Loin de la taverne bruyante habituelle, c'est alors que vous vous prenez dans une rue que vous croiser une bonne femme en train de placarder des affichettes de partout dans la ville : la Mère Michelle a perdu une Nyama, qui s'est visiblement enfuie de son élevage. Non seulement elle y tient beaucoup mais elle s'inquiète également pour les petits que l'animal a laissé derrière elle. La bonne dame promet d'ailleurs de vous confier un petit de son élevage si vous acceptez de l'aider.


Aucune intervention du MJ n'est à prévoir, vous pouvez vous exprimer librement.

La faim tiraillait Madène. Pas la faim qui fait gronder le ventre et saliver à la vue de nourriture. La faim tenace, dévorante, celle qui affaiblit les membres et empêche de penser, celle qui ne tord pas l'estomac mais qui vient lorsque la sensation a disparu. Elle avait épuisé ses dernières réserves de nourriture depuis deux jours déjà, et aucun client n'avait approché sa tente depuis bien deux semaines. Elle n'avait plus de nourriture, plus la moindre petite pièce en poche, et aucun objet d'une quelconque valeur qu'elle aurait pu revendre pour se procurer de quoi manger.

Elle avait erré dans cet état aux abords d'une petite auberge non loin de chez elle ce soir-là. Oh bien sûr, elle ne s'était pas fait d'illusions : les mendiants n'étaient pas les bienvenus à Karnès la Sainte, aucun aubergiste digne de ce nom ne se serait abaissé à céder un morceau de pain à une traîne-misère telle que Madène. Elle était juste attirée par les odeurs qui s'échappaient de l'établissement, c'était plus fort qu'elle. Plusieurs fois, elle avait dû se dissimuler dans l'ombre alors que des clients sortaient passablement éméchés. Les hommes alcoolisés lui faisaient peur, elle avait déjà eu bien trop de mauvaises rencontres de ce type pour apprendre qu'il valait mieux les éviter.

à droite
va à droite
à gauche
continue

Guidée par les murmures et le besoin compulsif de les suivre, la jeune femme s'éloigna lentement. Au-delà des quelques rues toujours animées à cette heure tardive, elle finit par se rapprocher des remparts de la cité, aux abords du quartier réservé aux élevages. Elle s'arrêta un instant, perplexe. Que faisait-elle ici? Il n'y avait rien pour elle dans ce coin. Rien d'autre que le risque d'être prise pour une voleuse et arrêtée.

Quelque chose attira alors son regard. Ou plutôt quelqu'un. Une femme rondelette d'une cinquantaine d'années était en train de clouer une affiche sur le panneau servant à la réclame sur la placette à quelques mètres d'elle. La jeune femme se rencogna dans l'ombre d'un porche. L'autre ne l'avait pas vue, semblait-il. Devait-elle faire demi-tour maintenant ?

va voir
va voiir
vavoirvavoir

D'une démarche automatique, Madène s'approcha, à pas de velours. La femme avait presque fini ce qu'elle était en train de faire et jetait des regards fréquents dans toutes les directions. Ce faisant, elle finit par apercevoir la jeune femme et lui fit signe d'approcher, ce qu'elle fit timidement.

« Bonsoir jeune fille ! Est-ce que tu aurais quelques minutes à m'accorder ? » Voyant que Madène ne répondait pas mais ne s'éloignait pas non plus, elle continua. « Je suis bien embêtée : j'ai perdu une nyama ! Elle s'est évadée de son enclos cet après-midi, et depuis impossible de remettre la main dessus... tu ne voudrais pas me donner un petit coup de main pour la retrouver ? Je n'ai pas grand-chose en terme de récompense, mais je peux au moins te promettre un repas chaud pour ce soir, tu as l'air d'en avoir besoin. »

Madène s'apprêtait à refuser, mais la perspective de la nourriture l'en empêcha. Les nyamas étaient des animaux énormes dont elle n'avait jamais osé s'approcher, elle n'avait donc aucune idée de comment elle allait bien pouvoir en ramener une jusqu'à son enclos. Elle hocha cependant la tête en guise d'assentiment. Le visage de l'éleveuse s'éclaira de soulagement.

« Merci ! Tu m'ôterais une belle épine du pied en trouvant ma Milka ! Son enclos est celui que tu vois au bout de cette rue. N'hésite pas à venir me chercher dans la maison à gauche si tu la trouves. »

Sans voir le rapport entre l'écharde et l'animal, Madène acquiesça à nouveau et s'éloigna à la recherche de la nyama perdue.

Elle erra dans les ruelles une bonne partie de la nuit. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle cherchait. Une nyama, certes, mais comment la trouver ? Elle ne savait pas à quoi ressemblaient les empreintes d'un tel animal, et aurait été dans tous les cas bien en peine de les voir dans la nuit. Elle ignorait totalement par quoi la créature serait attirée. Chercherait-elle de l'eau près du puits ? De la nourriture ? L'idée traversa Madène qu'elle avait peut-être perdu un de ses petits et était partie à sa recherche. Mais le problème restait entier : elle ne savait pas mieux comment retrouver le petit que la mère.

Dans le doute, elle passa effectivement près du puits. Elle resta d'abord en retrait car même à cette heure tardive, quelqu'un était en train de tirer de l'eau. Apparemment, pas de signe de ce qu'elle cherchait. Elle attendit tout de même que la personne ait fini et s'approcha de la margelle pour descendre le seau jusqu'à l'eau. Vérifiant autour d'elle que personne n'était là, elle but tout son soûl. Si elle ne pouvait pas manger, elle pouvait au moins se remplir l'estomac temporairement et essayer de tromper son organisme. Légèrement nauséeuse, elle se remit en route pour continuer sa recherche.

Elle continuait à déambuler plus ou moins au hasard dans le quartier. Plusieurs fois elle eut l'impression d'entendre l'animal lui parler, mais quand elle tournait à l'angle de la ruelle il n'y avait rien. Où pouvait bien ce cacher cette satanée bestiole ? Vu la taille qu'elle faisait elle aurait dû être plutôt simple à trouver non ? La jeune femme commençait à perdre patience. Elle marmonnait dans sa barbe répondant par moments aux injonctions des voix lui indiquant d'aller de-ci ou de-là.

Elle avait perdu le fil de sa quête et avait commencé à errer plus qu'elle ne recherchait activement la nyama égarée. Sans trop faire attention, elle ne s'était pas vraiment rendu compte qu'elle s'aventurait de plus en plus entre les enclos, une partie de la ville où les allées étaient bien moins entretenues, et où le sol devenait plus traître.Cela associé à la plus faible concentration d'éclairage public, et ce qui devait arriver arriva : son pied passa entre les planches du trottoir qui bordait le bâtiment qu'elle était en train de longer, et sa cheville resta coincée.

Avec un cri de frustration, elle se tortilla dans tous les sens pour essayer de se libérer, mais sans grand succès. Elle réussit juste à s'égratigner la jambe et s'enfoncer encore plus. Elle essaya d'écarter les planches à la main, mais même vermoulues elles étaient trop résistantes pour ses doigts, et rien ne bougea. Elle allait commencer à paniquer et à s'agiter en tous sens pour se libérer quand elle entendu une plainte discrète qui émanait de l'ombre.

Surprise et peu habituée à ce genre de bruit, Madène releva brusquement la tête à la recherche de ce qui pouvait bien être à l'origine de ce son. Devant elle, ayant encore autour du cou la corde qui avait servi à l'attacher lors de la traite, se tenait une nyama, ses yeux minuscules fixés sur elle.

Le premier mouvement de Madène fut de paniquer : l'animal était énorme et la regardait fixement. Elle se tortilla dans tous les sens, désespérément, essayant de débloquer sa cheville d'entre les planches. Malheureusement, elle avait la sensation que chaque mouvement la coinçait un peu plus qu'auparavant, et elle cessa bientôt ses efforts. Elle se contenta de s'aplatir contre le sol, le plus immobile possible, dans l'espoir que la créature finisse par passer son chemin. L'angoisse rendait les voix assourdissantes.

fonce
fonce charge
tu peux pas la louper
foooonce

« Non ! Non non non. Ne lui donnez pas d'idées. Elle vous entend ! Elle vous entend... » Sa voix tremblait en un murmure paniqué. Plus elle essayait de les faire taire, et plus ces injonctions devenaient pressantes.

La nyama restait placide, intriguée par les supplications de la jeune femme. Elle s'approcha, pas à pas comme si elle devinait sa peur, jusqu'à se trouver à quelques dizaines de centimètres d'elle. Elle prit alors son temps pour la renifler de la tête aux pieds. L'animal était extrêmement douce et attentionnée, elle approchait son museau de Madène pour la sentir sans jamais la toucher, sans faire aucun mouvement brusque. Elle s'attarda tout particulièrement sur la cheville bloquée et douloureuse.

La bête commença à donner de petits coups de museau dans la jambe prise de Madène, doucement, tout doucement. Puis à renifler le bois qui l'emprisonnait. Madène la regardait faire, pétrifiée, prise entre l'émerveillement et la peur. Elle n'osait pas remuer un cil de peur de l'interrompre. La nyama essaya d'écarter les planches avec ses dents, mais elle n'arrivait pas à les atteindre sans forcer sur le pied de la jeune femme. Loin d'abandonner, elle prit un peu de recul et tourna la tête pour se servir de son immense corne comme d'un pied de biche.

Sentant la pression diminuer, Madène se libéra vivement et se recula en rampant, reconnaissante. Occupée à masser sa cheville endolorie, elle ne remarqua pas tout de suite que sa sauveuse n'avait pas bougé. Pour une raison dont la namès ignorait tout, elle restait à la regarder d'un œil doux, remuant seulement sa queue en un rythme lent. Elle semblait presque attendre quelque chose.

Au bout de quelques instant, Madène se releva. Ou plutôt essaya, car sa cheville lâcha sous elle au moment de porter son poids. Avec un grognement de frustration, elle se rassit au sol. Comme si elle comprenait ses déboires, l'animal s'approcha à nouveau d'elle, et précautionneusement, passa une de ses cornes sous son bras. Comme la jeune femme ne comprenait pas ce qu'elle voulait, elle la souleva légèrement. Recevant enfin le signal, Madène s'appuya sur elle pour se relever.

Saisissant sa chance, elle essaya d'attirer la créature dans la direction d'où elle était arrivée ; par chance, elle la suivit sans faire de manière. S'en servant comme d'une béquille au départ, la jeune femme retraça ses pas pour revenir cahin-caha à la ferme qui l'attendait. Après quelques pas, elle pu à nouveau marcher seule, mais elle gardait une main posée sur le cou de la nyama, tenant la corde qui y était encore attachée.


« Milka ! Tu l'as retrouvée ! » L'éleveuse les accueillit à bras ouverts. En la voyant avec son animal, Madène arrivait presque mieux à comprendre le comportement de celle-ci : tant de gentillesse avait sûrement teinté son caractère calme.

Une fois qu'elle eut pris soin de la fugueuse, la femme se retourna vers sa bienfaitrice et la parcourut du regard.

« Viens vite, tu m'as l'air d'avoir bien besoin d'un repas chaud ! »

Elle l'entraîna à l'intérieur de la maison et la fit asseoir devant une belle assiette de soupe, accompagnée de pain frais et de lanières de viande séchée. La nourriture était très simple mais bonne, et Madène avait suffisamment faim pour que ce repas lui paraisse un véritable festin.
La fermière la regardait manger avec compassion, et semblait songer à quelque chose.

Lorsqu'elle la raccompagna à l'extérieur une fois le repas fini, elle s'arrêta devant un enclos, réfléchit une seconde, et y entra en lui demandant d'attendre à. Elle reparut quelques minutes plus tard en tirant un jeune nyama par un licol.

« Tiens, tu l'as bien mérité comme compagnon. Il pourra peut-être un jour t'aider comme sa mère ! »

Attrapant la longe, Madène ne savait pas vraiment quoi dire, ni comment la remercier à la hauteur du cadeau qu'elle lui faisait. En guise de réponse, elle s'inclina devant elle en murmurant des remerciements avant de repartir en direction de chez elle.