Rencontre malencontreuse

(#) Sujet: Rencontre malencontreuse Mer 22 Avr 2020 - 20:16

Theme du message:

La sente a quatre sous est un mauvais chemin, raviné par les eaux, pentu et peut larges. Il serpente entre les entrepôts qui longent une partie des quais d'Acretis. Certaines tavernes se sont posées entre les entrepôts. Ce ne sont pas les plus réputées. Quelques impasses donnent sur cette venelle. Dans certaines d'entre elles, les putes les moins chers, celles qui ne peuvent même pas payer une chambre, ont installées des cabanons de mauvaises planches. L'Entrée des ruelles est surveillée par leurs proxénètes.

Alcuin étais assis là, sur une caisse, l'air sombre. Qu'est ce qu'il fout là ?

Ces proxénètes, ils viennent tous de la même pègre. Celle qui est présente dans la prison d'Acretis, d'ailleurs. Alcuin s'est approché d'eux, leur a proposé son aide. Il s'est fait bouler. Puis l'un d'eux la reconnu, ils s'étaient croisé, en prison.

Alcuin étais assis là, sur une caisse, l'air sombre, et il soupire. Qu'est ce qu'il fout là ?

Oh, il as connu la pègre dans sa jeunesse, a Dorko. Mais c'était un autre temps. Avant la prison, avec ses receleurs, il était plus proche du haut de la pyramide que du bas. Peut être trop haut, d'ailleurs, songeais-il. Trop visible.

Alcuin étais assis là, sur une caisse, l'air sombre, et ses épaules s'affaissent. Qu'est ce qu'il fout là?

Certes, le proxenete l'avais reconnu, mais les aider? Ce boulot là, il paye, le recevoir c'est une recompense. Ok, Alcuin pouvais entrer dans l'organisation. Mais a condition de faire les petites mains. Pas de passe droits.

Du coup, il étais plus bas que les autres sur a venelle. Plus exposé, plus visible. Si la garde les repéraient, les autres auraient le temps de s'enfuir. pas lui. Faire éclaireur, c'était le prix. Servir aussi d'indic a qui cherchais les lieux de "détentes". M'enfin Alcuin, il allais pas s'exposer gratos. Alors on lui as refilé un peu de Ragnack séché. Hé mec, tas pris ton pied là haut, avec ces dames? Tu veux revivre ça, mais pas cher? J'ai ce qu'il te faut, haha.

Alcuin étais pas du genre a avoir des scrupules, habituellement, m'enfin il se sentais mal quand même. Surtout vu le jeune age de certains marins. Il repense a cette bande qui entraînais avec elle un jeune apprentis. Il devais avoir seize ans. Savais il ou il allait?

Produit de merde le Ragnak. Addictif comme pas deux, quatre ou cinq prises dans la même semaines, et paf, peux plus t'en passer. Et plus t'en prend, plus t'est perdu. Tu sais plus si tu est dans ton souvenir ou dans la réalité. Certains ont fais de grosses merdes, a se croire dans leurs fantasmes, alors que non, en fait.

Mais pouvais il faire autre chose, Alcuin? Pas un sous. Une vieille veste de cuir élimée, un pantalon déchiré sous les genoux. Plus de grolles. sa belle chemise de lin, elle étais tachée depuis longtemps.

Et c'était pour ça qu'il étais ici. Alors oui, se payer une chambre pour la nuit. Il avais cru pouvoir dormir dehors, au début, mais il étais plus de prime jeunesse, son dos étais pas d'accord. Mais aussi pour avoir de quoi avoir de l'allure. Racheter une mise digne d'un capitaine. Digne de se présenter a Juliette. Fallait pas qu'elle le vois comme ça.

Alcuin sortit un instant de sa reverie. Un gamin, l'air nerveux et impatient, devant lui. Il prit ses pieces. Il donna le sachet de poudre violacée. Il écouta a peine les récriminations sur le mauve trop clair du mélange. Pas lui qui avais fait le dosage. Il aurait du être content le gamin, peut être que le rêve paraîtra moins réel, mais il tiendra plus longtemps avant de devenir complètement a l'ouest.

Des qu'il as de quoi se repayer des fringues, Alcuin laisse tomber et se présente a la boutique. Il en fait le serment. Faut pas qu'il aille vers ce genre de conneries.Plus de son age.

N’empêche. "Profite bien de ta liberté". Quelle farce.

Rentrée hier au port d'Acretis, Juliette se retrouve sans capitaine comme elle l'avait craint. Ce soit disant homme d'honneur avait glissé une lettre dans sa boîte au lettre tôt ce matin. Il n'avait même pas eu l'audace de présenter sa démission de vive voix. Et en plus il avait annoncé que la plupart de l'équipage partait avec lui. Juliette ne pouvait pas le croire, mais elle n'avait aucun moyen pour le moment de s'en assurer. Après ce voyage éreintant, ils avaient tous prit deux jours de repos. Pourtant Juliette s'était aventurée sur le port tôt dans la matinée et elle commença à faire le tour des tavernes à la recherche des ses membres d'équipage.

Après plus d'une heure de recherche elle se retrouva dans le quartier des entrepôts, un coin malfamé gangrené par la prostitution et la drogue. Même si la douceur du printemps était au rendez-vous, le soleil inondant les rues de lumière, Juliette resserra sa veste contre elle par réflexe. Elle ne voulait pas s'attarder par ici, autant par peur d'une rencontre incommodante que pas peur d'une mauvaise rumeur à son égard. Marchant vite et entrant à peine dans les tavernes, Juliette crut pourtant remarquer un visage familier. Ce n'était possible...

Assis sur une barrique, elle vit un homme s'adresser à un enfant. Même si d'où elle était elle ne vit pas grand chose, vue l'endroit cela sentait le trafic à plein nez. Était-ce réellement lui ? À peine sortait-il de prison qu'il retournait vers la criminalité ? Pourquoi lui avoir demandé un emploi alors ? La marchande hésita grandement à faire demi-tour pour s'empresser de prévenir son employé de ne plus laisser entrer monsieur Rothenborg. Elle jugeait peut-être la situation trop vite. Peu rassurée, elle alla à la rencontre de celui qui avait été jadis un de ses collaborateurs :

- C'est toi Alcuin ?

Son chignon haut accentuait les traits sévères de Juliette. Habillée d'un pantalon noir moulant, d'une chemise de lin et d'une veste noire serrée brodée de fil d'argent, elle se tenait le dos droit face à Alcuin. Ses yeux pourtant étaient remplis de compassion, elle était prête à entendre l'histoire de son ancien ami avant de faire un trait définitivement sur lui. Elle lui devait au moins cela, lui qui avait cru en elle avant même qu'elle n'y parvienne. Il était si différent que dans ses souvenirs, le temps avait-il eut raison de lui ? Tant de questions se bousculaient dans son esprit, mais elle se contient :

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu ne devais pas passer à la boutique ? Tu as trouvé...autre chose ?

S'il était bien en train de vendre de la drogue, elle ne pouvait décemment pas parler de métier. Ceux qui se disaient marchands en vendant de tels produits étaient une honte pour le métier. Elle n'avait pu cacher son mépris face à ce genre d'activité, c'était plus fort qu'elle.

theme musical du message:

-C'est toi Alcuin ?

Air de surprise. Air de panique. De peur. Palpitations. Ses pupilles s’écartent, son regard papillonne. La peau de son visage devient pale, blême, ce qui est un exploit pour un individu aussi buriné par le vent marin et le soleil.

-Salut, Juliette...
La voix étais résignée, blanche. Honteuse. Presque murmurée.

Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu ne devais pas passer à la boutique ? Tu as trouvé...autre chose ?

La déception s'entend dans les mots de Juliette, et cela tétanise le vieil homme. Il La regarde. Elle as beaucoup gagné en prestance depuis la dernière fois. Plus affirmée...plus austère aussi, peut être. Elle a quelque chose d’impressionnant. Alcuin déglutit. Ce ne sera pas facile. Il ne sait pas trop quoi répondre. Son malaise est évident.

-Je…hum. Je savais pas quand tu rentrerais…Et…Ben faut bouffer quoi.

Il hausse les épaules, pour se donner un air désinvolte, fataliste. Ça ne marche pas. Il est nerveux, et ça se voit. Il cherche ses mots, sa gorge est nouée. Il passe sa main calleuse derrière la nuque pour essayer de détendre ses muscles.

Franchement, j’ai rien trouvé d’autre, en t’attendant. Je suis allé voir les pêcheurs, mais ils veulent un jeune gars solide, un cinquantenaire, ça les attire pas…Surtout avec ma trogne...
Alcuin ne ressemble plus en effet à l’homme que Juliette avais connue. Beaucoup plus maigre, beaucoup plus fatigué. Beaucoup plus faible. Sa mâchoire se serre, il se renferme. Son regard fuit. Et puis il a l’air de prendre une résolution. Il se redresse, la regarde en face, de ces yeux noirs, petits, sous des gouffres de cerne. Au fond du gouffre, au fond de l’impasse, il ne reste plus qu’à être honnête. Pas le choix.
-Je voulais pas que tu me voies comme ça. Je cherchais juste un peu d’argent pour pouvoir être présentable, avant de venir te voir. Et ces gars-là, ils ont été les seuls, a dire oui, dans cette putain de ville. C’était ça où la manche. Alors ouais, franchement, ya pas de quoi être fier, je sais. Pour ça, si tu as mieux à me proposer, c’est oui.

Son regard était inquiet. Il cherchait, non pas de l'approbation, mais au moins une compréhension, une acceptation.

Alors qu'il avait été un homme fort que l'on écoutait, il se tenait maintenant face à Juliette en fuyant son regard et lui répondant d'une voix presque tremblante. L'héléo savait comment cette ville pouvait être redoutable pour les étrangers, jamais les arvèles n'avaient ouvert les portes de leur port par bonté d'âme. Ici, seuls les plus forts s'en sortaient. Même s'il n'avait plus sa carrure d'autrefois, Juliette voulait pourtant croire que le navigateur intrépide qu'elle avait connu était encore là.

Elle ne pouvait le laisser là sans lui offrir une seconde chance. S'il était sincère, alors elle l'aiderait peu importe les conséquences. Il n'avait pas précisé ce qu'il faisait ici, mais au vue de son malaise il est évident que Juliette a vu juste. S'il s'est associé à la pègre de la ville, ils ne le laisseront peut-être pas repartir aussi facilement. Juliette préféra ne pas trop y penser, elle s'était toujours tenue éloignée de ces gens et préférait le rester autant que possible.

Les regards des passants se tournaient vers eux, en particulier un homme à l'entrée de la ruelle qui ne les lâchaient pas des yeux. Un oeil à demi fermé, il portait les cheveux longs et gras. Juliette aussi se retrouva par être tendue par la situation. Elle avait envie d'aider son ancien ami, mais avant cela elle voulait partir d'ici :

- L'offre dont je t'ai parlé tiens toujours.

Juliette elle n'a que faire de son âge, bien au contraire, elle s'est très vite détournée des jeunes capitaines cherchant à la spolier de son navire et de ses hommes. Elle préférait de loin les hommes et femmes plus expérimentés dont elle pouvait juger les exploits. Rares étaient les humains cependant à connaître la navigation en pleine mer et Alcuin était l'un des meilleurs que l'héléo ait connu. Même s'il avait eu affaire à la justice et supportait le poids des années dans une cellule humide, elle était prête à lui confier son navire :

- Je n'imagine pas ce que tu as dû traverser, ma porte te sera toujours ouverte.

Enfin, avant cela elle voulait tout de même s'assurer que le mercenaire ne s'était pas trop perdu en chemin. Même s'il avait été un collaborateur fidèle par le passé, les gens pouvaient changer. Mais elle ne se voyait décidément pas rattraper le temps perdu dans cette ruelle. Clairement, le fait qu'une femme de son genre reste là près d'un de leurs hommes ne plaisait pas du tout à l'homme qui les regardait avec insistance. L'héléo devait très certainement empêcher le petit trafic de continuer à son rythme habituel.

Mieux valait vraiment ne pas s'attarder :

- Que dirais-tu de partir d'ici ?

C'était bien Juliette, pas de doute. Son regard avais pu lui paraître dur, mais sa compassion avais repris de le dessus en écoutant le vieux marin. Il remarqua qu'elle jetais un regard derrière lui, et regarda lui aussi. Son soulagement fut de courte durée. Il était surveillé. Il était en danger. Pire, elle aussi.

-Que dirais-tu de partir d'ici ?

Oui! ....Mais non...mauvaise idée. Il reflechissait. Commençait a échafauder un plan.

Il se pencha et marmonna.

-Passe devant...Pas envie que ces gars là t'associent a moi...Tiens, prends ça, tu passeras pour une cliente a leurs yeux, ils arrêteront de nous regarder. Et ce sera toujours ça de moins qu'un jeunot se mettra dans le pif sans savoir ou il met les pieds...Si je te suis, ils vont nous filer...Si je quitte ce poste quand on me relève, ça va choquer personne...Et je pourrais te rejoindre ce soir vers ta boutique, a la fermeture. Et si l'offre tiens toujours, je serais alors bien heureux de pas revoir leur trogne demain.

Il n’était vraiment pas fier a l'idée de lui filer du Ragnack, mais il se disais qu'elle comprendrais qu'il souhaitais jouer le jeu tant qu'il était surveillé. Il est vrai qu'avec sa mise -disons le- quelque peu bourgeoise, Juliette détonnais dans le paysage. Ho, les bourgeois n'étaient pas les moindres de leurs clients, loin s'en faut, mais le commerce avec eux ne se faisais pas directement sur les quais.

-Quitte ce quartier et évite les ruelles latérales. On est en plein jour, tu ne risques rien. Après le couché, par contre, il ne vaut mieux pas être une jeune dame bien mise, par ici. J"arriverais a la boutique une a deux heures après toi, plus si je suis suivi. Je veillerais a les semer si c'est le cas.

Clin d’œil. Face au risque, on revoyais un peu de ce bon vieil Alcuin sous cet amas de guenilles.

Juliette eut un léger mouvement de recul en voyant le petit sac que lui tendait Alcuin. Elle comprenait son geste, mais elle n'aimait absolument pas cette situation inconfortable. Devoir traverser la ville avec de la drogue ne lui plaisait pas du tout, elle n'avait que faire des jeunes qui venaient se fournir ici. Personne ne les obligeait à en acheter. Si elle était prête à le faire c'était uniquement pour ne pas attirer d'ennuis à Al', il avait l'air d'en avoir assez bavé comme cela. Ce n'était pas le moment de lui rajouter une inquiétude supplémentaire.

Le sachet de poudre en main, elle glissa quelques pièces au dealer occasionnel sans trop savoir si le prix était juste :

- J'espère que ça ira. À plus tard.

Elle quitta la ruelle rapidement. Le sachet encore dans le creux de main, elle commença à légèrement transpirer. C'était idiot, mais quand elle passa à côté de deux gardes qui déambulaient dans le rue, elle se figea et s'engouffra dans un chemin de traverse. Ce n'est qu'une fois arrivée dans la rue de l'écume qu'elle retrouva son calme. Elle n'avait du coup toujours pas retrouvé les membres d'équipage, mais il était hors de question qu'elle continue à arpenter la ville avec la drogue.

Sans rien dire à son employé qui était dans la boutique, elle passa à l'arrière du bâtiment pour monter à son appartement. L'endroit était sombre, l'héléo se dirigea vers les fenêtres qu'elle ouvrit en grand pour rabattre les volets et laisser entrer la lumière. Elle alla s'asseoir dans son fauteuil et ouvrit le petit sachet. La poudre violette était assez caractéristique, du Ragnak. Juliette referma le sachet et le déposa sur l'une des étagères de sa bibliothèque, peut-être que cela pourrait intéresser Elsa, sinon elle n'aurait qu'à jeter le sachet dans l'océan.

Remise de sa petite escapade, la marchandise descendit et rentra dans la boutique par la porte arrière. Son employé était occupé au fond de la boutique avec un couple. Juliette alla au comptoir et ouvrit les dernières lettres qu'elle avait reçu. Elle passa une bonne heure à évaluer les demandes de ses clients et leur répondre. Son employé pendant ce temps avait réussi à vendre un magnifique vase au couple qui venait d’emménager dans la ville. Ils étaient originaires du sud de la terre de Faras et avaient décidé de partir après l'attaque de l'arbre.

L'employé détourna rapidement la conversation en parlant des merveilles du port et des Arvèles toujours présents pour défendre la cité. Juliette elle était restée le nez dans ses lettres et avaient simplement salué les clients lors de leur départ. L'heure du midi approchait à grands pas et Juliette laissa son employé prendre sa pause. Elle rangea sa correspondance après son départ et sortit un chiffon pour nettoyer quelques bibelots près du comptoir. Quand elle entendit la porte de vitraux s'ouvrir, elle se retourna et salua d'instinct la personne qui entrait :

- Soyez le bienvenue.

Alcuin eut peur que Juliette se fâche quand il la vit blêmir. Mais elle joua le jeu. Elle lui tendit même quelques pièces, ce a quoi il ne s'attendais pas. Il enfourna la monnaie et hocha la tète. Elle partit, raide, a grandes enjambées. Il nota dans le coin de sa tète qu'il devrait lui présenter des excuses le moment venue. Au bout de quelques minutes, curieux, il sortit les piécettes de sa poche, et sourit. Voila de quoi acheter son pain quotidien a la boulangerie, tout au plus! Visiblement, Juliette ne se rendait pas compte a quel point ce commerce était ruineux pour les clients. En général, le prix était progressif : la vente la première fois se faisais a perte, pour que le prix ne soit pas rédhibitoire pour le client.C'est l'hameçonnage. Plus il devenait accro, moins il était en position de négocier, plus le prix montais. Forcément, Alcuin n'était le revendeur habituel de personne, puisque c'était son premier -et dernier- jour. D'une certaine manière, la faible somme versée par Juliette pouvait donc se justifier.

Le vieil homme leva les yeux. L'homme aux cheveux gras ne le surveillait plus. Bien. Il continua donc tranquillement sa journée.

Alcuin vendit ses deux derniers sachets en même temps, une heure plus tard. Il dut attendre une heure supplémentaire pour être relevé.

Quittant la rue, il ne se rendit pas directement chez Juliette. Il se rendit d'abord dans une friperie, qui vendais des vêtements usagés. Quand la petite bourgeoisie, pour rester a la mode, vendait ses vieilles fringues, c'est ici quelles atterrissaient. Beaucoup d'ouvriers et de petits artisans portaient donc de la seconde main, plus ou moins de qualité celons ce qu'ils pouvaient s'offrir. Alcuin y laissa sa chemise de lin et son pantalon déchiré, qui vu leurs états, finiraient en chiffons. Il s'acheta plutôt une chemise d'un coton grossier, plus frustre mais plus solide. Une culotte longue également, brunâtre. Trop large, mais la vendeuse lui refila un bout de corde pour la faire tenir, qu'il noua en ceinture. Il aurait bien choisi des vêtements teints mais ils étaient plus chers. Il avait préféré du solide. Le plus cher fut les bottes. Le cuir, même le simple cuir bovin, n(étais jamais donné. Il avait espéré pouvoir s'acheter un chapeau, mais il n'avais plus assez. Il songea un instant a vendre son pistolet, qui avait quelque valeur, mais partit du principe qu'il s'en mordrait les doigts. Il le glissa donc dans la culotte, tenu par la corde et masqué par le chemise. Son fauchon de poissonnier, il le garda quant a lui bien en vue. Il compta que si il prenait un bain, il lui resterait exactement de quoi rembourser Juliette. Il se rendit donc dans une auberge et loua un baquet d'eau chaude et acheta un petit savon de suif, et se frotta énergiquement. L'eau était devenue brune a sa sortie.

Alors il n'avait clairement plus la mise d'un grand capitaine, mais ressemblait enfin a nouveau plus a un marin qu'a un clochard, il y avait donc du mieux.

Puisque cela lui avait pris une heure, qu'il avait changé de tenue et fréquenté longuement une auberge, il partit du principe qu'il n'était plus suivi. Un peu plus guilleret, il se rendit donc en directement de la rue de l’Écume. Le soleil rougeoyant se dirigeais doucement vers l’horizon. Les gréements des vaisseaux apparaissaient en contre-jour, comme des ombres chinoises. Lequel était celui de Juliette? Il avait hâte quelle lui fasse visiter son vaisseau.

Alcuin prit quand même quelques ruelles peu fréquentées pour vérifier qu'il était suivi, avant d'arriver vers la boutique de la jeune dame. Il repassa ses doigts dans ses cheveux reches, et poussa la porte. Fit tinter la cloche. Entra.

- Soyez le bienvenue.

La différence de luminosité entre l'extérieur et l'intérieur de la boutique empêcha Juliette de bien discerner qui était arrivé, elle ne voyait qu'une ombre. Son sourire de bienvenue illumina son visage comme à chaque entrée d'un client. Puis ses yeux se firent au changement de luminosité et elle fut surprise de voir Al'. Il n'avait rien avoir avec la personne qu'elle avait rencontré plus tôt, cet homme qui se tenait droit devant elle avait presque des allures de capitaine. Elle le rejoignit à l'entrée tout en l'accueillant :

- Je suis heureuse que tu sois venu. L'employé est encore en pause, mais ne devrait pas tarder à rentrer.

En attendant ils pouvaient rattraper le temps. Juliette était très curieuse de savoir ce qui avait amené son ancien ami à se retrouver en prison, même si elle en avait une vague idée. Lorsqu'elle avait rencontré, elle savait pertinemment d'où provenait sa marchandise. À cette époque elle avait besoin d'argent et ne se souciait pas encore de sa réputation. Aujourd'hui tout était différent. Les gens à Acretis ne faisaient aucun cadeau aux héléos, elle avait dû prouver à tous sa valeur pour parvenir à trouver une boutique.

Elle était prêt à donner une seconde chance à Alcuin, mais pas au prix de sa réputation. Si elle l'engageait, il ne fallait pas qu'elle soit associée à ses crimes et surtout elle ne voulait pas avoir de mauvaises surprises. Lui aussi avait du changer. Peut-être que c'était un peu brutal, mais c'était un ancien ami et elle n'avait pas envie de tergiverser. L'honnêteté était ce qu'elle recherchait chez ses collaborateurs, cela n'avait pas changé pour elle.

Il n'y avait personne, c'était le moment idéal. Sans prendre de pincettes, elle lui demanda donc :

- Avant qu'on ne parle du poste de capitaine et qu'on aille voir le bateau, j'ai besoin de savoir ce qui t'a amené en prison ?

Les détails ne l'intéressaient pas, tout ce qu'elle voulait savoir c'était ce que ses concurrents risquaient de pouvoir trouver sur Alcuin. Certains d'entre eux ne juraient que par la réputation et essayer d'avoir le monopole du marché des reliques en répandant les pires secrets de leurs opposants. Elle n'avait pas envie de découvrir des choses sur Alcuin dans la rue, s'il devait être le capitaine de l'oiseau bleu, il fallait qu'elle sache qui il était devenu :

- Tu comprendras que si je t'engage, les gens vont parler et je préférais que tu me dises ce que tu as fait plutôt que de l'apprendre par quelqu'un d'autre. Si tu redeviens capitaine, cela fera parler les gens à coup sûr.

- Avant qu'on ne parle du poste de capitaine et qu'on aille voir le bateau, j'ai besoin de savoir ce qui t'a amené en prison ?

Alcuin blêmit. Qu'allais-t-il dire? Bien sur, il n'envisageais pas de mentir, m'enfin, il y a differentes manières de représenter des choses. Dans les multiples responsabilités, certaines peuvent etre soulignées et d'autres estompées. Face a son silence, Juliette continua.

Tu comprendras que si je t'engage, les gens vont parler et je préférais que tu me dises ce que tu as fait plutôt que de l'apprendre par quelqu'un d'autre. Si tu redeviens capitaine, cela fera parler les gens à coup sûr.

Bon argument. Soupir. Alcuin chercha une chaise du regard et s'y assit, lui laissant ainsi le temps de trouver ses mots.

-J'imagine que je te dois bien une explication. Tu sais déjà que j'évitais de me rendre trop souvent a Acretis, sur la fin : mon visage était déjà connu, j'avais échappe de peu aux autorités. Je passais par des revendeurs, dont toi. Et d'autres. Et je sais que tu n'est pas naïve au point de croire que ce que je te fournissais avais été acquis de manière régulière. Toi, tu payais et tu ne posais pas de question. Un autre revendeur n'as pas eu ce genre de scrupule. Je lui avais fait crédit, mais au moment de payer, il a voulu mettre son silence dans la balance. J'ai du descendre a terre lui secouer les puces. Mais c'est pas lui qui m'a balancé, j'ai cru au début, mais l'inspecteur qui m'as questionné, ben il as balancé des infos.

Pause. Raclement de gorge.

-Tu sais que mon équipage avais quelques Héléos. Dont mon second. Disons que le coté amphibie de tes compatriotes est d'une grande utilité. Ils ont du estimer qu'ils avaient plus besoin d'un vieux gars dans mon genre. C'est mon second qui as rencardé la garde. Anonymement. Mais comme j'ai vu le pli -l'inspecteur me l'as mis sous le nez pour me faire avouer. Il as pas joué finement, comme ça je savais ce qu'il savais exactement, donc pas besoin d'avouer plus. Enfin bref, ben, j'ai reconnu son écriture, au second. Il disais où je me trouvais et où je me rendais. Devine quel navire quittais le port alors qu'on était en train de me coffrer? l'Ambroisie! Il as fait ça juste pour me voler mon navire, le crevard!

Si il avais été dehors il aurait craché un mollard de dédain dans un coin, mais il se rappela où il était avant d'avoir fini de racler sa gorge. Il le ravala, et se contentât de souffler du nez.

-Mais qu'il le garde. Plus envie de me battre pour ce genre de chose. Quatre ans de taule, ça fait réfléchir. Oh, je te dirais pas que je suis devenu un saint, hein, tu me croirais pas. Juste, me faire courser et devoir me cacher dans chaque port que je visite, c'est plus de mon age. La mer me manque, mais la castagne, je m'en passerais bien. Pour ça que je suis venu me voir...Tu es, je crois, parmi les gens que je connais, celle qui se rapproche le plus du mot "honnête".

Alcuin fouilla dans sa poche.

-En parlant d’honnêteté. Je te remercie d'avoir joué le jeu, tout a l'heure. Voila tes pièces.

Il posa les quelques disques de métal sur le bord du guéridon d’ébène qui se trouvais le plus proche.
Voulant éviter un silence gênant, il partit dans des eaux où il avait pied il avait pied.

-Dis-moi, ton navire, t'a un équipage à me présenter ou va falloir le recruter?

La boutique était remplies d'objets à l'histoire extraordinaire ou ayant une apparence atypique et la chaise que prit Alcuin n'y faisait pas exception. Comme à chaque fois qu'un client ou un collaborateur se permettait d'utiliser l'une de ses reliques, la respiration de Juliette se bloquait un instant de peur que l'objet soit malmené. Alcuin prit place et Juliette se posé contre le comptoir pour entendre ce qu'il avait dire.

Elle n'attendait pas autant de détails. Son histoire était tragique, être ainsi trahi par son second et se faire voler son bateau. Juliette resta imperturbable face à son histoire, elle savait à quel genre d'homme elle avait à faire et mise à part le flux de détails qui la rendait légèrement mal à l'aise, elle n'était pas choquée par ce qui lui était arrivé. C'était triste, mais c'était prévisible qu'une chose pareille allait un jour lui arriver.

Le milieu des pirates, contrebandiers et autres mercenaires était dangereux même pour le plus fort des caïds. Si la marchande avait eu quelques connexions avec ce milieu fut un temps, une fois son stand acquis au port elle avait tout abandonné pour repartir de zéro et se créer une réputation solide. En tant qu'héléo, les gens du port se fichait bien de sa vie d'avant, mais sur terre elle était au contraire surveillée à chaque instant. Dans ce port, le moindre faux pas d'un héléo était sévèrement puni, elle le savait et avait accepté la situation.

Ses explications terminées. Elle fut touchée quand lui dit qu'elle était l'une des personnes les plus honnêtes qu'il connaisse, même s'il avait l'air de connaître beaucoup de malfrats, cela restait un compliment qui alla droit au coeur :

- Merci. Ces dernières années ont du être très difficiles, je te remercie de m'avoir expliqué tout ça.

Juliette esquissa un geste quand il déposa les pièces qu'elle lui avait donné tout à l'heure, mais n'eut pas le temps de réagir qu'il dévia à nouveau la conversation. Avait-il peur du jugement de Juliette ? Quoi qu'il en soit, elle avait eu suffisamment de détails pour comprendre les charges qui avaient été retenues contre lui, s'il n'avait fait que quatre années c'est qu'il avait du se faire petit une fois en prison.

La marchande avait envie de le croire quand il disait vouloir se ranger et simplement continuer à voguer en mer. Il avait été l'un de ses premiers collaborateurs, c'était un capitaine de navire en haute mer et parmi les humains ils n'étaient pas nombreux. Ses méfaits ne concernaient que des vols et menaces, il avait purgé sa peine et même s'il avait quelques jours été cherché du soutien auprès de gens peu fréquentables, Juliette était prête à lui donner une chance :

- Une partie d'entre eux a suivi le précédent capitaine. La maître quartier est restée, elle se charge du recrutement pour compléter l'équipage. Il y a un matelot qui est sur l'oiseau bleu depuis plusieurs mois avec la maître quartier se sont les plus fidèles, les autres sont restés parce qu'ils n'avaient pas d'occasion à saisir.

Elle lui avait demandé d'être honnête, alors il était normal qu'elle en fasse de même quant à la situation de son équipage qui était loin d'être glorieuse. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, son attention était encore portée sur ces quelques pièces qu'il lui avait rendu, il devait s'attendre à ce qu'elle lui rende sa marchandise, mais maintenant qu'elle s'était mise en tête de la donner à Elsa pour ses expériences, elle n'était plus aussi réticente que tout à l'heure à en avoir sur elle, où en l’occurrence ici dans son appartement

Elle alla vers le guéridon pour récupérer délicatement les pièces dans sa main et voulut clarifier les choses :

- Reprend ça, même si je ne voulais pas du Ragnark je sais à qui il pourra servir. Je ne peux clairement pas reprendre l'argent d'une transaction alors que je ne vais pas te restituer l'objet de cette transaction !

Sa main tendue vers lui, elle ne voulait pas que de l'argent traîne dans son magasin, un client pouvait entrer à tout moment. Elle ajouta :

- Avant de rencontrer l'équipage, que dirais-tu d'aller voir le navire ? Et si le poste te convient, nous signerons un contrat de travail. Peut-être qu'ils sont sur le pont, on a eu quelques dégâts lors du précédent voyage. Quelqu'un doit passer dans l'après-midi pour commencer les réparations.

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