Juliette à beau se mettre sur la pointe des pieds ou s'accroupir pour vérifier qu'il n'y aurait pas un passage. À plusieurs reprises elle pose les mains sur le bois humide pour chercher une issue secrète, mais il n'y a rien. Elle se retrouve à son point de départ, devant la porte scellée par quelques planches. S'il y avait quelqu'un dans cet endroit, il était vraiment très discret. Aucune lumière non plus n'avait filtré par les quelques ouvertures en hauteur. Il fallait qu'elle se résigne, l'instinct de Yan n'était vraisemblablement pas infaillible. Pour autant, cela ne voulait pas dire qu'il s'était trompé, l'entrepôt n'était pas la seule piste qu'il lui avait donné.

Juliette quitta les docks. Le vent du port la fit frisonner. Les pontons derrière le hangar où elle avait traîné était exposé à la colère de l'océan, en allant là-bas, elle n'y avait pas échappé et elle était complètement trempée. Elle se dirigea donc en direction de l'auberge où elle s'était installée. Une fois montée directement dans sa chambre, elle alluma le feu et plaça devant ses affaires. Au lieu de mettre sa tenue de rechange, elle décida de se glisser dans les draps frais pour dormir. Le soleil ne se lèverait que dans plus de cinq heures, elle pouvait se permettre d'attendre l'aube pour partir au phare.

À son réveil, il faisait encore nuit, mais on pouvait voir à la limite de l'horizon le ciel commencer à s'éclaircir. L'aube n'allait pas tarder. Après avoir enfilé ses affaires séchées, Juliette s'apprêta à quitter l'auberge quand elle fut arrêtée par une conversation entre deux employées de chambre.

- Si ton fils a besoin de ce remède, tu devrais aller à ce nouveau marche tout au nord de la plage. On dit que tout un stock d'un grand alchimiste y serait vendu en ce moment. Peut-être que tu pourrais...

Décidément, les alchimistes s'étaient tous donnés rendez-vous à la plage. Même si Juliette venait d'essuyer un échec, elle ne se laisse pas abattre. Elle note cette rumeur dans un coin de sa tête avant de descendre vers la salle à manger de l'auberge.

De taille assez modeste, la cuisine était en revanche ouverte très tôt et l'on pouvait même y passer des commandes spéciales. Juliette demanda le petit déjeuner simple de la carte. Même si rien ne la pressait, elle ne veut pas tarder. Une tasse chaude entre les mains, elle n'attend même pas qu'elle refroidisse pour boire le liquide brûlant. C'est à peine si elle mâche en croquant dans le pain et elle met la poire dans sa poche pour la manger en route.

Le phare se trouve de l'autre côté de la ville. Le soleil est en train de se lever tandis que Juliette se dirige vers la plage qu'elle se met à longer pour rejoindre le phare. C'est à peine si elle regarde l'océan, elle n'a qu'un objectif en tête, découvrir qui sont les possesseurs du lys d'Armènd. En arrivant sur les lieux, elle est aussi méticuleuse qu'au port près de l'entrepôt, si ce n'est même pas plus, car l'endroit est complètement désert. Le phare est en partie détruit et l'on peut apercevoir l'intérieur. Même si cet endroit est en apparence abandonné, Juliette n'a pas l'intention de simplement repartir.

Il s'agit là d'une découverte bien trop importante pour qu'elle fasse demi-tour. Même si elle se retrouve face à des alchimistes ayant perdus toutes notions de réalité comme cela peut parfois arriver, elle veut les trouver et approcher leur découverte malgré les risques. Juliette se met à gravir le phare, car elle a l'impression d'apercevoir au milieu des gravas une trappe.

L’un des hommes, celui qui avait fermé la porte lorsque les alchimistes étaient eux-mêmes entrés, se montre plus méfiant durant la suite de leur conversation. Il était certain d’avoir clos correctement la pièce et relève régulièrement la tête pour scruter les ombres. Ils parlent à voix basse et il vous est difficile de comprendre tout ce qu’ils se disent, mais quelques bribes vous parviennent lorsqu’ils s’animent et haussent le ton.

– Il faut vendre maintenant. on n’a presque plus d’argent pour poursuivre les recherches de toute manière, on n’a pas vraiment le choix. Ça nous rapportera une belle somme et on pourra se consacrer à autre chose.

– Ça pourrait être notre poule aux oeufs d’or, et on pourra faire profiter tout le monde de ses pouvoirs.

– Hors de question. Nous ne pouvons pas partager cela. Les Héléos n’accepteront jamais que les humains viennent envahir leur espace, et c’est bien de cela qu’on parle ! Et qui sera leur première cible à votre avis, quand ils comprendront d’où viennent les nouveaux venus ? C’est bien trop dangereux pour nous.

– Shh ! Taisez-vous, j’ai entendu quelque chose. Nous ne sommes pas seuls !

Tous se taisent, et le dernier à avoir parlé se dirige vers la porte pour l’ouvrir. Un autre repère les traces dans la terre battue et les suit.

Instructions

Vous avez été repérées ! Quelle sera votre réaction ?

La trappe est ouverte. C'est étrange, mais Juliette n'y réfléchit pas plus et se penche au dessus du vide pour jeter un œil. Il n'y a que le noir et le silence là dedans. Elle n'a pas emmené son matériel d'exploration et n'a même pas une corde sur elle. Elle pourrait se laisser pendre dans le vide et espérer qu'il y ait moins de deux mètres sous elle, mais cela ne lui plaît pas. Elle n'était pas venue au port pour une chasse au trésor, même si cela en avait quelque peu l'air à ainsi parcourir le port de long en large. Ce qui l'attendait dans le phare n'était pas une dangereuse traversée à travers le temps, mais une simple rencontre avec des alchimistes qui bientôt seraient connus à travers le monde entier. Enfin c'est ce qu'elle espérait, car finalement, elle appréhendait énormément de leur faire face. Elle n'avait pas réussi à avoir d'informations sur les alchimistes et elle avait peur qu'il ne s'agisse que d'humains. Juliette s'accroupie près de la trappe, mais elle n'essaye pas de descendre.

Tout ce qu'elle désire, c'est rencontrer ceux qui ont eu la chance de pouvoir approcher le légendaire lys. Cette fleur, née d'un amour sincère entre deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer, a toujours fasciné Juliette. Tout ce qu'elle désire, c'est pouvoir participer à leur entreprise. Si elle a toujours rêvé que son peuple et celui des humains puissent réellement coexister, la marchande pense cependant que les Héléos doivent accompagner les Humains dans leur découverte de leur monde. Les lâcher ainsi dans l'océan pourrait être terrible aussi bien pour eux-mêmes que les habitants des fonds sous-marins. Elle se résigne à glisser ses jambes pour les laisser pendre dans le vide, ses mains accrochées au rebord, elle saute en grimaçant, ayant peur pour la réception. Le sable amortit sa chute, mais elle manque de tomber et se rattrape de justesse.

Le soleil commence à peine à se lever et sa lumière ne perce pas l'intérieur du tunnel dans lequel Juliette est tombée. Il lui faut plusieurs secondes pour s'habituer à l'obscurité et enfin se relever. Alors qu'elle tourne sur elle-même tout en chassant le sable de ses bottes, elle voit dans son dos quelqu'un arriver. Peut-être un alchimiste ? Bien décidée à tenter sa chance pour les rencontrer, elle préfère ne pas bouger et le laisse venir à elle. Les mains en l'air pour montrer qu'elle n'est pas là pour faire quelque chose de stupide, elle arrive à prendre la parole la première :

- Je recherche les alchimistes. Je suis une marchande Héléo et j'aimerais les rencontrer. Je souhaiterais leur offrir mon soutien.

Elle reste immobile et ne fait pas un geste, attendant la réaction de son interlocuteur pour même oser respirer profondément.