Loin sur l’horizon se dresse un arbre titanesque qui semble aussi grand que le monde. Ses branches entremêlées recouvrent entièrement le ciel, à moins qu’elles ne soient le ciel. Elle n’arrive pas à le déterminer. En baissant les yeux elle se rend compte que le sol sous l’herbe fine est lui aussi entièrement constitué de racines sinueuses qui se dirigent vers le tronc gigantesque aussi loin que porte son regard. Autour d’elle, d’innombrables oiseaux captifs font entendre leur voix. Ils sont plus variés que ce qu’elle aurait pu imaginer. Aucun ne ressemble vraiment à un spécimen d’une espèce connue, bien que certains en soient proches. Leurs couleurs sont aussi multiples que leurs formes, et elle reste un moment immobile, essayant d’intégrer tout ce qu’elle voit.

Sa voix éraillée jure au milieu de ses congénères. Ses piaillements ne sont pas aussi discordants que ceux de son voisin au plumage d’un noir de jais mais il est bien loin du chant mélodieux des volatiles d’un bleu si pâle qu’il est presque blanc. Ses longues plumes recourbées forment autour de son corps élancé comme une robe, proche de celles qu’elle a pu voir sur des danseuses nomades de passage à Karnès. Sa couleur d’un ocre clair lui rappelle le sable infini du désert à tel point qu’elle s’attend à voir de la poussière dorée s’échapper de ses ailes alors qu’il les secoue. Ses bruns la fixent alors qu’elle s’approche de lui, et ses cris se font plus rapides, comme s’il l’appelait. Tout proche à présent, elle se rend compte qu’il est bien plus grand qu’elle l’avait pensé. Lorsqu’il déploie ses ailes, elle peut voir toutes les couleurs des dunes sous le soleil de midi.

Un étrange son métallique, comme les centaines de cliquètements que feraient des clefs suspendues à un mur. Elle l’entend à nouveau, intermittent, rythmique, comme répondant à aux pas lents d’un géant. C’est une sonorité qui la glace jusqu’au plus profond d’elle-même, qui la paralyse. Ce tintement sonne comme un glas à ses oreilles. Sinistre, final. Il se rapproche comme le destin en mouvement et résonne en elle avec un dessein qu’elle ne peut envisager.