Vous avez cessé de compter les étoiles qui perlent votre univers figé. Le temps lui-même semble s'être effacé devant votre attente infinie. Vous avez cessé de compter les années, les décennies, les siècles qui vous éloignent du jour impie où on vous a séquestré ici. Avez-vous fait quelque chose pour le mériter ? Vous ne vous en souvenez plus. Vous avez cessé de compter vos souvenirs fuyants comme du sable entre vos doigts. Le désert vous manque. Peut-être vos frères et vos sœurs également. Peut-être êtes vous mort, tout simplement.

Si c'est le cas, vous ne vous satisfaites vraiment pas de votre situation : le néant béant aurait été préférable à cette immortalité factice. Vous avez essayé de briser les limites de votre univers immobile, les premières décennies de votre existence en ces lieux. En vain, toujours. Les Chamans ont fait un travail terriblement efficace. Vous avez crié, vous avez pleuré, vous avez supplié. Personne n'est venu vous libérer. Vous êtes seul depuis tellement d'années qu'il vous semble que vos vagues souvenirs ne sont qu'une invention de votre esprit étriqué par une autre éternité passée.

C'est pourquoi, lorsqu'un souffle d'air s'engagea dans votre demeure astrale, vous avez cru à une illusion sinistre. Vous avez arrêté de compter sur l'espoir, après tout. La lumière vous aveugle. Vous êtes si stupéfait que vous vous retrouvez aspiré hors de votre monde -votre enfer personnel, que vous en oubliez d'observer. Les couleurs défilent. L'univers vacille.

Vous êtes de nouveau en vie.
Mais pas dans votre corps.