Courir le plus loin possible et ne jamais se retourner telle était la volonté de l'Ancienne, elle qui avait rêvé durant toute son enfance de ce jour commençait à douter. Le soleil était encore caché par l'horizon lorsque la jeune fille avait décidé de franchir le seuil de la porte d'entrée. Elle s'était extirpée de son lit sur la pointe des pieds et avait ramassé le sac de provisions qu'elle avait préparé la veille. S'étant couchée toute habillée, la jeune femme n'eut qu'à prendre sa cape qui était posée sur son bureau avant de sortir de chez elle. Sur son oreiller elle avait déposé une lettre à l'attention de ses parents. Elle leur expliquait qu'elle avait décidé de mener sa propre vie et que s'ils cherchaient à la retrouver pour la ramener à Saona leurs efforts seraient vain, car quand bien même ils arriveraient à la ramener, elle était décidée et n'hésiterait pas à fuir à nouveau.

En mettant un pied dehors, l'Ancienne ne put s'empêcher de se retourner pour jeter un dernier regard à la demeure qui l'avait vu grandir. Elle savait que son geste était lâche et qu'il ferait souffrir les personnes qu'elle aimait le plus au monde, mais elle avait pris sa décision. Après tout elle ne pouvait pas continuer de vivre pour les personnes qui l'entouraient, aujourd'hui elle faisait le choix de vivre pour elle et pour ses rêves. C'est avec un lourd poids sur le cœur qu'elle s'éloigna de chez elle. La ville était tranquille à cette heure-ci, mais certains commerçants étaient déjà levés pour préparer leur magasin. C'est pourquoi Adélaïde essayait de se faire la plus discrète possible. Elle avait mit la capuche de sa cape, afin que les citadins ne la remarquent pas, elle ne voulait pas que l'un d'eux la reconnaissent, car tout le monde dans le quartier savaient pertinemment que la fille aînée des Firloe ne pouvait pas sortir seule.

Telle une ombre la jeune femme s'éclipsa de la ville, personne ne l'avait vu et pourtant son cœur battait à tout rompre dans son corps. La peur s'était emparée d'elle lorsqu'elle n'était plus qu'à quelques mètres de la sortie. Elle appréhendait sa sortie, et si quelqu'un l'avait aperçu et que ses parents étaient derrière elle ? Et si elle n'arrivait pas à franchir les limites de la ville ? Et si les monstres qui rodaient dehors ne faisaient qu'une bouchée d'elle ? Tétanisée, Adélaïde se trouvait à la limite de la sortie de la ville, elle avait tant rêvé de ce jour et aujourd'hui elle n'arrivait plus à avancer. Des milliards de questions embrouillaient son esprit, la jeune femme était entrain de perdre tout son courage, alors que ce à quoi elle aspirait depuis tant d'année était à portée de main. Adélaïde ferma les yeux et prit une profonde inspiration tout en avança d'un pas, puis de deux. Elle rouvrit alors les yeux et vit qu'elle avait franchi la frontière, elle se trouvait désormais dans la forêt.

Étrangement un sentiment de liberté l'avait envahi, elle n'avait fait que deux pas de plus, mais cela changeait tout pour elle qui n'avait jamais quitté Saona. Ainsi Adélaïde se remit en route le cœur plus léger, même si au fond d'elle même elle ressentait une grande tristesse de devoir abandonner les siens. La jeune femme n'avait jamais entrepris de voyage, elle savait que pour les premiers jours cela risquer d'être très éprouvant. Cependant l'Ancienne était armée d'une volonté de fer, certes elle avait quelque peu peur de l'inconnu, mais elle se sentait prête à affronter tous les dangers. Même si elle ne connaissait pas la forêt, la jeune femme réussit à trouver un sentier et se mit à le suivre, elle ne savait pas vraiment vers où elle se dirigeait, mais elle avait la ville dans son dos, alors elle finirait surement par atterrir dans le territoire neutre de Faras. C'est avec un énorme sourire qu'elle prit la route.

Elle marchait depuis environ une heure, quand soudain elle entendit quelqu'un devant elle, en tout cas il lui sembla entendre des pas non loin. Sur le coup la jeune fille se mit à paniquer, peut-être l'avait-on retrouvé ? Son premier réflexe fut de se cacher derrière une arbre, mais très vite elle se sentit ridicule. Si quelqu'un était parti à sa poursuite il ne pouvait pas se trouver devant elle, il devait donc s'agir d'un inconnu, à moins que ce ne soit une bête, mais cette pensée n'effleura même pas la jeune femme qui s'en prendre le temps de réfléchir repris sa marche. Inconsciente du danger qui pouvait se trouver devant elle, Adélaïde se contenta simplement de continuer d'avancer, jusqu'à ce qu'elle commence à distinguer une silhouette.

Un jeune homme était assis sur un rocher, la jeune femme put distinguer une ombre qui s'envoler, de là où elle était elle ne pouvait pas voir grand chose. En voyant ainsi cet étranger, l'Ancienne commença à activer ses méninges et l'hypothèse qu'il s'agisse d'un guet-apens lui arriva à l'esprit, pourtant cette idée ne lui fit pas rebrousser chemin, bien au contraire. Enfin son aventure pouvait commencer et elle allait pouvoir faire sa première rencontre. La jeune femme serra fort son arc, elle prit une des flèches qui se trouvait dans son carquois et se mit en position de tirer. Ainsi prête à toutes éventualités, enfin surtout celle où elle se faisait attaquer, elle se décida à sortir de sa cachette. Le jeune homme lui tournait le dos et il semblait ne pas l'avoir remarqué, Adélaïde pointa son arc et sa direction et d'une voix un peu sèche elle déclara :

- Retournez-vous que je puisse voir vos mains !

L’excitation s'était emparée de la jeune femme, des millions de scénarios s'entrechoquer dans son esprit. Le visage neutre, sans expression, son sourire avait disparu pour laisser place à un visage dur qu'elle ne se connaissait pas. En à peine quelques secondes l'Ancienne avait réussi à trouver une certaine assurance, qui pourtant n'était qu'une façade, car au fond d'elle elle menait déjà un combat. Tout son être tremblé et sa raison lui disait de fuir le plus possible et de rentrer chez elle, cependant son cœur lui disait de rester et de ne pas tourner le dos au premier obstacle qu'elle rencontrait, sinon jamais elle ne serait capable de vivre les aventures dont elle avait tant rêvé durant son enfance. Serrant davantage sa main sur son arc, elle attendit que l'inconnu se retourne pour savoir à qui elle avait à faire.

Serrant davantage sa main sur son arc, elle attendit que l'inconnu se retourne pour savoir à qui elle avait à faire. L'inconnu qui lui tournait le dos se leva et lui fit face, il s'agissait d'un jeune homme qui devait avoir son âge. L'homme n'était pas très costaud, le kimono noir qu'il portait affinant davantage sa silhouette. Adélaïde était quelque peu surprise par ses yeux rubis, elle n'avait jamais vu de telles yeux, mais ce qui l'interloquer davantage était le regard que lui jetait ce jeune homme. Il était plein de malice et d'assurance, on aurait dit qu'il ne prenait pas la jeune femme au sérieux, ce qui l'irrita grandement. Elle n'avait jamais tiré de flèche sur un être humain, mais si la situation le demander elle savait, ou en tout cas elle se disait qu'elle n'hésiterait pas une seconde. L'Ancienne ignora complètement les questions du jeune homme, elle n'avait pas l'intention de lui raconter sa vie, tout ce qu'elle désirait, s'était s'assurée qu'il ne représentait aucun danger pour pouvoir reprendre sa route sans crainte. Et surtout elle espérait qu'il ne vienne pas de Saona, sa peur d'être démasquée était si intente que la jeune femme était prête à tout pour ne pas retourner chez elle.

Adélaïde remarqua qu'il porta sa main à son katana, c'était là un geste plutôt normal puisqu'elle le pointait de son arc elle ne le prit donc pas comme une réelle menace, en revanche elle ne comprit pas la petite mascarade qui s'en suivit. Sans savoir pourquoi, il posa le genoux à terre puis lui fit une révérence. La belle avait réelle l'impression qu'il se fichait d'elle et qu'il ne la prenait pas au sérieux, ce qui eut pour effet de l'énerver davantage, pour qui la prenait-il ? Elle n'était pas une lady ou une jeune fille bien élevée, il pouvait garder ce genre de simagrées pour les petites donzelles que l'on courtise facilement avec deux ou trois vers de poèmes et des regards enflammés. Interloquée par ce geste, Adélaïde ne réagit pas tout de suite lorsqu'il partit se rasseoir, on voyait bien qu'il ne la prenait pas au sérieux et que pour lui elle ne représentait aucun danger. Le petit sourire qui se dessina dans le coin de sa bouche finit de mettre la jeune femme hors d'elle. Elle avait beau restée impénétrable, au fond d'elle-même elle bouillonnait.

La petite pique qu'il lui lança lui permit de trouver le courage de se défendre, à peine eut-il prononcé ses paroles que l'Ancienne lâcha sa corde. La flèche qu'elle tenait encore il y a quelques secondes entre ses mains se mit à fendre l'air pour aller se planter dans un arbre derrière l'inconnu. Adélaïde n'avait pas voulu le blesser, mais sa flèche frôla le bras de l'homme qui lui faisait face, son visage neutre laissa place à un regard noir. Sans lui laisser le temps de riposter, l'Ancienne se hâta de reprendre une flèche et retendit son arc pour viser à nouveau ce petit gringalet. Puis alors qu'elle était restée jusque là silencieux elle lui dit d'une voix claire :


- Ce n'est pas à vous de poser les questions. Je ne cherche ni ennuis, ni ami, je veux simplement savoir si vous représenter un danger. Reprenez cet air désinvolte et cette fois-ci ma flèche n'ira pas se planter dans un arbre, mais bien dans votre bras. Maintenant dites moi ce que vous faites dans les parages et si vous vous rendez à Saona !


Comme lors de sa première intervention Adélaïde releva son arc, prête à tirer. Étrangement sa peur avait disparu et elle se sentait calme. En tirant cette flèche, sa rage était partie et elle était dorénavant prête à écouter ce jeune homme.

En tirant cette flèche, sa rage était partie et elle était dorénavant prête à écouter ce jeune homme. Cependant, l'homme qui lui faisait face ne l'entendait pas de cette façon, c'était désormais à son tour de ne plus se maîtriser. À peine la flèche avait-elle frôlé son bras, que son visage s'était durci et une certaine noirceur avait envahi son regard. Il était clair que la belle venait de froisser l'inconnu qui lui faisait face. Adélaïde pouvait comme ressentir une lueur de défi dans ses yeux, il est vrai que son geste n'avait pas été des plus amicaux et qu'elle aurait dû s'attendre à une telle réaction. La peur avait beau montré le bout de son nez, elle ne le regrettait pas pour autant. Elle préférait se faire un ennemi plutôt que de passer pour une jeune femme sans défense.

Désormais debout, il porta sa main à la garde de son katana, ce geste ne rassura pas l'Ancienne qui malgré son assurance ne souhaitait pas en arriver au combat. Les seuls affrontements qu'elle avait menés jusqu'à présent s'étaient déroulés dans ses songes et le peu d'entrainement qu'elle avait reçu dans le maniement de l'arc lui venait d'un vieux forgeron qui lui avait appris à tendre sa corde et viser une cible statique. Il était clair que la belle n'était en rien préparée à livrer bataille. Pourtant, malgré son manque de savoirs, elle ne voulait pas reculer devant la peur, la fuite n'était pas une solution, elle le savait. Surtout que la tension qui régnait entre les deux jeunes gens avait été causée par elle. Si elle faisait demi-tour maintenant, elle serait à tout jamais marquée par cet événement et le mot lâche résonnerait pour toujours en elle.

Les paroles du jeune homme confirmèrent le ressenti d'Adélaïde, elle l'avait vraiment mis en colère. Même si elle avait peur que la situation dégénère, elle ne se laissa pas pour autant laisser faire et n'hésita pas à lui répondre d'une manière quelque peu effrontée :

- Je n'ai en aucune façon besoin de votre aide, être une femme ne fait pas de moi un pauvre être égaré à qui l'on doit porter secourt.

Il est vrai que c'est ce qu'elle avait ressenti lorsqu'il s'était incliné et était retourné s'asseoir alors qu'elle le menaçait de son arc. Si elle avait été un homme il n'aurait pas réagi de la même manière et aurait surement été dès le début sur ses gardes. En tout cas il n'aurait pas pris l'air désinvolte qu'il avait auparavant. Même si l'Ancienne avait le coeur remplit de courage, celui-ci commençait à battre très fort dans sa poitrine. Lorsque l'inconnu commença à s'approcher d'elle et sortie légèrement son katana de son fourreau, le coeur de la belle sursauta. Elle ne désirait pas l'affronter, plus il s'approchait et plus elle redoutait cet instant, car tirait sur une cible éloignée était une chose, mais devoir en venir à un combat rapproché en était une autre. Elle n'avait pas choisi l'arc comme arme principale sur un coup de tête, elle savait que face à un homme elle ne faisait pas le poids dans corps à corps.

Elle avait beau être assez rapide, les rares coups qu'elle avait portés à un mannequin de bois n'avait jamais été très puissants. Ainsi la panique commençait à s'emparer d'elle. Régulant sa respiration, elle essayait de se calmer, à peine quelques secondes plus tard son coeur avait déjà retrouvé un rythme plus ou moins normal. Même si au fond d'elle elle était terrorisée, son corps ne laissait plus transparaître ses émotions, elle profita donc de ce moment pour dire à l'inconnu :

- Restez à bonne distance, ne vous approchez pas davantage !

Ses paroles auraient pu résonner dans toute la forêt que le jeune homme les auraient tout en autant ignorer. Malgré ces protestations il continuait d'avancer et cela ne calmait pas la belle qui à chaque nouveau pas perdait davantage son sang froid. Elle tenta une dernière fois de le raisonner en vain :

- Si vous continuez d'avancer, je n'hésiterais pas à décocher ma flèche...Vous avez entendu, Stop !

Elle lâcha ce dernier mot dans un léger hurlement juste avant de lâcher la corde de son arc. Elle n'avait pas cherché à le blesser, c'est pourquoi elle avait baissé son arme et plantait sa flèche aux pieds de l'individu. Tout ce qu'elle voulait c'était qu'il s'arrête et que chacun reparte de son côté, mais était-ce encore possible, il n'avait pas apprécié qu'elle décoche une flèche et maintenant elle en avait relâché une seconde. Peut-être allait-il prendre celle-ci comme un défi et puis, pouvaient-ils réellement apaiser la situation, le combat n'était-il pas imminent ? Intérieurement Adélaïde se trouvait chanceuse d'une certaine manière, car même si elle allait devoir mener son premier combat, cela avait beau la terrifier, elle était tout de même apaisée par le fait qu'il se déroule dans la forêt. Dans cet endroit elle avait toutes les chances de gagner, car c'était son univers et même si elle y avait toujours été retenue prisonnière elle ne pouvait s'empêcher de s'y sentir chez elle et en sécurité.