L'histoire commence un soir de Ravrök 1243. Madène approche de ses quinze ans, novice dans un temple de Séliope. Elle vit alors seule avec sa mère, Aytie, qui sert dans le même temple ; son père est décédé quelques années plus tôt dans un accident durant des travaux de réfection d'un toit, les laissant seules toutes les deux pour la suite.

Ce soir-là donc, toutes deux se rendirent au puits pour faire le plein d'eau quotidien. Alors que Madène était penchée sur la margelle pour attraper le seau que sa mère tirait, soudainement la corde se relâcha pour retomber tout au fond avec un bruit d'éclaboussures. Lorsque la jeune fille se retourna, effrayée, elle put voir deux hommes qui s'étaient saisis de sa mère. Celle-ci eu juste le temps de lui crier de fuir avant qu'une main se plaque sur sa bouche.
Le temps que l'adolescente courre chercher les gardes en patrouille dans le quartier il était déjà trop tard pour aider sa mère qui gisait inanimée près du puits, les vêtements en lambeaux.
Un des agresseurs put être arrêté quelques heures plus tard, puis condamné à payer des dommages et intérêts.

À partir de là, Aytie sombra dans la mélancolie, ne sortant plus de chez elle, mangeant à peine, somnolant jours et nuits, et laissant sa fille s'occuper de la maison et d'elle. Cette situation dura plusieurs mois et fut extrêmement difficile pour Madène, qui fut obligée d'arrêter là son éducation. C'est à cette période qu'elle commença à entendre des murmures autour d'elle. Certains se présentaient, des gens morts depuis parfois plusieurs années. D'autres non. Elle crut même parfois entendre la voix de son père s'adresser à elle depuis l'au-delà. Certaines voix lui donnaient des messages à faire passer, d'autres la harcelaient, l'insultaient, la poussaient à des actes qu'elle ne comprenait pas.

Devant les changements qui s'opéraient en sa fille, Aytie devint méfiante. Elle n'entendait pas du tout ce que Madène lui racontait, elle ne pouvait que la regarder s'enfoncer de plus en plus dans l'angoisse et la peur. Sa santé étant déjà très précaire, ceci finit de la pousser à bout et elle se suicida quelques semaines plus tard en sautant du haut des murailles de la ville.
Ce jour-là Madène fut poussée par une voix qui l'enjoignait à se rendre sur les remparts. Elle arriva juste à temps pour voir sa mère sauter.
Tout restant de sa santé mentale s'effondra à ce moment. Elle devint incapable de différencier les voix qu'elle entendait par sa Vérité et celles qui émanaient directement de son esprit. Elle n'arrivait plus à tenir une conversation avec quelqu'un, les voix étaient omniprésentes, et elle était constamment terrorisée à l'idée de ce qu'elle pouvait faire sous l'impulsion de ces voix à qui elle n'arrivait pas à désobéir.

Paradoxalement, la seule chose qui réussit à lui faire regagner un semblant de paix et d'équilibre fut son irruption au milieu d'un procès où elle renia son allégeance à Séliope. Malgré la punition qui s'ensuivit, il lui était plus facile de vivre avec elle-même. Dans le même temps elle se tourna avec ferveur vers le culte de Mère Nature dont elle entretient le modeste autel à Karnès dans la mesure de ses moyens.

Aujourd'hui, Madène vit tant bien que mal en utilisant sa Vérité pour faire communiquer ses clients avec leurs défunts, en brodant si les morts ne sont pas communicatifs, le tout contre rétribution.