Tout a commencé il y a de cela un quart de siècle, tout près du lac Loïda, sur le territoire des Anciens. Ce n'était clairement pas l'endroit le plus accueillant au monde, mais c'est ici que Mère Nature avait décidé que Sirius naitrait, au beau milieu de la forêt des Mirlis. Comme toute vie, celle du jeune homme débuta dans le sang, la souffrance et les cris mais à cet instant précis, le coeur empli de joie, ses parents étaient à des lieues de s'imaginer que leur famille connaitrait des moments beaucoup plus violents que cet accouchement. Férus d'astronomie et grands amoureux du vaste ciel étoilé, les jeunes parents donnèrent à leur premier né le nom de Sirius, l'étoile la plus visible à l'oeil nu. Ils chérirent cet enfant et l'élevèrent dans le respect des traditions des Anciens, lui apprenant l'importance de la nature dans leur quotidien. Pas un jour de sa petite enfance ne passa sans qu'il n'entende son père louer le nom de Mère Nature pour la remercier de ses bienfaits. Bien qu'ils vivaient de façon assez simple, dans des conditions parfois assez difficiles, le couple Persan fit toujours de son mieux pour assurer l'éducation de leur fils. Son père fit de son mieux pour lui transmettre les rudiments de la botanique et sa mère lui apprit tout ce qu'il y a à savoir sur les étoiles, notamment comment se repérer grâce à leur position.

Quelques années plus tard, la famille s'agrandit avec l'arrivée d'une petite fille. Aucun sentiment de jalousie n'ombragea jamais l'esprit du petit Sirius, qui accueillit sa petite soeur avec une curiosité teintée de tendresse touchante aux vues de son jeune âge. Petit à petit, sa tendresse se transforma en amour sincère et les deux enfants devinrent bien vite inséparables. Sirius prenait un plaisir fou à jouer au grand frère sérieux et protecteur autour de Vénus, ce qui ne manquait jamais de beaucoup amuser leurs parents. Tout ce qu'il apprenait de son père et sa mère, il le transmettait à sa petite soeur, soucieux de lui assurer un avenir prometteur. Ils grandirent tous deux sans autre soucis que les problèmes financiers de leurs parents. Problèmes qui ne les inquiétèrent pas longtemps puisque Marius, leur père, décida de passer outre les croyances des Anciens et de vendre ses connaissances sur la nature et ses fruits pour gagner de l'argent et pouvoir nourrir sa famille. A la suite de cette décision, ils ne furent plus jamais dans le besoin. Un autre enfant naquit cinq ans après Vénus, un petit garçon cette fois, qu'ils prénommèrent Alban. La petite famille vivait au jour le jour, sans se poser de questions, à un rythme aussi calme qu'agréable. Tout allait pour le mieux, jusqu'au jour fatidique. Ils avaient installé la roulotte familiale non loin de la frontière nord-ouest du territoire des Anciens, près du fleuve Manly, à l'ouest de Saona. La nuit était déjà tombée depuis longtemps lorsque des bruits de pas se firent entendre autour de leur campement. Cela ne manqua pas de réveiller toute la petite famille, habituée au calme de la forêt. Marius sortit pour savoir ce qui pouvait bien causer un tel bruit. A peine avait-il franchi la porte de la roulotte qu'une épaisse lame le transperça de part en part. La quiétude de la nuit fit place aux clameurs guerrières de toute une bande de pirates. La mère de Sirius et Alban furent passés au fil de l'épée sans autre forme de procès, leur roulotte mise sans dessus dessous. Les forbans ne trouvèrent qu'un maigre butin et pour compenser leur manque à gagner, ils décidèrent d'emmener Sirius en tant qu'esclave. Il était assez jeune pour ne pas représenter une trop grosse menace mais assez robuste pour être un travailleur utile. Il avait bien sûr remarqué l'absence de sa petite soeur chérie mais il ne chercha pas à savoir ce qui lui était arrivé, de peur qu'en apprenant son existence, ses ravisseurs se mettent à sa poursuite. Il accepta son sort sans trop se débattre, trop abattu par la mort des siens.

Il fut emmené sur le navire des pirates et dût servir en tant que moussaillon. Cuisine, récurage de ponts et autre entretien du vaisseau, rien ne lui était épargné. Quand il s'exécutait à merveille, il ne recevait que quelques taloches, quand il faisait la moindre erreur, il était sanctionné par moult coups de fouet. Ce traitement rude et impitoyable l'endurcit et il apprit bientôt à souffrir en silence, à encaisser les coups les plus durs. Pendant les deux années d'esclavage qu'il dut supporter, son seul contact amical était le second du capitaine, un homme simple mais sincèrement bon. Il faisait partie des rares pirates attristés par le sort de Sirius et qui n'avait pas participé au massacre de sa famille. Il ne pouvait pas faire grand chose pour sauver le jeune homme alors il fit de son mieux pour lui apprendre à se défendre. Le dernier fils Persan ne connaissait rien du maniement des armes mais il avait de la haine et de la concentration à revendre, ce qui l'aida à progresser à une vitesse incroyable. Après seulement quelques mois, il fut en mesure de tenir tête à son mentor. Après une année, il commença à sérieusement avoir le dessus lors de toutes leurs séances. Et après deux ans à endurer sa situation, il décida qu'il pouvait changer son sort. Il décida, avec un culot ahurissant de défier le capitaine du navire en duel à mort. Ce dernier n'avait aucunement envie de se battre avec lui, bien sûr. Pourquoi aurait-il pris le risque de tuer un de ses fidèles travailleurs? Seulement, le respect d'un équipage de pirates ne tient qu'à un fil et la moindre provocation pouvait perturber cet équilibre fragile. Il ne pouvait se permettre de laisser un misérable avorton l'insulter de la sorte. Qu'elle ne fut sa surprise quand l'acier entama sa gorge, le privant de ses cordes vocales, de sa carotide et de sa jugulaire. Il s'effondra au milieu d'une mare de sang, sans le moindre panache. Poussant sa chance au maximum, Sirius s'autoproclama nouveau capitaine de l'équipage. Les hommes qui se tenaient face à lui éclatèrent de rire mais acceptèrent cette décision, amusés par l'idée d'avoir un nouvel officier aussi jeune et aussi impétueux. Cela fait maintenant plusieurs mois qu'il est à la tête du vaisseau et tout se déroule pour le mieux. Les affaires se portent bien et les richesses s'accumulent. Autant dire que personne ne regrette la prise de pouvoir du Capitaine Persan.