Nagga vous parlera difficilement de son passé, même si vous la connaissez bien. Cependant, si vous réussissez à l'amadouer avec quelques bières de bonne facture et la saoulez un peu, elle deviendra sans doute plus bavarde... Et ne s'en souviendra pas. Elle commencerait avec un petit haussement d'épaules, et affirmera ne pas avoir vraiment vécu une histoire trépidante. Pas de dragons, de monstres dévoreurs de mondes ou de communion avec les Dieux Anciens. Non. A vrai dire, tout débuta dans une humble caravane marchande...

Le convoi de chasseurs était relativement maigre pour la saison. L'hiver avait été trop dur, disaient-ils, les bêtes n'avaient quasiment plus de viande sur le dos et était maigres comme des anguilles. Mais pour certains pisteurs, les peaux qu'ils amassaient représentaient leur seul revenu, il leur était donc plus que vital, même pendant les temps difficiles. Le père de Nagga était à la tête du petit convoi marchand. Il troquait régulièrement avec les chasseurs et les accompagnaient jusqu'à Orlack, où ils négocieraient des affaires. Nagga, encore enfant, à l'époque, adorait discuter avec les chasseurs. Ils lui apprenaient plein de choses. Ces derniers, heureux que l'enfant s'intéresse à ce qu'ils faisaient, la gâtaient beaucoup, derrière les marmonnements mécontents de son père. Vous allez m'en faire une chasseuse, qu'il disait. Il n'avait pas réellement tord. La mère de Nagga était morte d'une maladie quelques années auparavant. La jeune Liare n'en garde que très peu de souvenirs, si ce n'est la fragrance familière qu'elle portait souvent.

Nagga ne fut jamais confrontée à un fort patriotisme pour sa nation, et à plus forte raison car son père désapprouvait grandement le régime actuel. Il se gardait cependant bien d'en parler, ne désirant pas d'ennuis. C'est ainsi que la Liare grandit dans ce petit convoi de caravanes nomades, entourée de marchands qu'elle considérait comme sa grande famille et des chasseurs réguliers qui ne manquaient jamais de lui apporter quelques babioles. En vieillissant, elle partait parfois avec eux, lors des grandes chasses annuelles. Cela déplaisant à son père, qui la voyait déjà héritière de son petit commerce. Nagga, quant à elle, préférait bien plus courir dans les étendues sauvages et pister des bêtes pendant des jours plutôt que de passer une heure à négocier quelques perles. Ce débat était souvent sujet à dispute entre le père et la fille, et ce fut après un énième conflit de ce genre que la Liare partie en chasse solitaire pour quelques jours.

C'était ce qu'elle faisait souvent, son besoin de solitude et de liberté prenant le dessus sur ses soi-disant responsabilités. En réalité, ce fut la dernière fois qu'elle se disputa avec son père, car à son retour, elle retrouva la caravane ravagée par des bandits, à feu et à sang. Elle demanda de l'aide aux gardes, qui refusèrent. Son père étant connu comme dissident à la Couronne, nulle assistance ne lui serait apportée. Furieuse, elle se mit en quête de vengeance, reniant par la même occasion la famille royale et plus globalement sa nation. Elle ne serait Liare plus que de race.

Vous écoutez le récit, silencieux. Nagga ne continuera pas, vous savez. Car elle ne retrouva jamais les auteurs de ce crime. Sans doute quelques bandits lambda, attirés par l'odeur de l'or et des richesses. La suite de l'histoire se devine facilement : elle quitta le monde des Liares pour errer parmi les humains, vivant de chasse et des quelques connaissances qu'elle avait amassé au fil des années. Plus tard, elle choisie de devenir guide, activité plus fiable et moins aléatoire que celle de chasseur. Et nous y voilà finalement.

Mais l'histoire est loin d'être finie, n'est-ce pas ?