J’ouvre de grands yeux. D’un cop, comme ça sans prévenir, Vomito se met à bavasser comme pas possible. Je suis en état de choc, il va y avoir un tsunami, Maman Nature va apparaître sous nos yeux pour nous donner la fessée avant de nous tendre une sucette. Pourquoi ? Je ne sais pas mais ce n’est pas vraiment important puisque de toute façon le monde marche à l’envers aujourd’hui. Vomito parle mon dieu ! Et pas qu’un peu ! Le voilà qui me raconte sa vie, la vie de Madelle, où aller, comment et pourquoi. Un sourire -presque moqueur, il faut l’avouer- s’étend sur mes lèvres lorsqu’il se met à bavasser avec de grands gestes, si vite que s’il était poursuivi par un Chat Potté ayant la rage il parlerait plus doucement, j’en suis sûre. Je finis par lui arracha la carte des mains pour tenter de suivre toutes ses indications et avoir une idée de l’endroit où ça se trouve en même temps mais son débit est si élevé que je peine à faire les deux choses en même temps.

En gros tout ça se trouve au nord mais je ne dois pas traverser les montagnes si je ne veux pas mourir brûler. Je regarde Deth rire tout seul mais aucun sourire n’étire mes lèvres pâles. Je passe une main dans mes cheveux et sur mon visage en attendant qu’il se décide à continuer ses explications aux lieux de rire de métaphores banales et bancales. Nous n’avons pas de nageoires et peu d’entre nous ont des écailles. Nous ne possédons ni branchies ni ailerons et nous ne pondons pas d’œufs. La ressemblance avec les poissons est quand même très vague. Les Héléos sont autant des poissons qu’un humain ressemble à un porc. Quoi que, c’est peut-être un peu plus vrai pour les hommes avec porcs ! Cependant, ça remarque m’intrigue. Un lac de lave contient il assez de molécules d’eau pour que je puisse le geler ? Je ne pense pas, c’est surtout composé de pierre fondue mais ça faudrait la peine d’essayer tout de même ! Il doit forcément y avoir un peu d’eau là dedans ! Mais mon petit doigt me dit que je mourrais avant d’avoir gelé un centimètre carré. Je rejoindrais les montagnes dont il me parle mais j’aimerai voir une vraiment ville avant, une ville de la terre ferme. Comme (je fixe la carte, faisant du même coup un peu abstraction de ses paroles) Krik ou Déoli par exemple ! Après j’irais dans les montagnes ou auprès de la mer selon le temps qu’il me reste. Peut-être pourrais-je monter vers le nord, chez les liares ? J’aimerai vraiment voir à quoi ressemble leur pays ! Et tenter de geler de la lave tant qu’à faire !

Mon prénom, voilà qu’il m’interroge sur mon prénom. Euh … Je ne sais pas. Il paraît que Winter signifie hiver dans une langue oubliée mais je n’ai jamais demandé à mes parents si s’était parce qu’ils étaient tous les deux persuadés que j’hériterai de la Vérité de la Glace qu’ils me l’ont donné ou pour une autre raison telle que l’endroit où j’ai grandi ou même parce que c’était leur saison préférée. Toujours est il que je m’efforce de le portée avec fierté, usant de ma vérité, de ma peau blanche comme neige et de mes statues pour faire valoir la force de l’Hiver. Je suis l’hiver, je suis la glace et chacun sur Madelle apprendra à me respecter et à les respecter à travers moi.

Quand il se met à pointer mes défauts j’hésite à lui clouer le bec en le faisant chuter comme hier à Thalis. Je me demande d’ailleurs ce qui me retient ! Comment ça j’ai un bouton sur le nez ? Mais est-ce que je lui fais remarquer qu’il s’est coiffé avec un pétard ou que son grain de beauté près de l’oreille est moche, non mais oh ! Peut être parce qu’il me dit que mes cheveux sont jolis ? Ah ça y est me voilà qui rougit. Vite partie la froideur de l’hiver ! Un petit compliment et hop !

- Je sais pas ce qu'il y a dans cette bouteille, mais c'est bizarre... T'en as bu aussi non ? Pourquoi tu n'as pas les même symptômes que moi ?

Non moi je suis normale merci bien d’avoir demandé. C’est hors de question de finir comme toi ! Berk ! Ah, bah le voilà qui parle à un oiseau désormais ! Ca empire dis donc ! Heureusement que je ne suis pas comme ça ! Parler à des statues ou à des animaux ? Jamais ! Ca ne me ressemble pas du tout ! L’oiseau, tout comme moi, le fixe sans rien dire. En même temps je me demande bien ce que pourrait lui dire un gros piaf. Enfin, il finit par en avoir marre et déplie ses ailes immenses. Ne me laisse pas avec lui s’il te plait ! S’il te plait ! Le Xiorn balance Deth sur son dos et s’envole. J’ouvre de grands yeux ébahis. Je ne pensais pas que mon vœu serait exaucé aussi vite ! Tandis qu’il s’éloigne, Vomito se retourne et me salue chaleureusement. Je souris et lui lance un grand :

- A bientôt pour un duel de Vérité j’espère !

Euh … Ca ne va pas commencer tout de même ! Je ne voulais même pas lui parler je ne l’aime pas ! Je rassemble rapidement mes affaires pour m’éloigner de cet endroit visiblement maudit. J’empoigne la bouteille et décide de la laisser en me remémorant les paroles de Vomito à propos de la boisson. C’est alors que je percute que j’en ai bu moi aussi !

- Ah non ! Je ne veux pas me mettre à dire tout ce que je pense comme lui ! Il était tellement ridicule …!

Je voudrais ajouter stupide mais les mots ne sortent pas de ma bouche alors je reprends rageusement ma litanie, furieuse contre cette bouteille que je jette au loin.

- Et pourquoi ne puis-je pas dire qu’il est stupide ! C’est quand même un comble ! Elle veut quoi cette bouteille ? Que je dise ce que je pense ? Comme le fait qu’il est beau et attirant et que ça ne me dérangerait pas de l’avoir dans mon lit ?

Je pousse un petit cri en m’entendant proférer ces mots et accélère le rythme pour pouvoir décamper au plus vite. Je serre les lèvres pour tenter de les garder sceller le temps que le mauvais sort s’en aille. Heureusement qu’il a décampé. Dans ma précipitation, je fais tomber une partie des provisions. J’hésite puis me mets à les rassembler, aussi vite que je peux, tant pis j’aurais perdu quelques précieuses secondes. Je regarde la flaque mi-eau mi-glace par terre et entreprend de reformer le Seffronh de tout à l’heure. Je confonds vitesse et précipitation et il ne ressemble pas à grand-chose mais j’empoigne ma besace et saute sur la créature informe. Tandis qu’elle entreprend un galop chaotique je commente :

- T’es sacrément moche quand même ! Pas comme Deth ! -je secoue négativement la tête, désespérée- Pourquoi t’as le nez écrasé ? Pourquoi t’as une patte plus courte que les autres et pas de queue ? Non mais c’est vraiment n’importe quoi ? Son Xiorn à lui au moins il était magnifique ! Franchement, dire que j’ai un bouton sur le nez ! C’est …

J’essaye de dire que c’est faux mais ce mot ne sort pas de ma bouche. Je fronce les sourcils et porte la main à mon nez. Ce qui me semble être un énorme furoncle y trône fièrement et m’arrache un soupir. Je me concentre sur ma monture bancale en attendant de trouver quelque chose d’intelligent à répliquer. J’égalise ses pattes et harmonise son visage. Bientôt, c’est une noble créature qui galope à une allure régulière que voit passer les quelques humains que nous croisons sur ces terres désolées.

- M’en fous, lui aussi il a des trucs moches ! Et puis qu’est ce qu’il est insupportable avec son irrésistible mauvais caractère !

Et toute la soirée, les arbres et les plantes profitent de mes critiques de son sale caractère et son son physique -plus ou moins- ingrats et sont témoins de tentatives de dire qu’il n’est absolument pas attirant.