Je déambule à travers la foule et les festivités, toute souriante et ravie de recroiser quelques visages qui me sont familiers – mais également d’en découvrir certains qui ne le sont pas. Après tout, il n’est de meilleure occasion pour élargir mon carnet d’adresses. Mon invitation à cette petite fête est une véritable bénédiction : voilà le genre d’événement auquel les clients potentiels coulent à flot. Personnellement, je me moque bien de cette prétendue victoire à la tour.
A contrario de la domestique qui m’accompagne, je ne laisse pas mon enthousiasme prendre le dessus. Opale se trouve effectivement à mes côtés, sautillant à chaque pas, les yeux emplis d’étoiles à la vue de tous les nobles qui l’entourent. A croire que la pauvre n’a pas l’habitude d’être sortie du manoir. Et voilà que je regrette de l’avoir amenée : elle m’embarrasse ! Opale, ma chère Opale, je t’ai pourtant éduquée aux bonnes manières.
N’y fais pas attention Elerinna, pense à autre chose afin de ne pas t’empourprer.
Tiens, voilà quelque chose qui mérite d’être relevé : la Lady a le sens de l’organisation. La décoration est somptueuse, les buffets sont des plus appétissants et les activités ont au moins le mérite de ne pas être ennuyeuses. De quoi s’amuser et passer un bon moment, en somme ; mais je ne suis pas ici pour « passer un bon moment ». Je ne dois pas perdre de vue ce qui m’amène ici : les affaires. Je n’ai guère le loisir de m’abandonner à ce genre de divertissements.
Quand j’aurai guetté une cible intéressante, je n’hésiterai pas à me jeter dessus. Pour l’instant, j’observe, en attendant de trouver qui que ce soit attirant mon attention. Pour faire passer le temps, je me donne à ma principale activité : la moquerie. Je scrute la tenue de chacun, jugeant du regard qui que ce soit a le toupet de se présenter à ces festivités aussi mal vêtu qu’un pauvre roturier. Je me tourne vers ma domestique :
- Opale ! Regarde un peu ce garçon, là-bas, j’ignore de qui il est le fils mais ses parents rougiraient à la vue de costume ; l’aurait-il subtilisé à son père ? Opale ?
Je me tourne vers elle. L’impolie ne m’écoute pas, elle a le regard tourné en direction des musiciens et des couples qui y dansent tout près. Je pousse un profond soupir, puis, résignée à l’idée de la garder à mes côtés, je déclare :
- Opale, tu sais quoi ? Tu n’as qu’à profiter des festivités, nous nous retrouverons ce soir.
- Vraiment, madame ?
- Oui ; après tout, on ne peut pas dire que tu me soies utile. Va, amuse-toi.
Elle me remercie d’un immense sourire et se rue vers les musiciens. Moi, je m’en désintéresse bien vite pour me reconcentrer sur les gens qui m’entourent. Malheureusement, personne ne s’avère assez intéressant pour attirer mon attention. Oh, je ne vais tout de même pas rester plantée là à ne rien faire, et je commence à avoir soif. Je me dirige vers l’un des buffets et demande une coupe de vin, tâchant tant bien que mal de fuir le soleil qui surplombe la fête.