Le vestiaire de la caserne de Ferèsis est dans un état vétuste. Alors que les barreaux des cellules sont renforcés en acier de Ferèsis et les couchettes changées régulièrement, la moitié des portes des casiers ne ferment même plus. Après tout, personne ne s'est jamais plains de vols, alors pourquoi réparer tant que les étagères tiennent debout. Mieux vaut ne pas évoquer le carrelage du sol et le bas des murs qui est fêlé ou encore l'état de la tuyauterie des douches, au moins ces dernières ont encore des portes qui restent droites.

Marissa ne pense pas trop à cela, elle s'agace contre la porte de son casier qui ne tient que sur un gong, mais sans plus. Elle dépose dedans sa veste de cuir et l'échange comme l'uniforme de la garde de Ferèsis. Elle n'a toujours pas l'habitude de porter une armure de métal complète. Celle-ci est assez légère et laisse assez d'amplitude, mais cela reste lourd sur les épaules, elle qui n'a toujours porté que du cuir et un simple plastron. Les avant bras sont détachés des protections à l'humérus qui ne couvrent que le dessus. Ce sont surtout les protections aux jambes qui lui pose problème, elle qui a toujours misé sur sa rapidité à se déplacer en combat plutôt que la force de ses coups.

Dans le couloir, quelqu'un l'appelle. Elle se dépêche de fixer la dernière épaulette puis sort dans la cour intérieure de la caserne.

L'arvèles s'aligne avec plusieurs autres soldats. Leur supérieur de l'après-midi arrive quelques secondes plus tard. Marissa a pris ses fonctions dans la garde depuis seulement quelques jours, elle ne le connaît pas encore. C'est un homme à peine plus âgé qu'elle. Il a les cheveux d'un roux terne, rasés sur les côtés et tressés. Il porte un uniforme assez similaire à celui des simples gardes, si ce n'est qu'un écusson rouge est incrusté sur le plastron de son armure. Il crie à ses soldats :

- Garde-à-vous !

Et il continue en marchant le dos bien droit, lentement devant eux, allant d'un bout à l'autre de la ligne à plusieurs reprises tout en inspectant leur armure :

- Vous deux allez faire la relève au palais du Général, les élections approchent à grand pas. Seuls ceux avec une autorisation du principal conseiller peuvent entrer. Il leur tend les précieux sésames. Toi tu peux aller à l'accueil, il y a pas mal de flux aujourd'hui, ils ont besoin d'aide pour gérer les dépôts de plaintes et les cellules. Toi, toi, et toi, vous allez venir avec moi sur une intervention, allez dans la salle de réunion, je vous y rejoins dans un instant. Et vous deux, un forgeron a reçu des menaces des Récleyès par lettre anonyme, nous ne voulons courir aucun risque. C'est la forge à l'angle de l'avenue Oliensthon et la rue des sifflements. Allez-y et montez la garde, on vous relèvera au prochain service.

Le capitaine s'éclipse dans la caserne et chacun part de son côté. Marissa traîne un peu des pieds à l'idée de devoir faire le piquet devant une forge. Son collègue au contraire ne semble pas alourdit par son armure et se met en route. À peine est-il sur le trottoir en face de la caserne, que les citadins se poussent pour le laisser passer. Marissa a largement assez de place pour marcher à côté de lui. Comme on lui a appris pendant sa courte formation, elle emboîte le pas de son collègue et ils avancent d'un même pas vers la forge, leurs armures créant un fracas presque rythmique.

Assise face à une carte de la ville de Ferèsis, Marissa indique chaque quartier et lieux emblématiques de la ville sur sa feuille. Lorsqu'elle s'était engagée dans la garde de Ferèsis et qu'on lui avait parlé d'une formation à suivre avec un examen obligatoire, elle était loin de s'imaginer cela.



Un mois et demi auparavant, Marissa était revenue à Ferèsis le ventre vide et sans aucun espoir. Nubia n'était pas revenue depuis son affrontement avec un dragonnier liare dans la vallée d'Accro. Marissa avait traversé seule les montagnes de saphir sans prendre le temps de s'arrêter en ville, dormant à peine quelques heures à la belle étoile ou dans une grotte. Elle avait l'intention de franchir le mont Torgern pour retourner dans le pays du feu, mais elle avait fini par écouter son corps. Elle était épuisée. Elle s'était effondrée sur un banc dans l'un des parcs publics de la ville. Au petit matin, l'un des gardes de Ferèsis l'avait réveillé pour la faire partir. Ellyn avait erré dans la ville toute la journée, dépensant sa dernière pièce pour un petit pain aux épices. Cela calma son ventre pour quelques heures.

Avant la nuit, elle avait suivi une patrouille jusqu'à leur caserne et était rentrée pour se mettre à l'abri de la pluie qui commençait à tomber. Elle s'assit dans la salle d'attente face à une fenêtre d'où elle pouvait voir la pluie s'intensifier. Quand son tour arriva, elle alla s'en trop réfléchir au comptoir où l'attendait un garde qui était là pour recevoir les plaintes et personnes convoquées. Elle ne le regarda pas directement, elle n'était pas tout à fait là quand elle lui demanda comment faire pour intégrer la garde si l'on avait pas suivi le cursus proposé à l'académie de Ferèsis. Sa voix était faible et son regard perdu. Il ne la prit pas tout de suite au sérieux et haussa le ton comme s'il s'adressait à un enfant qu'il réprimandait, car il lui faisait perdre son temps.

Marissa recula du comptoir et lui montra les armes qu'elle avait sur elle. Elle ne savait pas bien pourquoi elle s'acharna à lui prouver qu'elle était tout à fait digne d'intégrer la garde. Elle énuméra plusieurs des combats qu'elle avait mené, en omettant bien sûr le dernier en date. Le garde ne voulut pas plus perdre son temps et lui indiqua une affiche au fond de la salle où il y avait tous les renseignements dont elle avait besoin. C'est ainsi que le lendemain, après être passée au bain public, elle se rendit au centre de formation à l'extérieur de la ville. Après avoir rempli un formulaire, on l'invita à revenir en début de semaine prochaine pour passer l'examen d'entrée.

Ce fut une formalité pour Marissa, même si à plusieurs reprises, on dut lui répéter les consignes. Elle n'écoutait pas vraiment et n'était pas à fond dans ce qu'elle faisait, mais au final, elle put s'installer le soir même dans le quartier des recrues.

Après avoir rendu sa copie un quart d'heure avant la fin de l'épreuve, Ellyn se dirigea vers le lac artificiel près de l'école de formation. Les épreuves théoriques de la matinée étaient terminées. Elle avait deux heures pour se reposer avant que les examens physiques ne commencent. Le plus dur était passé selon elle, c'est pourquoi elle voulut se rendre au lac pour manger rapidement et se reposer.

Dans sa besace, il y avait un petit pain aux graines de courge avec un morceau de fromage de chèvre, elle avait même trouvé un vieux pot de miel dans la cuisine de l'école et avait ajouté juste une cuillère. Elle avait aussi sur elle l'épée réglementaire des recrues, ainsi qu'un arc, ses flèches et le fouet de sa mère. À peine fut-elle arrivée au lac, qu'elle posa l'arc, laissa tomber le carquois par terre, les flèches faillirent en sortir complètement, et se déchargea de l'épée et de son fourreau. Il ne reste sur elle, que le fouet lorsqu'elle s'assit à deux mètres de l'eau.

En mangeant son sandwich, elle repensa aux épreuves du matin. Si elle n'avait eu aucune difficulté avec la géographie, elle se sentait bien moins satisfaite de ce qu'elle avait produit pour l'épreuve de stratégie argumentée et pour l'épreuve de réflexion libre sur un thème de l'armée. Ces dernières semaines lui avaient donné l'impression de revenir à l'académie de Ferèsis.

Elle avait beaucoup repensé à ses amis de l'époque, se demandant ce qu'étaient devenus Charlotte et Hans. Mais aujourd'hui elle avait l'esprit clair, elle était focalisée sur un objectif simple. Depuis longtemps, elle n'avait pas ressenti ce sentiment d'accomplissement. Même si l'examen n'était pas fini, elle s'était surprise à aimer passer ces quelques semaines avec les autres recrues à essayer de donner le meilleur d'eux-mêmes. Adolescente, elle avait si catégoriquement refusé d'intégrer l'armée, trouvant l'institution trop rigide et pensant qu'elle la priverait de sa liberté. Aujourd'hui, elle y trouvait un réconfort et après tout, elle était libre de partir quand elle le désirait. Elle ne subissait aucune contrainte et il n'y avait pas de clause, dans le contrat qu'elle avait signé, l'obligeant à rester un temps déterminé.

Son petit pain terminé, elle s'allongea dans l'herbe et regarda le ciel parsemé de nuages. Pendant une seconde, elle eut l'impression de voir une ombre dorée derrière un nuage. Elle chassa la pensée de Nubia et fit le vide dans son esprit. Les épreuves qui l'attendaient demandées toute sa concentration. Elle ne pouvait pas se laisser submerger par le souvenir du dragon. Les premiers jours, elle avait continué de pleurer le soir quand tout le monde dormait. Ses larmes coulaient silencieusement toutes seules alors qu'elle avait les yeux fermés et le visage quasiment impassible.

Les mains l'une sur l'autre, sur son ventre, elle laissa glisser son coude gauche sur le côté et caressa de son pouce le manche du fouet. Elle y sentit la gravure du chat de sa grand-mère. Cela l'aida à se concentrer et se focaliser sur l'instant présent. Personne ne vint la déranger, elle avait le lac pour elle seule. Elle resta ainsi allongée pendant plus d'une heure. Elle fermait de temps à autre les yeux quelques secondes, sans jamais vraiment s'endormir. À rester ainsi à flâner, elle sentit peu à peu ses membres s'engourdir. Il lui restait une demi heure avant de devoir se rendre à la petite pâture près de l'école où allait se dérouler l'épreuve de tir à l'arc quand elle se décida enfin à se lever.

Elle passa deux bonnes minutes à s'étirer dans tous les sens pour se réveiller. Puis elle ramassa en premier l'épée, elle la sortit de son fourreau et vérifia que la lame était impeccable avant de la remettre à sa ceinture. Elle enfila ensuite le carquois après avoir bien remis les flèches à l'intérieur. Elle avait emmené tout juste le nombre de flèches demandées pour l'examen et ne pouvait donc pas s'entraîner. Il était de toute manière temps de retourner à l'école, la pâture se trouvait de l'autre côté. Sa besace sur l'épaule, elle tourna le dos au lac et s'en alla d'un pas lent. Elle n'était pas si pressée que cela de terminer les épreuves et de retourner à la réalité. Le temps à l'école de formation s'était comme suspendu. Après ce qu'elle avait enduré ces derniers mois, la faim, le froid, la solitude, elle avait trouvé un refuge dans cet endroit et elle ne savait pas du tout ce qu'il l'attendait après.

Marissa prit donc son temps pour se rendre à la prochaine épreuve afin de faire durer ce moment, mais elle resta déterminée à donner le meilleur d'elle-même. Il fallait qu'elle avance, même si son chemin restait encore obscure.

Plusieurs recrues étaient déjà arrivées et attendaient à l'entrée de la pâture. Trois d'entre eux discutaient ensemble, tandis que les deux autres étaient restés chacun en retrait d'un côté de la barrière. Ellyn s'approcha directement de la barrière en saluant chacun rapidement d'un petit signe de tête. Elle put voir les supérieurs sur le côté avec un calepin chacun dans leurs mains. Le tir à l'arc n'avait jamais été sa grande spécialité, alors elle n'était pas pressée que son tour arrive.

Sur les dix flèches qu'elle tira, seules deux arrivèrent au centre de la cible. Les autres en étaient proches, mais clairement elle était dans la moyenne. Au moins elle n'en avait pas mis une en dehors de la cible comme la jeune fille qui était passée avant elle. Elle était en revanche parmi les plus rapides et elle espérait que cela aurait une incidence positive sur sa note. Toutes les recrues attendirent que chacun soit passé avant de quitter le champ de tir. Ils se rassemblèrent en rang et partir ensemble d'un même pas vers la dernière épreuve de l'examen : le combat libre.

Les duos étaient formés au hasard. L'un des examinateurs tira au sort tous les noms avant le début de l'épreuve. Marissa se retrouva face à un homme un peu plus jeune qu'elle. Ils ne s'étaient pas adressés la parole durant leurs semaines de préparation, alors elle ne savait pas à quoi s'attendre de sa part. Elle resta silencieuse, adossée contre le mur d'une bâtisse. L'examen avait lieu dans l'arène de l'école. C'était un endroit assez sobre. Tout le matériel d'entraînement était rangé, la place était vide avec seulement quelques bancs sur les côtés déjà pris par d'autres recrues. Les combats s'enchaînèrent et clairement, personne ne retenait ses coups. L'une des recrues faillit avoir la main tranchée par son adversaire, les supérieurs mirent fin au combat plus rapidement, estimant en avoir suffisamment vue.

Quand arriva le tour d'Ellyn, elle laissa par terre l'arc, les flèches et sa besace, puis elle se positionna au centre de l'arène, face aux examinateurs. Du coin de l'œil, elle aperçut l'arme choisit par son adversaire : une épée à deux mains. Il n'avait pas particulièrement une forte carrure, mais cela ne l'empêchait pas de soulever l'épée comme si ce n'était d'un brin de paille. Il avait laissé de côté l'épée réglementaire qui n'était pas obligatoire pour l'épreuve. Marissa quant à elle la laissa dans son fourreau et s'empara de son fouet. Les examinateurs prirent quelques notes avant de déclarer le début du combat. Tous les deux se firent face et se saluèrent. Puis le combat commença. Ce fut son adversaire qui attaqua le premier. Marissa fit claquer son fouet à ses pieds, contrairement à ce qu'elle s'attendait, il était rapide et esquiva sans difficulté. Il se rapprochait dangereusement d'elle.

Son fouet au-dessus d'elle, elle le fit tournoyer et attendit le dernier moment pour l'abattre sur son bras. Il s'enroula et elle put tirer un coup sec pour lui faire perdre son équilibre. Ce n'est qu'à ce moment qu'elle sortit son épée et l'attaqua. Mais une fois encore, il fut assez rapide pour l'éviter et l'attaqua sur le côté. Marissa para le coup, elle dut y mettre les deux mains pour tenir face à la force de son adversaire. Sa prise n'était pas parfaite à cause du fouet toujours dans sa main. Le tenir avec l'épée n'était pas évident. Le manche de l'épée était plus épais que celui de la rapière avec laquelle elle avait l'habitude se battre. Il l'a fit reculer de plusieurs dizaines de centimètres. Elle tourna sur elle-même et se retrouva dans le dos de son adversaire. Cette fois-ci le fouet claqua dans son dos. Elle l'attaqua une seconde fois au visage alors qu'il se retournait et il ne put éviter l'attaque.

Il avait un petit sourire en coin alors qu'il se mit à cracher du sang. Il n'eut pas le temps de reprendre ses appuis, Marissa fit claquer à plusieurs reprises son fouet à ses pieds pour le faire reculer. Elle garda l'avantage de l'attaque deux bonnes minutes. On aurait dit qu'elle le faisait danser, quand elle vit une ouverture, elle lâcha définitivement le fouet et l'attaqua par le bas, remontant violemment l'épée sur son ventre. Elle le frôla de quelques millimètres puis ils échangèrent plusieurs coups qui résonnèrent dans l'arène. Alors qu'elle allait lui asséner un coup de grâce, prête à l'embrocher. Il réussit à d'elle et contre tout attente retourna son épée pour enfoncer le pommeau dans le ventre de Marissa. Son souffle fut couper par le coup. Il ne la laissa pas respirer et retourna son épée pour l'abattre sur son épaule gauche. Marissa se jeta au sol et fit une roulade avant. Dans son mouvement, elle lâcha l'épée.

Elle savait que cela risquer de signifier la fin du combat si elle ne récupérait pas rapidement l'une de ses armes. Il courut vers elle en criant pour la faire reculer, la pointe de son épée en avant. Marissa ne se laissa pas intimider et ne bougea qu'au dernier moment pour l'esquiver. Leurs épaules se frôlèrent. Une fois de plus elle se jeta au sol et elle eut assez de temps pour récupérer l'épée et le fouet qui était à seulement un mètre de là. Il avait perdu son équilibre et il lui fallut plusieurs pas pour se redresser avant de se retourner pour lui faire face, mais il ne la vit pas. Marissa avait rangé l'épée et était partie sur le côté. Alors qu'il tournait sur lui-même, il sentit le fouet lui claquer le visage. Marissa ne le laissa pas réagir et se jeta sur lui. Elle se servit de son fouet pour l'étrangler, elle glissa derrière lui et mit tout son poids pour le faire tomber à la renverse. Il résista et dut lâcher son arme pour retenir l'étreinte du fouet.

Il n'arriva pas à s'en défaire et mit plusieurs coups de coude dans le ventre de Marissa, mais au lieu de la faire lâcher, elle serra encore plus le fouet. Les examinateurs mirent alors fin au combat alors qu'il était en train de suffoquer.

Il ne restait que deux autres combats après le leur. Ils durent attendre avec les autres recrues que tous soient passés. Ce n'est qu'à ce moment qu'on les invita à retourner au dortoir pour préparer leurs affaires. Avant la soirée, les résultats seraient donnés et soit ils seraient invités à rentrer chez eux, soit ils recevraient leur affectation s'il était pris dans la garde de Férèsis. Marissa traîna des pieds pour aller au dortoir, après tout elle n'avait pas grand chose à préparer. Son lit était fait au carré et elle n'avait que peu d'affaires personnelles à mettre dans sa besace qu'elle avait avec elle.  

Quand les résultats furent afficher à l'entrée du dortoir, l'une des recrues craqua et se mit à pleurer, elle avait raté de peu. D'autres se prirent dans les bras, heureux d'être affectés au même endroit que ceux avec qui ils avaient sympathisés. Son adversaire de l'après-midi avait vraisemblablement réussit, car il affichait un grand sourire en sortant. Marissa attendit qu'il n'y ait plus personne devant la feuille des résultats pour aller la consulter. Elle était la troisième meilleure de sa promotion, comme elle s'y était attendue, l'épreuve de tir à l'arc ne lui avait pas rapporté beaucoup de points. En revanche, elle fut étonnée d'avoir l'une des meilleures notes aux tests de la matinée. Quant à son combat, elle avait une excellente note, mais elle était accompagnée d'une note lui disant de moins de se mettre en danger et on lui déconseillait d'utiliser le fouet, même si elle savait parfaitement s'en servir. Elle ne prit pas réellement ces remarques en considération et partit pour Férèsis afin de se présenter à la bridage où elle devait prendre ses fonctions trois jours plus tard.




Quand ils arrivèrent à la forge, ils entendirent le fracas du marteau contre l'acier. L'endroit ne payait pas de mine. L'enseigne en fer forgé représenté un cygne avec dans son bec un marteau. Ce fut son coéquipier qui alla se présenter au forgeron et le prévenir de leur présence. C'est à peine s'il lui répondit. Quand il revient à l'extérieur, il leva les yeux au ciel sans faire de commentaire et se mit au garde-à-vous à coté de la porte d'entrée. Marissa l'imita de l'autre côté et resta silencieuse.

L'endroit était calme, même la rue n'était pas très fréquentée. C'était à se demander pourquoi les Récleyès avaient envoyé une lettre de menace. Peut-être que tout cela n'était qu'un canular après tout, mais les ordres étaient les ordres et aucun d'eux n'étaient prêts à les remettre en question. Ils restèrent ainsi pendant deux bonnes heures. Il n'y avait eu qu'un touriste qui était entré et ressortit à peine quelques minutes après. Quand tout à coup la porte s'ouvrit en grand, laissant apparaître le forgeron. La porte manqua de peu de frapper l'épaule du coéquipier de Marissa. Il avait dans les mains deux gobelets d'eau qu'il leur tendit.

Marissa et son coéquipier acceptèrent avec plaisir le gobelet d'eau. Lui le vida d'une traite, alors qu'elle ne prit qu'une gorgée, mais le garda en main. Son coéquipier remercia le forgeron et lui rendit le gobelet. Ce dernier entama alors la conversation.

- Merci d'être venu. Je n'ai pas vraiment peur de cette menace, mais on est jamais trop prudent. J'ai terminé ma commande et on devrait venir la chercher avant le début de soirée. Quand elle sera partie, vous pourrez partir.

Marissa était curieuse de savoir ce qu'il avait fabriqué de si précieux pour qu'on mobilise la garde de la ville à la surveillance de cette forge. Elle n'osa rien demander, contrairement à son coéquipier qui demanda sur un ton neutre, sans insister pour autant :

- Et de quoi s'agit-il ?

- C'est un lot d'armes en acier de Ferèsis. Je suis spécialise en arbalète et je confectionne des carreaux très résistant. C'est ma mère qui m'a montré plus jeune comment rendre l'acier de Ferèsis encore plus résistant. C'est un secret de famille et personne dans les montagnes n'a su égaler notre savoir faire pour les carreaux. Peut-être que vous avez déjà entendu parler des arbalètes Winslove.

Effectivement, Marissa avait déjà entendu son père lui en parler et à en voir le regard de son coéquipier, lui aussi connaissait ce nom et était plutôt impressionné de faire la rencontre de ce forgeron reconnu parmi les Arvèles. Ce n'était pas étonnant que son travail intéresse les Récleyès. N'importe quel soldat, peu importe sa confrérie, avait déjà entendu parler de ces armes connus à travers tout Madelle.

- Bien sûr ! Enchanté de faire votre connaissance. Il hésita avant d'ajouter. Vous pourriez nous montrer l'une de vos armes ?

Le forgeron, qui jusqu'à maintenant avait paru assez bourru, afficha un large sourire. Il ouvrit la porte de sa boutique et lui répondit :

- Pourquoi pas, entrez ! Vous pouvez bien laissé votre poste un instant.

Marissa n'avait jamais été très à cheval sur les règles. Cela ne l'a dérangeait aucunement de quitter son poste pour aller voir l'antre du forgeron. Elle termina son gobelet d'eau et accepta l'invitation. Son coéquipier derrière elle, le forgeron referma la porte derrière eux. Il passa ensuite devant eux et les fit passer derrière le comptoir pour aller dans l'arrière pièce où se trouvait la forge. La chaleur était suffocante pour quelqu'un n'ayant pas l'habitude, en quelques secondes le soldat se retrouva à suer à grosses gouttes contrairement à Marissa qui se délectait de cette chaleur familière.

Sur le côté de la pièce, il y avait une large caisse posé sur un établi encombré. Le forgeron l'ouvrit et en sortit une arbalète finement sculpté dans un bois d'ébène réhaussé de plaque de métal très simple. Il n'y avait aucune décoration, mais le nom de Winslove était gravé sur le côté. Il sortit également un carreau et tendit l'arme au soldat et le carreau à Marissa. Elle soupesa l'arme, son équilibre était parfait et comme annoncé, le carreau était d'une grande légèreté. Son coéquipier examina l'arbalète sous tous ses angles avant de la tendre à Marissa. Elle voulut lui donner le carreau, mais il le refusa poliment. Dans un réflexe, elle arma l'arbalète et visa le fond de la salle.

Le forgeron était derrière eux, il lui demanda en s'avançant vers elle pour corriger sa position :

- Est-ce que je peux me permettre ?

Elle fit oui d'un signe de tête. Il fit glisser sa main droite pour qu'elle soit bien positionnée. Marissa était bonne tireuse au fusil, mais en revanche, elle n'avait pas l'habitude de cette arme et elle n'avait pas fait partie de leur entraînement ces dernières semaines à la caserne des recrues. Le forgeron ajouta :

- Allez y, tirez un carreau, ce poteau face à vous en a déjà vu de toutes les couleurs.

Elle ne fit pas prier et décocha le carreau qui fila à toute vitesse se planter dans le bois tendre. Elle baissa l'arme alors que son coéquipier allait récupérer le carreau. Tandis qu'elle rendait l'arbalète à Wnslove, son coéquipier dut tirer de toutes ses forces pour réussir à défaire le carreau qui s'était enfoncé de moitié.

- Hé ben ! On ne dirait pas comme ça, mais c'est qu'elle est puissante votre arbalète. Je comprends pourquoi tout le monde vous envie votre acier. Quand il l'eut en main, il s'exclama. Ha ouais ! C'est ultra léger, c'est à peine si on sent son poids. Tenez.

Les deux soldats remercièrent le forgeron avant de retourner à leur poste. Le soleil était encore haut dans le ciel, l'après-midi ne faisait que commencer quand une ombre attira le regard d'Ellyn. Quelqu'un se tenait à l'angle de la rue et les observait. Le temps qu'elle se tourne vers son coéquipier pour l'en informé, l'ombre disparut. Ils restèrent alors tous les deux aux aguets. Ce n'était peut-être qu'un gamin curieux ou juste un passant qui s'était trompé de direction, mais ils redoublèrent d'attention.