- À gauche... à droite...

Le murmure est à peine audible, à l'image du Liare qui se dresse devant vous. Il n'a rien des géants de pierre que les légendes racontent, même s'il n'a pas l'air des plus vieux, il se tient le dos courbé et avance lentement entre les allées du Temps. Habillé d'une manière très sobre, il porte à sa hanche une longue épée de crystal de feu, peu de fous pourraient réussir à posséder une telle arme et surtout à la conserver. Avançant d'un pas incertain, il bouscule les rares personnes qui ne l'ont pas évité juste à temps, mais dans la foule, un sillon se creuse sur son passage.

Le Liare se stoppe alors soudainement, il n'a pas vraiment beaucoup avancé depuis que vous l'observez, c'est à peine s'il à fait cent mètres. Il commence alors à frapper le sol de ses pieds, il tourne alors sur lui même en continuant son étrange danse et vous pouvez discerner un sourire crispé avant qu'il se ne stoppe brutalement et relève ses bras à l'horizon comme pour marquer une pause. Il les rapproche alors vers lui à la manière d'une marionnette, l'un de ses doigts se place alors devant sa bouche :

- Ne connaissez-vous pas l'histoire du jeune Liare Orphas. Le gamin avait des cornes comme les miennes, toutes petites et recroquevillées sur elles-mêmes. Mais lui c'était un gosse, alors on lui disait qu'il avait encore le temps pour qu'elles deviennent solides et imposantes. Orphas pria donc chaque nuit la déesse simius pour qu'elle lui offre les plus belles cornes du pays du feu.

Il se stoppe une seconde pour prendre un air triste. Le Liare se prend pour un narrateur, s'adressant aux passants qui n'en ont rien à faire de son histoire et lui aussi n'a que faire d'être écouté. Il continue son histoire, suivant parfois le regard d'un passant et se retournant pour ne le décrocher qu'au dernier moment. Il n'arrête pas de bouger, ce qui n'a rien de gracieux, sa main vient même frapper le visage d'un enfant sans qu'il n'y fasse attention, il continue :

- Un an plus tard, ses cornes étaient toujours aussi petites, mais elles avaient continué de poussé d'une manière si biscornue. Elles s'enroulaient sur elles-mêmes, on avait jamais vu des cornes aussi ridicules.

Il se mit alors à applaudir frénétiquement, s'il avait été un humain, ses mains en seraient devenues toutes rouges. Il ne semble plus pouvoir s'arrêter et son visage semble figé. Le Liare se retourne une fois de plus brutalement, le sourire crispé revient alors et il s'amuse à crier :

- La leçon de l'histoire ? Les dieux nous ont abandonné ! Y a que la déesse de la perfidie qui semble encore en action vu les dégâts que ses gosses ont fait dernièrement.

Les passants sont tous choqués et cela le fait rire à gorge déployée. Puis plus rien à nouveau, son regard semble perdu.

- À l'aide !

Ce cri était différent, sa voix sembla différente lorsqu'ils prononça ces quelques mots. Êtes-vous prêt à l'aider, même si cela signifie que vous devrez vous retrouver face à l'un des hommes de l'ombre ?

… Finalement, je n'ai pas à m'inquiéter en matière de concurrence.

A vrai dire, je me demandes même comment les commères peuvent-elles en rire. Ce « spectacle » est pitoyable, glauque, inspirant à la fois pitié et dégoût. Jamais je ne me suis sentie si mal à l'aise, et pourtant Mère sait que j'en ai eu l'occasion. Je voulais voulu faire demi-tour. Mais la fascination morbide que m'inspire ce personnage ne me donne qu'une envie honteuse, en voir plus. Et pourtant, à chaque plus mon malaise augmente. L'âme humaine est décidément bien étrangement faite.

Mais personne ne fait donc rien ? Ils restent tous, stoïque, à observer sa détresse sans rien oser dire. Allez, quelqu'un, vite, que ce cirque morbide cesse. Mais toujours rien. Il reste là, seul, paniqué, sans que personne ne réponde à sa plainte déchirante. Je regarde autour de mois, juste des chuchotements, rien d'autres. Merde…

J'avance précipitamment vers le liare, sans vraiment savoir ce qui me prenait. La foule murmurait en me fixant, tandis que je lui criait :

« Orphas ! Qu'est-ce qui te prend, encore ?? Je t'ai déjà dit mille fois d'arrêter ce genre d'histoire ! Allez viens, on s'en va ! »

Je prends le liare par l'épaule, lui souffle à l'oreille :

« Je vais vous aider, ne vous en faites pas. Vous allez me raconter bien tranquillement ce qui vous arrive, mais d'abord, il va falloir attendre d'être seul. Vous voulez bien ? »

Enfin, peut importe s'il le veut ou non : je le tire déjà doucement, pressée de quitter l'endroit. Je m'adresse en passant à la foule, d'un ton se voulant penaud.

« Excusez-le, hein… Il a du mal à s'arrêter, lorsqu'il commence un blague… J'aurais pas du lui payer cette chope d'hydromel, c'était sûrement celle de trop. »

Le Liare se laisse faire et l'on dirait même qu'il accepte facilement rentrer dans votre jeu. Il semble cependant avoir repris son attitude du début et s'amuse de la situation en ajoutant :
- C'était pas celle de trop ! J'en reveux une ! Et pour même je veux un tournée générale !

Perdu dans son délire, il continue à gesticuler dans tous les sens, mais vous suit jusqu'à une petite ruelle entre les stands que personne n'emprunte. À peine vous retrouvez vous seule avec lui que son visage semble se métamorphoser, il perd son rictus pour laisser place à une expression impassible. Vous regardant droit dans les yeux, ce petit Liare ne semble à première vue plus rechercher de l'aide. Refermant correctement son manteau, ses gestes semblent mécaniques, tout comme les paroles qu'il prononce :

- Mon spectacle vous a plus ? Vous savez, je suis le messager des dieux et ils m'ont dit que je trouverais quelqu'un ici prêt à m'aider dans ma quête.

Il plonge alors la main dans son manteau, tout en s'assurant de ne pas trop l'ouvrir, et sort un parchemin taché d'une encre rouge dans le coin en haut à gauche. Il vous tend alors cette page vierge et commence à vous dire :

- Vous voyez ? Il y a tout leur plan ici ! Ça dit tout ! Comment les Récleyès vont tout ravager et nous envahir, vous comprenez ?

Il dit ces derniers mots dans une excitation folle et il se déplaça peu à peu pour revenir vers la lumière de l'allée principale, comme s'il voulait à tout prix qu'on l'entende divaguer. Cependant, il garde son attention sur vous et change complètement de sujet en reprenant avec une expression plutôt neutre :

- Mais pourquoi m'avoir ainsi interpellé ? Qu'est-ce que vous recherchez exactement ?