Cela faisait maintenant six jours que le chasseur avait quitté Saldek en direction de la capitale qui se situait au Nord. Il avait plutôt bien récupéré de sa mésaventure. Bien que Bringsir avait encore beaucoup de blessures visible, il avait repris des couleurs, ainsi que du poids et surtout de la force. Il pouvait désormais faire un pas de plus dans le cheminement de son plan.

Ce matin, le temps était des plus agréables. Le jeune homme avait repris la route juste avant le levé de soleil pour pouvoir l'admirer. Passant son temps sur la route, c'était quelque chose d'habituel, même banal, mais il ne se lassait jamais d'entrevoir les premiers rayons du soleil à l'horizon qui ne manquaient pas de le frapper pour l'occasion par leur chaleur bienveillante en cette période de l'année. Le mois en cours était tout de même encore un peu frais, mais Bringsir s’estimait plus qu'heureux par le temps qui l'accompagnait sur sa route. Le ciel était totalement dégagé, tout juste un léger vent qui faisait frémir notre ami, accompagné de la rosée du matin. Il ferait sans doute encore bon aujourd'hui. La Terre de Faras était dotée d'un des climats les plus appréciés dans tout Madelle. Il s'agissait d'un endroit tempéré, la brise en cet endroit était un vrai délice et la chaleur réchauffait n'importe quel homme.

Bringsir reprit une autre habitude. La veille, il avait eu la chance de tomber sur un pommier et il ne s'était pas gêné pour faire quelque réserve pour au moins en avoir jusqu'à sa prochaine destination. Il sortit une pomme verte bien mûre de son baluchon, l'essuya dans sa manche, avant de la croquer de pleine dent. Le jus s'écoula légèrement sur les côtés de sa bouche alors qu'il mâchait vivement. Le fruit était sucré comme il le fallait avec une pointe d'acidité, parfait comme en-cas pour un début de journée.

Tout juste en fin de matinée, aux alentours d'onze heures, Bringsir arriva dans un petit village. Il se posa un instant pour admirer le décor qui l'encerclait. Les lieux étaient entourés de champs de récolte où les fermiers s'activaient à préparer les terrains pour cette année. Au-delà, de larges plaines verdoyantes à perte de vue recouvertes à divers endroits par des fleurs de toutes les couleurs, entrecouper de regroupement d'arbres qui faisaient des petites forêt, lieu parfait pour les chasseurs. Vers l'Est, avec ce temps, on pouvait même apercevoir une petite chaîne de montagne au loin, un vrai paradis.

Le chasseur arrêta une jeune femme qui passa près de lui. Il lui demanda gentiment où il pouvait se désaltérer et manger un bon plat de viande avant de reprendre la route. Elle lui rendit tout d'abord un tendre sourire avant de lui indiquer le chemin vers la taverne local et lui précisa que s'il désirait y passer la nuit, la patronne faisait louer des chambres pas trop chère. Bringsir la remercia chaleureusement et reprit la route vers le lieu que lui avait montré cette femme.

C'était vraiment un tout petit village d'une vingtaine de maisons même pas. Tous les bâtiments principaux étaient regroupés en son centre avec au milieu le puits qui les alimentait en eau. Il ne fallut pas plus de deux minutes pour que le chasseur atteigne la dite taverne et entra sans plus attendre.

Les lieux commençaient à être bondé. L'heure du repas avançait grandement et beaucoup de personne avait entamé l'apéritif, certain plus que d'autres. Bringsir jeta un regard sur tout ce qu'il l'entourait et se rappela un instant la dernière fois où il avait été dans ce genre d'endroit. Cela n'avait rien à voir avec les tavernes qu'on pouvait trouver dans les grandes villes qui étaient remplies de gens sou du matin au soir, prétextant à la moindre occasion une excuse pour se battre avec le premier venu. Ici, tout avait une allure plus convivial et serein. Il pourrait même revenir ici une fois qu'il aurait retrouvé Navi. Un tel endroit lui plairait sûrement.

Après avoir fait le tour avec ces yeux une première fois, il insista sur une personne qui se trouvait au comptoir. Une jeune femme avec une crinière de feu et un arc au dos, habillé de cuir. Elle ne lui était pas inconnue, mais où l'avait-il déjà vu ? Elle avait l'air d'être occupé avec le patron, une carcasse devant eux, sans doute une prise fraîche de ce matin, mais Bringsir ne voulait pas attendre. Il chercha encore un instant où il aurait pu rencontrer cette personne, mais ne trouvant pas, il se dirigea vers eux pour remettre les choses aux clairs en espérant qu'il ne se soit pas trompé en confondant avec une autre femme qui lui ressemblerait.

La moitié d'une carcasse de Nyama reposait sur le comptoir. Les autres morceaux ainsi que les cornes étaient encore sur le dos d'Osmund qui devait s'impatienter dans l'écurie. Le denmyus n'avait pas apprécié quand Adéla l'avait chargé en lui promettant un bon bain près cela. Les morceaux entassés dégoulinaient encore de sang sur le bois du bar. La prise était fraîche, pour cela il n'y avait pas à redire, mais il n'y avait rien à faire, l'aubergiste n'en voulait pas ! Accusant Adéla d'être une voleuse et une récleyès.

Se mordant la langue, l'ancienne en a assez d'être ainsi insulté. Ce n'est pas la première fois qu'on la prend pour une Récleyès depuis leur retour, mais cela s'est aggravé quand ils ont détruit l'arbre. Cet arbre qu'elle avait vu durant toute son enfance, comment pouvait-on la prendre pour ces êtres abjectes qui avait réduit en cendre son foyer, ne lui laissant aucune chance de le revoir un jour. Les poings serrés, Adéla retient sa colère au plus profond d'elle aussi longtemps qu'elle put, mais finit par craquer :

- Fermez là ! Si vous n'en voulez pas, pas de problème ! Je vais moi-même découper la viande et la vendre aux villageois.

- C'est ça déguerpissez ! On en veut pas des gens comme vous dans le coin !

- Ha ouais ?! Et les cons dans votre genre peuvent espérer un peu d'argent en soûlant les autres c'est ça ?

Le regard que l'aubergiste lui lance n'était pas aussi enflammé que celui de la chasseuse qui remit tout son butin dans son sac de toile et sortit en furie de l'établissement. Elle laissa la porte ouverte en grand en sortant alors que l'aubergiste lui hurlait dessus une dernière fois. Elle l'insulta sans se retourner et se dirigea directement vers la petite écurie à côté de l'auberge pour récupérer Osmund. En la voyant revenir avec le sac plein il hennit et recula de mécontentement. Adéla lui répondit :

- Oui ça va ! On va installer un campement à l'orée du village et te décharger.

Le denmyus la suivit quand elle ouvrit son box, la bousculant presque pour sortir le premier. Il s'arrêta devant l'auberge et hurla dessus. Adéla avait agi par colère, maintenant qu'elle n'avait plus l'aubergiste en face d'elle, elle se demandait si elle allait réellement réussir à découper la viande correctement et elle doutait encore plus de réussir à la vendre. L'aubergiste ne mettrait pas longtemps avant de répandre des calomnies à son sujet, il y avait un risque que les villageois ne lui accordent pas leur confiance si facilement.

Osmund se dirigea vers la sortie du village, à peine dépassa-t-il les dernières maisons qu'il quitta le sentier pour s'aventurer dans le bocage. Plusieurs champs encadrés le village, eux-mêmes étaient entourés par des tallus surmontés de haies. Derrière les champs de céréales se trouvait une prairie elle aussi délimitée par des haies. C'était le seul endroit aux alentours à être protégé du vent. En continuant sur la route, il n'y avait plus que verts pâturages et un arbre tout les cinq kilomètres.

Adéla comprit pourquoi Osmund voulait allait là-bas, mais elle le rattrapa et le ramena sur la route. Mieux valait éviter de s'attirer la colère du propriétaire de la prairie où il y avait plusieurs moutons et quelques nyama. Osmund se laissa faire. Ils marchèrent moins de cinq minutes quand ils virent qu'il y avait un arbre dans la haie du dernier champ. Parfait, ils pourraient s'abriter en restant à l'extérieur. Osmund se laisse tomber par terre en arrivant et se secoua. Adéla hurla sur lui plus par peur que par colère, car les cornes du nyama pouvaient être redoutables et frôlèrent l’encolure du cheval.

Il se releva et se secoua à nouveau avant de déguerpir en courant. Adéla commença alors à tout ranger, puis elle étala un large sac de toile par terre et posa son couteau à côté. Elle sortit alors l'abdomen du nyama qu'elle avait chassé deux jours auparavant. Elle entailla la viande comme elle le put. C'était la première fois qu'elle se retrouvait avec une prise aussi grosse à devoir découper elle-même. D'habitude elle arrivait toujours à convaincre l'aubergiste ou le boucher du coin, les quelques fois où elle n'avait pas trouvé preneur il ne s'agissait que de quelques lapins. Là c'était une toute autre affaire.

Sa main glissa sur le ventre de l'animal alors qu'elle essayait de l'ouvrir en deux pour en sortir les boyaux. Plusieurs mèches de feu tombèrent en travers de son visage qu'elle remit derrière son oreille sans se préoccuper de sang sur ses doigts.

Plus il s'approchait, plus il pouvait entendre la conversation et celle-ci ne semblait guère convenable. La femme se faisant traitée de Récleyés, prit la meilleure des solutions en quittant les lieux. Elle passa à côté de Bringsir sans même y faire une quelconque attention, avant de sortir en poussant violemment la porte.

Le jeune homme se rendit à son tour au comptoir pour toucher deux mots au propriétaire. Il lui demanda qui elle était et qu'est-ce qu'elle faisait là. Le tavernier lui expliqua que c'était sans doute une de ces brigands venant du Sud et qu'elle voulait lui vendre ces déchets. Le voyageur trouva que ça semblait plutôt gros et qu'il s'emportait sans doute sur ces propos, mais il restait buté. Bringsir lui fit alors un sourire avant de lui envoyer son poing au visage. Il n'avait pas totalement repris toutes ses forces, mais il en avait assez pour envoyer ce bougre au sol. La salle devint des plus muettes et tous les regards se retournèrent sur la scène. Le jeune homme fit demi-tour pour sortir d'ici, pendant que le propriétaire peinait à se relever.

Une fois dehors, Bringsir chercha du regard où la femme pouvait être parti, mais ne la trouva pas. Il se précipita alors vers la foule, questionnant tous les passants, leur demandant s'ils avaient vu une femme, en donnant le maximum d'informations à savoir qu'elle était rousse et surtout avait un gibier avec elle. Au bout de cinq minutes, une personne lui indiqua qu'elle pouvait se trouver à l'étable. Le jeune homme n'attendit pas et s'y précipita, mais ne trouva rien. Il commença à regarder au sol. Il y avait un box ouvert et des traces d'empreinte d'animal. Sans doute un cheval ou un denmuys, en tout cas il était passé récemment, alors le chasseur se mit à les suivre.

Bringsir repassa tout d'abord à nouveau devant l'établissement de l'imbécile. Il l'avait sans doute manqué de peu tout à l'heure. Le jeune homme lança un dernier regard vers la taverne et continua de suivre les traces qui le conduisirent en dehors du village. Il ne devait pas avoir énormément de retard sur elle. Au vu des empreintes, la bête marchait au pas, ils ne devaient pas avoir plus de dix minutes d'avance sur lui. Bringsir pressa le pas et la rattrapa effectivement très vite. Cette dernière avait fait halte tout de suite après avoir trouver un lieu idéal pour monter son bivouac.

Le voyageur, tout en s'approchant délicatement, aperçut un denmuys qui se baladait non loin de là, sûrement la monture de la femme. Il continua encore d'avancer, mais fît tout de même un peu de bruit pour ne pas plus faire peur à la dame. Elle était en train de dépecer un nyama et pouvait se blesser en faisant un mauvais geste si Bringsir lui faisait peur.

-Bonjour madame, excusez moi de vous interrompre pendant votre occupation, mais je vous ai vu tout à l'heure dans la taverne et je ne trouve pas qu'on vous y est bien accueilli.

L'homme continua dans cette direction en lui demandant si elle avait besoin d'aide avec cette carcasse, qu'il était aussi chasseur et qu'il pourrait l'aider à la couper convenablement. D'autant qu'il y avait du sang partout et qu'elle en avait plein les mains, mais aussi au visage. Bringsir posa son paquetage et sorti lui aussi son couteau. Il s'approcha de la femme et l'aida dans sa manipulation en gardant le silence, du moins un instant.

-Excusez-moi à nouveau, mais vous m'êtes familier. On ne se serait pas déjà croisé par le passé ?

Pourtant physionomiste, le dernier traumatisme qu'il avait connu n'était pas restés sans conséquence. Il avait toujours des séquelles et à voir, des pertes de mémoire antérieur à la guerre. Avec un peu d'aide, il se rappellerait sûrement les souvenirs du moment où il avait déjà vu cette femme et peut-être d'autre encore. Dans tous les cas, il passerait une après-midi détente à s'occuper du nyama.

L'air était frais et le ciel recouvert de nuages, laissant peu d'occasions au soleil de réchauffer Adéla. Elle n'en avait que faire, cela faisait longtemps maintenant qu'elle errait sur les routes et elle avait appris à supporter la rudesse des climats. Le vent était ce qu'elle détestait le plus, surtout quand elle n'avait rien pour attacher sa chevelure. Aujourd'hui il ne faisait pas très chaud, mais pour le moment le vent soufflait à peine. Concentrée sur le nyama, elle avait encore les mains dans les tripes de l'animal quand quelqu'un l'interpella.

Elle fut bien plus surprise par l'amabilité de l'homme que par son arrivé. Il fallut quelques secondes à Adéla pour qu'elle se rende compte qu'elle connaissait ce visage. Même si les années avaient passé depuis leur rencontre, elle ne pouvait oublier le visage de celui qui l'avait aidé lors de sa fuite de la forêt. Il l'avait sorti d'un mauvais moment dans une taverne et à l'époque elle l'avait au départ pris pour un chevalier. Son nom lui échappait, mais elle était sûre qu'il s'agissait de lui. Elle reconnaissait son visage et sa voix légèrement grave.

Une fois de plus, il venait à son secours. Adéla n'avait jamais été très démonstrative dans ses sentiments, elle préféra garder le silence et attendre de voir s'il la reconnaîtrait, dans tous les cas, elle invita avec joie sa proposition :

- Un coup de main ne serait pas de refus ! C'est la première fois que je me retrouve avec un gibier aussi gros à dépecer et découper moi-même.

Elle le laissa s'approcher et lui demanda de lui tenir l'abdomen de l'animal pendant qu'elle en retirait tous les abats. C'était un digne d'un petit cochon qu'elle faisait. Éclatant les organes en les saisissant trop fort, arrachant d'un coup sec ceux qui résistaient un peu trop. Elle fit plus d'une fois jaillir du sang de l'animal. C'était à prévoir, avant qu'il n'arrive, elle avait déjà recouvert ses bras et sa chemise de sang.

Alors qu'elle avait terminé et s'essuyer le surplus de sang sur un tissu déjà taché de sang, il lui demanda enfin s'ils ne se connaissaient pas. Un petit sourire en coin se glissa sur les lèvres d'Adéla. Elle n'aurait pas pu attendre plus longtemps avant de lui en parler :

- Dans la plaine isolée il y a deux ans à peu près, je sortais tout juste de la forêt des Mirlis. Je crois bien que c'est vous qui m'aviez aidé à payer mes premières bières. Je m'appelle Adéla. Excusez-moi, j'ai oublié votre nom... Bernard ?

Elle n'était vraiment pas convaincue et espérait qu'il ne serait pas vexé. Elle était persuadée que son nom commencé par quelque chose comme "Be" ou "Bre", mais pas moyen de s'en souvenir !

Bringsir s’exécuta dans la tâche que la femme lui demandait. Il aurait pu lui proposer de le faire lui-même, mais il semblait qu'elle préférait garder les directives, même si elle en mettait partout. Le jeune homme ne voulait pas la froisser et puis il était toujours occupé à se demander où il l'avait déjà vu et apparemment elle faisait de même.

Alors qu'elle était en pleine manœuvre, elle s'exclama d'une possible rencontre qui se serait produit il y a quelques années près de la forêt de Mirlis, pendant une bagarre, mais tout cela ne disait pas grand chose au jeune homme. Il avait tellement l'habitude de se fritter dans les tavernes qu'il avait du mal à se remémorer cette histoire, du moins jusqu'à ce qu'elle se présenta sous le nom d'Adéla.

À ces mots, la lumière grimpa jusqu'en haut et Bringsir commençait à s'en souvenir. C'était à Helpo plus précisément et ce qui fit tilt en lui, c'était que juste avant, il venait de passer plusieurs jours à marcher sans boire dans le désert au nord de la ville, après avoir visité un étrange lieu. Il était content de s'en rappeler et qu'il avait bien déjà vu cette personne malgré sa tentative pour retrouver le prénom du voyageur qu'elle commença à nommer Bernard.

Le jeune homme l'arrêta de suite et se présenta de nouveau en tant que Bringsir. Il la remercia d'avoir tout de même réussi à retrouver la première lettre de son prénom et contre son habitude, le voyageur se laissa à prendre du bon temps dans la conversation avec elle.

Le temps passait et Bringsir, pendant qu'il soutenait Adéla, continuait à raconter ses récits sur ces aventures qu'il avait vécus pendant ces deux dernières années notamment de la guerre contre les Récleyés et sa captivité.

-Mais ne t'inquiète pas, je vais m'en remettre ! Ahah !

Il était vrai qu'il ne payait pas de mine, mais c'était déjà beaucoup mieux par rapport à avant. Il n'avait pas connu pire état lors de sa rencontre avec Nevaeh et en le voyant à Saldek, la plupart des gens à qui il avait adressé la parole pensaient qu'il ne s'en remettrait pas. C'était bien sans mal le connaître. Bringsir était infaillible sur sa volonté de vivre, malgré que son insensibilité à la peur le conduisait bien trop souvent dans des situations plus que critiques et puis il ne pouvait se résoudre à abandonner Navi comme cela. Déjà qu'à leurs retrouvailles elle lui passerait un savon, mais s'il devait mourir avant, elle ne lui pardonnerai jamais.

En se remémorant la jeune fille, le voyageur en profita pour amener le sujet dans la discutions. Que son but était de rejoindre la capitale et de se préparer à la plus grande chasse qu'il ne lui avait été donné de faire, car pour retrouver cette petite, il lui faudrait déployer tout son talent de traqueur.

-Mais et toi, que vas-tu faire maintenant ? D'ailleurs, désolé de te tutoyer, si cela te gêne, tu peux me le dire...

Bringsir déblatérait tellement sur lui qu'il n'avait pas vraiment laissé la jeune femme parler. Peut-être qu'elle allait elle aussi vers Terna et qu'il pourrait ou tout du moins faire un bout de chemin avec Adéla. Il était toujours appréciable de voyager en compagnie de quelqu'un et cela faisait tout de même longtemps que le jeune homme n'avait pas passé autant de temps seul. Un peu de compagnie ne pouvait pas lui faire de mal...

Décidément, ce Bringsir était une source intarissable. Alors que la chasseuse essayait de comprendre les bons gestes pour apprendre à correctement dépecer un animal de cette envergure, le chasseur de titans lui racontait toutes ses aventures. Elle hochait de temps à autre la tête, ne cherchant pas à avoir plus de détails qu'il n'en donnait déjà et essayant de se concentrer sur la viande qui glissait entre ses mains.

Même si sa première préoccupation était de réussir à découper cette bête pour la vendre et avoir de quoi de payer une chambre dans le prochain village, elle n'en était pas moins impressionnée par toutes les histoires de Bringsir. Son attitude était un peu trop vantarde pour la chasseuse qui venait de passer des mois isolée sans ce soucier du retour des récleyès ou discordes sur son chemin. Pourtant ses exploits n'en étaient pas moins héroïques et par moment, elle délaissa la découpe de la viande pour l'écouter un bref instant avant de se concentrer à nouveau sur la carcasse.

Elle resta malgré tout un dubitative quand il lui raconta ses chasses les plus impressionnantes, elle avait du mal à croire qu'un homme dans son état ait affronté seul de tels montres. Puis vint le récit de son affrontement contre les Récleyès et sa fuite pour revenir en territoires libres. La chasseuse comprit alors pourquoi il avait le visage creusé, les cernes lourdes et de multiples blessures lui couvrant le corps. C'était à peine s'il s'était soigné, ne prenant même pas la peine de bander ses plaies.

Il lui confia alors vouloir continuer de voyager pour rejoindre la capitale de la région. Après avoir évoqué les récleyès, la jeune femme s'était un peu renfermée, se concentrant plus sur la viande que le récit du jeune homme. Elle n'avait pas pris part à la guerre, ces choses étaient à des années lumières de ses tracas. Elle essayait simplement de trouver son chemin dans ce monde où elle avait l'impression de ne pas avoir sa place. Elle qui avait fui son foyer et eut trop honte pour rentrer se retrouvait maintenant très certainement orpheline.

Elle aurait du courir les rejoindre quand elle avait entendu parler de l'attaque de Saona par les récleyès. Mais non... Elle avait continué de chasser en se tenant à l'écart des gens pour ne pas être confronté à la triste réalité. Seule au milieu de la nature et des animaux, elle avait vraiment l'impression d'être libre et voilà que ce chasseur aux exploits extraordinaires sorti de nul part lui proposait de se joindre à lui pour retrouver "la petite" comme il l'avait nommé.

Sa fille ? Sa sœur peut-être plutôt, il était trop jeune pour avoir une adolescente. La chasseuse avait terminé de retirer toute la viande du morceau de carcasse devant elle, mais elle continua de racler les os sans trop savoir quoi lui répondre :

- Tu trouveras des pisteurs plus expérimentés une fois en ville. Je ne suis qu'une chasseuse de petits gibiers.

Elle posa son couteau et mit la carcasse derrière elle avant de prendre une jambe de l'animal pour commencer à la découper. La chasseuse reprit son couteau et le garda en main en le faisant tourner à la verticale sur la cuisse de l'animal :

- Je n'ai rien prévu. Tout à l'heure j’essayerais de vendre quelques morceaux de viandes au villageois et après je reprendrais la route pour le prochain village. J'approvisionne les auberges, tavernes et boucheries que je crois sur ma route. Je n'ai pas besoin de plus.

L'ancienne ne savait jamais où elle serait le lendemain, laissant parfois le total contrôle à Osmund qui les faisait arriver en plein milieu de nul part à la nuit tombée. Cette vie loin de tout lui convenait, enfin c'est se qu'elle persuadée pourtant si ses clients étaient avant tout des aubergistes ce n'était pas pour rien. Alors qu'elle passait ses journées à fuir la civilisation, une fois la nuit tombée elle aimait se mêler à la population pour profiter des joies et enivrements des soirées. Mais une fois l'aube arrivait, elle repartait toujours avec l'impression de ne pas avoir réellement sa place.

Lui aussi avait l'air d'être un marginal, mais il avait une famille qu'il voulait retrouver. Pendant une fraction de seconde, la chasseuse se dit que peut-être elle pouvait l'aider, puis elle pensa à nouveau à tous les récits qu'il lui avait raconté et elle eut l'impression de ne pas être à la hauteur. Et puis ce n'était pas un petit service qu'il lui demandait, elle n'avait pas envie de lui être redevable pour son aide avec la carcasse du nyama. Elle s'assurait toujours de ne plus avoir de lien avec quiconque quand elle partait de quelque part, que ce soit une simple dette ou une relation.

Elle reposa le couteau et s'essuya les mains énergiquement contre son pantalon pour ensuite ramasser sa besace et en sortir quelques bandages un peu usés, mais tout à fait propres. C'était un échange équitable selon elle, elle lui proposa en les lui tendant :

- Tu devrais bander tes blessures pour qu'elles ne s'infectent pas. J'ai de l'alcool aussi, tu veux que je te donnes un coup de main ?