Je suis née dans une époque trouble pour mon peuple, une époque de scission et d’obscurantisme. Sous la coupe d’un roi puissant mais stupide nous avions perdu notre fierté et nos connaissances dans les limbes de la peur. De plus en plus divisé nous étions un peuple sans force. Je grandis dans l’ombre de mon père, petite et frêle face à ce monstre grand et puissant. Redouté parmi les siens il était l’un des plus proches généraux du roi, l’enclume de son marteau pouvait-on dire. Souvent je l’accompagnais lors de ses visites au palais, je vis même naître le prince, étrange petit être aux yeux dorés que je devais recroisé à de nombreuses reprises par la suite.

C’est à mon adolescence que je devins d’un quelconque intérêt pour ma brute de père. Bien que toujours petite face aux autres Liares, en moi naquit la force, une force considérable que même la pierre mère ne pouvait stopper, une force accordée par le feu, voir par notre déesse elle-même selon mon père. Je sentais en effet dans mon être le feu couler, remplaçant le sang dans mes veines. Un brasier vorace et gigantesque me consumait de l’intérieur. Je suivais la voie de la guerre comme presque tous, à 14 ans je menais mes premiers combats. Femme et donc peu respectée, j’accomplissais mon devoir sans faille, et trancher les têtes des ennemis de la couronne à l’aide de Sélionne une immense faux offerte par le roi à mon père. Moi la petite liare maniant cette arme gigantesque sans effort, quand mon sort de flamme naquit, je ressemblais à un feu dévorant le champ de bataille, ne laissant que corps tranchés et calcinés derrière moi.

Quand je n’étais pas à la bataille, j’accompagnais mon père, le palais me devenant presque familier. Dans le plus grand secret, il m’apprit à lire et écrire, chose presque interdite dans notre époque. Ce fut son seul cadeau d’un père à sa fille. J’apercevais souvent au détour d’un couloir ou dans la salle du trône le jeune prince, alors encore un enfant, protéger de tout. Ses regards appuyés avaient le don de m’agacer, mais je ne faisais que lui rendre avec courtoisie, par respect dû à son rang.

C’est à mes vingt ans que ma situation changea. Ma troupe avait été désignée pour traquer et tuer des dissidents réfugiés aux abords du mont Torgern. La traque fut longue, mais en lieu et place d’une armée ennemie, nous étions tombés sur notre propre peuple affamé et fuyant la tyrannie. Je faillis périr de leur mains, tout comme mes compagnons d’armes, certains de leur faiblesse nous avions hésité à les abattre, eux non, nous croulions sous les assauts magiques et presque tous dans mon unité périrent dans la première minute, les autres suivant de près. Je ne dois qu’à ma vérité et à la puissance que lui à donner la déesse d’avoir survécu. Le feu grandit en moi jusqu’à me submerger, je me sentais disparaitre, consumée par lui.

Lorsque je rouvris les yeux, j’étais seule au milieu d’un immense cercle noircie, ami comme ennemi avaient péri dans mon feu. Je ne comptai pas la véritable histoire au roi, un grand pouvoir l’aurait inquiété, et j’aurais finie morte, exécutée pour l’exemple. Non je lui fis le récit d’une longue bataille, pleine de courage et de violence comme l’aimait les Liares, comment j’avais fini par massacrer un à un les rebelles. Le roi me fit adouber pour cela, et c’est quand je m’agenouillais devant lui pour recevoir le titre de chevalier que je sus qu’un jour je lutterais pour le voir chuter de son trône. Affectée à la garde royale, je me fis rapidement un nom parmi les autres chevaliers, ma faux s’abattait avec justice et pragmatisme, prenant toute vies que notre loi avait jugée indigne. Les Liares devaient être fort, alors j’éliminais la faiblesse.

Mais ma tâche fut momentanément mise à mal par l’idiotie d’un jeune prince. Sans savoir comment il y était parvenu, j’étais à présent jours et nuits dédiée à sa protection et son entraînement. Au palais il n’avait besoin ni de l’un ni de l’autre, il souhaitait juste posséder ce qui ne lui appartenait pas, moi. Chaque jour je repoussais ses avances maladroites, impassible et froide, mais jamais il n’abandonnait, je laissais un prince dépité au soir pour retrouver un prince déterminé au réveil.

Tout bascula après un entrainement ressemblant à tous les autres pour moi, comme à son habitude le prince se plaignait de son échec, le manque d’expérience sur le terrain étant son seul réel problème au combat d’après moi. Mais il m’imposa d’entrer dans sa chambre, je ne sus pourquoi mais cette fois-là ses avances eurent raison de ma patience. Alors qu’il m’envoyait un regard qu’il voulait séducteur, je lui lâchais le fond de ma pensée à la figure.

La réaction ne fut pas celle que j’escomptais, me dévoilant son regard doré, bien plus perçant et déstabilisant que celui du nouveau-né que j’avais vu il y a des années. Il m’attaqua avec une arme dont je ne savais me défendre, sa volonté, celle qu’il avait masquée pendant des mois derrière l’oisiveté et les plaintes. Il me piégea par sa vérité, entravant mes membres et me basculant sur le lit qui céda sous le poids de la pierre. Alors qu’il arrachait mes dessous, Ma colère grimpa en moi, mon bras s’arrachant à sa prison pour venir dévorer le visage du prince dans mes flammes. Mais elle disparut tout aussi vite quand il saisit mon poignet au vol avec une fermeté assurée. Je savais à cet instant que j’aurais pu le jeter contre le mur le plus proche, mais toute volonté d’opposition disparut de mon bras quand il le plaqua au lit et enlaça mes doigts dans les siens.

La chaleur grimpante de mon corps enflamma le lit, sans nous causer le moindre mal, et pour la première fois de ma vie je laissais une autre volonté que la mienne dominer mon corps et mes sens, et malgré moi j’adorais cet instant. Je quittais un lit fondu et un prince endormi avec un sourire radieux avec pour tout vêtement une robe de chambre que je lui subtilisais. En le retrouvant à midi pour son entrainement, je lui trouvais un air triomphal qui me mit en rage, et je faillis bien le tuer, ma faux s’abattant sur son corps au sol, mais il eut ce même sourire que celui qu’il avait quand il m’avait posséder, et ma lame dévia légèrement pour s’enfoncer profondément dans la pierre près de son crâne. Je lui promettais que plus jamais il ne me toucherait et quittais la pièce, folle de rage de ma propre faiblesse.

Ma promesse ne fut pas longue à briser, j’en vins même malgré moi à finir par en être demandeuse. Les instants dans ses bras devinrent mes plus précieux moments, et mon cœur fut bientôt sien. Au-delà de l’image de jeune garçon irrespectueux et paresseux qu’il donnait au monde, je découvris un monarque en devenir, un esprit puissant et déterminer qui redonnerait aux Liares la gloire et la force qui auraient dues toujours être leurs. Je devins son bras armé, tuant ses ennemis, luttant pour sa cause. Un jour il prendrait la place qui lui revenait, et ce jour-là je serais sa flamme qui consumerait notre monde pour le faire renaître.