| (#) Sujet: [Event] Le phoenix noir Dim 14 Juin 2015 - 17:12 | |
| Par une nuit sans lune, une tour se tient seule dans le vent. Un nid de cendres y siège, seul trace de vie dans ces landes désolées. Personne ne connait cet endroit, ou du moins personne ne s'en souvient, car ces lieux son maudit, et cette tour toute de noir vêtue fait partie des fantômes du passé. Pourtant, quelque chose s'agite de ce néant, quelque chose frémit. Du fin fond de la mort, un oisillon s'extirpe des cendres. Un phœnix revient au monde, sauf que quelque chose ne va pas. Son feu est teinté de ténèbres, ses plumes portent les couleurs de l'ombre, cet oisillon frêle et délicat exhale l'odeur du fiel. Pourtant il grandit, il murit, et avant même qu'il s'en rende conte, l'animal dévore le voyageur trop curieux.
"Encore ce rêve..."
Cela faisait un moment qu'il était pourchassé par se songe. Un homme sage ne faisait pas attention à quelques cauchemars éparses, mais un prêtre ne saurait ignorer un rêve tenace. Au début, le vieillard mit cela sur le dos de sa vie tourmentée. Seulement, l'oisillon revenait chaque nuit, tant et si bien qu'il ne pouvait plus l'ignorer. Il aurait pu en faire par au Conseil de la Lumière, mais ces derniers avaient été suffisamment ébranlés par la Prophétie d'Edeolyn, sans que le Tirésias y rajoute ses propres démons. Non, il devait régler cela par lui même, et s'il y avait réellement une Ombre au Sud, il irait à sa rencontre.
Une fois n'est pas coutume, Luther abandonna trône et responsabilités pour prendre la route. Il était devenu un véritable expert dans l'art de s'éclipser, et il avait tisser un réseau efficace et discret qui lui permettait de voyager sans craindre la faim et la pluie. Certes, il aurait pu prétexter un voyage vers Déoli, mais les sorties officielles du Tirésias étaient rares, et il ne souhaitait ni le faste, ni l'agitation qu'aurait créer pareille décision. Non, il devait être seul avec lui même, il devait rencontrer cet étrange phoenix.
Passer du Désert de la patience aux Terres oubliés n'était pas une mince affaire, surtout pour une personne aussi importante, mais une sans sa soutane d'or et de soie, emmailloté dans un manteau gris et rendu poussiéreux par la marche, Luther passait aisément inaperçu. Il ne portait même plus sa couronne, et seulement un observateur averti aurait pu le démasquer. Aussi, l'aventurier de fortune arriva sans encombre aux chutes de Véroni. Non, ce n'était pas sa destination finale, mais quitte à faire une escapade, autant faire escale à l'endroit le plus beau de Madelle non? Autrefois, les disciples de Zaraze s'étaient retrouvés à cet endroit. Nous parlons d'une époque lointaine, quand le Nascor avait disparu, et que les Récleyés, égarés mais non perdus, tentaient tant bien que mal de maintenir leur idéal d'unité. L'Arthenias fut de ceux-là, et quand il sentit l'odeur de l'eau, quand il entendit la cascade, quand il pu contempler cet endroit hors du temps, il ne put s'empêcher de se perdre dans le passé.
Il ne s'était pas arrêté dans une auberge, mais chez un certain Salomon. Cet homme vivait ici depuis longtemps, reclus du monde, profitant de la tranquillité de ce lieux avec sa femme et ses fils. Ils n'étaient pas riches, mais ils étaient heureux. Autrefois, ce monsieur fut un Ancien, un de ceux qui avait rejoint la charmante Faras, sauf qu'il avait abandonné le navire bien avant la corruption de Sydilia. Quoiqu'il en soit, lui et Luther était de vieux amis, et quoi de mieux qu'un viel herboriste perdu en pleine nature pour avoir un peu de tranquillité? Le Tirésais avait l'intention de rester quelques jours ici, histoire de reprendre des forces et de profiter un peu d'une amitié franche et intègre. Et oui, en tant que grand Sage des Namès, rares étaient ceux qui osaient lui parler sans détour, la sincérité étant une chose rare dans les hautes sphères du pouvoir.
Cependant, s'il trouva bien dans cette chaumière le repos du corps, son esprit n'eut point le loisir du divertissement. Sans doute Salomon ne lui aurait-il rien dit, mais Luther lui fit part de ses rêves, et en ami, il se devait d'être sincère. Même lui, un ermite perdu au fin fond de nul part ne pouvait ignorer ce qui se passait, d'autant plus qu'il se trouvait non loin de ce désastre. L'Ancien avait, comme nombre des siens, la capacité d'écouter la terre, et celle-ci avait poussé un hurlement tel que même sa Vérité émoussée par le temps en fut chamboulé. Un tour en ville ne fit que confirmer ses craintes :
"Je suis désolé de te l'apprendre viel ami... mais l'ombre est bien revenu dans notre monde. Bien que je ne l'entretienne pas, l'Art des Anciens coule dans mes veines, et rarement j'ai ressenti une pareille perturbation dans la nature. Les Récleyés sont de retour."
Moult questions suivirent cette déclaration, mais Luther se rendit compte assez tôt que Salomon n'en savait pas plus que lui. Ceci dit, la nouvelle avait déjà secoué Déoli, et nul doute Karnès ne tarderait pas à être au courant. Il aurait dut rebrousser chemin, il aurait du retourner chez lui, et guider les Namès dans ces temps de crise. Ceci dit, le peuple du Désert avait tout un Conseil pour l'aider, et quand à lui, il n'était qu'à quelques jours des terres oubliées. Il n'avait rien oublié de son passé, rien oublié de la trahison de Zaraze, de sa propre mort, et même si cela l'effrayait, il mourrait d'envie de revoir cette confrérie maudite. Après tout comment pouvaient-ils être encore en vie? Toutes les horreurs de la grande guerre, tout ces sacrifices n'avaient donc servit à rien? Mais plus important encore, comment une bande de rescapée pouvait-elle défier les Quatre confréries? Qui étaient donc ses nouveaux ennemis, et à quel point fallait-il les prendre au sérieux? Autant de réponses qu'il devrait aller chercher lui même!
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