Voilà trois heures que le marché avait commencé, et le nombre de clients atteignait son maximum, comme chaque fois à ce moment-là. De plus en plus de monde affluait sur la place du marché du marché de Saona. Je criais à plein poumons, vantant mes produits venant de tout Madelle, meilleure qualité, toujours moins cher et tout ce blabla de marchande dont j'avais bien l'habitude. Lorsque quelques demoiselles intéressées s'approchaient de mon étalage, je les interpellais, les invitant à avancer avec mon plus beau sourire. Je répondais aux apostrophes des vieillards qui passaient en riant, et j'invitais les enfants à jouer avec Lalaith en convaincant leurs parents des mérites de mes produits. Bref, tout se déroulait comme à son habitude, et je continuais de vendre encore et encore, au beau milieu de l'agitation du marché.

Tandis que je rendais la monnaie en souriant et en blaguant un peu avec une vieille femme, je regardais au loin l'auberge où j'avais passé la nuit. Un endroit bien sympathique, avec un aubergiste bon vivant, le genre à bien remplir les chopes qu'on lui commande et à venir boire un coup avec vous à la fin de son service. Ce n'était pas la première fois que je passais une nuit là-bas, et à force on pouvait sans problème me considérer comme une habituée. A vrai dire, j'y passais à chaque fois que je retournais dans mon village natal, pour y voir mes parents, qui habitaient à quelques kilomètres de là, dans un petit village au cœur de la forêt.

J'étais à la fois pressée de retourner là-bas, mais en même temps inquiète. Depuis ma longue escapade quelques années plus tôt, il demeurait une sorte de froid entre nous, sans doute m'en voulaient-ils d'avoir fugué. Comme si moi, je ne regrettais pas ce que j'avais fait ! Mais bon, sans doute m'accueilleraient-ils tout de même avec un sourire, même s'ils m'en voulaient encore et que le fait que je vienne les ennuyait peut-être un peu. De toute façon il fallait bien rentrer chez soi de temps à autres… Ne serait-ce que pour saluer quelques amis rester là-bas, et au moins donner quelques nouvelles. J'ai déjà pensé à envoyer des lettres à mes parents, mais je ne savais jamais quoi mettre dedans, alors je préférais simplement venir les voir de temps à autre, lorsqu'un marché me poussait dans la forêt des Milris.

La cliente repartait, je lui souhaitais une bonne journée avant de crier à nouveau, faisant venir la foule aux alentours à mon humble échoppe, contente de la journée qui semblait bien s'annoncer...