Alicia fut la première enfant de la famille Jelica, une famille de couturiers très renommés et très fortunés. Elle fut cependant suivie de près de sa sœur jumelle, Louisa.

Toutes deux ne connurent jamais de réel conflit ; à vrai dire, elles s’entendaient bien, pour le plus grand bonheur de leurs parents qui les gâtèrent et les chérirent. Un temps. Et puis, il faut croire que les joies de la parentalité les ennuyèrent étant donné qu’ils se désintéressèrent de leurs deux enfants adorées.

Comprenez, Robert Jelica était un homme occupé. Il n’avait certainement pas de temps à perdre. Léa Jelica était, pour sa part, bien trop paresseuse. Ou malade. Les deux demoiselles n’étaient pas bien mises au courant de la situation de leur mère…

Alicia ne comprit sa tare que bien trop tard. Elle ne s’intéressait ni à la couture, ni même à la mode. Elle était une Parlèm, et pourtant, ces robes dont on l’apprêtait ne signifiaient rien. Elles n’avaient ni formes, ni couleurs, et aucune ne trouvait grâce à ses yeux. Mais elle était une Jelica, et elle avait une image à tenir. Alors, il ne fut jamais question de la laisser se vêtir à son goût.

La nature fit que la jeune femme reçut son don de Vérité légèrement plus tôt que la normale ; à l’âge de treize ans. Ce fut d’ailleurs l’année où un nouveau petit être fit irruption dans la famille, bousculant alors l’équilibre déjà fragile des Jelica. Alicia et Louisa eurent beaucoup de mal à accepter l’arrivée d’Elerinna dans la famille, et la seule à définitivement l’accepter fut Alicia. Elle apprit à aimer sa petite sœur, mais ne lui témoigna jamais la moindre affection, se complaisant à travers les taquineries.

Toujours est-il qu’Alicia était une enfant turbulente qui inquiétait ses parents, s’amusant à torturer de petits animaux à l’aide de sa Vérité. Jusque-là, elle n’était pas encore bien développée, alors rien de fâcheux ne pouvait se produire, après tout. Et puis, sa mère décéda, laissa alors place à un terrible chagrin. Là, sa Vérité s’amplifia nettement. Alicia devint instable et dangereuse, cette Vérité étant bien trop puissante pour rester entre les mains d’une adolescente. Robert prit donc les mesures nécessaires : il fit appel à un maître mage, Louis. Après tout, Alicia devait bien apprendre à se canaliser.

Le temps défilait chez les Jelica, et Alicia en vint à ne plus pouvoir supporter son père qui ne prêtait d’attention qu’à la petite dernière. La mage désespérait du spectacle qui se déroulait devant elle : une enfant, prédestinée à coudre pour le restant de ses jours, quitte à rester à jamais sous la tutelle de son père et prête à épouser un homme qu’elle n’aimerait jamais. Et cette enfant-là n’aurait pas le cran de s’imposer, Alicia le savait. Elle prit sa décision : elle quitta le foyer pour suivre sa formation en 1245, en voulant terriblement à Elerinna de se plier à tous les désirs de son père. Elle coupa tout contact avec sa famille, excepté sa sœur jumelle Louisa avec qui elle resta très amie.

Sa formation suivait son cours où ils parcouraient Madelle dans le but de faire découvrir le monde à l’apprentie mage, jusqu’à ce jour fatidique où Louis décida d’abandonner la jeune et jolie Alicia à son sort. Il la battit, la dépouilla de toutes ses richesses et la laissa pour morte sur une route de campagne. La belle retrouva ses esprits et parvint à regagner Arnlo, ayant pour premier réflexe de rejoindre le manoir Jelica où Robert lui ferma les portes. Sa haine envers son père ne fit que s’accroître, mais la demoiselle décida de ravaler sa haine et de rejoindre Louisa qui lui ouvrit les bras.

Sa sœur, à présent mariée, lui fournit une coquette somme et de quoi se remettre sur pied. Elle lui fit également une promesse, la promesse de l’aider quoiqu’il advienne. Après tout, leur lien ne s’était jamais rompu.

Finalement richissime et mage aguerrie, Alicia repartit sur les routes dans l’espoir de faire le bien, d’exercer au mieux sa profession de mage ; mais aussi et surtout dans l’attente de préparer sa vengeance.