Sous des draps de soie, Juliette s'éveille doucement. Une mèche de ses cheveux d'ébène lui barre le regard, c'est à peine si elle essaye d'ouvrir les yeux, mais la journée doit commencer et sa gouvernante ouvre d'un geste vigoureux les lourds rideaux mauves qui assuraient à la pièce une noirceur presque absolue. Julietta ne s'en plaint pas, elle enfouit son visage dans son oreiller, mais déjà elle prend appuie sur ses bras pour sortir de son lit. Le bracelet d'argent serti d'Hiswë ne la quitte jamais, pas même lorsqu'elle dort. La chambre est assez fraîche pour la saison et elle s'empresse de passer une robe de chambre en laine dont elle ne se sépare pas lors de l'arrivée du froid. Après une longue toilette dans la petite pièce d'eau qui jouxte sa chambre, Juliette enfile son corset ainsi que sa robe d'un bleu aussi lumineux que celui d'un ciel d'été avec l'aide de sa gouvernante. Puis elle se dirige à sa coiffeuse et se fait aider pour sa coiffure pendant qu'elle se maquille très légèrement. Juliette a une peau d'une grande blancheur qu'elle accentue parfois d'un peu de poudre, elle souligne aussi ses yeux verts pâle avant d'appliquer un rouge à lèvres couleur peau pour le quotidien. Pendant ce temps, sa gouvernante coiffe ses cheveux et les attaches par temps humide ou lorsqu'il y a du vent en un chignon assez simple, mais élégant. Pour terminer sa tenue, Juliette enfile des bas, puis selon son humeur des talons assez bas ou des bottines. Malgré les apparences, Juliette préfère les tenues confortables aux lourds colliers d'or. Elle entretient uniquement son image pour les affaires.

Juliette a toujours été très calme en apparence, elle a tendance à vouloir contenir chacune de ses émotions, refermant en elle aussi bien la joie que la peine. Les émotions sont des entraves pour l'esprit selon elle. Cela a toujours été compliqué pour elle de tisser des liens avec les autres, même avec sa famille. Elle a comme l'impression que son ambitieuse l'empêche parfois de prendre le temps de profiter de la vie. Le quotidien de Juliette est rythmé par sa boutique et les affaires qu'elle tente de conclure à travers tout le continent. Sa vie de famille et sa vie sentimentale sont pour elle des enjeux secondaires de la vie. Indépendante et souhaitant faire ses preuves, elle a toutefois conscience qu'il est impossible de construire en affaire sans créer de relations. Si quelques fois, elle s'est laissée tentée par quelques contrats étranges, elle tente la plupart du temps de garder des affaires honnêtes et amitiés sincères. La fin ne justifie pas toujours les moyens, Juliette a une conscience et elle n'a jamais détourné les yeux de la misère qu'elle a elle-même vécue étant enfant même si elle ne s'en rendait pas compte. Elle assume son passé, mais souhaite pouvoir saisir plus d'opportunités que celles que ses parents lui ont offert. Juliette a également développé un goût pour les objets étranges et se montre particulièrement tenace lorsqu'elle trouve un trésor. Elle est même prête à se salir elle-même les mains. Si elle tient sa position de gérante d'une main ferme, elle n'hésite pas à effectuer elle-même certaines tâches du quotidien par simple plaisir du métier ou envie de contrôle. D'un naturel curieuse, Juliette respecte malgré tout les convenances et n'est pas du genre à se montrer grossière, elle préféra user de malice pour obtenir se qu'elle souhaite. Il faut vraiment pousser Juliette dans ses retranchements et l'attaquer personnellement pour qu'elle explose. Il faut savoir que Juliette peut se montrer sans pitié face à ses concurrents, en affaire pour elle, il n'y a pas de place pour les sentiments. C'est pour cela qu'elle n'a jamais proposé à ses parents de les rejoindre et préfère les garder à distance tout en envoyant régulièrement de l'argent pour les aider. Elle ne se l'avouera jamais, mais Juliette se complaît dans sa solitude.

Le chemin jusqu'au prochain marché est long. Se tenant à la main de sa mère, Margaret, Juliette se serre contre elle de peur de se perdre. Chaque fois qu'ils se mettent en route, elle et ses parents, elle a un nœud qui se forme au fond de sa gorge. Prendre les courants marins pour voyager à travers l'océan est une chose assez banale pour les Héléos, mais Juliette appréhende toujours ce moment. Elle ferme les yeux et retient sa respiration lorsque vient le moment de passer dans le courant. Elle oblige toujours sa mère à faire une pause avant pour s'assurer qu'elle lui tient fermement la main de peur d'être emportée par le courant au moment d'entrée. Le changement est si brutal, qu'une fois alors qu'elle n'avait que cinq ans, elle fut propulsée en avant et fit plusieurs kilomètres avant d'être éjectée hors du courant. Cet épisode l'a quelque peu traumatisé et depuis elle retarde toujours le moment du départ. En revanche, elle ne se fait pas prier lorsque son père indique d'un signe de tête qu'ils doivent bientôt sortir. Ses parents sont des marchands itinérants qui parcourent le récif du nord au sud. Leur vie n'est pas facile, mais Juliette sait l'apprécier. Même si elle a du mal à se faire à cette vie portée par les courants marins, la petite fille qu'elle est aime ses parents et restent émerveillée par les paysages et personnes qu'ils croisent aux détours de leur long voyage sans fin.



Au milieu d'un champ d'algues, Juliette est en train de surveiller son petit frère Aiden. Une fois de plus, ils ont tous les deux étaient forcés de quitter la petite hutte que la famille louait pour la semaine. Les jumelles, Millicent et Althea, ont été insupportables comme à leur habitude lorsqu'ils arrivent dans un nouveau lieu. Elles ont retourné l'endroit alors que leur mère était partie au marché pour vendre ses herbes et concoctions. Juliette a bien tenté de les arrêter et séparer, tandis qu'Aiden restait tranquillement dans son coin à jouer, mais même si elle a dix ans de plus qu'elles, elles ont toujours le dessus. En rentrant, Margaret a réprimé les deux jeunes filles et envoyé Juliette et son frère cueillir des plantes pour ranger ici avec les jumelles. Aidan est en train de courir après un petit poisson d'un rouge très vif quand Juliette décide de partir vers le village le plus proche. Elle est peut-être la grande sœur et tient son rôle du mieux qu'elle peut, mais dès qu'elle en a l'opportunité, elle en profite pour s'éloigner de sa famille. Juliette arrive au village alors que les derniers étals du marché sont en train de remballer. À quelques pas d'elle, se trouve un stand de tissus et autres matériaux de couture, ainsi quelques joyaux. La marchande pose le sac qu'elle remplissait en voyant arriver cette potentielle cliente. Juliette posera à peine les yeux sur les pierres semi-précieuses et repartira avec tout un lot d'une ficelle très solide. Ce fut le premier achat de l'héléo pour essayer de se faire de l'argent. Ses petites sœurs étaient peut-être ingérables, mais si elles aimaient une chose, c'était bien les travaux pratiques. Le soir même, Juliette expliqua son plan à Milli et Thea de se servir du fil pour tisser de larges filets. D'ici deux semaines, elle serait suffisamment à l'Est pour que Juliette puisse se rendre à la plage et proposer leur marchandise à des pêcheurs humains. Ce fut la première fois qu'elle gagna son propre argent. Elle n'oublia pas de rembourser sa mère pour l'argent emprunté pour l'achat du fil, celle-ci l'enlaça en acceptant l'argent.



Derrière le comptoir d'un magasin de bric-à-brac du monde des humains, Juliette lit une lettre que son père lui a envoyé pour la féliciter de l'achat de son stand au port d'Acretis et il espère qu'elle les rejoindra pour leur dire au revoir avant de s'installer sur le continent. Elle froisse légèrement la lettre en la repliant maladroitement, elle se doutait de sa réponse. Elle ne peut s'empêcher de sourire en repensant qu'il éprouve de la fierté pour son aînée, pourtant, il disparaît quand elle pense au navire qui doit accoster aux abords d'Hélia, les navires étant interdits au-dessus de la capitale. Elle abandonne la lettre dans un tiroir et part renseigner un client. La journée se passe tranquillement, à la fermeture, le gérant lui prend les mains tout en lui souhaitant toute la réussite dans le monde des humains. C'est grâce à lui qu'elle a pu saisir cette chance formidable. Jamais elle n'a regretté sa décision de s'installer à Hélia pour quitter les marchés isolés du récif et se construire un réseau de clientèle à travers toute la région. En tournant le dos à l'échoppe, elle se revoit le premier jour ouvrir le rideau devant la vitrine et installer les boîtes transparentes remplies d'air pour préserver les sculptures de bois ou inventions fragiles des humains. Juliette a apprécié chacun des moments passés dans cette modeste boutique, elle aurait pu y rester toute sa vie et continuait d'apprendre de nouvelles choses sur le monde des humains, mais sa décision est prise depuis longtemps. Demain, elle embarquera pour le port d'Acretis. D'ici quelques années, elle réussira à obtenir son propre bateau et sa propre boutique où elle pourra vivre au-dessus avec la compagnie d'une gouvernante pour tenir les lieux. C'était son objectif, mais aujourd'hui encore elle se sent incomplète et continue de parcourir le monde à la recherche de nouvelles reliques.