Miradelphia de Varkadien

Miradelphia de Varkadien ne commettait pas d’erreur. Elle ne le pouvait tout simplement pas. Digne, fière, elle était l’héritière légitime du trône des Océans, aussi, elle se devait d’être irréprochable aux yeux de sa famille et de son peuple. De par son attitude et sa droiture, l’héléo était respectée de la majorité du peuple, peu conscient de l’orgueil dont la jeune femme était capable. Voilà la raison pour laquelle l’arrogante princesse qu’était Miradelphia ne pouvait admettre qu’elle avait eu tort ! Elle ne pouvait décevoir ses frères et sœurs, ou encore sa mère et surtout, elle ne pouvait décevoir son père ! Mais ils n’étaient pas dupes. Le poids de la culpabilité rongeait la princesse depuis maintenant quatre mois et son entourage s’en était aperçu. D’abord inquiets, ses proches en ont conclu que Miradelphia ne parvenait à se remettre de son amour pour l’héléo de glace. Mais il n’était plus le centre de ses soucis, à présent. Autre chose la perturbait, une chose face à laquelle elle était dorénavant impuissante. Le secret qu’elle contenait en elle la rongeait de l’intérieur, si bien qu’elle commença à entretenir l’idée folle de retrouver cette humaine. Cette humaine partie avec le lys d’Armènd, cette plante miraculeuse permettant aux humains de respirer sous l’eau. Une véritable malédiction pour ce qui concernait le peuple héléo. Miradelphia avait-elle offert aux humains l’opportunité d’envahir les océans ? La princesse, elle-même responsable de l’avenir du peuple de la Mer, était-elle à l’origine d’une future guerre opposant héléos et humains ? La jeune femme ne pouvait plus supporter le poids de sa culpabilité.

Il y a quelques jours de cela, Miradelphia entendit parler d’une vente aux enchères réservée aux nobles et aux riches marchands, menée par une humaine et quelques alchimistes se déroulant au port de Thalis. Cette vente aux enchères mettrait en vente, d’après les rumeurs qu’elle avait entendues, une plante unique. La princesse y vit là un espoir. Errant dans les galeries du palais, rongée par l’angoisse, la princesse se décida à retrouver cette humaine et à lui extirper le lys d’Armènd de ses propres mains s’il le fallait.

C’est ainsi que Miradelphia se déroba, l’espace d’une nuit, à ses obligations d’héritière du trône pour partir une nouvelle fois en quête de cette plante de malheur. La princesse était parvenue à échapper à l’œil des gardes royaux et à parvenir jusqu’au port de Thalis sans encombre, se fondant dans l’obscurité telle une ombre. Elle déambulait à travers les grandes rues qui bordaient la ville, scrutant chaque visage qu’elle croisait. Mais elle demeurait invisible aux yeux des passants qui se mouvaient à travers les différentes rues de la ville, étonnement vivante de nuit. Dissimulée sous des haillons qui recouvraient son corps et sa longue chevelure d’ébène, la princesse n’était plus qu’une passante comme une autre, à la recherche d’une chimère. Le désespoir la gagnait au fur et à mesure que les heures s’écoulaient. Les passants se faisaient de plus en plus rares. Elle ne trouvait pas la moindre trace de cette humaine. Ses jambes la faisaient souffrir tant et si bien qu’elle se laissa retomber à genoux sur le sol, se maudissant elle-même de ne pas l’avoir stoppée quand elle en avait encore l’occasion. Il ne se fallut que de quelques secondes avant que son corps ne soit traversé par de multiples sanglots. Désespérée et profondément blessée de par sa propre incompétence, Miradelphia laissa échappa une plainte qui déchira le silence de la nuit :

- Où se trouve cette maudite vente aux enchères ?!

Indications:

“Séchez vos larmes mademoiselle, et laissez-moi vous conduire à cette vente aux enchères si vous y tenez tant. Je me nomme Finnick Shuöra, pour vous servir.”

Miradelphia de Varkadien

La ruelle était déserte, enfin, c'est ce qu'elle aurait parié. Lorsqu'elle entendit la voix d'un jeune homme, ses larmes se figèrent et instinctivement elle renifla bruyamment et essuya les quelques gouttes, qui étaient descendues sur ses joues, d'un revers de manche. N'étant pas habituée à ce genre de tissu, elle eut l'impression de se rapper le visage. Elle releva son visage vers le dénommé Shuöra avec des yeux très légèrement rougies et s’empressa de répondre avec bien trop de conviction.

- Je ne pleurais pas !

Miradelphia accepta cependant la main qui se tenait devant elle pour se relever doucement. Le nom sous lequel son sauveur s'était présenté lui rappelait vaguement quelque chose. Ayant pris ses responsabilités de future souveraine très à cœur, la princesse n'a jamais manqué une seule leçon sur les lignés Héléos. Mais si elle connait par cœur les plus grands noms passés et présents, elle a quelque lacune en ce qui concerne ceux qui se font plus discrets.

Et puis, sans ses demoiselles d'honneur, elle a bien du mal à reconnaître les visages. L'a-t-elle déjà rencontré ? Elle en doute fortement et puis il ne semble pas la reconnaître. Rien de plus étonnant avec les guenilles ternes qu'elle porte. Elle a l'impression d'avoir sur elle une tente. Cela ne ressemble en rien aux voiles délicats et rayonnants qui caressent d'ordinaire sa peau. Se remettant maladroitement sur ses pieds, Miradelphia arbore un léger sourire de circonstance.

- Merci beaucoup pour votre proposition ! Cela me touche profondément. Elle marque cependant un temps de pause involontaire n'ayant pas réfléchi à son nom d'emprunt... Et lâche à l'improviste. Daphné Devark. Vous êtes sûr de bien vouloir y aller en ma compagnie ?

C'était un peu trop beau pour être vrai. Elle disposait peut-être de nombreux privilèges, mais la princesse n'en était pas pour autant crédule. En tout cas plus maintenant ! Elle avait déjà fait les frais de placer sa confiance en un parfait étranger souhaitant jouer au chevalier. Miradelphia n'avait malheureusement pas d'autres moyens pour se rendre à cette vente. Les pleurs étaient déjà oubliés pour la princesse. Elle devait maintenant mettre de côté son orgueil pour une plus grande cause.

S'il fallait qu'elle joue à la pauvresse qui remercie tout le monde sans cesse, elle le ferait. Mais cela n'allait pas être simple. Miradelphia ne put d'ailleurs pas s'empêcher de demander.

- Est-ce que c'est loin d'ici ?

« Encore quelques rues, et nous y serons. Prenez donc mon bras, nous y seront en un rien de temps vous verrez. »

« Si je peux me permettre d'être indiscret, pourquoi est-ce que cela vous tient tant à cœur de vous rendre à cette vente aux enchères ? Y a-t-il quelque chose que vous voulez acquérir, ou espérez vous rencontrer quelqu'un en particulier ? Cela ne me regarde peut-être pas, mais si vous me dites de quoi vous avez besoin, je pourrai vous aider plus efficacement... »

Miradelphia de Varkadien

Par habitude, elle resta accrochée à son bras. Elle avançait d'un pas léger et rapide, son regard balayant sans cesse la rue en espérant qu'ils passeraient cette porte, ou peut-être celle-ci. L'attente était interminable, elle redoutait ce moment autant qu'elle l'attendait. Elle profita de cette ballade pour détailler le jeune homme qui l'accompagnait, mais pas moyen de se souvenir de lui à l'une des interminables soirées que ses parents avaient déjà bien pu organiser. Après tout, cela ne changeait rien, il l'aidait et c'était là le principal. Il était parfait pour cette mission.

En s'habillant ainsi, elle avait surtout pensé à passer inaperçu dans la mer, mais maintenant qu'elle était au port en direction d'une vente aux enchères des plus prisées, elle se rendait compte qu'elle aurait du emporter une seconde tenue. Elle n'était pas vilaine et gardait sa posture princière, mais cela pouvait ne pas suffire. Même si elle était recalée à l'entrée, elle savait qu'elle mettrait tout en œuvre pour entrer. Quoi que si elle devait se comporter comme une servante cela risquait fort de l'agacer prodigieusement. Miradelphia n'avait pas pour habitude qu'on s'adresse à elle comme on le ferait avec une manante, bien au contraire.

Elle avait toujours aimé l'attention que les gens lui porter et après le scandale, cela avait été compliqué pour elle de subir les railleries de la cour. Elle ne s'était pas exilée au palais d'été avec sa mère pour rien. Il lui fallait à tout prix cette plante ! Alors, quand Shuöra lui demanda ce qu'elle cherchait, elle n'hésita pas longtemps à lui avouer la raison de sa venue. Même si elle n'était pas prête à lui accorder totalement sa confiance, il ne savait pas qui elle était, alors elle n'avait rien à perdre à être honnête avec lui à ce sujet. Puisqu'ils étaient presque arrivés à destination, Miradelphia sembla judicieux de marquer un temps d'arrêt pour ne pas révéler ses ambitions à des oreilles indiscrètes :

- Je recherche l'organisatrice de cette vente aux enchères. Si je ne me trompe pas, il s'agit de Marion Ok'nogans, une riche marchande. Elle a quelque chose en sa possession qui est dangereux et je veux le lui prendre. J'accepterais volontiers votre aide, mais sachez que cela doit être fait dans la plus grande des discrétions, si possible.

C'était sûrement risqué de le lui dire, mais elle n'avait pas vraiment d'autres options. Tant qu'il ne se rendait pas compte de qui elle était, les risques étaient minimes. D'ailleurs, maintenant qu'elle lui avait avoué sa quête, elle continua ses explications pour lui donner tous les éléments :

- Je sais de source sûre qu'elle a acquis le lys légendaire et j'ai bien peur qu'elle n'ait fait appel à l'aide d'alchimistes pour le reproduire. Vous comprendrez qu'une telle plante entre les mains d'Humains n'annonce rien de bon pour notre peuple... Si vous êtes prêts à me suivre, nous devons nous assurer de détruire tout ce qui a un rapport avec le lys...

Voilà, c'était dit. Il allait sûrement se montrer suspicieux, peut-être même allait-il la laisser planter là et prévenir l'hôtesse des lieux de ses intentions. C'était un risque qu'elle était prête à prendre. Si sa seule option était de saccager les lieux avec son golem d'eau, elle n'hésiterait pas. La princesse s'était fait avoir une fois et elle n'avait pas envie que les événements se répètent ! Son arrogance reprenant le dessus. Même si elle était seule, elle se sentait de taille à affronter toute une assemblée, car elle avait l'impression que sa cause était juste et qu'Eliosa ne pouvait être qu'à ses côtés.

Bien évidemment, elle n'était pas non plus stupide au point de se lancer tête baissée. Elle ferait d'abord tout en sorte pour s'infiltrer et s'approcher au plus près du lys d'Armènd, mais elle était prête à tous les sacrifices. Si cela voulait dire tuer Marion et sa bande d'alchimistes, elle en serait capable. Cela pouvait se lire dans ses yeux qu'elle ne reculerait devant rien. Les larmes avaient disparu et leur rougeur s'était atténué. Maintenant qu'elle était à deux pas de franchir le seuil de l'hôtel des enchères, elle savait qu'elle avait une chance de parvenir à son but et rien ne pourrait s'y opposer.