que présentement, le compte n'y était carrément pas. Ce qui veut dire en résumé ; pas de bonne chasse, pas de viande.. Pas de viande, pas de pognon et pas de pognon..... Pas de pognon. Vous voyez le merdier ?

~ " Surtout, tu fermes ta tronche, j'suis déjà pas de superbe humeur. Chasse de merde. Monde de merde. "

~ " Nan, mais Noth, là, tu me scies les parties en deux avec mes flèches, là, j'suis supposé faire quoi de deux lapins ? Ils en veulent bien plus à Orlack, parait que la couronne prépare un banquet ou une connerie et qu'ils ont besoin de produits du monde Liare, dont des Jeyaks vu qu'on en trouve que par ici. Surtout que la capitale n'a apparemment pas reçu notre dernière cargaison parce qu'ils se sont fait tirer les stocks des caravanes par des attardés donc ils ont refusé de nous payer. "

Le sourire légèrement nerveux aux lèvres et rigolant jaune de la situation, les nerfs toujours un peu à vif (où était-ce encore les démangeaisons des ortilles?), ce fut le bon débordement pour le Liare qui attrapa le sac de chasse dans un bon hurlement guttural pour l'éclater d'un gros coup violent contre le mur de l'atelier de boucherie.

~ " Nan, mais Noth, bordel, si toi aussi, tu t'y mets, mais verse moi de la soude caustique dans les yeux directement hein, ou fais moi un shot de mercure, ce sera plus simple.. "

~ " FERME. LA. J'VAIS ME LES FAIRE. OU QU'ILS SONT LES COUILLONS ? "

~ " Nan, mais Noth, .. "

Et c'est dans un claquement de porte avec un hurlement de phrase fétiche du jour que Notharion se dirigea vers la place principale de la ville où parfois, crieur public faisait annonce de certaines choses à faire dans la ville. Et cette fois n'y loupait pas, attrapant le pauvre par le col et lui demandant des informations sur les dernières attaques, l'homme ne sût répondre à la question que le Liare reposait sans cesse en boucle.

~ " MONDE DE MERDE ! "

La chaleur des fourrures qui entourent Juliette peine à se diffuser à travers tout son corps. Les bourrasques de vent qui parcourent la ville s'engouffrent dans ses habits et la glacent sur place. Habituée à la brise réconfortante de la plage des Astres et à la caresse des vagues chaudes des récifs d'Emeriata, l'héléo n'arrive pas à se remettre de son ascension de la montagne. L'air ici y est dit-on pur, mais pour elle il est comme une lame dans sa gorge. Elle est bien heureuse de quitter cet endroit et n'a nullement envie de s'y attarder.

La marchande fait rarement des affaires autant dans le nord et qui plus est avec des Liares. Si elle s'est déplacée pour l'occasion, c'est uniquement parce qu'elle devait y livrer une commande qu'elle avait réussi à dénicher pour un de ces rares clients de la région. En vérité, les seuls clients qu'elle avait sur le mont Torgern vivait tous à Galea. Après avoir quitté le foyer de son client, elle s'était retrouvée dans les ruelles de la ville qu'elle ne connaissait pas bien pour retrouver son auberge et préparer son retour.

Comme à son habitude, elle ne s'était pas montrée raisonnable pour ses frais de déplacements et elle avait trouvé une petite chambre qui donnait sur directement sur la place principale de la ville. Juliette aimait les endroits animés et le coeur de Galea était aussi ardent que celui de son peuple. En arrivant sur les lieux, sans surprise l'animation y était au rendez-vous et parmi la mêlée deux Liares s'en détachaient. Julietta se laissa distraire et s'approcha d'eux sans vraiment comprendre de quoi il en retournait.

À ses côtés un adolescent dont les cornes étaient à peine naissantes cracha au sol et commenta la scène à ses amis :

- Vous imaginez si on avez ce stock de flèches. Boum ! On serait les rois !

Le groupe s'écarta en riant et énumérèrent toutes les manières dont ils pourraient utiliser ces flèches. Juliette resta sur place à se demander elle aussi ce qu'elle pourrait bien faire d'un stock pareil. Elle avait entendu parler la veille au soir à l'auberge de la prise récente des rebelles et de l'inaction des forces royales. Sans parler des rumeurs qui commençaient à circuler sur les risques de faire du commerce avec la couronne maintenant que la route principale pouvait être attaquée à tous moments.

La frontière était ouverte depuis peu et à la moindre inquiétude, nombreux seraient les commerçants à ne plus vouloir faire affaire. Déjà qu'elle n'avait pas beaucoup de partenaires au delà de la frontière, elle n'imaginait pas les difficultés en devenir si cette route se retrouvait aux mains des rebelles. Ce n'était pas là son rôle et n'ayant aucun lien avec les rebelles, elle n'avait pas vraiment d'idées précises de ce qu'elle pouvait faire, mais une chose était sûre. Elle voulait en apprendre davantage !

Elle s'approcha du crieur public qui criait à l'aide entre deux supplications. Personne n'y prêtait attention réellement. Le pauvre homme était secoué comme un vulgaire sac et mise à part le petit groupe d'adolescents qui s'était arrêté avec Juliette, la plupart des passants continuaient d'avancer sans ralentir. Le colporteur tendit les mains vers la jeune femme en la voyant se rapprocher d'eux, comme s'il espérait qu'elle puisse l'arracher des griffes de ce sauvage.

Il ne fallait pas non plus trop rêver ! Juliette garda une distance raisonnable entre elle et les deux liares. Loin d'être sur la défensive, elle s'incrusta dans leur petite conversation sans réelle gêne :

- Je doute qu'un colporteur soit au courant de l'emplacement des rebelles ? Peut-être que si vous le relâchiez, il pourrait nous aider à trouver un de leurs amis.

Voyant bien que les choses n'avançant pas le moins du monde ni que ce foutu crieur public n'avait pas la moindre information à donner au Liare, Noth décida donc de le lâcher, purement et simplement. Encore énervé de toute cette fumisterie qui se trame sur le moment, entendant la voix féminine par-delà son épaule, c'est d'un mouvement de tête brusque, à nonante degré vers la droite, qu'il tourna la tête pour regarder l'humaine qui venait d'interrompre sa séance de spiritisme forcée. C'était pas la première fois qu'il pouvait en voir une d'humaine... Mais comme celle-ci, par contre, y avait un détail qui clochais un peu trop par rapport a la 'normale' de ces bestioles. C'est avec incompréhension que notre champion national de l'intelligence se mit à ouvrir sa bouche.

~ " Ecoute ma p'tite d... "

Ne sachant pas que le bougre allait enfin donner une petite aide, il se fît couper net par le crieur qui était a deux cornes de se manger une tarte pour avoir fait ce genre de chose, mais donnant rapidement les informations, la chose eut l'effet de calmer la petite crampe dans le bras du Liare qui indiquait le feu vert de 'FRAPPE LE'. Une fois le tout emmagasiné et le crieur maîtrisé par son fessier vissé par la peur au pavé, Notharion pouvait reprendre les choses où il les avaient laissées, c'est a dire, toujours planté dans le regard de l'autre humaine.

~ " T'es.... euh... t'a.. "

Et le bougre se coupa lui même, hésitant sur ses mots, sachant même pas si elle allait le comprendre, puis les deux neurones lui indiquant que plus tôt, elle lui a bien parlé, il repris sa phrase de plus belle, commençant par simple geste de la main s'agitant devant son propre visage comme pour le designer de manière grossière, retroussant la lèvre supérieur par réflexe tout en reculant la tête, comme n'importe quel enfant ferrait pour montrer une chose qui le dégoutte un peu.

~ " T'es malade... ? T'es toute.. genre.. palote. Nan parce que sans déconner... Ca fait peur. Enfin, pas que j'en ai quelque chose à foutre grandement en fait, faut que j'aille trouver des cons à la taverne du.. euh.. machin, là. Smoag fou, ouais. Y'a des glands qui m'ont tiré la cargaison de viande que j'ai expédiée et j'ai pas été payé. "

Les rebelles semblaient donc être dans le tas... Notharion n'avait rien de spécifique contre eux, la loyauté, la gueguerre à la con entre les rebelles qui veulent une indépendance liare, blablabla, c'était bien trop loin de son ressort. Tant que lui pouvait vivre librement comme il l'entendait et chasser peinard, y'avait pas bien plus de demande pour lui... Sauf peut-être une... Pouvoir un jour sortir des terres pour explorer le reste du continent ? Parce que les bestioles ici sont cool, mais le frisson du grand inconnu... C'est mieux, non ?

Le Liare se mit en route vers la taverne après avoir réfléchi a ces paroles quelques secondes. Le grand couillon, toujours affublé des peaux de bestioles diverses comme tenue de protection ou camouflage pour la chasse marchait d'un pas lourd et décidé d'en découdre. Clairement, y'avait une affaire a régler et au plus rapidement.

Si Juliette avait écouté avec attention les mots débités à grands flots par le colporteur, elle préféra ignorer une partie des paroles de l'agresseur qui à peine avait-il terminé de parler, commençait à partir en direction de la fameuse taverne du Smaog Fou. Elle s'était attendue à des piques gratuites sur son physique, c'était une chose assez commune des Liares de pointer du doigt ce qu'il ne connaissait pas. Que ce soit un humain trop rosé ou trop blanc à leur goût et même les leurs qui avaient eu l'audace de naître sans corne... Elle ne s'habituerait sûrement jamais à cette mentalité, mais elle était capable de mettre de côtés ce genre de considérations.

Elle n'osait imaginer ce qu'il pourrait bien lui sortir comme remarque si elle osait lui dire qu'elle venait de l'océan. Sûrement ne la croirait-il pas et était aussi borné que le reste des Liares qui n'arrivait pas à croire en un peuple de l'eau. De toute manière Juliette n'avait pas le temps de penser à cela que déjà le Liare était lancé à grandes enjambées. Même s'il ne s'était pas montré très courtois, elle n'hésita pas à le suivre à la trace. Il n'y avait pas tant à réfléchir, elle ne connaissait pas la ville alors que lui avait l'air de savoir où aller exactement :

- Alors vous aussi vous avez envie de résoudre cette affaire pour vos intérêts financiers. Nous pourrions nous entraider !

Elle avait bien remarqué qu'il l'avait tutoyé, mais Juliette ne tutoyait que rarement quelqu'un. Même avec le capitaine de son navire qui était l'une de ses plus anciennes connaissances humaines elle avait toujours utilisé le vouvoiement.

Juliette avait un peu de mal à le suivre, surtout qu'elle revenait d'un rendez-vous où elle s'était apprêtée et n'avait pas eu le temps de retourner à son auberge pour se changer. Son chignon tiré à quatre épingles, sa seule robe épaisse bleue marine et quelques bijoux ornés ses poignées cachés par les lourdes fourrures qu'elle avait accumulé sur son dos et qui la ralentissaient. Resserrant ses couches de manteau autant qu'elle le pouvait autour d'elle, préférant rester au chaud plutôt que d'avancer un peu plus vite, elle reprit :

- J'ai peut-être l'air malade, mais je peux vous assurer que je sais me montrer persuasive ! Ce fameux Zarreus est un marchand, je saurais lui parler. Cet homme a déjà tout perdu, si vous le traiter de la même manière que le crieur public, je parie fort qu'il se contentera de vous rire au nez.

Juliette ne faisait pas du tout attention au chemin qu'ils empruntaient. Ils avaient quitté la place, c'est tout ce qu'elle pouvait dire. Elle avait l'impression d'avoir toujours été tout droit, mais à dire vrai, elle n'en était pas tout à fait sûre. Autour d'elle les rues se ressemblaient toutes, le vent s'engouffrait dans ses habits et la frigorifiait. Les bourrasques de vent étaient violentes et suffisaient à la glacer sur place. Elle se demanda si la taverne était loin, aurait-elle le temps de convaincre le Liare avant leur arrivée ?

Elle avait oublié l'essentiel. Si elle voulait qu'il la considère, peut-être aurait-elle dû commencer par se présenter. Elle rectifia donc le tir :

- Je suis moi-même marchande ! Je m'appelle Juliette Célian.