Très jeune Onora s'est toujours retrouvée en retrait vis à vis de sa confrérie. Sa famille disposait d'une situation des plus modeste, leur revenu n'étaient pas suffisant pour parader en ville affublé de riches coutures ou bijoux raffinés et ne possédait ni titre, ni terre sur lesquelles exposer leur orgueil. Ce fait, Onora l'avait assimilé précocement, ce qui ne semblait être le cas du restant de sa parenté qui cherchait désespérément à être tiré par le haut. Fallait les y voir, maman et papa lustrant le derrière de quiconque ayant assez d'esprit en poche et un rejeton à placer ...

Au détriment de leur maigre ressources, ses parents engagèrent un précepteur pour cette jeune demoiselle aux courbes naissantes. Une bouille comme la sienne constituait un bon parti, un minimum d'instruction ne ferait qu'augmenter sa valeur marchande. Ainsi, Onora se retrouva sous la tutelle d'un vieillard pompeux à l'oeil libidineux qui s'acharna à enfoncer dans sa petite tête revêche comment lire et écrire, puisque ce fut tout ce qu'il était possible de retirer de cet ignare dépérissant.

Eduquée pour une vie aux ambitions avaricieuse, chaque journée se consacrait à être présentable afin d'être remarquée par les bonnes gens, en compagnie de sa mère qui exhibait et vantait fièrement le minois de sa fille unique, comme le plus bienveillant des proxénètes. Sinon, elle secondait sa mère dans son statut d' infirmière-boniche auprès d'un médecin, charlatan sur les bords, dans des taches simplettes et dont les seuls conversations qui ponctuaient leurs offices se résumaient à des conversations aussi pertinentes que: comment bien se tenir en société et ô combien les grandes dames démontraient d'une élégance sans égal.  Mais, l'air profondément maussade de sa fille n'était guère d'une aide précieuse pour attiser les regards avenants, et cela, malgré cette jolie frimousse tirée à quatre épingle qu'on s'efforçait de mettre en avant ... puisqu'il s'agissait manifestement de la seule chose intéressante chez cette demoiselle.

Or, plus Onora grandissait et s'affirmait, plus il devenait ardu de tirer quelque chose de cette demoiselle révoltée et ô combien contestataire. Non seulement, celle-ci était frustrée de ne participer aux mêmes activités que ces jeunes frères, mais les grandiloquences superflues de sa condition féminine tendaient sincèrement à la lasser, surtout lorsque la finalité se résume à se lier vita aeternam avec un rustre éduqué selon une doctrine quelque peu misogyne. Quant à la perspective de devoir s'embarrasser d'un marmot, n'en parlons point ... Ce fut pourquoi, la perspective de s'émanciper de cette vie désuète naquis rapidement. Néanmoins, lorsqu'on est une fille pommée et vulnérable, vagabonder seule n'était guère des plus recommandé.

Vers ses douze ou treize ans, Onora n'avait toujours pas manifesté le moindre don, ce qui la lésait d'autant plus au regard d'autrui et du sien. Impotente et mollassonne, ses parents commencèrent peu à peu à prendre espoir face à tant de mauvaise volonté. Mais pire encore, fut les jours où, notre demoiselle récalcitrante revenait couverte de boue, échevelée et quelque peu sanguinolente au côté de ses jeunes frères parce qu'elle avait décidé de provoquer de jeunes nobles ou autres bourgeoises en leur balançant de la boue sur leur fraiche étoffes ou en les congratulant d'un mélodieux: '' sac à foutre" lorsqu'elle était d'humeur joyeuse. De biens jolis mots qu'elle n'avait certes point appris auprès de son précepteur. Il devenait compliqué de maitriser cette jeune importune impertinente, mais surtout acharnée qui n'en démordait point. Il fut laborieux d'apaiser la colère de sa parenté, d'autant plus qu'il se murmurait qu'une telle enfant ne se marierait jamais, qu'elle finirait seule et sans progéniture. Un déshonneur certain pour cette famille qui ne s'enrichirait jamais.

Moins de la quizaine, mais déjà considérée comme une future vieille fille déshéritée, ce sort certes convenait à la jeune fille qui sans grande introspection s'en contentait pour le moment, alors que le désir de s'émanciper d'un tel cadre de vie persistait à murir en elle. Onora avait finalement conclu que tôt où tard, elle partirait d'ici. En secret, elle planifiait, ou du moins s'imaginait, comment elle se débrouillerait une fois dehors. Quels objets elle emprunterait ou déroberait ... D'ailleurs, elle avait déjà mainte fois observé ses frères se battre entre eux ou écouter leur tactiques de chasses à défaut de pouvoir y participer pleinement. Elle qui ne connaissait rien du monde extérieur, si ce n'est qu'il était ''dangereux'' et ''guère adapté pour une jeune idiote'', seul le courage et une véritable préparation lui manquait. Mais autant mourir libre, qu'enchainée à ses fers natals.

Puis, Onora finit par dénicher le prétexte qu'elle espérait. La vie lui fit la surprise que sa mère lui trouva un jeune homme avec lequel se lier. Ce dernier, invita ses frères à une partie de chasse afin de faire plus ample connaissance avec sa futur belle famille. Onora fut présente, elle aussi, bien qu'elle se contentait de rester sur le cheval de son promis et de suivre le petit groupe qui restait à pied. La dernière fois qu'on aperçu Onora en région de Parlèm fut le moment où son jeune frère lui rapporta une poignée de lapins fraichement égorgés et la dague ensanglantée qui allait avec ... pouvait-elle espérer meilleur occasion?

Onora ne suivait pas direction particulière, se contentant de suivre les chemins et de choisir la voie que lui susurrait son instinct. Seule et sans le moindre sous, la Parlèm n'avait aucune idée où elle se rendait, comment allait-elle survivre et se qu'elle allait faire. Cependant, les jets d'adrénaline qui stimulaient son excitation étaient encore trop vivaces pour qu'elle puisse s'en soucier. Et pour la première fois de sa vie, Onora souriait. Qu'il devait être agréable de jouir d'une telle insouciance ...

D'abord, elle commença à chercher la charité auprès de petits villages et fermes isolés, avec plus ou moins de succès, échangeant un service contre un autre du mieux qu'elle pouvait. Onora fut d'ailleurs très vote étonnée qu'on lui attribue des tâches qu'elle même considérait d'ordinaire comme plus masculine, mais une telle perspective ne put que plaire à son petit égo déchainé. Avec le temps, elle commença à se présenter sous plusieurs identités aux personnes qui la recueillaient, dans les premiers temps probablement lassée de devoir raconter cette même histoire ennuyeuse qui avait le don de faire naitre une certaine pitié à ceux qui l'écoutait, détails qu'elle avait d'abord trouvée salutaire, avant de devenir rabaissant à son encontre.

Les mois qui suivirent son départ d'Arlno, Onora commença à se pencher sérieusement sur ses dons de vérité qui ne s'étaient toujours pas manifestés, tandis qu'elle se rapprochait peu à peu de ses dix-huit années. Leur découverte se fit après la rencontre avec une femme plus mature, vraisemblablement issu de Namès. Elles se croisèrent alors qu'elles logeaient le temps d'un hivers chez un berger de montagne attendant que le temps devienne plus clément pour continuer leur périple hasardeux. Cette personne plut instantanément à notre demoiselle, outre de part son parler franc et charretier. Elle semblait vivre dans son univers, un monde vif et carnassier, et imposait aisément une certaine fermeté qu'Onora ne pouvait qu' envier. D'ailleurs, elle présentait des tendances libertines et un sens de la moral assez particulier, en plus de s'afficher complètement émancipée des lois. En somme, il s'agissait d'une personne peu fréquentable.

Suite à sa demande et peut être bien attisée par le minois de notre jeune Onora qui n'était pas particulièrement repoussante, la femme consentit à l'aider à dénicher la nature de sa Vérité. Après tout, elles avaient un hivers pour y parvenir ... De plus, la femme en question demeurait perplexe, concevant difficilement qu'avec un tel caractère ses dons ne se soient pas manifestés plus tôt.  Ainsi, Mira de son nom, devint très influente sur notre jeune Onora. Pour ainsi dire, ce fut cette femme qui forgea la Parlèm. Plus tard, elles partirent ensemble pour ne plus se lâcher. Mira lui enseigna alors à voler, à survivre, à se dépasser et à voir, à son sens, la véritable nature du monde, qu'il ne fallait ni craindre les Hommes ou la Mort. La seule chose importante en ce  bas monde étant soi même. Mira, voleuse aguerrie, emporta alors Onora pour la conforter dans sa vie de petits larcins  et de courts séjours en prisons pour des motifs divers qui se terminaient ponctuellement par une évasion, notamment grâce à la Vérité d'Onora qui prenaient peu à peu de l'assurance.

Néanmoins, cette période ne dura que quelques années. Mira lui proposa finalement de rejoindre la guilde au sein de laquelle elle œuvrait. Or, catégorique Onora refusa puisqu'elle estimait avoir craché sur sa vie d'autan dans l'espoir d'acquérir autre chose qu'une simple richesse matérielle. Elles se séparèrent, non sans éprouver une déception réciproque, permettant ainsi à notre Onora de voguer de selon ses propres moeurs ....