Je lisse les plis de ma robe avant de m'approcher. Ma cible semble être en train de répondre au garde mais des applaudissements emplissent la salle, félicitant les musiciens venus au terme d'un morceau aussi splendide qu'ardu, m'empêchant de distinguer ses paroles. Je me place derrière l'homme mais ne cherche pas à comprendre ses paroles. Avec un mine patiente de la jeune femme attendant son tour pour parler, je m’escrime à détacher sa bourse de sa taille sans éveiller ses soupçons ou ceux des hommes et femmes aux alentours. Mais alors que le cordon lâche enfin, me donner le précieux sésame, l'homme remarque sa présence et se retourne pour me dévisager.

« Je peux faire quelque chose pour vous, Dame de Faertas ? » Tous les projecteurs sont sur toi, ma jolie, mets le paquet, c'est ton moment. Le garde semble ravi que je lui offre enfin une échappatoire à la discussion stérile qu'il entretenait avec son précédent interlocuteur. Je suis surprise qu'il ai retenu mon nom mais je suppose que ce n'est pas pour mes beaux yeux mais pour pouvoir me retrouver en cas de vol ou autre problème qui aurait pu avoir lieu au cours de la soirée. Je n'aurais pas pu rêver mieux pour introduire ce que j'ai l'intention de faire. Winter, c'est le moment où jamais de découvrir si tu as véritables talents d’enquêtrice ou si tu n'es qu'une nouvelle victime des clichés et de la stigmatisation.

Je me compose le sourire le plus innocent que comporte ma panoplie de masques. « Oui, en effet. » Je tends au garde la bourse que j'ai trouvé sur notre ami le gentleman en costard avec de grosses poches. Je me demande d'ailleurs si ce dernier est capable de reconnaître son bien ou si le suspens restera à son comble jusqu'au bout. Pour ma part, le suspens est complet et l'attente dure à supporter. « J'ai trouvé, je n'ai pas osé l'ouvrir. » Tandis que le garde la prend dans ses mains, je me permets d'ajouter : « Je me suis dit que vous la ramenez directement était certainement la décision la plus sage. » Et voilà, en deux phrases je te prouve que tu avais tort de te méfier de moi et de nous faire perdre notre temps à tous les deux.

Les deux hommes ont alors la même réaction en apercevant la bourse : un froncement de sourcils aussi soudain que prévisible. Je soupçonne le garde d'être tout simplement étonné par la tournure que prennent les événements. Quant à l'autre, je l'ignore encore et je ne saurais probablement jamais la vérité : a t il reconnu son bien ? Est il lui aussi sincèrement intrigué ? Le garde saisit alors la cordelette sécurisant le petit sac de cuir. Et alors qu'il la tire à lui, les pans de cuir tombent, dévoilant quelques bijoux étincelants. « Oh ! » Le visage de mon voisin s'est soudainement assombri, contrastant avec celui de l'agent de sécurité qui vient de s'illuminer, comme touché par la lumière divine. Le mien doit avoir subi le même sort tant je déborde de fierté. Eh oui, mon petit. On ne berne pas Winter Crystal Eliwën si facilement.

C’est avec une satisfaction sans précédent que je vois le visage du garde passer de la bourse à moi comme s’il tentait de comprendre comment moi, la jeune femme fatiguante qui n’était même pas invitée à ce grand bal, avait pu résoudre l’énigme que même la sécurité de la soirée n’avait pas résolu. Moi, j’ai la réponse : c’est parce que je traquais l’un de mes pairs et que je sais donc comment fonctionne les voleurs qui ne sont pas des amateurs. Suis je une traitresse pour vendre ainsi mes congénères parce que cela m’est profitable ? Non, bien sûr que non, nous sommes dans un monde où chacun est indépendant et si je ne travaille pas avec ce voleur alors je n’ai aucune raison de le favoriser.

Tiens, l’homme en question parlons en. Visiblement en proie à un stress intense, son front s’est couvert d’une fine pellicule de sueur, mise en valeur par les éclairages de la salle. A sa place, je ne sais pas ce que j’aurais fait : fuir pour être loin mais être suspect, attendre et le regarder droit dans les yeux pour soutenir que tu es innocent ? Mais place à l’artiste, nous verrons bien quel choix il fera. Pour le moment il attend, collectionnant petit à petit les différents marqueurs de stress : après la sueur, je vois sa respiration s’accélérer et ses yeux commencer à papillonner, probablement à la recherche d’une issue de secours. Cherche donc mon petit, cela t’apprendra à ruiner mon coup.

Le garde lève soudain la tête pour me regarder « Où l’avez vous trouvez ? » Dire ou ne pas dire, telle est la question. Ne pas dire que je suis une voleuse bien entendu et que c’est moi qui l’ai récupérer sur celui que j’identifiais comme le candidat le plus probable. « Je vous ai dit que je l’avais récupéré sur le sol. C’est un homme qui l’a déposé. » Je ne lance pas de regard à mon voisin mais je me doute qu’il cherche un moyen de se sortir de cette situation. « Blond, un peu foncé peut être, des habits avec des couleurs sobres, je dirais un haut blanc bouffant et un pantalon noir … » Tandis que je continue ma description, le garde se tourne vers mon voisin. Je retiens un sourire machiavélique. « Monsieur, malheureusement je vais devoir vous demander de me suivre. » Cette fois, le teint rouge et les grosses gouttes se sont ajoutés à la à liste de ses symptômes. « C’est une erreur… » L’homme bafouille, visiblement perdu. Le garde semble être conforté dans son choix par son attitude et ajoute avec calme : « Bien entendu monsieur, je suis sûre que nous saurons le prouver. »

A peine sont ils partis qu’un autre homme s’approche de moi. Large d’épaules, un regard intense et un charisme à faire pâlir un général d’armée, je comprends tout de suite que cet homme en costard n’est pas n’importe qui, bien que je ne sache pas de qui il s’agit. « Bien joué mademoiselle. » Il me tend alors une bourse qui semble particulièrement lourde. « Peu importe le nom que vous vous plaisez à vous donner, vous avez bien agit ce soir. » Puis il tourne les talons et disparaît dans la foule. Je ne saurais jamais de qui il s’agit mais j’ai trouvé mon maître semblerait il.