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Madelle | Forum RPG Heroic Fantasy
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Après vous, ma dame

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Winter C. Eliwën

Winter C. Eliwën

Maître des Ombres

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Message(#) Sujet: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeDim 6 Nov 2016 - 13:12




Après vous, ma dame


« On a dit que seul un être humain peut être libre. Moi il me semble que seul quelqu’un qui désire la liberté peut être libre. Je désire la liberté. »


Bienvenue dans un des coins les plus reculés de Madelle !

Le port du Dorkno a sa réputation et il en est tout à fait digne. Je pensais, en venant ici pour la première fois, que j’allais découvrir que les rumeurs que j’avais entendu à propos de ce petit port de pêche où la pauvreté est de mise était fausses et qu’elles avaient été inventées par des mauvaises langues voulant parler de ce qu’ils ne connaissaient pas. Seulement, je dois bien avouer qu’elles ne sont pas sans fondements. Sombre, peu accueillant -pour ne pas dire carrément repoussant-, hideux, sale … Pas de quoi attirer une grande dame ! Cela dit tant mieux, je ne suis pas une grande dame et je ne souhaite pas particulièrement me lier avec ce genre de personnes. La superficialité et les convenances me font fuir comme la chaleur chasse la glace. La petite ville côtière, accrochée à la falaise on sait pas trop comment et construite ici on ne sait pas trop pourquoi, doit peut être son ambiance à sa position géographique et à son accessibilité : respectivement lointaine et inexistante. C’est peut être aussi pour ça que les gens y sont aussi peu courtois -pour le peu que j’ai pu en voir du moins lors de mon précédent passage dans le port, il y a quelques jours ou quelques semaines peut être. Il paraît que les gens d’ici sont en colère contre le monde entier car ils ont été abandonnés par l’Autorité et par Eliosa qui ne leur amène plus le poisson dont ils auraient besoin pour vivre. A mes yeux, se détacher du Pouvoir est une chance et qu’ils ne maltraitent pas les êtres sous marins en est une autre mais je doute qu’ils partagent mon point de vue si je leur expliquais, ils sont bien trop étroits d’esprit.

Mes mains engourdies par l'effort s'agrippent à la jetée et je me hisse à la force des bras hors de l’eau. Il me faut m'y reprendre à plusieurs fois avant de réussir à atteindre la surface. Je me laisse tomber sur la digue de pierre malmenée par l'océan déchaîné et laisse ma seconde peau recouvrir la première. C’est assez étrange comme sensation et, pour ainsi dire, plutôt désagréable. Je me sens … lourde, engourdie, comme si je prenais soudainement dix kilos de graisse par dessus ma peau, camouflant ainsi tous mes récepteurs sensitifs. Cela dit, cette analyse ne doit pas être bien loin de la réalité des choses. Je m'assois prudemment et essors mes cheveux avant de me lever et me diriger prudemment vers la ville. Mes muscles tremblent suite à l'effort que j'ai dû fournir pour arriver ici en vie. Quelle idée de me donner rendez vous à Dorkno ! La personne que je dois rencontrée n'a vraiment pas conscience de la difficulté d'arriver ici ... Enfin, j'ai fini par arriver, je ne devrais pas me plaindre. Mais la suite ne me paraît pas plus enthousiasmante : je sais que je vais être la cible de quelques coups d’œil pervers pendant mon trajet jusqu’à la taverne mais, malheureusement, je n’ai pas encore trouvé de solutions à ce problème : sous l’eau, nos vêtements sont légers et d’un tissu très fins et très légers laissant peu de place à l’imagination concernant l’anatomie de la personne qui nous fait face. Les héléos sous leur forme naturelle n’apportent aucune importance à cette particularité vestimentaire puisque nous avons été élevés ainsi. C’est dans notre culture depuis toujours puisque nous ne pouvons tout simplement pas porter de vêtements lourds et enveloppants qui nous entraveraient une fois gorgés d’eau. Certes, nous pourrions porter des combinaisons mais nous sommes un peuple libre, qui aime sentir les courants contre sa peau. Tout cela pour dire que je suis maintenant sur la plage, seulement vêtue d’une robe fendue et transparente avec en option l’effet tee shirt mouillé. Et que cela sera ainsi jusqu’à ce que je rejoigne la taverne la plus proche : « Les Nuances de Gris ». Nom plutôt adapté si on en juge les couleurs de cette ville maussade.

Il ne me faut que quelques -longues longues- minutes pour grimper jusqu'à l’auberge -autre inconvénient d'une ville à la verticale : tous les chemins montent, comme si ce n'était pas assez fatiguant d'arriver jusque ici sans mourir. Je pousse la porte avec impatience et ne retiens pas mon sourire lorsque l’ambiance de la taverne m’enveloppe. Loin de l’univers morose de Dorkno, « Les Nuances de Gris » est un autre monde : des rires, des cris, des chansons et, comble du bonheur, une douce chaleur émanant de la grosse cheminée qui trône à l’autre bout de l’établissement. Certes, il faut faire fi de l’odeur alcoolisée mélangée à celle de la transpiration et des regards qui me déshabillent mais ce n’est pas vraiment dur puisque mon esprit est concentrée sur la personne qui, un franc sourire aux lèvres, me hèle depuis l’autre côté du bar : « Eh ! Winter ! Approche un peu, poupée ! » Je ris et traverse la grande salle sans attendre. J’esquive habilement une serveuse, une table, une chaise qui traine et un petit rat avant de passer derrière le comptoir en tendant les bras vers mon ami : « Lolo ! Ca va ? » Le tavernier me repousse en riant avec moi : « Tu es toute mouillée ma belle, change toi, je t’installe une table ! » Je le remercie et me dirige vers l’arrière salle lorsqu’il me demande : « Près de la cheminée cette fois ci ? » Je me retourne soudainement, les sourcils froncés : « Tu installes les héléos près du feu toi ? » Se rendant compte de sa bêtise, il s’excuse puis, avec un clin d’œil, me promet ma table préférée. J’ai bien vu en arrivant qu’elle était occupée mais je sais que Lolo saura me la donner quand je reviendrais changer dans cinq minutes.

Enfiler une robe sèche est désagréable en soit puisque je préfère l’humidité mais me savoir vêtue est tout à fait plaisant. Je me chausse également, contente de pouvoir traverser la taverne sans craindre les tessons de bouteilles, les éclats de verre ou encore de me faire marcher sur les pieds. Lorsque je reviens dans la salle principale, je remarque immédiatement que le propriétaire de l’établissement s’active dans « mon » coin : c’est une table à deux, à l’angle de la grande salle le plus éloigné de la cheminée. L’atmosphère y est plus fraiche, moins sèche et surtout beaucoup plus calme puisque les joyeux lurons et gros buveurs sont essentiellement autour de l’âtre. Une fenêtre aux joints rongés par le sel et le temps me donne vue sur l’océan. J’aperçois Lolo l’astiquer avec énergie, afin que je puisse admirer mon élément et cette attention me fait sourire. Alors que je m’apprête à le rejoindre, une voix puissante et claire -c’est toujours agréable d’entendre dans sa voix que quelqu’un est sobre- m’interpelle : « Winter ! Sale poiscaille ! Tu pensais pouvoir t’en tirer comme ça ? » Je souris, reconnaissant sans l’ombre d’un doute le propriétaire de cette voix. Je me tourne vers lui et le rejoins pour le prendre dans mes bras en guise de ‘Bonjour’ : « Toi aussi tu m’as manqué, Paol ! » Il me détaille, adopte un air de défi et me désigne la cible à fléchette disposée quelques mètres plus loin.  « Tu joues ? » Alors que je m’apprête à décliner son offre, il prend un ton plus insistant : « N’est ce pas, poiscaille ? » Je sais que je n’ai pas vraiment le choix : il me harcèlera jusqu’à ce que j’accepte. J’hoche vigoureusement la tête et le regarde lancer ces trois fléchettes. Ce garçon, que j’ai rencontré lors de ma première visite ici, est rudement fort. C’est un adversaire redoutable et un amant hors pair, tout pour plaire ! Je souris devant le défi et fais apparaître un nain de glace dans ma main. Fuselé et étincelant, il faut avouer qu’il en jette. Paol lève les yeux au ciel pour me signifier que j’en fais trop mais je lui explique : « Le lancer de fléchettes, c’est trop banal ! Tu devrais te mettre au lancer de nains ! » Je lance mon nain, qui explose au contact de la cible, laissant seulement le bout de son chapeau planté. Pas top comme tir. Malheureusement pour moi, les deux suivants ne valent pas mieux et je dois bien m’avouer vaincue. Alors que Paol fanfaronne, je lui promets une revanche et me tourne mon coin attitré : Lolo a fini de le préparer pour moi et m’attend patiemment.

Je le rejoins -non sans avoir tiré la langue à mon imbécile d’adversaire- , m’assoie à ma place habituelle et soupire d’aise en sentant un petit courant d’air marin passer par l’un des joints morts depuis longtemps pour venir caresser mon cou. « Tu prendras quelque chose ? » Je m’arrache à ma contemplation des eaux noires et agitées de la mer pour me concentrer sur la question du tavernier. « Hum, juste une assiette d’algues salées à grignoter pour l’instant s’il te plait ! Je prendrais la suite quand mon rendez vous arrivera. » Il sourit, fait semblant de noter ma commande et me lance en se dirigeant vers les cuisines : « Tout de suite, princesse ! » Décidément, j’aime bien venir ici.

Je ne sais d’ailleurs pas à quelle ce fameux rendez vous est sensé se pointer. De toute façon, c’est toujours comme ça avec les gens qui se pensent supérieurs. Pour peu qu’on travaille pour eux, ils se croient tout permis et se disent que nous autres sommes là pour les attendre et à être à leur disposition sans faire de commentaires. Certes, je ne suis pas sûre d’être capable de faire des commentaires en sa présence mais je n’en pense pas moi. Je suis une grande gueule, certes, mais je tiens à mon boulot. Voilà quelques mois que je travaille ardemment. Pas par appât du gain, non, uniquement par amour du risque, de l’aventure et par envie de dépasser les limites, d’aller toujours plus loin, toujours plus vite, pour toujours plus. Voler des vêtements et des étoffes héléos n’est pas franchement compliqué, seulement amusant. Oh, j’ai réfléchi pendant des heures à mille et un plan pour les dérober sans me faire prendre mais c’est finalement ça qui me plait : planifier, prévoir puis agir. Ok, souvent j’agis sans trop réfléchir mais j’étudie toujours le terrain avant. Un bon voleur est un voleur prudent. Je les pique un peu partout, dans les ateliers une fois la nuit tombée ou au petit matin, lorsque les ouvriers et ouvrières se changent aux vestiaires pour enfiler leur bleu de travail ou encore parfois en me faisant passer pour un acheteur riche qui payera la prochaine fois. L’usurpation d’identité est particulièrement amusante et je crois qu’il faudra un jour que je songe à en faire mon métier : métamorphe professionnel. Ca claque !

Lolo s’approche et me tend mon assiette. Les algues sont joliment disposées et le met sent bon la mer. Je le remercie et commence à le picorer, le regard perdu dans l’immensité de l’océan, agité par le mauvais temps qui se prépare et les courants marins causés par la présence des Pics de Terca. Il me tarde de savoir comment mon entretien va se dérouler et surtout de savoir si mes prises de risques en valait la peine. La première fois que je suis venue à Dorkno, j'étais mue par un esprit de compétition. Tout le monde répétait à Jioki que rejoindre le port était dangereux en raison des pics et des bas fonds contre les vagues vous laissaient sans pitié. Je ne sais pas si des Héléos y ont déjà perdus la vie et, à vrai dire, je ne veux pas le savoir. J'ai découvert à ce moment là que oui, venir à Dorkno était pire que dangereux. J'y avais donc passé quelques jours, testant quelques auberges moroses et dormant même une nuit dehors, avant de trouver « Les Nuances de Gris ». Là, j'avais reprit des forces, fait la connaissance de Paol et Lolo, appris à jouer aux fléchettes, volées quelques denrées pour payer mon passage puis j'avais reprit le chemin de la mer. Retourner à Jioki depuis Dorkno était bien plus facile que dans l'autre sens mais assez dur pour que je me promettes une chose : ne jamais revenir sans une bonne raison. L'entretien d'aujourd'hui était visiblement un assez bon motif pour que je me bouge, mais pas sans précautions cette fois : j'avais prit le soin d'apprendre à former des murs de glace, sorte de bouclier que j'espérais suffisants pour me sauver en cas de pépin. Inconsciente ? Oui peut être, n'empêche qu'après quelques heures d'entrainement à Jioki, j'ai réussi à revenir indemne pour profiter de la chaleur des « Nuances de Gris », des bavardages de mes deux compères et du retard évident de mon rendez vous.

2200 mots - Adrenalean 2016 pour Epicode



Dernière édition par Winter C. Eliwën le Mer 21 Déc 2016 - 15:08, édité 1 fois
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Elerinna Jelica

Elerinna Jelica

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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeSam 19 Nov 2016 - 0:08

Je vais et viens, et fais les cent pas. Je m’interroge encore au sujet de vos multiples facettes, Père. S’il est bien une chose dont je suis certaine, c’est que vous me menez à la baguette !

Du vol, allons bon ! Vous avez décidément le don de me mettre en courroux !

Vous qui m’avez toujours inculqué vos absurdes principes. Je vous cite : « l’honnêteté, ma fille, est la plus noble de toutes les vertus ». Vous êtes un hypocrite, Robert Jelica. Mais vous êtes mon père ; alors je ne vous traiterai point de scélérat.

Je grogne, rumine, et inquiète les bonnes qui passent. Vous, Père, vous vous êtes empourpré. De honte, je l’espère ; ou s’agirait-il de la température de votre thé ?

En tout cas, ne comptez pas sur moi pour m’asseoir à vos côtés. Je suis levée, face à la table, et je vous fixe, les bras croisés. Une explication, et plus vite que cela ! Qu’imaginez-vous ? Je n’ai tout de même pas la journée devant moi.

- Ma chérie, j’étais à ta place il y a encore quelques années. Ecoute-moi, au moins.

Je grogne de nouveau et vous tourne le dos. Vous ne méritez guère plus d’attention, Père.

- Depuis combien de temps louez-vous les services de ce voleur ?

Vous mettez un moment à répondre, dites-moi. La réflexion vous est difficile ? Vous êtes chanceux : vous pouvez remettre vos trous de mémoire sur le compte de votre âge.

- Très honnêtement, je ne m’en souviens pas. Mais il faut que tu saches que les tissus héléos sont coûteux pour nous autres humains ; et si nous souhaitons rester les premiers sur le marché, nous sommes contraints de nous démarquer par nos créations originales. Ces tissus nous sont indispensables. Et le coût des services d’un voleur sont moindres ; crois-moi, ma belle : ce sont les affaires. L’honnêteté n’est pas toujours de mise…

Je l’entends se lever, je me retourne aussitôt. Heureusement, une table nous sépare. J’ignore encore ce qui me retient de le battre !

- Vous savez ce que j’en pense, de votre voleur ? De la poiscaille de la pire espèce ! Voilà ce qu’il advient de vous mêler à cette race de malheur, vous voilà plongé dans la malhonnêteté ! Face à son air outré, je baisse d’un ton. Mais sèchement, j’enchaîne : Je vous faisais confiance, Père. Je sais à quel point l’Atelier Jelica est cher à votre cœur, voilà pourquoi je vous ai affecté à l’approvisionnement des tissus ! Mais, maintenant…
- Maintenant ?
- Je n’en sais rien ! Vous me décevez tant. J’expire expressément et détourne le regard. Comprenez bien que je ne peux vous regarder en face. Je suis certaine qu’Opale se fera une joie de se charger de l’approvisionnement de nos tissus.

Bien, ma déclaration a sur vous l’effet escompté. Vous semblez pétrifié. A dire vrai, je me sens ingrate de tenir de tels propos, vous qui m’avez tout offert. Les mots ont dépassé ma pensée ; je m’apprête à m’excuser, mais vous me coupez en haussant votre main. Vous prenez un air grave, et déclarez :

- J’en reviens à ma question initiale. Iras-tu à ce rendez-vous au Port du Dorkno, oui ou non ?

Je soupire à l’idée d’y mettre les pieds. Cet endroit serait si miteux, à ce que l’on m’a dit, que les habitants y auraient du mal à se nourrir. Ils pêchent et vivent sans grands biens. Je ne veux pas me mêler aux petites gens, et pourtant, les affaires m’y appellent.

Je dois mettre les choses au clair avec ce voleur, et une missive ne saurait exprimer le fond de mes pensées. Effectivement, je me dois de le renvoyer. En bonnes et dues formes.

A fleur de peau, je rétorque :

- Fort bien ! Je m’y rendrai. Mais attendez-vous à m’entendre, dès que je reviendrai.

Vous haussez un sourcil. Que voulez-vous donc me faire comprendre, Père ? Oui, je suis votre fille, et je vous révère. Mais les affaires sont les affaires, et vous n’êtes plus celui qui tirez les ficelles ! Vos erreurs vous coûteront cher, et votre malhonnêteté ne restera impunie ; j’en fais une affaire personnelle.

- Dans ce cas, je me retire. Mais attention, Elerinna. Tu me dois beaucoup, ne l’oublie pas.

Ce que je vous dois ? Je suis votre héritière ! Je me retiens d’exploser, et puis, de toute manière, vous sortez. Me voilà seule face à cette situation. Une fois encore, je me dois de trouver une solution. Je soupire, m’effondre sur une chaise et prends ma tête entre mes mains. Puis j’entends une voix familière qui me parvient :

- Mademoiselle Elerinna, la voiture pour le port est prête. J’ai réuni vos affaires, et j’ai…
- Bien Opale, tu auras droit à une friandise. Je rouvre les yeux, et les pose sur elle. Elle a l’air scandalisée, mais je n’en ai cure. Partons, qu’on en finisse. L’héléo va très certainement nous attendre…

Elle hoche la tête et quitte la pièce, je la suis. Jetant, au passage, un œil à ma toilette dans un miroir. Nous voilà donc partis pour le port du Dorkno, et pour la première fois, une terrible boule d’angoisse se forme dans mon estomac.

***

Le Port du Dorkno, quel charmant endroit. Je fixe avec médisance ce que je peux voir de ma petite fenêtre ; nous y sommes presque, et je regrette.

Je m’enfonce dans la banquette, maudissant mon paternel. Je ne suis pas encore arrivée qu’Arnlo me manque déjà. J’espère simplement que je n’aurai pas à passer la nuit là… Tiens, Opale vient de se réveiller. La pauvre devait être épuisée, après tout, voilà quelques heures que nous avons démarré.

Je réajuste mon chapeau à plume et me redresse. D’un geste, je défroisse ma robe, et à ma servante, je m’adresse :

- Tu te réveilles à pic, nous arrivons. Elle baille et passe lentement une main dans sa longue chevelure de jais.
- Je regrette, mademoiselle. Je crains que le sommeil ait eu raison de moi.
- Rien de grave, j’ai moi-même failli m’endormir. Je ne m’attendais pas à ce que ce voyage s’avère si long.
- Le chemin est escarpé, ma dame. Les chevaux ralentissent au fur et à mesure que nous approchons.
- Quelle misère…

Elle acquiesce d’un hochement de la tête et plonge une main dans son sac -l’une des créations dont je suis la plus fière-, en sortant une enveloppe légèrement froissée. Elle en extrait la lettre, et, calmement, en lit le contenu.

- Mademoiselle Elerinna, nous avons rendez-vous à l’auberge des Nuances de Gris.
- Les Nuances de Gris ?
- C’est bien cela.
- Ce nom ne m’est pas inconnu… Enfin, peu m’importe. Je regarde à mon tour par la fenêtre. La pente se fait raide ; j’espère simplement que l’on ne nous demandera pas de continuer à pied. Tu as parlé d’auberge ; nous y passerons donc la nuit ?
- Bien sûr ; nous avons réservé trois chambres pour le personnel et une pour vous. Ce ne sera pas le grand luxe, mais vous savez, il s’agit du Port du Dorkno, alors…
- Pourquoi ne partons-nous pas ce soir ?
- Mademoiselle, nous n’avons aucune idée de la durée de votre rendez-vous, et nous ne pouvons voyager de nuit. Vraiment, ma dame ; je suis certaine que vous serez si épuisée que votre lit vous semblera confortable.

J’hausse les épaules et enfonce mon chapeau sur mon crâne. J’en suis presque outrée ; je suis une dame ! Dormir dans une auberge ? Malheur, on ne m’avait encore jamais fait un tel affront. Enfin, une fois encore, je devrai prendre sur moi. A quoi bon me mettre en courroux ? Ils sont tous ingrats.

Je soupire. Non seulement cet endroit est misérable, mais en plus, le ciel est couvert. J’ai horreur de la pluie. Mes cheveux bouclent…

Quoiqu’il en soit, nous devons être arrivés à bon port : la voiture s’est stoppée. Un portier vient m’ouvrir tandis que j’oublie de le remercier.

Je soupire et respire un instant l’air frais. Par tous les dieux ; ça empeste le poisson. J’ai horreur du poisson.

La voix de ma domestique met rapidement un terme à mes divagations.

- Votre lieu de rendez-vous, ma dame. Adressez-vous au tavernier pour que l’on vous mène à votre interlocuteur.

J’acquiesce d’un geste de la tête et hausse le regard en direction de la bâtisse. Délabrée, humide. Je frissonne déjà en songeant à l’allure de ma chambre. Enfin, finissons-en.

- Opale, montez les affaires et partez vous reposer dans vos appartements. Moi, je serai avec l’héléo.

***

Toute proche du bar, retenant mon chapeau de mes deux mains et esquivant tout contact avec ces vauriens empestant l’alcool, je tente tant bien que mal d’élever la voix à travers ce vacarme. Le tavernier me dévisage avec une légère surprise au visage ; je le comprends, bien entendu : je contraste nettement avec toutes ces petites gens.

- Monsieur, j’ai rendez-vous…
- Ah, oui ! Suivez-moi.

Je m’exécute, horrifiée à l’idée de me glisser à travers cette foule. Finalement, l’homme me conduit jusqu’à une table où une jeune femme est assise, seule. Mon voleur serait donc une voleuse ? Soit. Eh bien, ma chère voleuse, vous n’aurez aucun scrupule à ce que je ne vous serre pas la main, n’est-il pas ? Je m’incline poliment.

- Madame. Elerinna Jelica, je suis enchantée de vous rencontrer enfin.

Mon sourire crispé traduit très certainement le fond de mes pensées. Je m’assoie face à vous, ma chère héléo, bien droite sur mon siège malgré mon malaise dans cette terrible auberge.

Je suis surprise, pour tout vous avouer. Vous n’avez rien d’une héléo, vous semblez faite de chair, et du sang pur semble couler dans vos veines. Mais les livres m’ont éduquée à ce sujet ; il faut se méfier. Votre apparence humaine n’est que duperie, et une fois le pied dans l’eau, votre corps se couvrira à nouveau d’écailles.

Enfin, vous n’êtes pas une liare, alors je tâcherai de vous tolérer.  

Quoiqu’il en soit, mon sourire ne quitte pas mes lèvres, et me voilà à vous fixer en attendant que vous détourniez votre identité. Il me tarde de connaître votre nom, madame l’héléo.


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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeMer 21 Déc 2016 - 15:06




Après vous, ma dame


« On a dit que seul un être humain peut être libre. Moi il me semble que seul quelqu’un qui désire la liberté peut être libre. Je désire la liberté. »


Les vagues s’écrasant contre les récifs sont un spectacle absolument fascinant. Leur force inouïe, repoussant et écrasant tout sur son passage, ne laisse pas grande chance de survie à ceux qui s’approchent trop près des falaises. Je frissonne en me rappelant que j’ai moi même failli y laisser ma peau par deux fois. Dont une fois pour venir à ce fichu rendez vous avec une personne qui ne prend même pas la peine d’arriver à l’heure. Je prends une grande inspiration. L’air est frais et empreint de parfums marins, je souris. Des talons claquent non loin de ma table et je me retourne, curieuse. Un pas léger et rapide, comme celui d’un petit oiseau pressé, voilà qui est inhabituel en ces lieux où la démarche de rigueur est pataude.

Mon sourire s’efface vite pour laisser place à une expression bien plus neutre. A hauteur de ma table, aux côtés de ce bon vieux Lolo, se tient une jeune femme. Elle s’incline et se présente comme Mademoiselle Elerinna Jelica. C’est avec elle que j’ai rendez vous visiblement. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais cela ne m’étonne pas outre mesure de faire face à une personne du même sexe que moi. Et pas seulement car il s’agit de vol de tissus. Non, plutôt parce que les ordres que je recevais était marqués par une subtilité que j’ai rarement -et peut être bien jamais d’ailleurs- retrouvé chez un mâle.

Pour le moment, puisque je suis assise et elle debout, elle me domine de sa hauteur. J’ai beau travaillé pour elle, je n’aime pas cette façon démontrer sa supériorité hiérarchique, aussi, j’attends patiemment qu’elle prenne place à ma table pour lui répondre. Pendant ce temps, je la détaille : à peine plus vieille que moi, elle a une attitude stricte et snob. Le port de tête fier, la tenue corrigée dans les moindres détails. Et encore, le vent hurlant à l’extérieur me permet d’y apercevoir quelques plis. L’étoffe riche me rappelle pourquoi elle est là : voir qui vole pour elle. Je souris poliment, même si j’avoue que j’ai plutôt envie de cracher ses vêtements trop propres. Enfin, peu importe mes envies, elle est mon gagne pain alors je vais la respecter le temps de cette réunion. Pendant que l’aristocrate s’installe, je me tourne alors vers Lolo qui attend patiemment son bon vouloir. Le voir attendre ainsi m’impatiente bien vite et je décide de prendre la commande pour deux : « Deux steaks de poissons du jour, deux assiettes d’algues et une bonne bouteille s’il te plaît ! » Et si ça ne lui plaît ? Et si je m’en foutais ? Les heleos ne mangent pas de viandes alors elle se pliera à mes possibilités. Et puis, aux ‘Nuances de Gris’, tout est toujours bon !

« Winter, ravie également de pouvoir vous rencontrer en ces lieux tout à fait inhospitaliers ! » Je sais bien qu’elle m’a donné son nom de famille mais je n’ai nullement envie de lui donner le mien. Pour quoi faire de toute manière ? Les noms ont du pouvoir et elle en a déjà suffisamment comme ça. Et puis, quand on agit de façon répressible par la loi, on apprend à se protéger un peu. Je me contente donc de sourire et de tendre la main à cette femme dont les courbettes m’énervent. Oui, j’ai mangé avec les mains, et alors ? Oui, je ne les ai pas lavé entre temps, et alors ? Le tavernier, qui était resté le temps d’écrire sa commande autant que par curiosité concernant nos petites affaires, s’éloigne et je me tourne vers ma soit disant supérieure.

Je suppose que l’usage voudrait que je la laissée parler la première mais, à vrai dire, je m’en contrefous et je n’ai pas que ça à faire d’attendre son bon vouloir. J’ai hâte que cet entretien soit fini pour la voir dégager ce monde qui n’est pas le sien et pouvoir aller jeter des fléchettes de glace sur des cibles avec Paol. Mais je suis aussi curieuse de savoir quelle a à me dire. « Vous avez fait un bien long chemin pour venir jusqu’ici ma Dame. Pourquoi vouliez vous me rencontrer ? » J’ai déjà ma petite idée sur la question mais je ne connais pas sa motivation précise. Bien entendu, cela doit concerner mon travail pour elle et sa société. Je ne pense pas avoir fait de bourde ces derniers temps, aussi je suppose qu’il ne s’agit pas de reproches. A moins que j’ai manqué de discrétion durant une mission et que cela ne soit pas arrivé à mes oreilles mais aux siennes ? Cela me semblerait bizarre cependant puisqu’il ne me semble pas avoir déjà annoncé ou laissé voir à qui que ce soit pour qui je dérobais des étoffes en tout genre. J’en suis donc arrivée à la conclusion que cette société avait peut être l’habitude de rencontrer les gens qui travaille pour elle. Bien sûr, il ne s’agit que d’une conjecture mais je ne vois pas vraiment d’autres possibilités.

Alors que toute ma concentration est portée sur la riche jeune femme, Lolo revient les bras chargés d’assiettes et une bouteille en main : il a fait vite et bien, comme toujours ! Il dispose devant mon interlocutrice puis devant moi deux beaux mets et ouvre de quoi nous rafraichir. Il remplit nos verres sans un mot, nous souhaite un bon repas et s’éloigne rapidement. Je crois qu’il est aussi mal à l’aise que moi par la présence de cette damoiselle.
900 mots - Adrenalean 2016 pour Epicode


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Elerinna Jelica

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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeMar 27 Déc 2016 - 18:14

Allons bon ! L’héléo se permet de choisir mon repas. Quelle impolitesse ! Voilà ce qu’il en coûte de me mêler aux roturiers… Deux assiettes d’algues ? Quelle idée. En plus, j’ai horreur du poisson. Mais je suis trop polie pour retenir le serveur, alors je me contente d’un sourire crispé dans la direction de mon interlocutrice.

Quoiqu’il en soit, l’impolie ne se contente pas de cet affront ; elle se permet également de ne pas me délivrer son nom de famille. Cela m’est bien égal. La pauvre fille n’a rien d’une noble, son nom ne possède aucune espèce d’importance. Je n’insiste donc pas : à quoi bon gaspiller mon énergie à lui extirper ce genre d’information futile ? Ma chère Winter, vous n’avez aucune éducation. Mais je vous le pardonne : vous n’êtes qu’une petite voleuse. Comment une personne de votre genre pourrait-elle être éduquée aux bonnes manières ?

Tenez, voilà que vous restez fidèle à vous-même : vous prenez la parole la première. Vous m’interrogez sur la raison de ma venue. Ah, si vous le saviez, ma belle.

Les conventions sociales voudraient que j’use d’hypocrisie, histoire de faire passer la pilule en douceur. Mais ce soir, j’ai décidé d’être honnête avec vous, jeune héléo. N’y voyez pas là une attaque mais bel et bien une marque de respect. Même si, je dois bien l’avouer, vous m’avez fait une terrible première impression. Mais je ne suis pas rancunière, je vous laisse la chance de vous rattraper tout au long de ce repas.

- J’ai fait un long voyage, c’est peu dire. Je repousse mes cheveux vers l’arrière et me penche légèrement par-dessus la table pour la regarder dans les yeux. Il s’agissait de quelque chose dont je ne pouvais vous parler par courrier ; comprenez bien que je ne me serais pas déplacée pour rien.

Je n’ai guère le loisir de m’exprimer davantage ; le serveur, les bras chargés d’assiettes, dispose nos steaks de poisson et nos algues sur la table. Il pose deux verres à vin face à elles et débouchonne la bouteille avec savoir-faire. Il remplit nos verres et dispose ; je le remercie d’un sourire poli. Je meurs d’envie de grimacer face à ce repas peu ragoûtant, mais je ne me le permettrais pas. Je me saisis de la fourchette et la plante dans une algue. Quelle horreur. Je reporte mon regard sur l’héléo ; au moins, j’en connais une qui se régalera…

- ...voyez-vous, je demeure extrêmement sceptique sur vos méthodes. N’imaginez pas là que je remette en cause votre efficacité, loin de là ! Je croque dans l’algue et mâchonne quelques secondes avant de l’avaler avec difficulté. Je n’en ai jamais mangé auparavant, mais je suis certaine que ce plat est beaucoup trop salé ! Quoiqu’il en soit, j’enchaîne : Mais mon père, Robert Jelica -qui n’en demeure pas moins mon employé- s’est permis de vous engager sans même me consulter. Cette situation m’embarrasse ! Je suis inquiète des répercussions que vos services peuvent avoir sur mes affaires. Pardonnez ma franchise, mais ce que vous faites est illégal et je ne peux vous faire entièrement confiance ; je ne vous connais même pas.

J’hausse craintivement le regard vers elle en espérant ne pas l’avoir froissée. Je ne suis pas du genre à me contenir, mais cette demoiselle-là m’a l’air caractérielle, prête à exploser à tout instant. Je ne le suis pas moins, mais je ne cherche pas à l’agacer. Alors, autant rester courtoise. Pour l’instant, tout du moins. Reste à voir son comportement tout au long de ce repas…
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Winter C. Eliwën

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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeSam 18 Fév 2017 - 16:13




Après vous, ma dame


« On a dit que seul un être humain peut être libre. Moi il me semble que seul quelqu’un qui désire la liberté peut être libre. Je désire la liberté. »


Je n’ai pas le loisir de m’intéresser tout de suite à ce qui trône dans mon assiette. C’est bien dommage d’ailleurs car cela sent rudement bon, tant et si bien que je sens la salive affluer dans ma bouche. Et il serait bien mal poli de me mettre à baver, surtout devant cette jeune femme qui, si elle n’est pas mon employeur, doit en être très proche puisqu’elle porte le même nom de famille. Je tente donc d’oublier un temps le steak de poisson épicé pour accorder toute mon attention à ses paroles. Tout dans ses manières, m’énerve, jusqu’à ses mimiques lorsqu’elle s’exprime. Winter ! Toute ton attention aux paroles nous avons dit ! Je retiens un soupir et fais un effort de concentration.

Elle m’explique avec condescendance qu’elle ne se déplace jamais pour rien et donc que la raison de sa venue est nécessaire et e-xis-ten-tielle ! J’hoche poliment de la tête, soucieuse de ne pas montrer que je l’imagine bien avec la voix aigue et insupportable d’une petite pouf adolescente. Ce qu’elle est peut être finalement, avec un peu de retard puisque la demoiselle qui me fait face doit avoir passé ses vingt ans. Elle s’arrête pour s’abandonner à la contemplation de nos plats avant de me fixer avec un regard on ne peut plus neutre. Tellement neutre d’ailleurs que je ne sais pas quoi en penser. Cela lui plait et elle n’ose pas me remercier ? Ou alors cela ne lui plait pas et elle ne souhaite pas me le reprocher ouvertement ? Ah, Worgen ! Puisses tu me protéger des absurdités de la haute société !

« Voyez-vous, je demeure extrêmement sceptique sur vos méthodes. » Pardon ? Comment peut elle me dire ça ? Décidément, Worgen n’est pas avec moi aujourd’hui ! Qu’est ce qui lui déplait ? Que je vole et non que j’achète ? Se moque t elle de moi ? Je n’ai pas été embauchée pour dépenser mes sous, pour demander poliment à un atelier des échantillons ou pour coudre moi même des tapis ! J’ai été employé en toute connaissance de cause et sans jamais chercher à dissimuler la nature de mes actes. D’ailleurs, si mes souvenirs sont bons, l’homme qui m’a approché pour me demander de travailler pour l’entreprise Jelica m’avait abordé pour cette raison précise. Je ne comprends pas qu’elle puisse me le reprocher aujourd’hui. La voilà qui continue. Ah ! Elle ne remet pas en cause mon efficacité ! Super ! Mais quelle bonne nouvelle ! Ces reproches seraient donc en fait des compliments cachés pour me féliciter pour mon travail ? Même les gens de la Haute Société ne sont pas si détournés dans leurs paroles, si ? J’attends donc la suite, ne pouvant empêcher mes yeux de se plisser d’agacement.

Avec la suite de ses propos, je commence à y voir plus clair mais je reste néanmoins silencieuse jusqu’à ce qu’elle ait terminé, soucieuse d’avoir toutes les informations avant de commencer à tisser des liens entre elles. L’homme qui m’aurait abordé serait donc Robert Jelica ou un homme qui travaille pour lui. Ou plus précisément pour Madame Elerinna Jelica puisqu’il semblerait que ce soit elle la big boss de l’histoire. J’essaie de comprendre ce qu’elle cherche à faire, où elle souhaite en arriver. A t elle l’intention de me renvoyer ou cherche t elle simplement à savoir si elle peut me faire confiance ? Je crois comprendre que ce qui l’inquiète est la réputation de son entreprise, ce qui est parfaitement recevable je suppose lorsque l’on gagne autant d’argent et que l’on ne souhaite pas les perdre. A sa place, je ferai sûrement preuve aussi de la plus grande prudence.

J’attrape mon verre et en bois une gorgée tranquillement, prenant ainsi le temps de réfléchir à ce que je vais répondre. Mon emploi est en jeu et même si je sais que j’en trouverai toujours un autre ailleurs, j’aimerai garder celui ci quelques temps. Ne serait ce que pour la paye plus que confortable. « Madame, je comprends bien ce qui vous inquiète. » Bon, bah voilà. Qu’est ce que je suis sensée dire maintenant ? La case ‘politesse’ est remplie et maintenant que j’ai mis la forme il va falloir remplir le fond. « Je crois voir que ce qui vous tracasse serait que je puisse ébruiter la source de vos … marchandises. » La taverne est bruyante, nous assurant une certaine tranquillité concernant les oreilles qui trainent mais nous ne sommes pas à l’abri d’un accident, aussi je ne souhaite pas prendre de risques en précisant qu’il s’agit de tissus. Même si elle donnant son nom et celui de son père, un petit malin pourrait comprendre de quoi il s’agit. Peut être est elle certaine que les malfrats d’ici n’en ont que faire ou alors elle se dit que la taverne est vraiment trop sonore et nos voisins trop loin pour que nous soyons entendues. Peu importe. « Je vous demande donc simplement : pourquoi ferai je cela ? »

J’hésite à répondre moi même à ma question. Je suppose qu’il est impoli de l’inviter à réfléchir sans donner mon avis alors, sans savoir si je suis les convenances ou pas, je donne mon point de vue : « Madame, vous me payez confortablement et régulièrement pour mon travail. Je doute que cela soit à mon avantage de faire plonger votre entreprise. Je n’ai pas une vision très claire des mécanismes de guerilla entre commerçants importants mais suffisamment je pense pour savoir que je n’y gagnerai pas grand chose à vous couler. Cela ferait des heureux bien sûr, mais comme chaque être sur cette terre, je suis bien égoïste. En l’occurrence, je me fiche pas mal du porte feuille de vos concurrents. Seul le mien m’intéresse. » J’attrape mon couteau et ma fourchette et entreprends de prendre enfin une bouchée de ce plat du jour qui me fait envie depuis le début de la conversation, en espérant intérieurement ne pas avoir dit trop de bêtises. Et d’ailleurs, je ne suis pas déçue, c’est succulent !
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Elerinna Jelica

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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeMar 28 Fév 2017 - 16:13

J’écoute le discours de mon interlocutrice avec une certaine attention, les oreilles grandes ouvertes. J’ai finalement délaissé mon assiette : ces algues ne sont décidément pas comestibles. Quant au steak de poisson, il n’est pas assez cuit. Au moins, je ne suis pas occupée à autre chose pour discuter affaires. Je ne coupe pas la demoiselle dans ses paroles, je m’imprègne de tout ce qu’elle dit avec le plus grand des calmes. Je ne m’attendais pas à ce qu’une scélérate de son espèce dispose d’aussi bonnes manières, mais je suis finalement agréablement surprise. La voilà bien plus polie qu’au départ. Je ne peux pas lui en vouloir : la pauvre ne doit pas être habituée aux manières de la haute-société. J’imagine que les roturiers ne s’embarrassent pas de telles conventions sociales. Ceci dit, garder mon sérieux face à cette héléo n’est pas chose aisée : je ne vois pas comment je pourrais accorder ma confiance à une non-humaine. Nos cultures sont bien trop différentes, et je suis prête à parier que nous ne disposons pas du même sens de l’honneur. Les héléos ne sont pas réputés comme étant un peuple particulièrement mesquin, mais je ne peux pas être certaine que la jeune femme ne me plantera pas un couteau dans le dos quand elle en aura l’occasion. Elle est une hors-la-loi, il est de notoriété publique que ces bandits ne sont pas dignes de confiance. L’image de l’atelier est plus importante que quoi que ce soit d’autre, ainsi, je mets un point d’honneur à être certaine de tout ce qu’il se passe au sein de mon entreprise. Je ne peux pas prendre de risques. Si louer les services d’une voleuse me serait effectivement extrêmement rentable, je ne veux pas ternir ma réputation.

Mais cette discussion tourne en rond. Je me redresse légèrement, marquant un léger silence pour prendre le temps de réfléchir. Je n’ai aucune idée de la somme que j’offre à cette jeune femme, mais je suis certaine d’une chose : les dépenses en tissus sont astronomiques. Je ne me mêle pas des finances, j’ai engagé Père pour cela. Mais je me doute bien de ce qui a pu pousser l’exemple de droiture qu’est mon paternel à louer les services d’une voleuse : cette demoiselle nous rapporte beaucoup d’argent. Je joue quelques instants avec la nourriture dans mon assiette en me posant une simple question : l’entreprise serait-elle capable d’assumer l’intégralité des dépenses en matériaux sans pour autant régresser au niveau des bénéfices ?

- Winter -puis-je vous appeler Winter ?-, permettez-moi de vous poser une question directe. Je me penche légèrement sur la table en la regardant dans les yeux. J’aimerais être certaine de votre efficacité, mais je n’ai pas le nez dans les finances. J’aimerais en apprendre davantage à votre sujet. Depuis combien d’années exercez-vous ce… métier ?

Mon ventre gronde, je me résigne alors à attraper mes couverts et couper un morceau du steak de poisson épicé. A ma plus grande surprise, ce n’est pas si mauvais. Rien à voir avec ce que mes domestiques peuvent bien me cuisiner, mais comparé à ces fichues algues, je ne vais pas faire la fine bouche. Je finis mon verre de vin avant de me resservir, mon interlocutrice et moi. Je crois qu’apprendre à la connaître est l’unique solution dont je dispose pour être certaine de pouvoir lui accorder ma confiance.
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Winter C. Eliwën

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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeMer 15 Mar 2017 - 18:39




Après vous, ma dame


« On a dit que seul un être humain peut être libre. Moi il me semble que seul quelqu’un qui désire la liberté peut être libre. Je désire la liberté. »


La jeune femme me fixe avec un regard perçant, comme si elle cherchait à sonder mon âme. Le moins que l’on puisse dire est que c’est fort désagréable mais je ne trouve pas de moyen de lui faire remarquer avec discrétion et politesse. Il est hors de question que je détourne les yeux, aussi je me contente de lui rendre, en espérant être moins agressive qu’elle, histoire de garder mon porte monnaie rempli. Lorsqu’elle daigne m’adresser la parole, la première chose que je remarque est qu’elle n’a absolument pas répondu à ma question mais qu’elle se permet de m’en poser une autre. Je me demande bien à quoi cela sert que je parle si elle ne prend même pas la peine de m’écouter ! Je ravale ma rage et écoute ce qu’elle a à me dire.

Elle ne sait pas combien elle me paye. Je me retiens de sourire, elle qui est si puissante ne parvient pas à répondre à la seule question que je lui ai posé en dehors de son nom -c’est déjà ça, cela dit !-. Mais elle veut être sûre que je lui ramène plus d’argent que ce que je lui en coûte, pas de soucis ma petite dame, tu ne vas pas être déçue ! Je compose mon plus beau sourire, celui qui est assuré et qui montre que je sais de quoi je parle, et lui énonce mon CV. « Cela n’a pas toujours été un gagne pain, c’était au début simplement un hobby, un passe temps. Cela fait maintenant presque deux ans que je fais cela de façon plus professionnel, en m’attaquant à un marché plus gros et en passant des contrats. » Je l’observe, je sais qu’elle aura toujours quelque chose à redire et pourtant j’aimerai avoir la satisfaction de voir qu’elle n’a rien à répondre. « Je suppose que vous pouvez vous dire que cela fait peu mais l’entrainement m’a rendue discrète et professionnelle. »

Faudrait il que j’ajoute à cela une lettre de motivation ? Parce que je dois avouer être vraiment moins inspirée pour lui expliquer pourquoi cela me plait de voler pour une grosse entreprise de bourgeois. Pour l’argent ? Le prestige ? Pour les sensations fortes ? Pas sûre que cela soit de véritables bonnes réponses. Peut être que je pourrais jouer la carte de l’honnêteté ? « Je ne sais pas quoi vous raconter de plus pour vous persuader que je peux travailler pour vous. » Je soutiens son regard avant de baisser les yeux vers mon plat. Je découpe une bouchée de mon steak de poisson le temps de peser mes mots puis la regarde à nouveau. « Pour l’instant, les missions que vous me confiez, vous, votre père ou n’importe qui d’autre de votre entreprise -je n’ai pas le nom de mes interlocuteurs lorsque je reçois des missives contenant des ordres- sont à ma hauteur. Je peux les accomplir seule et sans danger, ni pour moi, ni pour vous. » Je crois bien qu’elle se fiche de ma sécurité mais tant pis, elle doit bien se douter de toute façon que je risquerai pas ma vie pour ses finances.

« Si vous en venez à la conclusion que vous pouvez me faire confiance, vous pourriez même songer à me confier de plus gros coups. Mais pour cela, j’aurais besoin d’un acolyte. » Je souris tandis que la première personne qui me vient à l’esprit est Deth. Vomito, voler avec moi ? Ah ! Cela signifierai lui faire confiance ! Jamais je n’oserai lui confier de surveiller mes arrières ou de ramener un butin que j’ai ramassé ! Non, si jamais un jour de plus gros coups me sont confiés, il me faudra sûrement une autre solution. Pourquoi est ce que j’en viens à parler de cela ? Pour lui prouver que pour l’instant j’assure ? Oui, c’est peut être ça … « Mais tant que cela reste comme c’est actuellement, dans le monde des Héléos comme sur la terre ferme, c’est dans mes cordes. » L’ai je assez rassurée sur mes capacités ? Etrangement, je n’en suis pas si sûre, c’est ce que nous allons voir.
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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeJeu 23 Mar 2017 - 10:28

Vous savez vous montrer convaincante, je remarque également que vous êtes dotée d’une certaine éloquence. Etonnant, je ne m’attendais pas à cela de la part d’une roturière. Mais ne vous méprenez pas, je me doute que vous agissez par avidité : l’argent a toujours su maintenir les Hommes, j’imagine qu’il en est de même pour les Héléos. Au fond, peut-être que nous ne sommes pas si différentes. J’ignore combien mon père peut bien vous payer, mais connaissant les chiffres actuels des tissus que j’utilise, je me doute qu’il peut vous payer confortablement tout en faisant en sorte que vous soyez rentable. Mon père a toujours été doué pour tout ce qui se rapporte aux finances : j’imagine qu’il a lourdement pesé le pour et le contre, et que son choix s’est finalement porté sur vous car vous étiez la solution la moins chère. A nos yeux, vous n’êtes qu’un nombre et tout n’est que question d’argent. Quoiqu’il en soit, je suis arrivée dans cette auberge avec le désir de vous renvoyer -plus sur un caprice qu’après avoir réellement saisi la situation, je l’admets-, mais voilà que je n’en ai plus la moindre envie. Vous m’avez l’air d’une professionnelle : vous ne vous inquiétez pas un instant de faillir à votre tâche, et votre confiance en vos propres capacités me rassure. Pourtant, je ne crois pas être une personne influençable. D’ordinaire, j’aurais très certainement expédié ce rendez-vous sans même vous laisser le temps d’effectuer votre plaidoyer. Je n’aime pas m’attarder sur des détails futiles. Mais voilà que je me mets à peser le pour et le contre de cette situation : à dire vrai, je ne vois pas le mal à vous garder parmi mes employés. Vous êtes une héléo, mais vous ne semblez pas dépourvue de sens de l’honneur. J’espère, sincèrement, que vous saurez tenir votre langue.

Certes, je dois bien avouer que je ne suis pas à l’aise à l’idée d’embaucher ainsi une voleuse, mais je me rassure en me disant que tout commerçant est contraint de se salir les mains à un moment ou un autre s’il souhaite s’élever et investir son argent d’une meilleure manière. Et puis, personne ne sera jamais au courant. Cette demoiselle m’assure sa discrétion. Que puis-je bien ajouter ? Je crois, très sincèrement, ne plus avoir d’arguments en sa défaveur. Me voilà rassurée et prête à lui accorder ma confiance, à mes risques et périls. De toute manière, je la renverrai à la moindre ambigüité. Rien ne me pousse à la garder parmi nous dans le cas où elle ferait une erreur. A ce sujet, je suis impitoyable. Vous avez plus qu’intérêt à vous montrer exemplaire, ma chère.

J’entame ma dernière bouchée de steak de poisson, repoussant les algues sur le bord de l’assiette. Plus je le mange, plus je l’apprécie. A moins que mon palais n’ait été anesthésié par la dose de piment donc était parsemée la nourriture. Je réfléchis depuis un moment, maintenant. J’espère que vous n’avez pas perdu votre patience. Quoiqu’il en soit, après avoir terminé mon steak, je me saisis de la serviette au bord de mon assiette pour me tapoter la bouche, puis je relève la tête pour planter mon regard dans le vôtre. Je me saisis de mon verre de vin et le tends dans votre direction pour vous inviter à trinquer avec moi. Jamais je n’aurais cru ainsi partager un repas avec une représentante du peuple de l’océan, mais après tout, pourquoi pas.

- Vous avez su me convaincre, Winter. A votre entrée officielle au sein de l’entreprise, dans ce cas.
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Message(#) Sujet: Re: Après vous, ma dame Après vous, ma dame Icon_minitimeSam 25 Mar 2017 - 1:23




Après vous, ma dame


« On a dit que seul un être humain peut être libre. Moi il me semble que seul quelqu’un qui désire la liberté peut être libre. Je désire la liberté. »


Je crois que mon interlocutrice met des points d’honneur à ne pas me répondre rapidement. Je crois que deux options pourraient expliquer ce genre de comportement : soit elle réfléchit à ce qu’elle va me dire -ce qui ne paraîtrait pas aberrant puisque je viens de lui servir tout mon curriculum vitae-, soit elle souhaite juste me faire patienter. Etrangement, je crois qu’il s’agit ici de la deuxième option et qu’elle tente seulement de se faire désirer un peu. Bon, manque de bol, je désire bien plus ma salade d’algues que cette mégère, soit elle habillée avec de la haute couture. Je la dévore donc en faisait attention de ne lui porter aucun intérêt apparent, même si je pense qu’elle ne remarquera même pas que je m’applique à l’ignorer.

La riche demoiselle fini enfin par daigner m’accorder un regard. Je me demande ce qu’elle va m’annoncer mais je me doute que je ne vais pas tarder à le savoir. Je lève les yeux vers elle et attends son bon vouloir. Je dois avouer que je ne suis pas déçue : elle me garde parmi les siens. Ah ! Et bien en voilà, une bonne nouvelle ! J’avoue que je ne m’attendais pas à tant. Et la voilà qui lève soudain son verre. Pour … trinquer ? Je ne peux retenir un haussement de sourcils surpris mais je prends néanmoins mon verre avec le sourire. Après tout, pourquoi pas ! A ma richesse alors !

Comment est ce que l’on congédie une personne de haut rang ? Est ce que je dois payer la note ? Je regarde autour de moi, à la recherche d’aide. J’aperçois Lolo, derrière le comptoir, de l’autre côté de la salle. Il me regarde, comme s’il gardait un œil sur moi. Ah, je savais que je pouvais compter sur lui ! Je repose mon verre sur la table et lève timidement la main en l’air pour lui signifier qu’il peut nous rejoindre avec la note. Il m’adresse un petit signe de tête et se penche vers son bar, tendant la main de côté pour saisir un stylo. D’ici quelques secondes, une minute tout au plus, je serai libérée de ce rendez vous aussi désagréable que gênant ! Oh, quoi que, j’exagère un peu, j’y ai tout de même gagné un bon salaire !

Je me tourne à nouveau vers mon interlocutrice et me demande si je vais lui faire payer la note. Je ne connais pas  les us et coutumes de la Haute Société mais je crois que la logique voudrait que ce soit elle qui paye. Boarf, elle vient de me laisser mon job, je lui dois bien ça ! Dès que Lolo arrive, je sors donc une de mes nombreuses bourses et la pose sur la table. J’adresse à un sourire à ma convive : « A votre service, très chère ! » Je crois qu’il vaut mieux ne pas m’attarder, et si je lui faisais une petite démonstration de mes capacités de disparition ? Je me lève de table, la remercie, adresse un signe de tête au tavernier et disparaît parmi les convives.  
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