Officiellement ? Je suis un diplomate bien sûr. Officieusement en revanche, je suis un espion au service de la Lady. Tout le monde pense savoir ce qu’est un espion, mais c’est faux. En fait, en ce monde il existe deux catégories d’espion au contraire. Il y a ceux que la pénombre habite, agissant la nuit venue, tout de noir vêtus, tel un récleyés, la poussière en moins. C’est le genre de personne que l’on s’imagine se mouvoir en silence tel un voleur, un véritable stéréotype. Et puis il y a moi. L’espionnage avec de la classe. De l’espionnage avec diplomatie.

Qui songerait à un espion exposé à la vue de tous ? Nulle personne saine d’esprit bien sûr. Il n’y a du coup pas plus solide couverture qu’une couverture explosée en plein jour aux yeux de chacun. Si l’on cherche un espion, c’est derrière rideaux et tentures, sous les lits et dans les placards que l’on cherche, on ne songe pas à ce bel éphèbe que si prélasse avec une charmante demoiselle dans le petit salon à côté. Qui songerait à se méfier de l’humble hôte de marque si richement apprêté, à la verve subtile et au charme distingué. J’aime à penser que je suis un visionnaire dans ce domaine, même si cela serait bien moins satisfaisant pour mon égo qu’on soit d’avantage à jouer un tel rôle. Mais peu importe, laissons de côtés de telles futilités, et passons à quelque chose dont j’aime parler, moi.

Je suis né il y a une plus d’une trentaine d’années dans une grande famille. Bien que nous, les Pàvuus, n’ayons jamais eu un quelconque titre de noblesse, nous avons depuis des générations su prospérer en tant que grande et riche famille marchande. Cette prospérité s’est construite au fil des années en commerçant sur tout ce qui pouvait avoir un tant soit peu de valeur, que ce soit des métaux, des gemmes ou même des esclaves. Mais ce qui fait notre force ne vient pas seulement de là. Afin d’asseoir notre réputation et garder cette stature privilégiée bien que nous ne soyons pas de la noblesse, nous avons toujours étendu notre présence à diverses couches de la société.

Nous étions une fratrie de cinq enfants. Etrangement, si l’une de mes sœurs avait voué sa vie à Denmia, déesse de la Fertilité et du Printemps en devenant prêtresse de son culte, ma plus jeune sœur elle avait choisi de vivre une vie de courtisane à la cours, vendant sa compagnie aux plus offrants. Quant à mes frères, l’ainé en digne héritier se devait d’assimiler l’ensemble des rouages d’une bonne politique marchande. Mon jeune frère lui, digne ne vivait que pour une seule raison, surpasser notre frère ainé, modèle vivant si il en est.

Quant à moi, plus ou moins par tradition, ma destinée était déjà plus ou moins tracée dès ma naissance et je ne parle pas de mon corps d’éphèbe que j’aime à livrer à des plaisirs dans les bras d’une tierce personne. Mon rôle n’était pas de prendre les rênes un jour de notre commerce florissant mais de servir fidèlement dans l’armée royale.

Si je suis devenu la personne actuelle, c’est grandement en partie dû à l’enseignement de mon maître d’arme au style si particulier. Ce « maestro » comme il aimait se faire appeler à la fois fine lame et beau parleur m’enseigna bien d’avantage que quelques passes d’armes. Ce précepteur si je puis dire aiguisa aussi bien mes talents physiques que ma souplesse verbale. Pour lui, le langage et le corps ne sont pas deux éléments à prendre séparément mais à développer de manière unie pour en tirer le meilleur. Et justement, c’est grâce à ce point de vue particulier que son enseignement fut d’une qualité sans égale.

Le jour était dévolu à ceux que les autres voulaient de moi. Quant au soir venu, je retrouvais une certaine liberté. Le « Maestro » n’était plus le même homme à ce moment-là. Il devenait ce que l’on pourrait nommer un ami ou un confident. C’est lui qui m’a fait découvrir l’astronomie, qui m’a parlé des étoiles, de leur pouvoir. C’est grâce à lui que j’aime cette vaste étendue infinie. Lorsque le ciel me le permettait, je passais des heures allongé sur le toit de notre demeure à observer le ciel scintillant. Je me souviens un soir observant ma première pluie d’étoiles filantes m’être avoué qu’un tel spectacle était magnifique, bien plus que ma petite personne. Nous ne sommes rien face à l’intensité de l’espace et devant cette voute céleste éclairée de mille feux, j’ai souhaité pouvoir m’y plonger. Je me suis dit qu’il serait magnifique de pouvoir toucher du doigt ces joyaux brillants. Mais ce n’étaient que des rêves d’enfants qui ne m’ont jamais quitté. Aujourd’hui encore j’aime à observer le ciel la nuit venu. Je ne dirais pas que je les connais toutes mais c’est un atout à mon côté charmeur que j’aime mettre en avant.

Jeune homme, j’ai vite compris qu’Etalhiel, la déesse de l’amour avait fait de moi son héraut. C’est pour cette raison que j’aujourd’hui, plus de dix années après cette révélation je lui voue encore une réelle dévotion que j’honorais en offrant du plaisir à celles et ceux qui avaient l’immense chance d’obtenir mes faveurs.

Je devais avoir dix-neuf ans le jour où ma Vérité s’est révélée à moi. Je me souviens encore de cette époque. Je devais rejoindre les rangs de l’armée qui devait faire de moi un officier de renom dans quelques semaines et soucieux de mon plaisir j’avais décidé de profiter pleinement de la vie avant de m’engager. Je me souviens encore de cette magnifique femme qui avait l’âge de ma mère. Je me souviens de ses courbes, de son parfum et de tout le reste. Je me souviens également de son mari, soldat furieux qui me provoqua en duel. Cela se passa dans une petite zone clairsemée à l’abri des regards indiscrets. Avec le recul je dois avouer que j’ai été stupide d’accepter une telle chose. Mais à l’époque je ne voyais que mon potentiel surpassant le sien, qu’avais-je à penser de l’expérience d’un soldat face à moi ? Au final, le cours du combat ne tournait pas particulièrement en ma faveur. Affaibli et légèrement blessé le furieux cornu allait me porter un coup fatal quand le ciel s’ouvrit au-dessus de moi tel un morceau de ciel étoilé déchirant le jour. Une étoile brilla intensément et sa lueur fut projetée sur mon adversaire qui sombra, touché je ne savais trop où ni trop comment. C’était ma Vérité, je ne l’ai su qu’après en avoir parlé à mon « maestro ». Quant à la veuve, elle avait su habilement se jouer de moi. Maintenant héritière elle avait obtenu ce qu’elle désirait. Finement joué. Je me souviens encore m’être dit « c’est donc cela la vraie vie ? ».

Puis j’ai rejoint les rangs de l’armée. Téméraire, j’ai tout fait pour me faire remarquer rapidement tant sur le plan martial que sur le plan intellectuel. A mes yeux dans une armée, il y a les soldats, ceux qui meurent fièrement, ou stupidement, il ne faut pas se leurrer et ceux qui envoient les autres mourir. Pour ma part je voulais faire partie de cette seconde partie. Par chance à travers mes différentes affectations j’ai su progresser, me hisser toujours un peu plus haut et au fil du temps nouant d’importantes relations j’ai su mettre à profit des rencontres importantes.

C’est une fois arrivé à un poste relativement élevé que j’ai dû revoir quelques temps mes priorités. Je devais approcher la trentaine lorsque mon frère ainé, chef de famille depuis peu fut emporté par une maladie fulgurante. J’ai toujours servi fièrement la Maison comme chacun dans la fratrie, et comme beaucoup j’ai vu là le coup dans le dos d’un rival. Comme les traditions le voulaient, j’ai repris les rênes de la maison. Je n’avais aucune notion de ce qu’était réellement un marchand, de toutes nos affaires et de ce que tout cela impliqué, c’est pourquoi j’ai laissé la gestion de notre commerce à mon frère restant lui qui avait su faire fleurir nos investissements ici et là. En revanche de mon côté, je me suis assuré que nos transactions soient suffisamment protégées désormais et surtout, j’ai enquêté, j’ai délié des langues, j’ai contracté des dettes et j’en ai récupéré pour trouver le coupable de tout cela. C’était un vil marchand à qui nous avions fait de l’ombre dans un domaine qui était sa spécialité. J’aurais pu tuer cette vermine sans que personne ne le sache mais non, j’ai préféré le faire pourrir dans une cellule souterraine sous les plaines, une prison d’où il attendrait sa mort, sans la moindre nourriture, juste de quoi étancher sa soif.

Et finalement j’ai repris ma vie d’avant, avec quelques changements. Quelques hautes autorités ont vues en moi un potentiel et m’ont proposé une opportunité unique qui ne se refuse pas. Un rôle à la hauteur de mon talent. Une chance de pouvoir être moi-même tout en aidant à l’épanouissement de ma confrérie.

Voilà environ cinq années que je suis devenu officiellement un éminent diplomate au service du Lord et de la Lady et officieusement un espion pour ces mêmes personnes. En leur nom et pour le bien de mes pairs j’ai profités de nombreux plaisirs à de nombreuses reprises. J’ai assisté à des banquets, j’ai regardés moult spectacles, j’ai bu des boissons enivrantes et mangé des mets raffinés. Mais j’ai surtout profité de mon corps, de corps des autres qu’ils soient femmes ou hommes. Mais j’ai également menti, volé, tué rarement et quand il le fallait et surtout manipulé bon nombre de personnes que ce soit pour les besoins des Parlèms ou dans un but plus personnel pour les Pàvuus tant que chacun y trouve son compte.

Aujourd’hui, j’espère pouvoir profiter de mon statut pour avoir l’opportunité de voyager d’avantage et d’accroitre connaissances et expériences avec la bénédiction d’Etalhiel.