Les Terres de Faras... Madène essaya de se remémorer de lointains cours de géographie. Au-delà du désert au sud, de l'autre côté du fleuve. Loin. Inaccessible, inconnu. Il restait une hésitation. Kharis avait l'air de penser qu'il était indispensables qu'elles disparaissent toutes les deux aussi rapidement que possible, et elle savait sûrement de quoi elle parlait. Mais ce n'était pas elle qui était forcée à partir de chez elle par une bande de brutes ignares ! Qui allait se retrouver seule pou s'éloigner de ceux qui craignent qu'on les ensorcelle. Et puis elle n'avait jamais vécu au crochet de quelqu'un. Elle n'avait rien, elle allait souvent dormir le ventre vide, et elle survivait grâce à la naïveté des gens, mais elle avait toujours été indépendante. Même quand sa mère était encore en vie, elle avait toujours réussi à se débrouiller pour les nourrir toutes les deux. Elle n'était pas prête à laisser une étrangère s'apitoyer sur elle.
un piège piège
elle a pitié
elle va t'abandonner aussi
« Je veux bien partager ma tente et ma nourriture gratuitement si tu me donnes un coup de main quand j'en ai besoin. »
Étrangement, cela finit de convaincre Madène. Si c'était un arrangement mutuel, si elle gagnait sa croûte, alors, là, c'était négociable. Surtout si elle avait un moyen de revenir, après. Même si elle acceptait de partir pour se faire oublier, elle ne voulait pas quitter la ville définitivement. Elle y était née, et elle comptait bien y mourir. Par contre, la joie de voyager et découvrir le monde... elle n'y croyait pas vraiment. Elle n'avait jamais essayé, mais elle ne voyait pas ce qu'il pouvait y avoir de bien à se trouver constamment dans une situation inconnue.
« D...d'accord, je vais partir avec toi. Et je reviendrai après la Fête. »
Elle regarda Kharis, puis sa main tendue, et se releva sans la saisir. Elle était un peu secouée, mais elle n'était pas en porcelaine. Elle pouvait se lever sans aide.
La suite alla assez vite. Elle fabriqua un baluchon de fortune avec son unique couverture, dans lequel elle entassa ses maigres possessions : quelques babioles en verre coloré, son peu de vaisselle en terre, un ou deux vêtements, son couteau. Elle roula aussi le tapis qui recouvrait le sol et fourgua ses quelques coussins à l'arrière du chariot de Kharis. Après avoir fait tout ça, elles se mirent à deux pour démonter la tente et la replier en un paquet étonnamment dense et petit.
Tout ceci fut fait en un temps record. Le fait ne de rien posséder avait ses avantages, si on cherchait bien. Une fois qu'elles furent prêtes à partir, il ne restait derrière elle qu'un cercle de terre tassée avec un trou en son centre, marquant l'emplacement de la tente. Le soleil n'avait pas atteint son zénith lorsqu'elles se mirent en route.
Madène ne prononça pas un mot en traversant la cité. Elle regardait avec intensité autour d'elle, essayant de graver dans son esprit le moindre détail de Karnès. A l'idée de partir, elle voyait déjà la ville d'un œil nouveau. En effet, peut-être avait trop longtemps vécu dans de pauvres ruelles.
Arrivée aux portes de la ville, elle se retourna pour admirer une dernière fois la cité sacrée, avant de s'avancer dans le désert à la suite de Kharis. Elle ne devait pas avoir peur : chaque fin apporte un nouveau commencement.