Des cris derrière eux leur donnèrent un coup de fouet, et ils reprirent leur course sans avoir le temps de parler plus longtemps. Leur but était d’atteindre les portes du village pour y être à l’abri. En courant, Madène n’avait pas le réflexe ou la capacité de s’accrocher à Ellen, qui finit par lui échapper quelque part dans la descente de la colline. Elle resta près d’eux et continua à les suivre. Madène en était soulagée : au moins elles avaient pu se séparer sans que cela signe la destruction de la femme, qu’elle avait commencé à apprécier. Vu ce qui s’était passé avec Emilie la dernière fois, alors qu’elle n’avait pas du tout voulu faire cela… elle culpabilisait encore un peu de l’avoir complètement absorbée.

Ils arrivèrent enfin, et la garde qui surveillait la porte parut surprise de voir arriver Erick en courant, accompagné d’une étrangère. Elle n’eut pas le temps de poser de question, l'herboriste lui lança un regard noir mais ne s’arrêta pas pour lui reprocher de ne pas être venue à sa rescousse elle-même. Il connaissait suffisamment bien Elina pour savoir qu’elle avait dû alerter toutes les personnes susceptibles de pouvoir l’aider au sein du hameau avant de demander l’aide d’une voyageuse de passage, et que si elle s’était trouvée réduite à cela, c’était que personne n’avait répondu à son appel à l’aide.

Lorsqu’il poussa la porte de sa soeur vivante, le fantôme de la deuxième le suivit, mais Madène resta à l’extérieur. Elle ne se sentait plus à sa place ici. Elle n’osait pas non plus partir, comme Elina lui avait promis un toit pendant quelques jours, et qu’elle ne voulait pas laisser passer une telle occasion. Il ne fallut que quelques minutes à la vieille femme pour sortir et l’inviter à entrer elle aussi. Elle lui était extrêmement reconnaissante d’avoir excédé ce qu’elle lui avait demandé, et d’avoir réussi à secourir son frère. Ils tentèrent de lui expliquer ce qui s’était passé, mais la Namès n’avait que peu d’éléments de réponse par rapport à la présence d’Ellen. Elle essaya de faire l’intermédiaire entre eux, mais cet arrangement n’était vraiment satisfaisant pour personne, et les messages à faire passer finirent par s’arrêter. Des fois, Madène était un peu jalouse de leur vie de famille. Elle se rappelait avoir eu cela, autrefois avec sa mère, mais ce n’était plus le cas maintenant, malheureusement. Elle n’aurait jamais imaginer penser cela un jour, mais à présent il ne lui restait plus que le voyage.

Dès le lendemain, la petite routine s’était remise en place, les plantes d’Erick nécessitant une attention quasi-journalière. Il s'était cependant arrangé avec quelques habitants pour qu'ils l’accompagnent dans sa journée afin d'éviter d'éventuelles mauvaises surprises. D'autres s'étaient mis à la recherche des ravisseurs, car aucun ne voulait permettre à des voleurs de les priver d'une de leur sources de revenus principales. Madène ne trouvait plus sa place dans ce village qui s'était réorganisé provisoirement autour de l'un des leurs, même si la gentillesse d’Elina la faisait hésiter à rester. Elle préféra les quitter et reprendre son périple vers le sud.