Tu t’es levé de bien mauvaise humeur ce matin. T’asseoir sur ton matelas dur relève de l’exploit et un mal de dos semble te promettre une journée fort agréable. Tu pousses un très long soupir et te lèves avec peine. Tu pousses le battant qui délimite l’entrée de ta tente et profites de l’espace pour t’étirer de tout ton long. Ton soupir, cette fois, n’est que soulagement. D’un pas rendu hésitant par ton esprit encore embrumé, tu te diriges vers le cœur des évènements.

Alors que tu arrives au milieu des activités de la Fête de la Vérité, ton esprit est bien trop agressé par tant de couleurs, de cris et d’animation. Tu grimaces et bifurques entre deux tentes bariolées à la recherche d’un endroit plus paisible. Après quelques minutes de marche à fuir le bruit des festivaliers déjà déchainés, tu trouves enfin ton bonheur : un grand abri de tissu aux teintes grisâtres. A l’entrée, une grande pancarte indiquant ce que tu cherches, une bonne taverne servant de la liqueur fraiche et pas chère. L’ombre d’un sourire satisfait vient secouer ta barbe lorsque tu t’engouffre dans l’établissement de fortune.

Un coup d’œil autour de toi t’apprend que peu de gens ont eu la même idée que toi, si bien qu’il règne dans la taverne improvisée une ambiance paisible. Quelques messes basses proviennent des tables occupées. Tu t’approches du comptoir, très simple, composé d’une planche de bois tendue entre deux tonneaux, et attends que le propriétaire des lieux s’approche. Tu pourrais le héler afin d’être servi au plus vite mais tu rechignes à rompre la quiétude -rare dans ce genre d’établissement !- qui règne dans le chapiteau. Et puis, il est encore tôt, tu as le temps devant toi, pourquoi se hâter dès le lever du jour ? Tu n’oses pas t’accouder au montage bringuebalant, tu restes donc debout, patient, en attendant que quelqu’un vienne te servir.

Lorsque le maître de la boisson se montre enfin, tu lui demande un grand verre à base de liqueur d’Iradies. Tu ne savais pas que cela existait, tu ne sais d’ailleurs pas de quoi il s’agit, mais la couleur rougeoyante de la bouteille a attiré ton œil. C’est comme si l’on avait mis de la lave en bouteille. Fasciné, tu payes le commerçant puis ramènes le jus jusqu’à une table vide. Tu aurais pu te joindre à quelques personnes déjà présentes mais les rires qui s‘élèvent ça et là laissent à penser que les convives ont déjà fait amplement connaissance. Toi, timide comme tu es même si l’on ne dirait pas derrière tes airs de brute épaisse, te joindre à groupe ? Non, très peu pour toi.

Une fois assis, après l’avoir longuement contemplé, tu goutes enfin le fameux brevage, appréhendant presque d’être déçu par l’arôme. Mais, à ton grand étonnement, celui ci est succulent ! Sucré, légèrement acide et surtout donnant une impression très étrange de chaleur dans la gorge, comme si tu étais réellement en train de boire le sang des volcans. Tu reposes ton verre encore bien plein sur la table avant de te plonger dans tes pensées. Cette matière mériterait que tu t’y intéresse. Quels maux pourrais tu soulager à l’aide de cette potion magique ?