Saona au début du printemps était sûrement la plus belle chose que j’ai pu voir dans ma (courte) vie. Avec Saona en automne et Saona en hiver aussi ! Les bourgeons sur les feuilles éclaircissaient les arbres et quelques fleurs avaient commencé à éclore, parsemant la nature d’éclats colorés. J’aurais aimé les cueillir pour me former une couronne végétale aux teintes de l’arc en ciel mais je rechignais à détruire ces délicates créations, même pour mon petit plaisir personnel. De si belles choses ne se tuent pas comme ça, voyons !Je parcours la ville, un sourire béat sur le visage à la vue de tant de beauté. Ah ! Et dire que les auteurs s’évertuent à créer des mondes merveilleux de toute pièce alors que la perfection est simplement cachée parmi les arbres centenaires de la Forêt de Mirlis !

Je suis venue à la ville pour chercher ma mère. De nombreuses rumeurs me sont parvenues,  sur les différentes confréries humaines ainsi que sur les Dieux. Bien que l’on me reproche souvent d’être aussi candide que naïve, je reste méfiante vis-à-vis des choses qui se disent autour d’un verre ou d’un feu de camp. Ma mère est prêtresse, elle saura voir la Vérité et dénoncer le mensonge. Et puis, c’est une occasion de la voir ! Elle est si absorbée par son travail ces derniers temps que je n’ai pas réellement eut l’occasion de profiter de sa compagnie. Peut être aura-t-elle des nouvelles de mes sœurs ? Cela fait quelques temps que je ne les ai pas vu non plus.

Ou trouve t on une prêtresse qui ne cherche pas à se signaler dans une grande ville pleine d’arbres ? Un jour, je créerai une carte qui, quand on lui demande (poliment ! Ça sera la règle !) nous indiquera où se trouve les gens ou les objets que l’on cherche (et si l’on a passé demandé gentiment elle nous envoie de l’autre côté de la ville ? En voilà une belle idée ! Cela permettrait d’avoir enfin affaire à des populations sensibilisées à la nécessité de la politesse). Il faudrait que j’en parle à Eien ! Elle qui est Mage connaît peut être assez les différentes Vérités pour m’aider à mener mon projet à bien ? En attendant, ça ne me dit pas où se trouve ma mère.

« Bonjour, je cherche la Prêtresse VerteFeuille, vous … » Bon, au suivant. « Excusez moi, savez vous où puis je trouver Dame VerteFeuille, Prêtresse de Mère Nature ? » Ce petit jeu dure durant quelques minutes, jusqu’à ce qu’une dame me réponde enfin. « Si vous cherchez un prêtre, il y en a un sur la grand place il me semble. Je crois qu’il cherchait quelqu’un justement ! » Bon, vu le nombre de prêtre parmi les Anciens, il est peu probable qu’il s’agisse de ma génitrice. Hum, tant pis, je n’ai rien à perdre à aller voir ! Je suis ses indications et me dirige vers le centre de la Capitale des Anciens.

Lorsque j’arrive sur la place publique, il ne me faut pas longtemps pour reconnaître le prêtre : c’est la seule personne ici avec un air perdu ! Sa robe d’un blanc délavé est élimée et nouer à la taille avec ce qui ressemble à une corde fait de lianes tressées. C’est artisanal au moins ! Lorsque je m’approche de lui, je remarque soudain qu’il regarde autour de lui comme s’il cherchait quelqu’un. Son désarroi me fait de la peine, aussi j’abandonne l’idée de retrouver ma mère pour le moment et m’approche de lui pour comprendre. Moi altruiste ? Eh oui ! On aurait pas dit n’est ce pas ?

Lorsqu’il me voit se diriger vers lui, sa première réaction réchauffe mon petit cœur : « Oh ! Divine beauté ! » (Oui, je sais, je fais souvent cet effet la) « C’est la Déesse Mère qui vous envoie mademoiselle ! » Ça ne ressemble pas à une question alors je me contente d’aborder mon plus beau sourire. « Je suis ravi que quelqu’un me propose enfin son aide ! » Comment ça son aide ? Je ne souhaite aider personne, je voulais juste savoir ce qui le tracassait, pas me mêler de ces histoires qui ne me concernent pas ! « Venez dont ! Je vais vous montrer ce que vous devez faire ! »

Me sentant obligée, je lui emboîte le pas. Ne serait ce que parce que ma mère a une certaine réputation ici et que je ne souhaiterai nullement la ternir. Et puis, j’ai une réputation moi aussi. Le prêtre s’avance vers une gigantesque montagne de fleurs. Des bleues, des blanches, des grosses , des petites … Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a pour tous les goûts ! Je n’ose pas demander à quoi elles servent, j’ai bien trop peur de la réponse : et s’il me demandait de les disposer une à une devant les maisons de Saona pour le printemps qui arrive ? Car je suppose que c’est à ça qu’elles servent : fêter le printemps qui arrive ! Je me demande si l’homme à qui je parle se sent investi d’une mission vis-à-vis de Demnia. Mais je ne devrais pas tarder à le savoir …

« Comme vous devez le savoir gente dame, la Fête du Printemps s’approche a grands pas ! » Oh non … c’est ce que je craignais … « Vous avez l’air d’être une jeune femme avec beaucoup de goût, vous serez donc sûrement la bonne personne ! » Je m’apprête à refuser et à répondre que je suis Gardienne et non femme de ménage lorsqu’une silhouette de l’autre côté de la place m’arrête dans ma phrase avant même que je l’ai commencé. « Mère ? » Ma prêtresse de génitrice se tient là, tout simplement. Elle sourit et regarde l’amas floral à côté duquel je me tiens. « Je suis contente que tu accordes du temps et de l’énergie à la Fête de Demnia. » Oh non … ne la joue pas sentimentale s’il te plaît… « C’est louable de ta part, nous nous verrons ce soit, lorsque tu auras fini alors ! » Avant même que j’ai pu protester, la voilà qui m’adresse un petit signe de main avant de s’éloigner. C’est bien ma génitrice, aucun doute possible. Toujours aussi inatteignable ! A ses pieds, alors qu’elle tourne les talons, Boule de Poil me regarde. Heureusement que je le connais bien ! Sinon j’aurais loupé la lueur moqueuse dans ses yeux.

La Fête de Demnia n’est finalement pas très compliquée. Quelques jours de niaiseries, de parades amoureux, de déclarations merveilleuses et surtout … de mariages ! L’idée est donc de mettre une accumulation de choses niaises et bucoliques au même endroit pour créer une atmosphère propice aux rassemblements de tourtereaux. Moi qui n’en ai rien à faire quelqu’un pourrait il m’expliquer pourquoi je suis allée me fourrer là dedans ? Mais je ne suis pas sûre qu’il existe une réponse à cette question, je suis me mise toute seule dans cette panade. Pourquoi ai je accepté alors ? Pour rendre service ? Pour que ma mère soit fière de moi ? Sûrement un peu des deux mais je ne suis pas sûre que cela m’apporte la moindre chose positive. Enfin, puisque j’y suis de toute façon ! Je regarde autour de moi les tas de fleurs. Il suffit finalement d’avoir du bon goût et de l’énergie. Fort heureusement, je possède les deux, c’est déjà un atout non négligeable !

Pendant les heures suivantes, je construis, détruis, reconstruis. Puis je recule de quelques pas, le temps d’admirer mon œuvre, quelques instants, avant de repartir de plus belle, corrigeant les détails, comblant les vides, cherchant dans mes souvenirs les images les plus mignonnes possibles avant de les créer devant moi. Pourquoi m’investir dans cette entreprise vouée à l’amour alors que je n’ai que faire de l’autre sexe ainsi que de ces considérations vaines qui ne servent qu’à perdre son énergie avant d’être déçue et brisée. Oh, mes parents étaient heureux ensemble, mais peut être pour la simple raison qu’ils ne se croisaient que rarement.

Je recule de quelques pas avant de traverser la page pour venir m’asseoir sur un des bancs que j’ai décoré patiemment de dizaines de grappes de petites fleurs blanches, donnant l’impression qu’une neige tardive s’y est installée. Le soleil descend petit à petit, soulageant mon dos de sa chaleur bien vive pour un printemps à peine installé. Je lève les yeux vers le ciel. Entre les branches des arbres centenaires, je le vois d’un bleu pastel et uni. Pas un nuage ne vient gâcher cette journée annonçant l’amour et le printemps. Derrière moi, le soleil de l’hiver brille encore si fort que je ne me retourner sans protéger mes yeux de son éclat. Mon œuvre est agréable à voir autant qu’à sentir. Comme si une pluie de fleur s’était abattue sur la ville pour fêter Demnia avec les Anciens. Une senteur délicate s’élève, faisant se tourner les têtes vers la place. Ces regards me gonflent de fierté. C’est bien normal que les gens la regarde ainsi, j’ai fait du bon travail, cela se voit.

Alors que je m’apprête à me lever pour rejoindre ma mère, j’aperçois le prêtre que j’ai accepté -de plein gré, n’est ce pas ?- d’aider. Il me sourit et me remercie pour mon aide. J’acquiesce lentement, oui, j’ai bien travaillé. Il m’indique la maison où s’est installé ma mère, voulant visiblement me rendre service à son tour. Avec un signe de tête, je me lève et prends la direction qu’il m’a indiqué./div>